Août 75 : Au Cambodge, les Khmers rouges liquident Hou Youn (ministre de l’Intérieur). Les circonstances de cette exécution demeurent, comme souvent avec les KR, obscures. Mais l’homme avait au fil du temps accumulé les critiques à l’égard du nouveau régime (voir 4 avril et 20 – 25 mai).
La tendance Pol Pot et Ieng Sary (Affaires étrangères) exerce le pouvoir mais c’est toujours Khieu Samphan, vice-premier ministre du G.R.U.N.C, qui est mis en avant publiquement. Le véritable dirigeant, Pol Pot, demeure un personnage qui se nimbe délibérément de mystère et plonge volontairement dans le secret. Il faudra plusieurs années avant qu’il fasse connaître sa fonction de véritable dirigeant du mouvement KR.
Sihanouk en résidence à Pyong Yang (Corée du Nord) reçoit un chargé d’affaire vietnamien. On évoque l’épineuse question de l’île de Waï occupée par les Vietnamiens. Il est question d’un retrait vietnamien en confiant « à titre provisoire, son administration au gouvernement de Phnom Penh. » Mais Sihanouk n’obtient aucune reconnaissance définitive (Sihanouk, 1979, p. 82).
2 août 75 : Dans le cadre d’un très léger réchauffement entre le Cambodge et le Vietnam (aussi relatif que bref…, voir décembre), le secrétaire général du P.C.V., Le Duan, se rend à Phnom Penh avec une délégation de hauts responsables. Un communiqué est signé dans lequel les deux parties s’engagent à régler leurs différends frontaliers par la négociation. Il ne fut toutefois jamais publié et il n’y eut ni banquet ni discours. Les deux parties se disent en complète identité de vue « sur toutes les questions abordées » (Biernan, 1998, p. 127).
5 août 75 : Visite officielle de Khieu Samphan (vice-premier ministre du G.R.U.N.C) et Ieng Sary (Affaires étrangères) à Pékin.
10 août 75 : Au Cambodge, suite à la récente visite visite de Le Duan, premier secrétaire du parti communiste vietnamien, à Phnom Penh, Nuon Chea, numéro deux du KD, se rend à son tour à Hanoi : les récents incidents frontaliers sont discutés et plus ou moins réglés, au moins temporairement. L’île de Poulo Wai, prise en mai par les Vietnamiens, est finalement restituée au KD. Les Cambodgiens présentent à nouveau leurs excuses en expliquant les « empiétements involontaires » par leur « méconnaissance du tracé des frontières » (Biernan, 1998, p. 127).
13 août 75 : En visite en Chine avec Ieng Sary (Affaires étrangères) et Khieu Samphan, vice-premier ministre du G.R.U.N.C., affirment que les problèmes essentiels ont été résolus au Cambodge. En appliquant la méthode khmère rouge… Ils obtiennent un prêt d’un milliard de dollars sur 5 ans et un don de 20 millions (Richer, 2009, p. 68). En échange, Zhou Enlaï demande à ses visiteurs de tempérer leur ardeur révolutionnaire et leur réclame le retour de Sihanouk (en exil alternativement en Chine ou en Corée du Nord depuis le coup de force de 1970) au pays comme élément modérateur. Selon un réfugié qui a vécu avec les conseillers chinois de Phnom Penh, ceux-ci commencent à critiquer, en privé, les dérives du régime des KR (Ponchaud, 2005, p. 155).
Les KR font connaître la nomination de Ieng Sary et Son Sen aux postes de vice-premiers ministres du Cambodge. Les Occidentaux voient là – à tort – une marque d’influence d’Hanoi (Biernan, 1998, p. 127).
15 août 75 : Une réunion se tient entre les dirigeants kr à la gare de chemin de fer de Phnom Penh qui sert de Q.G. aux dirigeants depuis le 17 avril. C’est là que Son Sen (ministre de la Défense) décide de la création du Santebal et de S 21. S 21 dans un premier temps, se situera à l’angle des rues 163 et 360 dans le quartier de Tuol Sleng. Ce n’est qu’en novembre 1975 que le centre sera transféré dans l’ex-Q.G. de la police central, Phsar Thmey, proche du marché central. Son installation définitive dans son lieu actuel (collège de Pohea Yat et bâtiments annexes proches) ne s’effectuera qu’en avril 1976. Le centre d’interrogatoire rejoindra alors à nouveau le quartier de Tuol Sleng (Deron, 2009, pp. 46-47).
Le Santebal (littéralement « gardiens de la paix ») est un bureau qui a le statut d’un régiment militaire autonome chargé des tâches de l’appareil répressif du régime des KR. Il dépend directement de Son Sen (Défense). Il est chargé d’éliminer les individus ayant prétendument critiqué, saboté la révolution ou comploté contre le P.C.K. C’est de lui dont déprend S 21 (Porée, 2025, pp. 96-97).
18 août 75 : Penn Nouth (officiellement toujours premier ministre) et Khieu (vice-premier ministre du G.R.U.N.K.) sont à Pékin : nouvelles promesses chinoises d’aide massive au nouveau régime cambodgien.
19 août 75 : Après une vaine tentative (voir 18 juillet), Penn Nouth et Kieu Samphan prennent à leur tour le chemin de Pyongyang (Corée du Nord) pour tenter de demander le retour de Sihanouk au Cambodge. Cette fois, il accepte à condition de demeurer chef de l’État à vie. Sihanouk repart vers Pékin et rencontre un Zhou Enlaï affaibli, hospitalisé pour soigner un cancer, qui a jusqu’alors beaucoup œuvré pour le retour du prince.
Sihanouk confie à ses proches, « ma décision de retourner au Cambodge ne signifie pas que j’approuve la politique cruelle des Khmers rouges, mais je dois me sacrifier en l’honneur de la Chine et de son Excellence, le Premier ministre Chou En Laï qui ont tant fait pour le Cambodge et pour moi-même. » (cité in Ponchaud, 2005, p. 188).