1er avril 52 : Fait inédit, le gouvernement Pinay attribue le poste de haut-commissaire d’Indochine au ministre des Relations avec les États associés Jean Letourneau assisté du gouverneur Gautier (voir 19 avril). Salan est nommé officiellement commandant en chef par intérim (voir 9 avril). On en revient donc, après De Lattre, à une nouvelle dissociation des pouvoirs civils et militaires pourtant si néfaste à la conduite des opérations. L’échelon du haut-commissaire disparaît d’une certaine manière derrière celui du ministre. Letourneau (États associés) se trouve rapidement confronté à l’Assemblée nationale à l’opposition socialiste qui refuse de voter les crédits pour poursuivre le conflit. Il plaide la volonté de la France de rester en Indochine (« un des bastions avancés du monde libre »), le temps que l’armée vietnamienne soit en état d’assurer la défense du pays. Il évoque « la solution internationale [qu’il] est le premier à souhaiter » (voir 28 décembre 1951) (Gras, 1979, pp. 442-443).
5 avril 52 : Le chef de bataillon Albert Merglen écrit dans son journal : « Un jour la catastrophe s’abattra sur nous. Alors, on pleurera. On cherchera des responsabilités… Je ne suis pas défaitiste, je ne crois pas être crétin : je regarde le problème lucidement. J’ai été dans le Delta et ai vu les villages abandonnés aux Viêts, où l’on accède que bataillon déployé, avec avions et artillerie […] J’ai été sur la route coloniale 6 et ai vu que nous ne pouvions rester en zone viêt, malgré avions et artillerie. Alors qu’on ne me raconta pas que l’on battra les Viêts comme cela sans effort autre que celui qui a déjà été fait […] Nous n’avons aucune chance de remporter la victoire dans les conditions actuelles. » (cité in Cadeau, 2019, p. 407)
9 avril 52 : Après un court intérim, Salan succède au général De Lattre de Tassigny et prend les fonctions de commandant en chef. Il occupera ce poste jusqu’au 28 mai 1953 (Bodinier, 1987, p. 130).
Pour la première fois depuis le début de la guerre d’Indochine, les socialistes s’abstiennent de voter les crédits de guerre (Ruscio, 1992, p. 111).
9 - 10 avril 52 : Nouveaux débats houleux sur l’Indochine à l’Assemblée nationale.
14 avril 52 : Opération Porto et Polo menées à une trentaine de kilomètres à l’est d’Hanoi par Cogny dans le district de Thuan Thanh pour dégager la R.C. 5 entre Hanoi et Haïphong. Très rare réussite dans ce genre d’opération. Dans la nuit du 19 au 20, le régiment 98 (division 316) comptera 900 tués et 1 000 prisonniers (Gras, 1979, p. 459 ; Giap 2, 2004, pp. 250-251 ; Cadeau, 2019, p. 410).
18 - 20 avril 52 : Opération Turco (Cogny) dans le secteur du village de Daï Vi Thuong (25 kilomètres au nord-ouest d’Hanoi) en vue d’éliminer le 98e régiment. Elle engage le renfort de 3 G.M. qui encerclent le T.D. 98 et anéantit 3 villages : Trac Niet, Yen Gia, La Miet. Les pertes vietminh sont de 870 tués et 110 prisonniers ; celles des Français sont de 76 tués et 32 disparus. Giap reconnaît dans ses mémoires la perte de 600 combattants (Gras, 1979, pp. 459-460 ; Giap 2, 2004, p. 251).
19 avril 52 : Jean Letourneau, ministre des Relations avec les États associés, est nommé officiellement haut-commissaire en Indochine (jusqu’au 3 juillet 1953). Il est assisté d’un secrétaire général, le gouverneur Georges Gautier (ancien collaborateur au cabinet civil de Decoux, futur haut-commissaire de la République Française au Vietnam en 1953, puis gouverneur général de la France d’Outre-Mer). Il y a donc à nouveau scission entre le pouvoir civil et militaire à la tête de l’Indochine. Lucide, Salan note : « Nous en revenons aux errements du passé… » (Salan 2, 1971, p. 292) Cette situation inconfortable va perdurer. Ce n’est qu’après le défaite de Dien Bien Phu, le 5 juin 1954, que le général Ély cumulera à nouveau les deux fonctions, commissaire-général et commandant en chef mais qui seront, dans les faits, largement assumées par Salan en l’absence de Letourneau.
22 avril 52 : IIIe plénum du comité central du Parti. On préconise une guerre longue, il faut donc privilégier la guérilla en premier lieu et la guerre conventionnelle en second. Bien qu’opposés à l’engagement sur Hoa Binh, les conseillers chinois sont cette fois favorables à la future campagne visant le Nord-Ouest (Giap 2, 2004, pp. 237-238).