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par Jean-François Jagielski

Octobre 1951

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Automne 51 : L’armée du VM se structure progressivement et combine guérilla à l’apparition de formations militaires beaucoup plus conventionnelles, calquée en partie sur celle de l’armée française. L’armement s’améliore comme en témoigne Ngo Van Chieu : « Je suis affecté à une unité nouvellement formée. Nos régiments sont maintenant articulés en trois bataillons. Les combattants qui composent ces régiments sont beaucoup plus nombreux. Plus de 3 500 hommes. L’armement est également beaucoup plus fourni et efficace. Nous avons des mortiers, des canons sans recul et antichars et des bazookas. Les Bataillons qui étaient jusqu’à présent un simple groupement de compagnies sont désormais dotés chacun d’une compagnie de commandement et d’accompagnement, transportant les mitrailleuses contre avions, les S.K.Z. et les mortiers de 81. En outre, j’apprends tout cela le premier jour de mon arrivée, les divisions sont désormais dotées d’un numéro et d’effectifs fixes. Nous avons des divisons d’infanterie, composée uniquement de régiments d’infanterie et des divisions lourdes comprenant des régiments de génie et d’artillerie […] Les routes qui viennent de Chine retentissent la nuit du bruit des camions qui nous apportent armes et munitions […] Nous avons également de l’artillerie, des pièces de canons prises aux Français ou achetées à l’étranger. Mais la majorité de nos armes et de nos munitions viennent de nos usines. En ces années de lutte, nous avons construit des usines de guerre, des fabriques de munitions, d’armes, de grenades, d’obus situées en pleine jungle, sous des paillotes ou dans des abris creusés dans le rocher. » (Ngo Van Chieu, 1955, pp. 185-186)


Octobre 51 : Début de l’arrivée massive de l’aide américaine suite aux demandes de De Lattre lors de sa récente visite aux U.S.A. Nombre de matériels déjà commandés en février sont fournis : 400 canons sans recul, 30 canons de 105 mm HM2, 100 automitrailleuses M8, 40 M 29C Crabe, nouveaux émetteurs-récepteurs, engins de terrassement, chars Sherman, pièces de rechange (Cadeau, 2019, p. 379).

Le sénateur Kennedy se rend au Vietnam à l’occasion d’une tournée asiatique et au Proche-Orient de membres de Congrès. Il quitte le pays avec l’impression que les Français n’ont nullement envie de renoncer au pouvoir colonial. Il pense qu’en soutenant les Français plutôt que les nationalistes vietnamiens, les responsables américains compromettent la stratégie de Guerre Froide et font ainsi le jeu des communistes (Goscha, 2016, p. 51).


1er octobre 51 : De Lattre, absent du fait de sa tournée anglo-saxonne, approuve les plans de Salan et ce, malgré les critiques de Cogny (directeur des cabinets civil et militaire) qui y voient le risque d’un autre Dong Khe. En pays thaï, la division 312 (mise en route depuis septembre) submerge de nuit les postes de Ban Tu et Ca Vinh qui leur ouvre la cuvette de Nghia Lo. Mais un bataillon de parachutistes parvient à la prendre de flanc et par l’arrière. Surestimant les effectifs français, les Vietnamiens n’attendent pas leurs renforts et attaquent la localité dans la nuit du 2 au 3. La garnison bien retranchée résiste, y compris dans la nuit du 4 au 5. Salan fait parachuter de nouveaux renforts qui sont accrochés mais résistent.


2 octobre 51 : Attaque du 141e régiment vm sur la localité de Nghia Lo (proche de Yen Bai, nord-ouest d’Hanoi ; une seconde attaque aura lieu sur cette même localité en octobre 1952). Sans succès (Giap 2, 2004, p. 174). Elle est défendue par une compagnie de réguliers thaï et 2 compagnies de supplétifs qui se partagent 2 postes : Nghia Lo-haut et Nghia Lo-bas. 6 autres compagnies sont réparties dans un rayon d’une trentaine de kilomètres (Cadeau, 2019, p. 381).


3 octobre 51 : Les médecins parisiens pronostiquent un cancer de la hanche chez De Lattre et lui demandent de rentrer en France à la mi-novembre pour y être opéré. Celui-ci n’a déjà plus aucun espoir et se sait condamné (Gras, 1979, p. 417).

Les parachutistes du 8e B.P.C. voulant occuper les hauteurs dominant le village de Nam Muoi tombent sur 2 régiments du régiment 209 qui avaient reçu une mission identique. Les forces vietnamiennes ne parviennent pas à exploiter leur avantage numérique et ne poussent pas plus loin (Cadeau, 2019, p. 382).


Nuit du 4 octobre 51 : Le 141e régiment vm attaque à nouveau Nghia Lo, sans plus de succès que la première fois du fait des renforts parachutés par Salan sur Gia Hoï (8e B.P.C. et 2e B.E.P.) (Giap 2, 2004, p. 174 ; Cadeau, 2019, p. 381).


4 - 7 octobre 51 : De Lattre fait escale à Londres où il remporte le même succès qu’aux U.S.A. Il y obtient aussi du matériel militaire, notamment des automitrailleuses légères. Puis il se rend à Rome pour y rencontrer Pie XII et inciter les milieux catholiques vietnamiens à mieux coopérer avec le gouvernement. Le pape enverra au Vietnam un délégué apostolique, Mgr Dooley (voir 28 octobre) (Gras, 1979, pp. 416-417).


5 octobre 51 : Salan largue le 10e B.C.C.P. sur Nghia Lo (Giap 2, 2004, p. 174). Les attaques sur les 2 postes de Nghia Lo échouent à nouveau. Les parachutistes contre-attaquent.


6 octobre 51 : Les parachutistes de 8e B.P.C. qui ont à nouveau reçu l’ordre d’occuper le village de Nam Muoi tombent sur une embuscade qui n’aboutit pas à cause d’une panne de transmission. Les forces de la division 312 se sont trop dispersées et ont voulu à tout prix prendre Nghia Lo alors que ses postes résistaient. Ils se sont obstinés en mobilisant un régiment pour la prise du poste de Son Buc. Au final, la 312 se retire (Cadeau, 2019, pp. 382-383).


7 octobre 51 : Fin de la première bataille de Nghia Lo. Le colonel Le Trong Tan, estimant que la division 312 est à bout de force faute de ravitaillement, abandonne la localité. Malgré leur infériorité numérique (contre 11 bataillons vietminh) et grâce à l’intervention des parachutistes, les Français ont tenu et pu maintenir leurs opérations dans le delta du Fleuve Rouge (Gras, 1979, pp. 418-423 ; Giap 2, 2004, p. 174). Selon Salan, la bataille fait 36 tués, 163 disparus, 93 blessés côté français. Un millier de tués et 2 500 blessés côté VM. 40 % des cadres de la division 312 ont été décimés. Salan considère donc cette bataille comme une victoire (Salan 2, 1971, p. 257). Or elle est avant tout due aux erreurs du VM qui saura tirer les leçons de cet échec en octobre 1952 lors de la seconde attaque de Nghia Lo.


8 octobre 51 : Fin de l’opération Mandarine qui ne parvient pas à encercler les forces du VM (Giap 2, 2004, pp. 176-177). Pourtant, selon Vanuxem, « pour Mandarine, on avait vu grand : aux treize bataillons de l’opération Citron, on en ajouta trois, soit seize bataillon, un groupement blindé, six groupes d’artillerie, du génie et toute la sauce avec l’encadrement de quatre G.M. et d’une division de marche, échelon intermédiaire, reconnu nécessaire entre les exécutants et le Haut commandement assuré par le général De Linarès en personne. » Selon le même, le VM déplore 1 000 tués, 10 000 prisonniers. Sur ces 10 000, 3 000 seront reconnus comme appartenant aux formations régulières ou régionales du VM (25 officiers, 5 médecins, 500 fonctionnaires et commissaires politiques) (Vanuxem, 1977, pp. 134-135).


13 octobre 51 : Au Cambodge, mise en place du gouvernement Huy Kanthoul, premier gouvernement démocrate homogène. Il demeurera en place jusqu’au 15 juin 1952 (Jennar, 1995, p. 146).


19 octobre 51 : Après une étape en Angleterre, retour à Saigon de De Lattre au Vietnam plus que jamais affecté par ses problèmes de santé.


21 - 23 octobre 51 : Venue à Saigon du chef d’état-major américain, le général Collins. Les discussions portent sur l’aide américaine qui doit encore monter en puissance (Salan 2, 1971, p. 261).


28 octobre 51 : A la suite de l’intervention du Saint-Siège, Mgr Dooley, envoyé du pape Pie XII, provoque une conférence épiscopale au Vietnam. Elle aboutit à la création d’un front catholique unifié de deux millions de personnes qui prend désormais nettement position en faveur de Bao Daï. L’attitude des catholiques à l’égard du gouvernement vietnamien change alors du tout au tout (Gras, 1979, p. 417).


29 octobre 51 : Au Cambodge, retour de Son Ngoc Thanh à Phnom Penh. Il était en détention administrative en France depuis 1945. Il est accueilli par des dizaines de milliers de personnes à l'aéroport de Pochentong où l'attendent le premier ministre et plusieurs membres du gouvernement.

Le gouverneur Jean L. De Raymond, commissaire de la République au Cambodge depuis mars 1949, est assassiné à l’hôtel du Commissariat de la République par un domestique vietnamien engagé depuis un mois en remplacement d’un agent qui avait demandé son affectation à Saïgon. L’affaire aura un vif retentissement en Indochine et plus généralement dans le monde. De Lattre se déplacera pour assister aux obsèques.

A Paris, Hou Yuon devient président de l'Association des Étudiants khmers (A.E.K.). Se trouvent dans son comité, leng Sary, Saloth Sar, Thiounn Mumm, Khieu Samphan, Kheng Vannsak.


30 octobre 51 : Au Cambodge, le général Yves Digo est nommé Commissaire de la République. Le nationaliste pro-japonais Son Ngox Thanh (voir 16 octobre 1945) est libéré de sa résidence surveillée en France. Il rentre à Phnom Penh où, selon Sihanouk, il est accueilli « aux acclamations de ses amis ». Le roi, qui était intervenu en sa faveur pour la commutation de sa peine en simple résidence surveillée à Poitiers puis à Vence, lui propose un poste ministériel jugé inacceptable par l’intéressé. Les deux hommes se brouillent définitivement (Tong, 1972, p. 40).

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