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par Jean-François Jagielski

Septembre 1963

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Septembre 63 : La bureaucratie de l’administration Kennedy est plus que jamais divisée. Kennedy essaie d’obtenir des renseignements de Lodge et Harkins en leur adressant des questions précises. C’est Hillsman qui en compose la liste. Le rapport de Lodge est foncièrement pessimiste alors que celui de Harkins dit tout le contraire. En fait, ce dernier évoque plus la teneur des débats qui ont lieu à Washington que les réalités du S-V (Halberstam, 1974, p. 307).

Sihanouk déclare dans un éditorial du journal Réalités cambodgiennes : « Le Sud-Vietnam est voué, à une échéance certainement proche, au communisme. Cette issue est aussi inévitable que l’était la défaite française même avant Dien Bien Phu. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 279).


Début septembre 63 : Nhu continue à jouer double-jeu : il a des contacts avec le F.N.L. et la R.D.V.N. et travaille en même temps à une entente avec Lodge. C’est une partie de poker-menteur dans laquelle chacun cherche à duper l’autre.


1er septembre 63 : « Le 1er septembre, le Cambodge rompt ses relations diplomatiques avec le Sud-Vietnam. - Trois moines bouddhistes, dont le chef Tri Quang, se réfugient à l'ambassade des États-Unis à Saigon. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, « Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963), p. 8)

L'ambassadeur américain Henry Cabot Lodge et le président Ngo Dinh Diem se rencontrent pour la première fois au palais Gia Long. Les 2 hommes s’apprécient d’autant moins que le premier entend se débarrasser au plus vite du second. Ce que Diem ne peut ignorer avec le départ de Nolting et la récente nomination de ce nouvel ambassadeur qui entend mettre un frein aux scandaleuses dérives du régime des Ngo.


2 septembre 63 : Le journal Times of Vietnam, contrôlé par les Ngo, attaque publiquement la C.I.A., l’accusant d’avoir des responsabilités directes dans la crise bouddhiste et d’avoir fomenté un coup d’État qui aurait dû avoir lieu le 27 août. L’agence aurait dépensé 24 millions de piastres pour sa réalisation. Nhu est à juste titre persuadé que les Américains ont juré sa perte (Chaffard, 1969, p. 321).

Kennedy inaugure une importante campagne de communication sur la guerre du Vietnam (voir 3 et 9 septembre). La politique jugée néfaste de Diem est ici visée. Dans une interview télévisée de la chaîne C.B.S. menée avec Walter Cronkrite, Kennedy déclare en parlant de Diem : « Même dans le meilleur des cas, il ne peut réussir sur une telle base. Nous espérons qu’il s’en rendra compte ; mais en dernière analyse, c’est au peuple et au gouvernement de gagner ou perdre cette bataille. Tout ce que nous pouvons faire, c’est apporter notre aide et nous le faisons manifestement ; mais je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que nous devons nous retirer. Ce serait une erreur. Oui, ce serait une grande erreur. »  (cité in Johnson, 1972, p. 84). Puis il conclut : « C’est, en dernière analyse… leur guerre. Ce sont eux qui doivent la gagner ou la perdre. »

Le président pense alors que, sans un meilleur soutien populaire à l’égard du gouvernement, la guerre ne peut être gagnée et reconnaît que « dans les deux derniers mois, le gouvernement a perdu le contact avec le peuple. » (Nolting, 1988, p. 130) Kennedy, pour mettre la pression sur Diem, souhaite de possibles changements de politique et de personnel qui peuvent selon lui modifier le cours de la guerre. Le président est également interrogé sur la proposition gaullienne de neutralisation évoquée par le Général le 29 août. Il la rejette publiquement (Johnson, 1972, pp. 86-87).

Au même moment, Lodge négocie à Saigon le départ des Nhu (Halberstam, 1974, p. 309). Fidèle à la ligne défendue par le président et le vice-président, le nouvel ambassadeur américain rejette lui aussi la proposition de neutralisation gaullienne (voir 29 août et 3 septembre).

Le ministre des Affaires étrangères français Couve de Murville réclame auprès de Roger Lalouette (ambassadeur à Saigon) une attitude d’expectative et de non-ingérence dans les affaires s-v. C’est une forme de rappel à l’ordre du diplomate (Journoud, 2011, p. 126).


3 septembre 63 : De Gaulle revient à la charge et écrit à Kennedy pour lui présenter son idée de neutralisation du Vietnam. Il lui demande d’organiser une nouvelle  conférence de Genève (Portes, 2016, p. 16). Kennedy organise une réunion autour de cette idée (voir 29 août) qui a été évoquée avec lui lors de sa visite officielle à Paris en 1961. Considérant que cela n’a pas fonctionné au Laos, il l’écarte, au regret (rétrospectif…) de McN (MacNamara, 1996, p. 73). LBJ s’aligne tout à fait sur la position présidentielle.

Roger Lalouette (ambassadeur de France à Saigon) remet à Diem le texte de De Gaulle du 29 août et a un long entretien avec Diem qui ne comprend pas que les États-Unis puissent fomenter contre lui un coup d’État : « Il est inconcevable qu’on puisse recourir à de tels agissements. » (Journoud, 2011, p. 126)

Après avoir écarté une version plus modérée, Kennedy déclare dans une seconde interview télévisée qu’il est prêt à lâcher Diem et à mettre les S-V devant leurs responsabilités : « Je ne crois pas que la guerre puisse être gagnée si le peuple ne participe pas à l’effort commun et, à mon avis, au cours de ces deux derniers mois, le gouvernement [s-v] a perdu tout contact avec lui. Nous considérons comme extrêmement peu sage la répression contre les bouddhistes […] J’ai l’espoir  que cela deviendra de plus en plus évident aux yeux du gouvernement, et que celui-ci prendra les mesures nécessaires pour recouvrer l’appui populaire […] Avec un changement de politique et peut-être d’hommes, je crois la chose possible. J’aurais tendance à penser que s’il ne procédait pas à ces changements, les perspectives de victoire ne seraient plus très bonnes. » (cité in Schlesinger, 1966, p. 887)


5 septembre 63 : Le chef d’état-major s-v Tran Van Don porte au palais royal une pétition portant la signature de plusieurs officiers supérieurs demandant la levée de la loi martiale, d’engager une nouvelle politique, de restructurer le gouvernement, de donner des fonctions réelles d’autorité aux généraux et surtout d’éloigner le couple Nhu. Diem rejette obstinément toutes ces propositions (Rignac, 2018, p. 242-243 ; Tran Van Don, 1985, p. 121).

Il écrit au secrétaire général de l’O.N.U. U Thant. Sa lettre révèle un état d’esprit paranoïaque. Il évoque « la soi-disant persécution du bouddhisme [qui] n’est qu’une invention de l’impérialisme ». Selon lui, le bouddhisme a été « noyauté par des agents de l’Ouest comme de l’Est. » Il faut « libérer la hiérarchie bouddhiste de l’influence diabolique d’agents et d’aventuriers étrangers. » (Chaffard, 1969, p. 324) John Meckling, le chargé des relations publiques à l’ambassade américaine, parlera de « déraison absolue et caractérisée » (cité in Chaffard, 1969, p. 325).


6 septembre 63 : Le général Ton That Dinh se rend au palais présidentiel espérant avoir un retour au sujet de la lettre des généraux de la veille présentée par Tran Van Don mais n’obtient rien de Diem. Il quitte Saigon pour Dalat (Tran Van Don, 1985, pp. 121-122).

Nhu déclare qu’il ne quittera pas le pays mais laisse entendre qu’il pourrait peut-être lâcher le gouvernement.

Nouvelle réunion du Conseil national de Sécurité toujours aussi indécis. On prévoit la venue à Washington des représentants de Saigon et inversement. McN veut envoyer Harriman et (spécialiste de la lutte antiguérilla) ainsi que le conseiller pour les affaires politiques à l’ambassade de Saigon, Joseph A. Mendenhall, bon connaisseur du Vietnam où il est arrivé en août 1949, mais ce dernier ne croit plus en une solution Diem (Nolting, 1988, p. 24).

Départ de Krulak et Mendenhall pour le Vietnam. Ils ont des avis divergents sur la situation au S-V (voir 10 septembre).

On décide de convoquer ultérieurement Rufus Philipps (spécialiste de la contre-insurrection à l’origine du programme) pour défendre les hameaux stratégiques et John Mecklin, chef de l’U.S.I.A. à Saigon. Phillipps, dont les rapports sont connus d’Harriman, ne croit plus ni aux hameaux ni à l’action des militaires. Harriman a fait circuler ces rapports à Washington. McN en avait pris connaissance le 1er septembre, sans réaction de sa part. Philipps provoque alors la première attaque frontale contre les rapports des militaires. Sa voix est écoutée car il a été un des membres de la première équipe de Lansdale et a appartenu à la C.I.A. Il s’est rendu sur le terrain et a reconnu devant le président l’échec des hameaux mais aussi le total décrochage entre Diem, Nhu et la population locale. Il a récemment consulté le rapport d’un de ses subordonnés, Earl Young, qui signalait que 80 % de la province de Long An était tenue par le Vietcong. Ceux qui un temps ont soutenu Diem n’y croient plus (Halberstam, 1974, p. 309 et pp. 312-315).


6 - 10 septembre 63 : Nouveau signe de perplexité dubitative, Kennedy envoie en mission au S-V le général Krulack des Marines (sur proposition de McN) et le diplomate Joseph Mendenhall, bon connaisseur du pays qui a servi sous les ordres de l’ambassadeur Dubrow. Les deux hommes se détestent cordialement. Le Département d'État leur a envoyé par le biais de l'ambassade de Saigon un câble détaillé contenant un questionnaire censé interroger l'opinion publique vietnamienne dans toutes les couches de la société. Durant cette mission ultra-rapide, et donc forcément plus qu’illusoire au vu de la complexité de la situation au S-V, ils sont tous deux chargés d’établir un rapport qui sera lu par Kennedy et discuté lors d’un C.N.S. houleux (voir 10 septembre).


7 septembre 63 : « Le 7 septembre. - Des manifestations ont eu lieu parmi les étudiants du secondaire à Saigon. Une agitation sporadique des étudiants et des arrestations ont eu lieu au cours des jours suivants. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, “Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963)”, p. 8)


9 septembre 63 : Kennedy réitère dans une interview télévisée à la chaîne NBC sa foi dans la théorie des dominos (MacNamara, 1996, p. 74). A la question de savoir s’il doute de cette théorie, il répond : « Non, j’y crois. J’y crois vraiment. Je pense que le combat décisif est tout proche. La Chine est si vaste, elle apparaît si immense, juste au-delà des frontières, que si l’on perdait le Sud-Vietnam, la guérilla disposerait d’une position géographique améliorée pour donner l’assaut à la Malaisie, mais de plus chacun aurait l’impression que l’avenir du Sud-Est asiatique passe par la Chine et le communisme. Aussi, je crois à cette théorie. » (cité in Johnson, 1972, p. 84).


10 septembre 63 : Réunion du C.N.S. De retour du S-V, le général Krulak (Marines, spécialiste de la lutte antiguérilla) et Mendenhall (département d’État, ancien conseiller pour les affaires politiques à l’ambassade de Saigon) ont des avis plus que divergents sur ce qu’ils ont vu et entendu. Le premier estime que la guerre peut être gagnée même si le régime s-v est défaillant. Le second rapporte que la guerre contre le Vietcong est devenue secondaire par rapport à celle qui doit être menée contre le régime de Diem et qu’une guerre civile se profile. Kennedy semble surpris. Il leur demande : « Vous avez bien visité le même pays, n’est-ce pas ? »

Krulak répond qu’il a visité les campagnes tenues par l’A.R.V.N. où la situation lui paraît sinon parfaite, du moins normale. Il s’est surtout entretenu avec Lodge et… Harkins. Mendenhall, lui, est demeuré en ville (Saigon, Hué, Da Nang) et y a côtoyé les étudiants et les intellectuels. Il décrit une situation plus que chaotique, contre l’avis de Nolting, ancien ambassadeur à Saigon demeuré un fervent soutien du régime de Diem. Les avis divergents des uns et des autres, dont bon nombre ont une expérience du S-V - Nolting, Mecklin, Phillips (voir 6 septembre), Hilsman - tournent au pugilat verbal entre la vision des militaires et celle des hommes de terrain qui voient les choses différemment. A l’issu de ce C.N.S. (et des suivants…), la perplexité de Kennedy demeure donc pleine et entière…

Au Vietnam, les avis divergent également : Harkins et le M.A.C.V. considèrent que la situation est en voie d’être maîtrisée, alors que ceux qui sont sur le terrain (civils et quelques militaires) estiment qu’elle se détériore rapidement.

Le colonel John Paul Vann estime qu’au printemps, la marge d’erreur du body count (système informatisé de comptage des morts ennemis cher à McN) est de l’ordre de 40 %. Il constate par ailleurs que la situation se dégrade.


11 septembre 63 : Le F.N.L. présente à l’O.N.U. un plan de paix en 3 points. Une lettre de Nguyen Huu Tho demande la cessation de l’aide américaine, le retrait des soldats américains et la constitution d’un gouvernement de coalition (Francini 2, 1988, p. 269). Cette lettre ne sera diffusée publiquement que le 5 octobre par l’agence U.P.I. de Tokyo.


12 septembre 63 : Nouvelle conférence de presse de Kennedy sur le Vietnam. 3 objectifs sont à atteindre : gagner la guerre, contenir le communisme et ramener les Américains au pays (Pericone, 2014, p. 120).

L’ambassadeur de France à Saigon Roger Lalouette quitte le Vietnam. Il a tenté de jouer par l’entremise de Buu Hoi auprès de Nhu la carte neutraliste française (voir 29 août) à laquelle Nhu, dans son ambiguïté habituelle, n’est pas forcément insensible. Lalouette s’est aussi, selon sa hiérarchie, trop impliqué dans les affaires s-v. De ce fait, il s’est attiré les foudres des Américains et de leur presse (Chaffard, 1969, pp. 317-319) Ce rappel de l’ambassadeur français est considéré par les Français comme un moyen pour les apaiser.


14 septembre 63 : Après avoir eu recours à la pression de la parole présidentielle le 2 septembre, Washington utilise un deuxième levier, économique cette fois, en informant son ambassade à Saigon de différer la décision d’un crédit de 18,5 millions de dollars destiné aux importations du S-V (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 205).


Vers la mi-septembre 63 : Ralliement au projet de putsch des généraux de Mai Huu Xuan, (commandant le centre d’entraînement de Quang Trung, 16 000 hommes), Tran Thien Khiem (proche de Diem et Nhu, leur avait apporté son aide en 1960, responsable de la région de Saigon), Khanh (dans une moindre mesure car considéré comme « inconséquent et fourbe »), Do Cao Tri (commandant le 1er Corps d’armée), des colonels Do Mau (Sûreté militaire) et Tran Ngoc Huyen (Académie militaire), du lieutenant-colonel Nguyen Cao Ky (armée de l’air) (Tran Van Don, 1985, pp. 122-125).


16 septembre 63 : « Le 16 septembre. La loi martiale est levée. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, “Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963)”, p. 8)


17 septembre 63 : Long câble de Lodge sur la situation au S-V (MacNamara, 1996, pp. 76-77).

Une réunion du C.N.S. donne lieu à l’envoi d’instructions de la Maison Blanche à Lodge. On poursuit la politique des demi-mesures et des illusions. On y produit beaucoup de vœux pieux pour mieux différer les problèmes : pas de destitution du gouvernement Diem, « nous devons pour l’instant présent utiliser les genres de pression qui peuvent se présenter, ceci afin d’obtenir des améliorations de la situation – si petites soient-elles. » ; il faut « purifier l’air : Diem doit remettre tout le monde au travail et se concentrer sur la guerre en cours. » ; Lodge est autorisé « à bloquer tout soutien économique et tout moyen de financement » mais en se « souvenant que notre politique n’est pas de couper complètement l’aide économique ».

Au niveau des préconisations : « un véritable esprit de réconciliation ferait merveille parmi ceux qu’il [Diem] est appelé à diriger ; une attitude de répression sévère ou autocratique ne peut qu’engendrer de nouvelles résistances » ; la liberté de la presse doit être rétablie ; « un sang neuf dans le cabinet » doit être insufflé ; de nouvelles élections doivent être prévues ; on doit toutefois manifester « une attitude de désapprobation à l’égard des récentes actions du gouvernement du Vietnam. » ; on prévoit l’envoi de McN et Taylor au Vietnam avec une « mission à caractère militaire » (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 234-237 ; Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 165-167).

McN et Taylor (Président du Conseil interarmes des chefs d’état-major) demandent en effet à partir sur place mais Lodge et certains membres du département d’État s’y opposent violemment dans la mesure où les précédents voyages de McN ont toujours cautionné la position des militaires. Soutenu par le C.N.S., McN et Taylor passent outre (voir 23 septembre) (Halberstam, 1974, p. 319).


18 septembre 63 : Le journaliste américain Joseph Aslop révèle dans le New York Herald Tribune la tenue de propos émanant de Nhu qui tendraient à prouver qu’avec l’aide des ambassadeurs français à Saigon (Lalouette) et Hanoi (De Buzon), une véritable négociation est ouverte entre le gouvernement n-v et celui de Diem par le truchement du représentant polonais de la C.I.C., Manelli. Celui-ci reçoit des journalistes et dément avoir abordé cette question avec Nhu lorsqu’il l’a rencontré le 2 septembre.

L’affaire déclenche une réaction américaine. Robert Mc Closey, porte-parole du département d’État, déclare : « Il serait insensé, et contraire à l’intérêt du Sud-Vietnam, des États-Unis et des autres nations libres, de remettre en négociation ce qui a été acquis par le courage, les efforts et les lourdes pertes en vies humaines du peuple vietnamien. » (Chaffard, 1969, p. 326) L’ambassadeur des États-Unis, Cabot Lodge, commence alors à prendre une série de décisions qui vont mener au coup d’État contre les Ngo.

A cette époque, le diplomate et président indien de la C.I.C., Godburdhun, rend visite à HCM et Diem pour tenter de réétablir des relations entre les deux Vietnam antagonistes. C’est à cette occasion qu’il entend dire de la bouche d’HCM qu’« après-tout, M. Diem est, à sa manière, un patriote. » (Lacouture, 1965, pp. 96-97)


19 septembre 63 : Dans un câble adressé au département d’État, Lodge entérine (à contrecœur) le fait de ne pas pouvoir envisager le remplacement de l’équipe gouvernementale s-v actuelle, « du moins en ce qui concerne l’avenir immédiat. »

Diem et Nhu pensent que l’adoption des mesures préconisées le 17 « risquerait soit de désintégrer la structure politique sur laquelle ils s’appuient, soit leur faire perdre la face, soit les deux. » C’est donc un accord « du le bout des lèvres » qui est conclu. Selon Minh, « l’armée n’a pas le cœur à la guerre. » Le ministre de la Défense s-v, Thuan, partage cet avis et songe à quitter le pays (Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 167-168).


23 septembre 63 : Mission McN-Taylor : « Le 23 septembre, la mission d'enquête américaine dirigée par le secrétaire d'État McNamara et le général Taylor part pour le Sud-Vietnam. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, “Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963)”, p. 8) Ils doivent enquêter sur la possibilité de réduire certains projets d’assistance pour marquer leur désenchantement par rapport à la politique menée par Diem et Nhu. Dans les faits, cette aide est déjà réduite car David Bell (U.S.A.I.D. à Saigon) a fait savoir qu’elle a été automatiquement réduite « chaque fois que nous avons un problème avec un gouvernement client. » (Halberstam, 1974, p. 320)


25 septembre 63 : Interview de McN qui réitère que l’avenir du S-V repose sur l’engagement de son armée (MacNamara, 1996, p. 82).

Arthur Sylvester (secrétaire adjoint pour les Affaires publiques), après avoir séjourné à peine 24 heures au S-V, déclare lors d’une conférence de presse que la guerre « allait de mieux en mieux, plutôt que de pis en pis […] Les objectifs envisagés [vont] être atteints dans un délai relativement bref. » 2 jours plus tard, il revient sur ses propos disant que son premier rapport avait été « un peu faussé ». Il avoue alors : « […] mes remarques ont laissé croire que je voulais camoufler la vérité sous de belles paroles. » (Halberstam, 196, p. 247)


26 septembre 63 : McN et Taylor arrivent à Saigon pour 10 jours (jusqu’au 2 octobre). McN doit « estimer l’efficacité du combat au Sud-Vietnam contre le Vietcong et évaluer ses chances de succès ». Il estime également devoir répondre clairement à un certain nombre de questions : degré de véracité des rapports contradictoires, évaluer l’importance de l’opposition à Diem (étudiants, armée, administration, population), juger de l’efficacité des hameaux stratégiques, « état de santé mentale de Diem et Nhu », évaluer la réalité du pouvoir politique de Diem, savoir comment influer sur la politique de ce dernier et par quels moyens. Des réunions sont prévues tous les matins.

Le 26, McN rencontre P.J. Honey, maître de conférences sur les questions vietnamiennes de l’université de Londres. Selon ce dernier qui l’a rencontré depuis peu, Diem a vieilli, son agilité mentale a faibli. On le critique dans les milieux civils et militaires. Honey ne préconise pas le départ de Diem et estime à 50 % les chances d’obtenir du mieux. Si les communistes prennent le pouvoir, la perte de crédibilité des U.S.A. ne se fera pas ressentir qu’en Asie (MacNamara, 1996, pp. 83-84). C’est au cours de ce voyage que le secrétaire d’État à la Défense déclare : « Notre politique est de soutenir les dirigeants sud-vietnamiens dans tout ce qui contribue à gagner la guerre, mais de censurer les actes qui contribuent à affaiblir l’effort de guerre. » (cité in Chaffard, 1969, p. 326) Or désormais, aux yeux des Américains, les actes inconsidérés de Diem et Nhu  les affaiblissent de plus en plus.


27 septembre 63 : « Le 27 septembre. Les élections à l'Assemblée nationale, reportées depuis 31 août du fait de la loi martiale, se sont déroulées sans incident dans tout le Sud-Vietnam. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, “Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963)”, p. 8)

Entretien McN-Richardson (chef de station de la C.I.A. à Saigon). La crise bouddhiste ne fait que cristalliser un mécontentement plus ancien. Diem est intègre mais son entourage (les Nhu) risque de le détruire. Richardson craint un coup d’État militaire mais sait aussi que personne n’est capable de prendre la place de Diem. Il ne reste qu’une seule solution : faire pression sur Diem et forcer les Nhu à partir. McN doit donc être ferme sur ce point précis avec le président s-v (MacNamara, 1996, p. 84).


29 septembre 63 : Rencontre entre Diem, McN et Taylor. Lodge et Harkins sont présents. Habituel très long monologue de Diem sur sa sagesse politique  et les progrès de la situation militaire. McN note dans ses mémoires : « Son assurance sereine me déconcertait. » Puis le secrétaire d’État à la Défense prend la parole : c’est une guerre vietnamienne, les U.S.A. ne peuvent qu’aider ; les troubles politiques et leur répression compromettent l’effort de guerre, il faut donc les stopper rapidement et remédier à leurs causes. Diem se braque, accuse la presse et reproche aux Américains de ne pas comprendre la véritable situation au S-V. Au sujet de la crise bouddhiste, il ne modère pas sa colère et prétend avoir été « trop doux. » Le cas Mame Nhu est évoqué : une bonne partie de la mauvaise image du gouvernement aux U.S.A. vient de ses déclarations outrageuses. McN sort une coupure de journal où elle déclare que les sous-officiers américains « se comportaient en petits mercenaires. » Diem, imperturbable, prend sa défense. Quant à l’éviction de Nhu, McN se garde bien d’aborder le sujet avec son interlocuteur (MacNamara, 1996, pp. 85-86).


30 septembre 63 : McM rencontre le nonce papal, Mgr Asta. Selon le secrétaire à la Défense, le régime de Diem a créé une État policier qui arrête et torture les opposants (étudiants). Il considère que si Nhu prend le pouvoir, il demandera le départ des Américains et passera un accord avec les communistes n-v. McN et le nonce en arrivent à la même constatation : le gouvernement américain n’a pas su parler d’une seule voix, ce qui a ajouté de la confusion à la confusion dans l’esprit des S-V (MacNamara, 1996, p. 84).

​31 septembre 63 : Taylor adresse une lettre à Diem résumant le contenu de leur entretien du 29. Diem n’y répondra pas. Le dialogue de sourds se poursuit (MacNamara, 1996, p. 86).

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