4 avril 51 : Du fait des troubles dans les ports français, 76 cartes professionnelles sont retirées à un groupe de dockers du port de La Pallice. Plus de 700 dockers de Marseille encourent la même sanction (Ruscio, 1985, p. 225).
Nuit du 4 avril 51 : Le VM tente plusieurs attaques : le 102e régiment sur Ben Tam ; le 88e sur Bai Thao ; le 98e sur Ha Chieu. Toutes se soldent par des semi-échecs. Les vagues d’assaut sont décimées par l’artillerie française (Giap 2, 2004, pp. 132).
5 avril 51 : Le VM met fin à la campagne Hoang Hoa Tam (Giap 2, 2004, pp. 132).
7 avril 51 : De Lattre crée les Commandos mixtes aéroportés (G.C.M. A.) en accord avec le service « action » du S.D.E.C.E. Les effectifs sont constitués d'autochtones indochinois (partisans Hmong ou Thaï, Nung, Méo et Laotiens pour la plupart) et les cadres européens proviennent principalement des unités parachutistes et notamment du 11e Choc. Ils sont constitués de plus de 10 000 partisans qui opèrent pour des opérations de contre-guérilla en Haute Région tonkinoise et dans le Nord-Laos et qui détestent, pour la plupart, les Annamites. Ils sont constitués par des officiers parachutistes français qui estiment que les troupes du C.E.F.E.O. sont mal adaptées au terrain particulier de ces régions (montagneuses, recouvertes de jungle, sans véritables pistes, où les cartes sont déficientes). C’est aussi un palliatif au manque d’effectifs français, notamment au niveau des troupes mobiles (David, 2000, p. 45).
16 avril 51 : Constitution de la 320e division vietminh (Giap 1, 2003, p. 283).
18 avril 51 : Opération Méduse. De Lattre rassemble 14 bataillons d’infanterie, 4 groupes d’artillerie, 2 dinassauts et des blindés dans le secteur de Ninh Giang (localité légèrement au sud entre Hanoi et Haiphong) sous le commandement de De Linarès (commandant des F.T.V.N.). Le mouvement se fait vers la mer. C’est une opération de ratissage des villages effectuée par les G.M. appuyés par de l’artillerie. Mais le bouclage s’avère trop lâche pour être parfaitement efficace. Le T.D. 42 parvient à passer entre les mailles du filet. Le résultat est au final décevant (Gras, 1979, p. 403).
19 avril 51 : Faute d’avoir pu convaincre Bao Daï de l’accompagner, De Lattre se rabat sur son président du Conseil, Tran Van Huu, qu’il emmène sur le lieu de sa victoire à Vinh Yen (voir 12 janvier). Il y prononce un discours dont la teneur est proche de celui qu’il prononcera le 11 juillet (De Folin, 1993, p. 213 et Salan 2, 1971, pp. 454-459). « La protection de nos armes n’a de sens que parce qu’elle donne au Vietnam qui grandit dans l’indépendance, le temps et les moyens de devenir assez fort pour se sauver lui-même, pour rassembler toutes ses énergies [...] Je suis ici pour accomplir votre indépendance, non pour la limiter. » Dans sa réponse, Tran Van Huu prend position sans équivoque et qualifie le VM d’« ennemi commun ». Il s’engage à mener contre lui « une lutte sans merci ». De Lattre prononce ici et consacre à nouveau le mot « indépendance », une manière de combattre l’attentisme des classes dirigeantes et d’une administration vietnamienne qui se semblent les unes et les autres se désintéresser de l’issue de cette guerre (Gras, 1979, p. 405).
20 avril 51 : Le comité central du VM décrète l’ouverture d’une quatrième et nouvelle campagne militaire dénommée Quang Trung. Elle doit avoir lieu dans la 3e interzone qui sera créée le 25 novembre. Elle est ici centrée principalement dans la zone des Évêchés qui est économiquement la plus riche et la plus peuplée au Nord. Le comité du Parti de cette campagne est composé de Nguyen Chi Tan, Le Thanh Nghi, Van Tien Dung, Hoang Van Tai Hoang Sam et Giap qui est désigné comme secrétaire. Le but de cette campagne est d’anéantir une partie des forces françaises, d’empêcher la création d’une armée vietnamienne, de soutenir la guérilla en ralliant la population. La zone compte de nombreux catholiques, pas forcément en phase avec le VM (Giap 2, 2004, p. 138).
26 avril 51 : Tenue d’une conférence récapitulative qui a pour but de faire un bilan de la précédente campagne qui s’est soldée par un demi-échec. HCM est présent et prend la parole : « Faire d’abord et principalement son autocritique avant de faire la critique des autres. L’exercice de l’autocritique et de la critique permet d’atteindre l’unité de pensée. Celle-ci entraîne l’unité d’action. Toutes deux sont nécessaires pour vaincre l’ennemi. » Il insiste sur le bien-être du soldat (nourriture, habillement, aspirations) qui doit être une importante préoccupation des officiers. Il ajoute, s’inspirant de la pensée de Mao : « Chaque militaire doit être, par ses actes, un exemple de propagande. Le peuple est comparable à l’eau, les soldats aux poissons. Il faut faire en sorte qu’il nous aide de toutes ses forces et nous vaincrons. » (cité in Giap 2, 2004, p. 138).
27 avril 51 : De Lattre décide que chaque bataillon du corps expéditionnaire doit avoir son équivalent côté armée vietnamienne. L’objectif est de « vietnamiser » la guerre en formant 4 divisions autochtones d’ici la fin de l’année. Il évoque la création de 4 écoles de cadres à Dalat, Nam Dinh, Hué et Nha Trang sous la houlette du général Spillman.
28 avril 51 : De Lattre arrête sa décision de faire construire 700 ouvrages bétonnés pour établir sa ligne de fortification autour du delta du Tonkin. Ce programme se poursuivra jusqu’en 1954, année durant laquelle 1 500 ouvrages auront été réalisés. L’idée de De Lattre est d’être capable d’arrêter une invasion chinoise (voir 15 février). On abandonne donc le projet antérieur des postes élevés (créés pour surveiller des endroits jugés stratégiques mais exposés aux coups directs). Les ouvrages de la ligne De Lattre sont conçus comme une succession de petits ouvrages bétonnés, bâtis autour d’un ouvrage central abritant les transmissions et capable de coordonner le feu des points d’appuis extérieurs. Pour autant, cette ceinture particulièrement coûteuse, conçue avant tout contre une potentielle invasion chinoise, ne sera jamais capable de stopper, de par sa porosité, les infiltrations de VM. Et c’est ce qu’on lui reprochera (Cadeau, 2019, pp. 373-374 ; voir les croquis et la typologie de ces fortifications in Ély, 2011, pp. 85-105).