Décembre 78 : Visite au KD d’une délégation de la Ligue communiste marxiste-léniniste du Canada. Son leader rencontre Pol Pot (Aberdam, 2015, p. 146).
2 décembre 78 : Heng Samrin, un insoumis khmer rouge de la région Est qui avait rompu avec Pol Pot en octobre 1977, devient président du Front d’union nationale pour le salut du Kampuchéa (F.U.N.S.K.). L’intronisation du parti se fait près de Snuol en présence de Le Duc Tho. Le Front rassemble de nombreux partisans en l’espace de quelques semaines.
3 décembre 78 : Le Vietnam met sur pied dans une zone sous sa protection dans le nord-est du Cambodge un « Front uni pour le salut national du Kampuchéa » (F.U.N.S.K.). Il est composé de KR qui ont fait défection avec Heng Samrin (futur dirigeant provietnamien) et Pen Sovann. Radio Hanoi diffuse une déclaration du F.U.N.S.K. qualifiant le régime de Pol Pot de « dictatorial, militaire, fasciste et génocidaire » (Deron, 2009, pp. 204-205).
15 décembre 78 : Normalisation des relations diplomatiques entre le Vietnam et les U.S.A. (Marangé, 2012, p. 368). Ce qui n’empêchera pas de vives attaques des Américains lors de l’invasion du Cambodge par les Vietnamiens. Les U.S.A. jouant la carte chinoise en vue de s’opposer à l’U.R.S.S., leur vieil ennemi qui avait largement contribué à leur défaite au Vietnam.
En Chine, Deng Xiaoping prend le pouvoir lors du troisième plénum du Comité central du P.C.C. Il commence à attaquer la « révolution culturelle » mais sans s’en prendre directement à Mao qui demeure, même après sa mort, une idole intouchable (Deron, 2009, p. 205). Pol Pot doit s’entendre avec ce nouvel homme fort de la Chine qui s’avère être, à la surprise des KR, un ferme soutien de leur cause.
21 décembre 78 : Le ministre de la Défense vietnamien, Vo Nguyen Giap, préconise de recours à « des forces écrasantes pour anéantir l’ennemi » (Biernan, 1998, p. 528).
22 décembre 78 : Exécution dans des conditions troubles d’un universitaire écossais spécialiste de l’Asie du Sud-Est, Malcom Caldwell, fervent soutien du régime kr. Accompagné de deux journalistes américains (Elisabeth Becker du Washington Post et Richard Dudman du St Louis Post Dispatch) qui obtiennent une interview de Pol Pot, il avait été reçu en particulier par ce dernier le jour même de sa mort. Les circonstances de sa mort demeurent obscures, peut-être liées à une rivalité de clans chez les KR et, si l’on en croit la confession d’un cadre torturé à S 21, commanditée par Son Sen (Cambacérès, 2013, pp. 256-258 ; Chandler, 1993, pp. 249-253 ; Peschoux, 1992, p. 67 ; Biernan, 1998, pp. 520-526 ; Sikoeun, 2013, pp. 260-261).
Selon Suong Sikoeun, suite à cette exécution peut-être accidentelle, le service de sécurité s’apprête à arrêter Thiounn Prasit, So Hong et Phi Phuon ainsi que Ieng Sary et son épouse Ieng Thirith. Sikoeun, de l’entourage de Sary, est également directement menacé. L’arrivée des Vietnamiens et des forces F.U.N.S.K. leur épargnera un probable séjour à S 21 (Sikoeun, 2013, p. 260).
25 décembre 78 : Alors que depuis 1975, le KD a détruit au Vietnam 25 agglomérations et 96 villages, laissant 257 000 personnes sans abri et après avoir massacré des centaines de villageois, début du conflit ouvert entre le Cambodge et le Vietnam.
Selon Bui Tin, les troupes vietnamiennes sont dirigées par les généraux Le Trong Tan (chef d’état-major général) et Le Duc Anh (commandant la 9e région militaire qui jouxte le Cambodge). Le Duc Tho supervise l’opération au nom du Bureau politique (Bui Tin, 1999, p. 198).
Le but des Vietnamiens n’est pas humanitaire. Il est de protéger leurs populations frontalières qui subissent les assauts réguliers et les exactions des KR. Mais c’est aussi avant tout un conflit géopolitique par interposition, entre la Chine et L’U.R.S.S. Les Chinois soutiennent le régime des KR, les Soviétiques celui des Vietnamiens.
Numériquement supérieurs (12 divisions, 170 000 hommes), accompagnés de 5 000 hommes du Front uni national pour le salut du Kampuchéa (F.U.N.S.K., mouvance khmère provietnamienne opposée au régime de Pol Pot), les Vietnamiens remportent une victoire facile, une fois les lignes de défense khmères enfoncées, en prenant une à une les capitales régionales (Kratié, Stung Treng) et font très rapidement reculer les KR vers l’ouest du pays (carte in Chanda, 1987, p. 282).
Les conseillers chinois, jusque-là peu écoutés, quitteront dès le 5 janvier 1979 le pays de peur d’être faits prisonniers. Les Nord-Coréens feront de même. Les troupes vietnamiennes progresseront vers la capitale par les routes 1 et 7. Phnom Penh sera conquise le 7 janvier 1979. Plutôt que de reculer, certaines troupes kr fanatisées se laissent écraser sur place par une artillerie et une aviation vietnamiennes nettement supérieures. L’aviation kr est rapidement surpassée, faute de pilotes expérimentés. Toutefois, du fait d’une rivalité ancestrale entre les deux nations et après un court moment de soulagement, l’occupation du Cambodge sera au fil du temps de plus en plus mal vécue par la population khmère.
L’U.R.S.S., qui soutient l’invasion vietnamienne, prend progressivement possession et va utiliser la baie de Cam Ranh, située au Vietnam (sud de Nha Trang), comme base et centre de transmission de ses forces armées dans la région (voir fin février 1979).
29 décembre 78 : Pol Pot accueille une délégation marxiste-léniniste canadienne à laquelle il ne consacre pas moins de trois heures, malgré la situation militaire catastrophique. Il annonce à ses hôtes une « défaite imminente » des Vietnamiens et dénonce une implication du « pacte de Varsovie » dans le conflit en cours (Chandler, 1993, p. 253).
Fin 78 : Plus de 5 000 prisonniers sont passés par les geôles de Tuol Sleng (S 21) sans que les listes conservées soient complètes pour cette année (Deron, 2009, p. 205).
