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par Jean-François Jagielski

Mars 1961

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1er mars 61 : Déclaration de Dean Rusk (secrétaire d’État) qui affirme que les maquisards du F.N.L. « étaient dirigés, ravitaillés, renforcés et instruits par le Nord-Vietnam avec un mépris total des accords de Genève. » (Knöbl, 1967, p. 358, note 36)


9 mars 61 : Une commission spéciale américaine décide d’accroitre encore l’aide militaire à l’armée royale laotienne (Schlesinger, 1966, p. 304).


Printemps 61 : Kennedy ordonne secrètement d’envoyer au Vietnam 400 membres des Forces spéciales et 400 autres conseillers militaires. Cet ordre enfreint les accords de Genève qui fixait à 685 le nombre de soldats dont la présence était autorisée (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 107). Contrairement à ce que lui avait dit Eisenhower au sujet de Laos (voir 19 janvier), le nouveau président se focalise également sur le Vietnam estimant que le N-V constitue un État tampon entre les troupes américaines et la Chine, tout en ayant une préoccupation principale, celle de ne pas déclencher de guerre avec ce pays (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 113).

Mais selon Schlesinger, Kennedy n’oublie pas pour autant le Laos : « Pendant ses deux premiers mois de présidence, il consacra plus de temps au Laos qu’à quoi que ce soit d’autre. » Il crée « une commission spéciale du Laos » censée court-circuiter « ce problème de la lenteur de la machinerie gouvernementale ». Contrairement aux usages de l’administration Eisenhower, l’ambassadeur Winthrop Brown est sollicité quotidiennement et rappelé pour consultation à Washington « soumis au classique mitraillage de questions de Kennedy. » (Schlesinger, 1966, p. 302)


15 mars 61 : Frederick E. Nolting est nommé ambassadeur des U.S.A. à Saigon en remplacement d’Elbridge Dubrow qui avait des relations tendues avec Diem. Il présentera ses lettres d’accréditation le 10 mai. Il avoue ne pas savoir pourquoi Rusk a pensé à lui pour ce poste (Nolting, 1988, p. 11). Il demeurera en fonction jusqu’au 15 août 1963. Cette nomination vise en fait à rapprocher l’administration Kennedy de Diem, ce que fera mieux Nolting en acquiesçant à tous ses désidératas.

Au sujet du Laos où la situation paraît bloquée tant du point de vue diplomatique que militaire (voir début février et 19 février) pour les Américains, Kennedy déclare qu’« une petite minorité soutenue par des hommes et du matériel étranger » essaient de contrer le concept de neutralité du Laos. Il précise : « […] nous sommes décidés à soutenir le gouvernement et le peuple laotiens dans leur résistance contre cette tentative. » (Schlesinger, 1966, p. 302)


18 mars 61 : Le secrétaire d’État Rusk prend contact avec le ministre des Affaires étrangères soviétique, Andreï Gromyko, sur la question de la neutralité du Laos. On ne parvient pas à un accord, du moins en apparence (Schlesinger, 1966, p. 304).


20 mars 61 : Kennedy convoque un C.N.S. sur la question du Laos. Au préalable, il a invité Walter Lippmann (journaliste qui a fait connaître l’expression « guerre froide ») et Schlesinger à déjeuner. Selon ce dernier, « il était très préoccupé par le Laos. » Il déplore la trop grande implication des U.S.A. en Asie du Sud-Est mais estime « qu’il devait faire face à la situation telle qu’elle était. »

Sa position demeure ferme : « Nous ne pouvons accepter et nous n’accepterons pas une humiliation manifeste au Laos. » Il ne se prononce pas cependant pour une intervention unilatérale et directe des U.S.A., « pour un pays dont les habitants n’avaient visiblement aucune envie de se battre pour eux-mêmes. » Il ne comprend pas et ne partage pas la position des Soviétiques concernant la neutralisation du pays. Il confie à ses 2 interlocuteurs qui ne lui sont pas d’un grand secours : « Si je décidais de ne rien faire, je pourrais être un président extrêmement populaire. » Mais telle n’est pas son intention…

Le C.N.S. discute sur le fait d’envoyer un petit contingent de troupes américaines au Laos dans la vallée du Mékong. Rostow défend ce projet mais les chefs d’état-major s’y opposent craignant une réplique du VM envahissant le Laos et une intervention de la Chine (au vu de ce qui s’est passé en Corée). Ils préconisent ou une intervention massive de l’ordre de 60 000 hommes, avec appui aérien (voire l’utilisation d’armes nucléaires) ou rien. Kennedy n’est pas favorable à une intervention limitée du fait de la complexité de la situation internationale du moment : Berlin, Cuba, le Congo. Ce C.N.S., pas plus d’ailleurs que celui du lendemain, n’aboutit à aucune prise de décision claire. On espère toujours explorer la voie diplomatique avec les Russes (Schlesinger, 1966, pp. 304-305).


23 mars 61 : Face à une situation de guerre civile (voir 19 janvier et mai), Kennedy, lors d’une conférence de presse où sont exposées trois cartes du Laos montrant les infiltrations communistes, lance un avertissement concernant ce pays où plus de 6 000 soldats n-v sont engagés : « Le Laos est loin de l’Amérique, mais le monde est petit… Si le Laos perd son indépendance et sa neutralité, la sécurité de toute l’Asie du Sud-est sera compromise. » (cité in Kissinger 1, 1979, p. 467) Selon Schlesinger, le président dénonce « plus de 1 000 sorties aériennes [soviétiques] dans la zone des combats depuis décembre. » Si ces attaques devaient continuer, « ceux qui soutiennent un Laos franchement neutre devront envisager une riposte. » Tout en affirmant clairement la nouvelle position des États-Unis : « Si dans le passé, il y a pu avoir des motifs de se méprendre sur notre désir d’un Laos véritablement neutre, il ne doit pas y avoir de doutes maintenant. » S’adressant plus particulièrement au peuple américain, il déclare : «  La sécurité de l’ensemble du Sud-Est asiatique serait en danger si le Laos perdait son indépendance et sa neutralité. Sa propre sécurité marche de pair avec la nôtre à tous, dans une neutralité respectée par tous […] Je sais que chaque Américain sera désireux de voir son pays respecter ses engagements jusqu’à ce que la liberté et la sécurité du monde libre et de nous-mêmes soient assurées. » Mais derrière la fermeté de ses propos publics se dissimulent des doutes et une grande perplexité.


27 mars 61 : Lors d’une conférence de l’O.T.A.S.E. à Bangkok, Rusk obtient l’envoi de troupes thaïlandaises, du Pakistan et des Philippines. Les Français s’abstiennent (Schlesinger, 1966, p. 306).


28 mars 61 : Un « avis » des services de renseignements américains brosse un tableau très sombre de la situation au S-V : « Plus de la moitié de la région rurale au sud et au sud-ouest  de Saigon de même que quelques régions au nord se trouvent soumises à un contrôle communiste rigoureux. Quelques-unes de ces régions sont en effet inaccessibles à toute autorité gouvernementale qui n’est pas immédiatement soutenue par des forces armées efficaces. Les forces du Vietcong encerclent Saigon et ont commencé récemment à se rapprocher de la ville […] Il y a eu une tendance grandissante dans les milieux officiels et l’armée à mettre en question les capacités de Diem en tant que chef dans la période actuelle. Beaucoup de personnes estiment qu’il est incapable de rallier le peuple au combat contre les communistes, du fait de son attitude quasi dictatoriale, de la tolérance qu’il témoigne à l’égard de la corruption répandue jusque dans son entourage immédiat et de son refus de détendre un système rigide de contrôle. » (cité in Le dossier du Pentagone, 1971, p. 114)


Fin mars 61 : Averell Harriman (ambassadeur itinérant), électron libre de la diplomatie américaine, s’arrange  pour rencontrer à New Dehli Souvanna Phouma sans en avertir l’administration. L’entretien se passe bien, Phouma étant sûr d’être suivi par 90 % de la population laotienne qui est, selon lui, prête à adhérer à un projet neutraliste. Harriman dont la vieille expérience avec les Soviétiques est appréciée à la Maison Blanche est écouté avec la plus grande attention par Kennedy. Une venue de Phouma à Washington est programmée pour les 19 et 20 avril mais sera contrariée par l’absence de Rusk (censé se rendre en Géorgie) et surtout par le fiasco militaire de la Baie des Cochons (voir 17 - 20 avril). Phouma repart finalement pour Moscou (Schlesinger, 1966, p. 308).

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