Octobre 61 : Les journalistes accrédités à la Maison Blanche sont transportés à Fort Bragg pour y assister à une démonstration propagandiste des Forces spéciales américaines (chères à Kennedy et Landsdale). Un correspondant français de l’A.F.P. présent lors de la guerre d’Indochine, Francis Lara, déclare : « C’est drôle, rien de tout ça n’a marché pour nous quand nous avons essayé en 1951. » (cité in Halberstam, 1974, p. 151)
Après 2 tentatives infructueuses (10 septembre 1960 et 19 juin 1961), Nguyen Huu Tho, futur dirigeant du F.N.L. est libéré de l’endroit où il était détenu par le pouvoir diémiste en résidence surveillée à Tuy Hoa. Il rejoindra la région de Tay Ninh, base secrète du F.N.L. proche de la frontière cambodgienne, le 30.
Début octobre 61 : Au vu du rythme des infiltrations au S-V par les troupes du Nord, Kennedy y envoie Max Taylor (conseiller militaire) et Walt Rostow (membre du C.N.S.) pour une évaluation de la situation et lui proposer des suggestions. Ils préconisent dans un rapport le renforcement du soutien américain au S-V en envoyant davantage de matériel et de petits effectifs de combattants. Ils parlent alors d’une transition « du conseil au partenariat » (McNamara, 1992, p. 51).
L’administration Kennedy est obnubilée par l’envoi de troupes au sol. Cette décision est prise sans étude approfondie, sans débat ni pronostics sur la valeur de cet engagement. Il est vrai qu’elle ne vise dans un premier temps qu’à protéger les bases aériennes américaine (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 141).
5 octobre 61 : Selon une évaluation des services de renseignement américains 80 à 90 % des Vietcongs sont recrutés sur place (Halberstam, 1974, p. 182).
6 octobre 61 : Kennedy rencontre à la Maison Blanche Andreï Gomyko, ministre soviétique des Affaires étrangères. Il lui réaffirme la détermination américaine à stopper les agressions dans le Sud-Est asiatique. Gromyko est « grave » même si la situation est en train de se détendre du fait que les Soviétiques n’ont aucune envie « de se battre dans les jungles du Laos et encore moins de déclencher une guerre nucléaire ». Selon des confidences ultérieures de Khrouchtchev, ce dernier aurait déclaré : « Pourquoi prendre des risques au Laos ? Il tombera dans notre giron comme une pomme mûre ! » (Schlesinger, 1966, p. 306).
8 octobre 61 : Au Laos, seconde tentative pour former un gouvernement de coalition dans le cadre de la Conférence de Genève entre Souvanouvuong (Pathet Lao), Souvanna Phouma (neutraliste) et Boun Oum (droite proaméricaine). Phouma serait premier ministre et le gouvernement comprendrait 8 neutralistes, 4 représentants du Pathet Lao et 4 représentants de la droite (Burchett, 1970, p. 162).
9 octobre 61 : Diem demande aux U.S.A. (Felt, Nolting) un traité de défense bilatéral vietnamo-américain. Nolting (ambassadeur à Saigon) estime qu’il faut traiter cette demande avec sérieux, même si elle contredit les accords de Genève (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 168).
11 octobre 61 : Lors d’un C.N.S., Kennedy décide d’envoyer son conseiller militaire, le général Taylor, à Saigon. Celui propose 3 options aux S-V : un engagement franc pour assurer la défaite du VC à hauteur de 3 divisions ; un modeste envoi de troupes qui assurerait une simple présence américaine dans les zones sensibles ; une aide purement matérielle en armement sans envoi massif de troupes (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 126).
13 octobre 61 : Le ministre s-v de la Défense s-v (Nguyen Dinh Thuan) demande l’arrivée de troupes américaines près du 17e parallèle (D.M.Z.) et dans la région montagneuse centrale où se produisent la majorité des infiltrations venues du Laos (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 127 et pp. 169-170).
16 octobre 62 – 28 octobre 62 : Crise des missiles à Cuba.
18 octobre 61 : Arrivée de la mission Taylor-Rostow à Saigon, envoyée sur place par Kennedy qui désigne lui-même ses membres. Le général Taylor, conseiller militaire de Kennedy, a reçu des instructions lors du C.N.S. du 11. Rostow appartient au département d’État mais ne joue ici qu’un rôle très secondaire. La mission a donc un caractère essentiellement militaire, de par la volonté présidentielle (Schlesinger, 1966, p. 492). Font également partie de cette mission Lansdale (contre-guérilla) et 2 « seconds couteaux » appartenant également au département d’État, Sterling Cottrel et William J. Jorden. Mais aucun haut-fonctionnaire de ce même département n’est envoyé car Rusk se désintéresse pour l’instant du Vietnam que lui et Kennedy estiment être, à tort, un problème plus militaire que politique. Mais cette mission est aussi une réponse à la demande du ministre de la Défense s-v du 13 (Halberstam, 1974, pp. 187-188 ; Le dossier du Pentagone, 1971, p. 126).
Diem proclame l’état d’urgence au S-V.
20 et 24 octobre 61 : Taylor rencontre à 2 reprises Diem qui demande la signature d’un traité bilatéral entre les U.S.A. et le S-V mais aussi de l’aviation, des patrouilleurs côtiers et de l’armement offensif. L’entrevue du 24 aboutit à une demande de collaboration des Américains au sauvetage dans les régions connaissant des crues exceptionnelles dans le delta du Mékong. Cette demande d’aide permet aux autorités américaines de justifier derrière un paravent humanitaire une présence militaire renforcée au S-V.
On aborde également les questions de contre-insurrection que Taylor, représentant direct de Kennedy, cherche à « vendre » à un Diem réticent. Selon un télégramme de l’ambassade en date du 18, ce dernier « cherche à éviter d’aborder la question, finit par lui [Taylor] annoncer qu’il dispose d’un plan stratégique de son propre cru. » Il s’agit du plan de Robert Thompson que Diem a rencontré le 30 septembre et qui aboutira, le 13 novembre, au Delta pacification Plan se centrant géographiquement sur le Delta et l’ouest de Saigon (Tenenbaum, 2010, pp. 128-129).
Face aux maigres concessions politiques de Diem, le scepticisme des représentants du département d’État entraînera une réaction de Rusk, absent lors de cette rencontre car en déplacement au Japon : il déplorera un engagement américain sans véritables contreparties de la part de Diem. Un avis qui sera suivi par Georges Ball (sous-secrétaire d’État aux Affaires économiques) (Halberstam, 1974, pp. 207-208 ; Le dossier du Pentagone, 1971, p. 129).
23 octobre 61 : Nouvelle rupture des relations diplomatiques entre le Cambodge et la Thaïlande.
26 octobre 61 : Sihanouk confie au journaliste australien John William du Melbourne Tribune : « Je suis très pessimiste quant aux chances de préservation du Sud-Est asiatique contre le danger communiste. Oui, le Sud-Est asiatique appartiendra au communisme à plus ou moins brève échéance. » (cité in Tong, 1972, p. 103)
30 octobre 1961 : Nguyen Huu Tho, futur dirigeant du F.N.L. qui a été récemment libéré après une troisième tentative de l’endroit où il était détenu en résidence surveillée par le pouvoir diémiste rejoint Tay Ninh, actuel siège secret du F.N.L.
31 octobre 61 : L’ambassade américaine (Nolting) fait connaître un désir quasi-unanime du peuple s-v de voir véritablement intervenir les troupes américaines. Cette révélation de l’ambassade s’ajuste parfaitement avec les objectifs de la mission Taylor-Rostow en cours (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 129).