Avril 73 : En violation de l’accord de Paris, la C.I.A. rapporte la présence au S-V d’environ 150 000 NV (correspondant à peu près au nombre d’avant l’accord) mais Kissinger les estime à plus. Il revoit Le Duc Tho à Paris où ils appellent tous deux de leurs vœux le respect de la trêve, du moins en paroles. Mais ni Thieu ni les N-V n’ont l’intention de respecter le cessez-le-feu. Kissinger demeure pessimiste pour l’avenir du S-V et encore plus pour celui du Cambodge. Le secrétaire d’État à la Sécurité nationale ne croit pas un mot de ce que leur disent les N-V lorsque ceux-ci prétendent n’avoir aucune influence sur les communistes cambodgiens, ce qui n’est pourtant pas tout à fait faux.
Au Cambodge, de son quartier général situé dans la zone Nord sous le commandement de Ke Pauk, Pol Pot fait diffuser un document du P.C.K. intitulé « Analyse des classes et lutte des classes ». Il traite des classes dominantes et du prolétariat opprimé. Il s’en prend également aux « Khmers Islam » (les Chams) qui « n’ont pas la vie si difficile » (Biernan, 1998, p. 315).
1er avril 73 : Les derniers prisonniers américains arrivent aux Philippines.
La délégation n-v de Camp Davis rentrée depuis le 31 mars à Hanoi est reçue par Pham Van Dong au Palais du gouvernement (Bui Tin, 1999, p. 117).
2 - 3 avril 73 : Rencontre Thieu-Nixon à San Clemente (Californie) dans la résidence privée de Nixon. Thieu avait demandé à plusieurs reprises à rencontrer le président américain avant la signature des accords de Paris. En vain. Il s’agit d’une « visite officielle » et non d’une « visite d’État » comparable à celle de Diem en 1957.
Le 2, Kissinger et Nguyen Phu Duc (conseiller de Thieu) ont un entretien en aparté. Ce dernier remet au premier un mémorandum sur la situation militaire et économique au S-V. Kissinger acquiesce aux demandes. Les deux présidents s’entretiennent des multiples violations du cessez-le-feu ainsi que du refus de Hanoi de retirer ses troupes du Laos et du Cambodge. Nixon réaffirme le contenu de sa lettre du 14 novembre 1972 sur les « graves conséquences » de tels actes : les États-Unis réagiront vivement et promptement si l’accord avec les N-V n’est pas respecté… C’est une forme de bluff : ils ne le peuvent pas du fait de l’opposition du Congrès. Concernant la situation politique, Thieu fait des concessions au niveau de la Constitution s-v en abolissant les mesures anti-communistes mais constate que les N-V font quand même blocage (voir 6 mars).
Le 3, Nixon et Thieu se revoient avec Kissinger et Nguyen Phu Duc. Nixon réaffirme en paroles que les S-V peuvent compter sur l’aide américaine en cas d’offensive des communistes. L’aide militaire américaine évoquée la veille par les deux conseillers des présidents est toujours d’actualité.
On aborde ensuite la question des difficultés économiques s-v liées au départ des Américains, il faut parvenir à une vietnamisation économique pour tendre à l’autonomie et le S-V peut compter sur les U.S.A. (Kissinger 2, 1979, p. 1 470 ; Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 370-376 ; Portes, 2016, p. 170). Beaucoup de belles paroles ce jour, qui ne seront jamais suivies d’effet.
6 avril 73 : Sihanouk est de retour à Pékin après les trois semaines de son périple cambodgien. Ce qui n’a pas empêché les KR de lancer, dès son départ, une vaste campagne de propagande contre sa personne et contre les Vietnamiens.
Dans les deux mois qui suivent ce retour, Sihanouk va entamer une importante tournée en visitant 11 pays. Les KR misent assurément sur son aura internationale. L’objectif de cette série de voyages à l’étranger est de convaincre une majorité de pays membres de l’O.N.U. que le siège du Cambodge doit être confié au G.R.U.N.K. et non au gouvernement de Lon Lol. Sihanouk se rend entre autres au Sénégal, au Mali, en Mauritanie, en Albanie, en Yougoslavie, en Roumanie et en Algérie (Cambacérès, 2013, pp. 185-186).
7 avril 73 : Selon Nixon, en violation du cessez-le-feu, deux hélicoptères de la commission de contrôle sont abattus par les N-V dans la province de Quang Tri vers la frontière laotienne (Nixon, 1985, p. 187).
10 avril 73 : Début d'une mission d'étude du général Haig (conseiller militaire de Nixon) en Indochine.
Au Cambodge, début du pont aérien américain pour alimenter Phnom Penh. Les bombardements des B-52, surtout dans l’Est du pays s’intensifient au point d’atteindre le niveau de 3 600 tonnes de bombes larguées chaque jour.
12 avril 73 : Au retour d’Haig, Nixon saisit son C.N.S. sur la situation au Cambodge où le dernier bastion de Phnom Penh est sur le point de tomber.
Les relations entre Paris et Hanoï sont au zénith. Les deux pays renoueront des relations diplomatiques avec échange d’ambassadeurs.
Sihanouk, de retour de son voyage au Cambodge dans ce qu’on appelle désormais le « contrées libérées », est accueilli triomphalement en Chine par Zhou Enlaï. Le prince prononce un discours lors d’un banquet en son honneur. Il critique les « pays qui aiment la tranquillité » et qui cherchent à imposer un cessez-le-feu au Cambodge. Il déclare que les affirmations américaines disant que les N-V continuent à alimenter la guerre sont fausses. Il dénonce les projets américains de paix qui impliquent un partage du pays. Zhou Enlaï profite de ce banquet pour s’entretenir avec Étienne Manac’h (ambassadeur de France à Pékin) afin que la France intervienne auprès des U.S.A. pour leur faire comprendre la réalité de la situation. Il ne sera pas entendu par William Sullivan, membre du département d’État (Shawcross, 1979, p. 281).
13 avril 73 : Après Hanoi (voir 12 avril), Paris annonce son intention de rétablir des relations diplomatiques avec Saigon.
17 avril 73 : Au Cambodge, démission du gouvernent Hang Thun Hak.
19 avril 73 : Pour protester contre le non-respect du cessez-le-feu, les Américains interrompent les opérations de déminage des côtes de la R.D.V.N. Les négociations économiques seront suspendues dès le lendemain. Reprise des vols de reconnaissance au-dessus de la R.D.V.N. Intensification des attaques aériennes américaines contre le Cambodge.
23 avril 73 : Au Cambodge, les deux chambres du Parlement, réunies en Congrès, confèrent des pouvoirs exceptionnels à Lon Nol. Les travaux parlementaires sont suspendus pour 6 mois.
26 avril 73 : Au Cambodge, les troupes du F.A.P.L.N.K. sont à 15 km de Phnom Penh. La ville essuie désormais régulièrement des tirs de roquettes.
27 avril 73 : Reprise à Paris des négociations entre experts américains et nord-vietnamiens.
30 avril 73 : La commission étrangère des Affaires étrangères du Sénat américain envoie au Cambodge ses spécialistes de l’Indochine, James Lowenstein et Richard Moose. Ils sont venus pour connaître la nature et l’étendue des bombardements américains. L’ambassade américaine leur dissimule son implication directe dans les actions aériennes, ce dont les deux envoyés ne sont pas dupes. Des informations remontent jusqu’au secrétaire d’État Rogers qui, jusque-là, ignorait le véritable rôle de l’ambassade et sa compromission dans l’illégalité voulue par Nixon et Kissinger.
Lowenstein et Moose vont produire un rapport qui est rendu public le 30 avril et provoque des remous au sein du Sénat. Depuis octobre 1970, le Congrès a introduit dans chaque loi de finances des clauses interdisant les bombardements autres que ceux visant à protéger les soldats américains. Or, théoriquement, depuis mars 1973, il n’y en a plus aucun en Indochine. Et pourtant les bombardements demeurent avec une intensité inédite (Shawcross, 1979, p. 276).