1er janvier 75 : Au Cambodge, début de l’offensive khmère rouge sur Phnom Penh.
4 - 6 janvier 75 : Phuoc Binh, capitale de province de Phuoc Long située à 115 km au nord-est de Saigon, tombe progressivement aux mains des communistes après un assaut par 8 000 soldats n-v qui écrasent la ville sous les obus et ont recours aux chars russes T-54 pour progresser. Les N-V ont désormais définitivement quitté la guérilla pour entrer dans une phase de guerre purement conventionnelle. L’aviation s-v intervient peu, menacée par la redoutable défense anti-aérienne n-v.
Au moment de la bataille de Phuoc Binh, les U.S.A. ne réagissent pas, ce qui stupéfie le gouvernement s-v qui, de son côté, commet une faute en n’envoyant pas de renforts aéroportés conséquents dans la zone de combat (seuls 200 Rangers y sont parachutés). Thieu, pensant à une simple attaque de diversion visant en réalité Bien Hoa, ne veut dégarnir aucune de ses garnisons. Cette attitude et l’absence de réaction américaine encourageront Le Duan à réclamer des actions plus ambitieuses pouvant anticiper une victoire prévue initialement pour l’année 1976. Le premier ministre Pham Van Dong, autre membre du Politburo favorable à l’offensive, convainc ses camarades en pressentant l’éventualité d’un risque d’un retour des bombardements américains mais en aucun cas de leurs troupes au sol (Todd, 1987, p. 43-44).
7 janvier 75 : Kissinger réunit d’urgence son équipe au vu de la situation au Cambodge. Les Français ont proposé un retour de Sihanouk qui aurait pu négocier avec les Américains. Mais ces derniers préfèrent continuer à soutenir le proaméricain Lon Lol (Snepp, 1979, p. 124).
On examine également la situation à Phuoc Binh dont on ne sait quoi penser et dont Colby (directeur de la C.I.A.) minimise à tort la portée. L’absence délibérée de réaction montre que la situation au Vietnam ne fait désormais plus partie des priorités américaines. Ils ne prennent aucune décision importante pour contrer l’avance des communistes (Todd, 1987, p. 45).
De leur côté, les S-V réunissent un C.N.S. Le président du Comité des chefs d’état-major, le général Vien, a prévenu Thieu que toute résistance a cessé à Phuoc Binh. L’un des participants, le général Dang Van Quang (conseiller à la Sécurité nationale), attire l’attention des participants sur le fait que si la province de Phuoc Long est devenue indéfendable, les villes d’An Loc et Kontum le seront également sous peu. Personne ne réagit à cette remarque pourtant perspicace (voir 17 mars). Thieu se contentant de vouloir protester auprès de l’O.N.U. et faire venir une délégation du Congrès américain pour constater les violations des accords de Paris… On passe à côté de l’essentiel en évoquant alors des questions purement économiques… (Todd, 1987, pp. 49-51)
10 janvier 75 : Prise de Phuoc Long, capitale de province au nord de Saigon proche de la frontière cambodgienne. Les Américains ne sont pas intervenus du fait des accords de Paris et de la volonté de Gerald Ford de ne pas replonger les U.S.A. dans le conflit vietnamien au cours d’une année électorale (Burns Sigler, 1992, p.134).
Le Duan réunit à nouveau le Politburo et en appelle à un plan pouvant amener la victoire en deux ans : « Attaques massives en 1975 afin de créer, pour 1976, les conditions d’un soulèvement général qui libèrera tout le Sud-Vietnam. » (Snepp, 1979, p. 119)
En Chine, Deng Xiaoping est nommé vice-président du P.C.C. (Bui Xuan Quang, 2000, p. 713).
14 janvier 75 : Les Américains sont désormais complètement déconnectés des réalités du conflit et n’entendent pas y replonger. Le secrétaire à la Défense américain Schlesinger déclare au cours d’une conférence de presse qu’il ne pense pas que les N-V « […] soient prêts à lancer une offensive à l’échelle du pays. Ils tentent de saper le gouvernement sud-vietnamien […] » Il déclare, mais sans y croire un instant, que « le Congrès pourrait fort bien approuver l’utilisation de la puissance américaine »… (Tood, 1978, p. 84)
La délégation vietnamienne (N-V et G.R.P.) obtient enfin l’autorisation d’installer un bureau de liaison à Genève. Jusqu’alors des pressions de Kurt Waldheim (secrétaire général de l’O.N.U.) et des Américains avaient bloqué l’obtention de visas par les autorités suisses pour les membres de cette délégation. L’obtention de ce bureau entraîne une réaction américaine – de la part de Kissinger, devenu secrétaire d’État et de la presse américaine - contre l’O.N.U. (Aubrac, 2000, p 396).
22 janvier 75 : A la veille de la fête du Têt, attentat par les forces communistes contre un commissariat dans les faubourgs populaires de Saigon. 4 policiers sont blessés. C’est un choc psychologique, la ville n’ayant plus connu ce genre d’action depuis 1972 (Tood, 1987, p. 101).
13 – 17 janvier 75 : En Chine, première réunion de l’assemblée nationale depuis 10 ans. Zhou Enlaï est réélu premier ministre. L’assemblée approuve une révision de la constitution de 1954 (Bui Xuan Quang, 2000, p. 713).
17 janvier 75 : Un rapport s-v du général Tran Van Trung (chef du service de la guerre psychologique) prévoit une « campagne [n-v] qui se terminera en juin [et qui] visera à occuper un certain nombre de districts et provinces, surtout celles de Tay Ninh, de Phuoc Long [déjà prise], Binh Long, Kien Thuong et Kien Phong. » Il prévoit également une coupure du S-V selon une ligne qui partirait au nord de la province de Kontum pour rejoindre la cote à la hauteur de Quang Nam. Il faut aussi prévoir l’arrivée d’un million de réfugiés. Le but des N-V est de faire pression sur le S-V pour qu’il accepte la venue d’un gouvernement de coalition (Todd, 1987, pp. 52-53).
20 janvier 75 : Les représentants militaires du G.R.P. proposent de différer les attaques sur Pleiku et Kontum et de jouer la surprise en concentrant dans un premier temps leurs efforts sur Ban Me Thot. Les généraux Tran Van Tra et Pham Hung rencontrent à Hanoi Le Duc Tho et l’informent de cette décision qui est aussitôt validée au niveau du Politburo (Tood, 1987, p. 94).
23 janvier 75 : Dans une émission télévisée sur la chaîne N.B.C., interrogé sur ses objectifs en Asie du Sud-Est, Gerald Ford évoque une aide militaire et économique mais aucune autre implication directe dans le conflit. Se fiant aux propos de Graham Martin (ambassadeur américain à Saigon) et Kissinger, il déclare ne pas penser qu’il y ait « un engagement à long terme » des N-V au S-V (Todd, 1987, pp. 85-86).
24 janvier 75 : Le général n-v Tran Van Tra quitte Hanoi et prend la route du Sud pour gagner son Q.G. dans la zone « B2 » en vue de préparer une attaque sur Ban Me Thuot (Tood, 1987, p. 94).
9 civils américains, 3 femmes et 6 hommes manifestent devant l’ambassade des États-Unis à Saigon en brandissant une banderole où il est inscrit : « Les Américains veulent la paix au Vietnam, Amérique, mets fin à la guerre. » La manifestation est couverte par les chaînes N.B.C., A.P. et U.P.I. L’enquête de l’ambassadeur Graham Martin montrera que ces peaceniks sont venus avec des visas touristiques valables une semaine. La police s-v les ménage et les reconduit vers l’aéroport pour les expulser vers Bangkok le soir même. Une enquête de l’ambassade américaine montrera que leur voyage a été payé par l’organisation pacifiste The Indochina Ressources Comettee de Fred Bransman, lui-même présent à Hanoi quelques jours plus tôt (Tood, 1987, pp. 103-104).
27 janvier 75 : L’ancien premier ministre s-v Tran Van Huu rencontre au département d’État à Washington Robert Miller, le bras droit du sous-secrétaire d’État aux Affaires asiatiques et du Pacifique, Philip Habib. Il se présente comme une troisième voie soutenue à la fois par Thieu et le F.N.L.
Miller rend compte de cette démarche à Kissinger : « Essentiellement, M. Huu pense que le Vietnam du Nord admet qu’il ne saurait réduire le Sud par la force et qu’il souhaite aboutir à une solution politique. [Huu] dit qu’il a toutes les raisons de croire que le président Thieu est disposé à se démettre en faveur de quelqu’un qui pourrait établir une paix véritable au Vietnam. » (cité in Tood, 1987, pp. 104-105). Les choses sont assurément plus tranchées que ne le prétend et l’espère Huu car Thieu n’entend absolument pas lâcher le pouvoir.
28 janvier 75 : Dans un message spécial au Congrès, Gerald Ford demande une aide financière de 300 millions de dollars pour le Sud-Vietnam et de 222 millions pour le Cambodge (Todd, 1987, p. 86).
30 janvier 75 : Gerald Ford reçoit en présence de Kissinger et Schlesinger (ministre de la Défense) certains leaders du Congrès en vue de leur faire accepter une rallonge financière supplémentaire. Suite à cette entrevue se réunissent les membres de la Commission d’affectation des fonds qui entendent plusieurs personnes : Eric Von Marbod, collaborateur de Schlesinger, chargé de la logistique ; le général A. Graham, chef des services de renseignement du Pentagone, qui prévoit de sérieuses difficultés pour les S-V si l’attaque n-v se porte sur Kontum et Pleiku. Certains membres de la commission estiment que l’armée s-v est numériquement supérieure et qu’il n’y a donc pas de problème majeur. De vagues estimations parlent de la présence de 1 300 000 hommes dans l’armée s-v, ce qui est exagéré. Graham leur répond que les S-V peuvent compter tout au plus sur 500 000 hommes vraiment opérationnels car leur armée, plus encore que celle des U.S.A., compte une très grande proportion de soldats assurant des tâches purement logistiques. On évoque aussi les énormes progrès observés sur la piste HCM qui est devenue une véritable artère depuis la fin des bombardements américains suite aux accords de Paris. Philip Habib (sous-secrétaire d’État aux Affaires asiatiques et du Pacifique) est également entendu. Il évoque non une obligation légale mais morale d’intervention de la part des U.S.A. (Todd, 1987, pp. 105-107). Un simple nouveau vœu pieu.