Début 52 : Rapport du C.N.S. intitulé « objectifs et perspectives des U.S.A. en Asie du Sud-Est ». La théorie des dominos est plus que jamais d’actualité : « La défaite d’un quelconque pays de l’Asie [Birmanie, Thaïlande, Indochine, Malaisie, Indonésie] devant l’agression communiste aurait des conséquences psychologiques, politiques et économiques incalculables. » Le Japon risque « de passer sous la domination communiste » et la Chine, « hostile et agressive », demeure la toute première menace. Du point de vue américain, « pour empêcher la plupart des pays du Sud-Est asiatique de tomber sous le domination communiste, la défense victorieuse du Tonkin est d’une nécessité vitale. » (Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 58-67) Les U.S.A. financent la guerre d’Indochine à hauteur de 40 % de son coût total (330 milliards).
Janvier 52 : De janvier 1951 à janvier 1952, l’effectif de l’Armée nationale vietnamienne (A.V.N.) est passé de 70 600 hommes à 134 700 (Toinet, 1998, p. 141).
1er janvier 52 : Le général de corps d’armée Salan succède à De Lattre au commandement des troupes d’Indochine par intérim à compter de ce 1er janvier puis à titre définitif à compter du 9 avril 1952 jusqu’au 28 mai 1953 (Bodinier, 1987, p. 130).
Les Gaullistes soutiennent toujours le conflit même s’ils en critiquent vertement la conduite. L’ancien ministre des Armées, André Diethelm (R.P.F.), déclare : « […] Si nous rompions en Indochine […], nous aurions perdu notre prestige et notre standing de grande puissance […] (cité in Bodin, 1996, p. 249).
La commission générale du Parti dans l’armée estime qu’après 20 jours de combat, la tournure évolue selon les prévisions. Elle entend axer la pression sur la ligne Hoa Binh-R.C. 6. Il faut couper la route et ainsi anéantir le retrait des Français comme cela s’était passé sur le R.C. 4. en octobre 1950. Les attaques de postes français sont plus que jamais un objectif à atteindre : il faut franchir le Day, occuper la rive droite. Tâche réservée aux 308e, 304e et 312e divisions au plus tard pour le 7 (Giap 2, 2004, p. 216).
Les effectifs de l’armée vietnamienne atteignent 128 000 hommes (71 000 réguliers et 57 000 supplétifs). Ces chiffres vont encore s’accroître dans les mois qui viennent. L’armement, grâce aux livraisons américaines, s’améliore très progressivement (Cadeau, 2019, p. 366).
3 janvier 52 : Disparition du lieutenant Henri Leclerc de Hauteclocque, fils du général, dans la région de Ninh Binh (Salan 2, 1970, p. 280).
6 janvier 52 : Salan décide de replier toutes ses forces pour protéger la ligne de défense le long du Day afin de renforcer Hoa Binh et la R.C. 6 (Giap 2, 2004, p. 216). Giap a une préoccupation : limiter les pertes dues à l’artillerie française. Il constitue des commandos chargés de s’en prendre spécialement aux positions d’artillerie (Giap 2, 2004, pp. 216-217).
7 - 9 janvier 52 : Début de la 3e phase de l’offensive vietminh dans le secteur de Hoa Binh et de la R.C. 6 (sud-ouest d’Hanoi, carte-relief in Salan 2, 1971, p. 283 ; récits du début de ces combats côté n-v in Ngo Van Chieu, 1955, pp. 193-202). Changement de stratégie côté vietminh du fait de l’échec de l’attaque des postes qui ont su résister jusqu’alors (voir 31 décembre 1951). Durant le siège de Hoa Binh, le terrain d’aviation est bombardé (4 avions détruits) et la R.C. 6 est coupée. Pour contrer un soutien aérien, une D.C.A. vietminh est installée. Giap engage ses meilleures divisions pour faire tomber la place : les divisions 304, 306, 316. Les assauts par vagues de submersion sur les positions françaises sont particulièrement violents comme en témoigne Salan : « Quelle indifférence dans les pertes ! […] Quelle frénésie chez ces hommes, quelle furie dans leur charge ! Volontaires de la mort l’espace d’une nuit, d’autres hommes prenaient leur place la nuit suivante. Ce spectacle me donnait à penser qu’avec de tels soldats, Giap pouvait tout se permettre, tout oser. » (Salan 2, 1971, p. 282) Le commandant en chef par intérim envoie des renforts sous le commandement du colonel Gilles pour dégager la R.C. 6. Ce dernier adopte une méthode prudente, lente, faisant travailler l’artillerie et détruisant l’ennemi avant d’engager ses troupes. On en vient progressivement à une bataille rangée. Les positions françaises résistent aux différentes vagues qui viennent s’y briser. Du 17 janvier au 22 février, les Français commencent à replier leurs forces car le VM a aussi épuisé les siennes. Lors du repli français (20 000 hommes), les pertes sont faibles : 76 tués, 10 disparus, 250 blessés. Au total, les pertes françaises s’élèvent cependant à 3 500 morts et 7 000 blessés (Toinet, 1998, p. 473). Celles du VM sont nettement supérieures mais demeurent inconnues.
8 janvier 52 : Le ministère Pleven est renversé par les socialistes (voir 20 janvier) qui règlent leurs différends avec le gouvernement en place par le biais de la loi Barangé sur l’aide aux écoles libres...
Un décret paru au J.O. nomme Salan commandant par intérim du C.E.E.F.O. (Salan 2, 1971, p. 282).
8 - 9 janvier 52 : Les postes (dont celui de Tu Vu) qui jalonnent le dispositif français de la Rivière Noire sont évacués (opération Violette). Le centre de gravité de la bataille d’Hoa Binh se porte alors sur le R.C. 6 et ses postes (Cadeau, 2019, p. 398).
10 janvier 52 : Les Français concentrent des parachutistes au niveau du Xuan Mai (localité située sur la R.C. 6 entre Hanoi et Hoa Binh). Selon Giap, ces troupes sont accrochées par la 304e division. Les Français rapatrient alors des troupes de Hoa Binh pour renforcer ce point et pour protéger et défendre la R.C. 6 qui demeure leur seul possibilité de repli (Giap 2, 2004, pp. 227-228).
10 - 31 janvier 52 : Selon Giap, « sur le front de Hoa Binh, après le retrait de la ligne de défense longeant la rivière Da, les Français se trouvèrent réduits à la défensive. Tous leurs efforts, entre le 10 et le 31 janvier 1952, consistèrent à dégager la R.C. 6, entièrement coupée par la 304e division. » (Giap 2, 2004, p. 223) La réalité de la situation est certainement plus complexe et délicate que ne le laisse entendre Giap dans ses mémoires du fait de l’importance des pertes dans les rangs du VM.
11 janvier 52 : Décès de De Lattre de Tassigny. Il sera élevé quelques jours plus tard au rang de maréchal. Poursuite par ses successeurs et anciens collaborateurs de sa politique autour de la personnalité de Salan.
Au Cambodge, Son Ngoc Thanh crée le journal Khmer Krok (Soulèvement khmer). Il propose des réformes radicales qui divisent les démocrates. Le journal sera interdit un mois plus tard sa première parution.
12 - 31 janvier 52 : Poursuite de la bataille de la R.C. 6 (Hoa Binh). Contrairement à leur habitude, les troupes du VM ne s’esquivent pas. Elles subissent des bombardements aériens et par artillerie. La R.C. 6 est dégagée progressivement permettant ainsi le ravitaillement de l’artillerie française qui donne à plein régime. Les Français regagnent du terrain. Giap regroupe ses troupes autour de Hoa Binh pensant que l’ennemi va lâcher la ville.
20 janvier 52 : Edgar Faure (radical-socialiste) devient président du Conseil (jusqu’au 28 février 1952).
Gouvernement : Armées : G. Bidault (M.R.P.) ; Affaires étrangères : Robert Schuman (M.R.P.) ; France d’Outre-Mer : L. Jacquinot ; Relations avec les États associés : Jean Letourneau (M.R.P.) (Bodin, 2004, p. 125).
Ce gouvernement affirme devant l’Assemblée vouloir poursuivre la lutte. Letourneau est envoyé en mission à Saigon pour « y affirmer la continuité de la politique française ». Le choix d’un haut-commissaire est renvoyé à plus tard (voir 19 avril). L’intérim est assuré conjointement par le gouverneur-général Gautier et le général Salan, avec donc à nouveau une séparation entre le pouvoir civil et militaire. Tous deux seront reconduits (voir 1er avril). Salan note que Letourneau est « très souvent absent » et que, de ce fait, « nous en revenons aux errements du passé… » (Salan 2, 1971, p. 292)
22 janvier 52 : Création dans l’armée française de l’Office du prisonnier (Cadeau, 2019, p. 631, note 17).
27 janvier 52 : Le commandement du VM se réunit et décide de conclure la 3e phase de la campagne sur Hoa Binh. Il est désormais question d’attaquer l’ennemi lors de sa retraite comme cela s’était produit sur la R.C. 4 (Giap 2, 2004, p. 226-227).
31 janvier 52 : La 320e division détruit le poste de La Cao et progresse dans les districts de Kien Xuong et Tien Hai (Giap 2, 2004, p. 221).
Fin janvier 52 : Arrivée à Saigon du centième bateau d’aide militaire américaine. À cette époque, une directive récente du C.N.S. américain considère que « la défense du Tonkin est absolument indispensable à la conservation du Sud-Est asiatique contre les mains des communistes. » (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 42-43)
Dans une allocution radiodiffusée, Salan déclare : « Depuis dix-sept mois l’aide américaine a déversé dans les ports du Vietnam 120 000 tonnes de matériel de guerre dont 178 avions, 170 navires et bâtiments divers, des chars, des munitions, du matériel de transmissions. » (Salan 2, 1971, pp. 293-294)