Juillet 63 : Ralph Harwood, délégué de Rufus Philipps (spécialiste de la contre-insurrection à l’origine du programme dans le Delta) alerte son supérieur sur le fait que le programme des hameaux stratégiques est au point mort. Philipps se rend sur le terrain et constate le fait et en conclut que son programme est un échec (Halberstam, 1966, p. 246).
La C.I.A. est informée de la préparation de 2 complots, celui des généraux et un contre-coup d’État tramé par Nhu (voir 10 juillet).
Illustrant la future formulation « Le Sud, c’est le Sud ; le Nord, c’est le Nord ; le Vietnam est un », Tran Buu Kiem, futur président de la commission des Relations extérieures du F.N.L. (Affaires étrangères), décrit anonymement à Chaffard du journal Le Monde les futurs rapports entre son mouvement et le N-V tels qu’il les entend : « […] Il n’est pas question de vouloir instaurer en zone Sud, une démocratie populaire […] » Il n’y aura pas de nationalisations et « […] les entreprises étrangères, et notamment françaises » demeureront en place. Il se dit prêt à engager du point de vue économique « avec les représentants étrangers un dialogue d’égal à égal ». Il réitère les exigences du F.N.L. : « […] la fin de la dictature, des élections honnêtes et sincères auxquelles participeront toutes les formations politiques et les catégories sociales du pays, le départ progressif des troupes américaines […] ». Il précise : « Nous n’aurons pas lutté pendant des années, dans les pires conditions, pour aboutir au remplacement d’une dictature par une autre. Personne chez nous ne peut admettre des relations de dépendance avec le Nord. Certes nous espérons parvenir un jour à la réunification du pays. Mais cela ne sera possible que dans un avenir assez éloigné, car les deux régimes sont, au départ, très différents. Les intérêts des deux zones sont divergents, et nous aurons bien des questions à régler au préalable avant d’aborder le processus de réunification […] » Un délai de 15 à 20 ans lui paraît raisonnable. A la question de savoir s’il agit-là d’une vision réaliste au vu des enjeux de la guerre froide, l’interlocuteur de Chaffard parle « de ne pas aller trop vite [et] de garder son sang-froid » (Chaffard, 1969, pp. 420-421).
Une autre interview d’un autre dirigeant du F.N.L., Tran Buu Kiem, combattant de la première heure sous les Français, montre un certain désarroi du seul F.N.L. face aux attaques américaines qui éprouvent le mouvement : « L’aide du Nord ?... Nous l’avons longtemps espérée […] Mais finalement, nous préférons régler nos affaires entre nous, c'est-à-dire entre « Sudistes ». Certes, l’aide du Nord pourrait être utile, mais elle n’est pas notre préoccupation numéro un et ne sera pas un élément décisif dans notre lutte. D’ailleurs, la distance et le manque d’infrastructure logistique empêchent qu’elle soit jamais importante. » (cité in Chaffard, 1969, p. 432).
1er juillet 63 : Au Cambodge, Khieu Samphan démissionne de son poste de ministre du Commerce bien qu'une motion de méfiance déposée contre lui deux semaines plus tôt n'ait pas obtenu la majorité. C'est la fin des efforts de la gauche pour introduire des réformes au sein du gouvernement.
4 juillet 63 : Réunion à la Maison Blanche en présence de Kennedy, Hilsman (conseiller de Rusk pour les affaires d’Extrême Orient), Ball et Harriman (sous-secrétaires d’État), McGeorge (conseiller à la Sécurité nationale), Forrestal (conseiller pour le Sud-Est asiatique). Le compte rendu de cette rencontre sera rédigé ultérieurement par Harriman. Des rumeurs courent chez les bouddhistes que le gouvernement ne tiendra pas ses engagements du 16 juin : un article de Nhu paru dans le Times confirme cette éventualité. On envisage de s’en débarrasser mais les participants sont unanimement contre cette solution qui affaiblirait Diem. Il est décidé que si celui-ci ne transige pas sur la question bouddhiste, les U.S.A. s’en dissocieront. Or Hillsman rapporte que Diem n’a pris aucun engagement en ce sens. Une tentative de coup d’État est à prévoir dans les 4 mois à venir. La crise bouddhiste n’a toutefois pas entamé les combats de l’A.R.V.N. contre le Vietcong. Les avis sont partagés sur les conséquences d’une guerre civile que pourrait provoquer la mort de Diem. Discussion sur la date de remplacement de Nolting par Lodge. L’ancien ambassadeur a réussi « presque miraculeusement » à améliorer les relations entre Diem et les U.S.A. (Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 143-146).
6 – 20 juillet 63 : Après avoir déjà échoué deux fois, une nouvelle rencontre sino-soviétique avorte. La délégation chinoise ne comprend aucun haut-dirigeant. Elle est menée par Deng Xiaoping et Pen Chen, tous deux reconnus pour être des partisans de la confrontation avec Moscou (Marangé, 2012, p. 305).
8 juillet 63 : John Paul Vann est convoqué au Pentagone. Il a transmis au préalable un rapport dont le général Krulak (inspecteur général au Pentagone, spécialiste de la lutte antiguérilla) a demandé à connaître. Or Krulak, de retour du Vietnam, vient de produire lui-même un rapport optimiste concocté avec le M.A.C.V. d’Harkins. Vann se présente au bureau du général Earle G. Wheeler (chef d’état-major) pour assister à une réunion. Un coup de fil émanant des services de Wheeler annule l’ordre du jour de la réunion, manière de faire taire la voix de l’officier de terrain en désaccord avec sa hiérarchie. Selon Halberstam, l’intervention provient de Krulack, avec la bénédiction de la Maison Blanche (Halberstam, 1966, pp. 170-171 et p. 241).
10 juillet 63 : Un rapport de la C.I.A. observe que si Diem ne donnait pas satisfaction aux Bouddhistes « des désordres éclateront sans doute encore et les chances de l’assassiner ou de le renverser seront plus grande que jamais. » Vu l’actuel soutien des U.S.A. aux Bouddhistes, Diem « insistera pour que la présence américaine au Sud-Vietnam soit fortement réduite. » La C.I.A. pense qu’« un gouvernement fort […], avec l’aide américaine appropriée, serait en mesure de reprendre l’effort de guerre. » (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 195-196 et p. 221 ; Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 146-147). Le futur coup d’État contre Diem est déjà dans tous les esprits.
Mi-juillet 63 : Nolting (dont le départ est acté, voir 27 juin) a interrompu ses vacances et est reparti pour le Vietnam depuis le 10 juin pour tenter de régler la crise avec Diem sur demande de Kennedy. Il a reçu les journalistes. Il leur a déclaré être revenu pour « changer l’image qu’on se faisait de [Diem], à la fois ici et Outre-Atlantique. » A une question d’Halberstam portant sur le fait que changer Diem entraînerait peut-être un conflit avec les Nhu, l’ambassadeur a répondu négativement (Halberstam, 1966, p. 210).
Tran Van Don, ministre de la Défense et futur membre de la conjuration contre Diem, note dans ses mémoires : « A la mi-juillet 1963, nous étions très avancés dans l’étude de notre plan. En ce qui concernait le coup d’État, notre plus grand problème était que nous n’avions aucune troupe directement sous nos ordres. Certes, les hommes nous respectaient, mais comme nos fonctions ne nous conféraient pas une réelle autorité nous ne pouvions donner d’ordres. » Il prend cependant contact avec le général Ton That Dinh, commandant le 3e Corps et la troisième zone qui englobe Saigon. Ce dernier a la confiance de Nhu (Tran Van Don, 1985, p. 115).
16 juillet 63 : Le gouvernement s-v signe un accord avec les Bouddhistes dans lequel il s’engage à respecter leurs 5 exigences :
1. Retrait définitif de l’ordre interdisant le drapeau bouddhique.
2. Jouissance effective pour les Bouddhistes des droits inscrits dans l’ordonnance n° 10.
3. Cessation des arrestations et autres mesures de répression à l’encontre des Bouddhistes.
4. Liberté pour les bonzes et les fidèles de propager leur foi et pratiquer leur culte.
5. Indemnisation équitable des familles des innocentes victimes (voir 8 mai) et sévères sanctions contre les responsables de leur mort.
Diem temporise mais n’a en aucun cas l’intention de respecter tous les termes cet accord.
18 juillet 63 : « Le 18 juillet, des arrestations à grande échelle ont eu lieu. Diem, lors d'une allocution radiophonique, s'engage à respecter l'accord du 16 juin et annonce que des mesures seront prises pour libérer les Bouddhistes arrêtés et lever les barricades autour des pagodes. » (Union Calendar n° 371, 88e Congress, 1st Session, report n° 893, “Report of the special study mission to Southeast Asia (October 3-19, 1963)”, p. 7).
Dans cette très courte allocution : Diem fait du bout des lèvres une concession au sujet des drapeaux bouddhistes et annonce la création d’un comité spécial pour examiner leurs plaintes (Halberstam, 1966, p. 211).
31 juillet 63 : Au Cambodge, dans un éditorial du Neak Cheat Niyum (Le Nationaliste), Sihanouk, neutraliste, soutient les propositions chinoises de la conférence mondiale sur le désarmement et la destruction des armes nucléaires (Sihanouk, 1979, p. 236).