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par Jean-François Jagielski

Janvier 1978

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Janvier 78 : Du fait des fréquentes incursions meurtrières des KR à la frontière et de la longue dégradation des relations entre les deux pays, les Vietnamiens prennent la décision d’envahir à brève échéance le Cambodge (Marangé, 2012, p. 365). Le Duan (secrétaire général du P.C.V.) et Le Duc Tho (membre du bureau politique du P.C.V.) rencontrent pour la première fois des personnes cambodgiennes provietnamiennes susceptibles d’occuper de hautes fonctions politiques dans un pays conquis : Heng Sarim (voir octobre 1977), Pen Sovan, Bou Thrang (Khmer issarak) et Hun Sen (voir avril 1977).

Le Vietnam décide de normaliser ses relations diplomatiques avec les U.S.A., selon Marangé, « dans le but de faire croire à l’opinion publique américaine que le rapprochement entre Hanoi et Moscou était le résultat des maladresses de Washington. » (voir 15 décembre) (Marangé, 2012, pp. 365-366).

Le secrétaire d’État à la Défense américain Harold Brown (administration Carter) se rend à Pékin pour établir des contacts militaires entre les États-Unis et la Chine. Les deux pays entendent créer une alliance contre l’U.R.S.S., soutien du Vietnam. Le conseiller à la Sécurité nationale, Zbiniew Brzezinski voit dans le conflit qui oppose le Cambodge au Vietnam comme une guerre par procuration entre l’U.R.S.S. et la Chine (Cambacérès, 2013, pp. 244-245).


1er – 2 janvier 78 : La Chine décide ouvertement de soutenir le KD (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).


3 janvier 78 : Suite à leur projet d’invasion du Cambodge, les troupes vietnamiennes campent sur le Mékong (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).

Pol Pot donne l’ordre à ses troupes d’« attaquer l’ennemi dans le dos en le prenant à revers […] Nous mènerons partout la guérilla, à l’extérieur comme à l’intérieur des frontières de l’ennemi […] Et les guérilleros emploieront de petites unités pour infiltrer partout les frontières de l’ennemi […] Nous établirons des fers de lance plus ou moins importants pour introduire nos unités de guérilla : une ou deux, deux ou trois, six ou sept […] Si l’une d’elles est profondément engagée en territoire ennemi, toutes ces autres unités où qu’elles se trouvent, devront ouvrir le feu, attaquer l’ennemi, le plonger dans la confusion et l’affoler. » On prévoit de mobiliser 60 % des forces régulières et régionales « pour mener une guérilla ligotant l’ennemi à la gorge, les épaules, les côtes, la taille, les cuisses, les genoux, les mollets et les chevilles, afin de l’empêcher de tourner la tête et mieux permettre à nos forces, grandes ou moyennes, de l’écraser et de lui briser la nuque. » Il se lance alors dans des spéculations arithmétiques : « Par exemple : une unité de dix combattants cherche, attaque et écrase l’ennemi, faisant trois à cinq tués ou blessés en un jour et une nuit. Si nous avons cinq unités disposées en fer de lance, en un jour et une nuit nous écrasons quinze à vingt ennemis. Et si nous multiplions ce dispositif et envoyons des unités mener une guérilla de cette ampleur en zone ennemie, en un jour et une nuit nous écrasons des centaines d’ennemis. En dix jours et dix nuits, combien de milliers auront péri ? Combien en vingt ou trente jours ? Combien en un an ? » (cité in Biernan, 1998, pp. 455-456)


5 janvier 78 : Pour le deuxième anniversaire de la constitution du KD, l’éditorial de Radio Phnom Penh ne fait aucune allusion au Vietnam mais continue à en appeler  à « la juste colère nationale et de classe et à la vindicte populaire » (Biernan, 1998, p. 457).


6 janvier 78 : Fin de la première incursion punitive vietnamienne suite à un retrait volontaire (mais partiel) de ses forces. Les KR crient à la victoire en contre-attaquant en territoire vietnamien : cette date deviendra une « date historique » dans la mythologie kr, plus importante pour certains que celle du 17 avril 1975.

Les troupes vietnamiennes se retirent, sauf en certains endroits qui échapperont jusqu’en 1979 au contrôle du KD et deviendront des bases militaires dans certains secteurs stratégiques (Bec de Canard, plantations de caoutchouc de Kompong Cham, Kratié, une partie des provinces de Rattanakiri et Mondolkiri). Les Vietnamiens y installent un embryon d’administration. Près de 100 000 Cambodgiens de la zone Est fuient vers le Vietnam et témoignent des atrocités commises par les Khmers rouges. Le KD pose comme préalable à toute négociation le retrait total des troupes vietnamiennes.

Peu après le repli vietnamien, Pol Pot se rend dans la zone de l’Est pour une réunion d’état-major qui se déroule à Vat Taung. Sont présents : Son Sen (Défense), So Phim (membre du Comité central du P.C.K. et responsable de la zone Est), Ke Pauk (dirigeant de la zone Nord et membre du comité central du P.C.K.) et Heng Samrim (chef d’état-major de la zone Est). Selon le témoignage de ce dernier, Pol Pot déclare : « Chaque Cambodgien doit tuer trente Vietnamien pour progresser vers la libération, se battre avec acharnement pour récupérer le Sud-Vietnam […] Il dit que nous allions libérer [et] amener le peuple du sud à se rebeller, renverser le Vietnam et prendre le sud […] Il nous dit d’encourager les Khmers qui vivaient dans le sud du Vietnam, les Khmers Krom, à se soulever. « Ne pensez pas seulement à vous. Menez l’offensive en même temps que l’armée […] Et ce sera la victoire. » » (cité in Biernan, 1998, p. 456)

Le secrétaire d’État à la Défense américain Harold Brown (administration Carter) est en visite à Pékin. C’est le début d’une alliance sino-américaine encore non avouée qui soutiendra de fait les KR (Deron, 2009, p. 194).


10 janvier 78 : Le Vietnam cherche à se rapprocher de l’A.S.E.A.N. La Chine réaffirme son soutien au KD (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).


9 - 20 janvier 78 : Attaque des KR à l’artillerie lourde contre les localités de Chau Doc et Tay Ninh.


12 janvier 78 : Cessation des combats sur le terrain avec évolution vers un plan diplomatique. Hanoi propose un plan de paix en trois points avec retrait des troupes des deux belligérants à 5 km des deux côtés de la frontière. On ouvre immédiatement des négociations internationales (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).


Mi-janvier 78 : Visite à Phnom Penh de l’épouse de Deng Xiaoping, Deng Yingchao. Elle rencontre les épouses de Pol Pot, Nuon Chea, Ieng Sary, Son Sen, Vorn Vet, Khieu Samphan et Thiounn Thioeunn. Visite d’Angor Vat (Biernan, 1998, p. 450).


17 janvier 78 : Le KD évoque le différend frontalier maritime avec son voisin vietnamien (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).

De retour à Phnom Penh (après sa visite dans la zone Est), Pol Pot prend la parole et qualifie le peuple cambodgien d’« inépuisable source de main d’œuvre pour notre armée. Nous ne craignons pas que notre armée manque un jour de combattants, car nous disposons, avec la population locale, d’une source illimitée de recrues. » Une nouvelle manière de nier l’ampleur du génocide…  


18 janvier 78 : Visite à Phnom Penh de Deng Yingchao, vice-présidente de l’assemblée nationale populaire et veuve de Zhou Enlaï. Elle est accompagnée de Han Nien-Long, vice-ministre des Affaires étrangères et de Sheng Ping, directeur du département Asie. Sa présence marque un soutien au régime kr mais elle est aussi là pour rappeler à Pol Pot qu’il n’y aura pas de volontaires chinois pour aller se battre aux côtés des KR. Elle appelle à la modération du régime du KD afin de trouver une solution au conflit en ouvrant la voie des négociations. Pol Pot la reçoit. Deng Yingchao prêche en faveur d’une modération du régime et s’inquiète du sort de Sihanouk et sa famille. Elle n’est cependant pas autorisée à rencontrer ce seul élément modérateur qui soit présent au KD.

De leur côté, les Vietnamiens  envoie à Pékin Phan Hien, spécialiste des négociations des problèmes frontaliers avec le KD (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).


22 janvier 78 : Nouveaux combats dans le Bec de Canard. Les KR tentent de contre-attaquer dans la région de Ha Tien (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).

Radio Phnom Penh présente le conflit avec le Vietnam comme « une querelle qui ne se résoudrait ni par le compromis ni par la négociation » et donc par les seules armes (Biernan, 1998, p. 457).


28 janvier 78 : Les Vietnamiens font intervenir leur aviation à la frontière khméro-vietnamienne (Bui Xuan Quang, 2000, p. 715).


31 janvier 78 : Visite à Phnom Penh du nouveau ministre thaïlandais des Affaires étrangères, Uppadit Pachariyankul. Il est reçu par Pol Pot. Normalisation des relations entre les deux pays qui n’empêchera pas la poursuite d’incidents frontaliers entre le KD et la Thaïlande (Sikoeun, 2013, p. 270).

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