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par Jean-François Jagielski

Septembre 1947

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4 septembre 47 : Bao Daï adresse un message « aux leaders de tous les partis existants, quelles que soient leurs opinions politiques, de venir [le] renseigner sur la situation, de façon qu’[il lui soit] possible de mettre au point les méthodes propres à la réalisation d’une paix honorable et durable. » Il les invite à venir le rejoindre à Hong Kong. Le VM réagit en déclarant que Bao Daï n’a aucune légitimité pour négocier. Saigon y voit, au contraire, un moyen pour débloquer la situation.


9 septembre 47 : Envol de 24 délégués pour rencontrer Bao Daï à Hong-Kong. Parmi eux, un savant dosage hétéroclite de nationalistes et de « créatures » de l’administration française (nationalistes, réactionnaires caodaïstes, intellectuels).


10 septembre 47 : Bollaert prononce à Hadong (ville située entre Hanoi et Haïphong) la version édulcorée de son discours initial, revu et corrigé le 16 août par un comité interministériel (version citée in extenso in Boyer de la Tour, 1962, pp. 58-67) et probablement par Bidault (Affaires étrangères). Bollaert demande d’abord « le silence des armes ». Pour preuve de sa bonne volonté, il décrète une trêve à partir du 1er septembre, reconductible jusqu’au 20 voire au 1er novembre. Mais à cela, il y a des conditions strictes : un contrôle mixte de la remise des armes par le VM contre une suspension de l’envoi de renforts français et un maintien du Corps expéditionnaire à 30 000 hommes ; la stabilisation des positions actuelles au Tonkin et en Annam ; la création de zones neutres en Cochinchine ; l’évacuation du Cambodge et du Laos par le VM (Chaffard, 1969, pp. 132-133).

Si ces conditions sont respectées, le Vietnam se gouvernerait de lui-même, sans interférence de la France. Le pays pourrait réaliser son unité mais à la condition expresse que les Cochinchinois approuvent ce projet. Le Vietnam appartiendrait à l’Union française qui serait responsable de sa défense et de sa diplomatie et jouerait le rôle d’arbitre entre le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Bollaert déclare ce même jour : « En prenant l’engagement de respecter l’autonomie du Vietnam, nous nous engageons solennellement à ne pas tolérer d’oppression, sous quelque forme qu’elle se manifeste. » Bien qu’édulcoré, ce discours rend furieux les conservateurs français : Georges Bidault (ministre M.R.P. des Affaires étrangères), le général Valluy et le général Salan (commandant les Troupes d’Indochine du Nord depuis mai 1947) expriment publiquement leur désaccord. Il y a donc une brouille entre le pouvoir civil et militaire Un désaccord qui règne à tous les niveaux, y compris gouvernemental. Quant au texte remanié, il n’est qu’une énième édition de ce que rejette la plupart des Vietnamiens (voir 15 septembre) qui ne se privent pas de la faire savoir.

Les enveloppes non décachetées de Bollaert qui comportaient une offre de cessez-le-feu (voir 12 août) sont définitivement retirées des mains des militaires français à qui elles avaient été confiées (Chaffard, 1969, p. 136).


11 septembre 47 : Certains des délégués (voir 9 septembre) déclarent, dans une adresse à Bao Daï, leur désaccord avec les propos de Bollaert du 7 août.


15 septembre 47 : Réaction de Giam (Affaires étrangères) pour le VM aux déclarations de Bollaert : la liberté sans l’indépendance ne signifie rien, notamment sans la possession d’une armée et d’une diplomatie.

Le Bureau permanent du VM émet une directive intitulée « Qu’est-ce que dit Bollaert, qu’est-ce que nous devons faire ? » Elle spécifie : « […] Toute l’armée et tout le peuple vietnamien se rendent clairement compte que sans utiliser la violence pour écraser la volonté d’agression des colonialistes français, nous ne parviendrons pas à l’indépendance ni à l’unité du pays […] Pour obtenir l’indépendance et la liberté, nous devons résolument mener la résistance […] » (citée in Giap 1, 2003, p. 113).

Arrivée du général Nguyen Van Xuan à Saigon en provenance de France (voir 1er octobre). Les Français le sortent de leur placard et entendent le propulser à la tête de l’assemblée de la république autonome de Cochinchine.


16 septembre 47 : Les membres du Conseil de Cochinchine se réunissent à huis clos et décident de retirer leur confiance au docteur Hoach pour l’attribuer au général Xuan arrivé de la veille. Ils envoient une délégation pour lui demander de se démettre de ses fonctions. Hoach, proche des Caodaïstes de Tay Ninh, refuse de s’incliner et obtient un vague soutien de Bao Daï qui, selon Boyer De La Tour, lui demande d’assurer l’ordre jusqu’à son retour (Boyer de la Tour, 1962, p. 68).


18 septembre 47 : Toujours réfugié à Hong-Kong, première déclaration publique de Bao Daï aux Vietnamiens depuis son abdication. Il accepte « la mission » qui [lui] est confiée » et prend parti contre le VM (dont il est, du moins en théorie, toujours « conseiller » depuis 1945). L’ex-empereur déclare: « Je veux d’abord vous obtenir l’indépendance et l’unité, conformément à nos aspirations, arriver à des accords sur des garanties réciproques, et pouvoir vous affirmer que l’idéal, pour lequel nous avons si vaillamment lutté dans une farouche résistance, est bien atteint. » Il se déclare prêt « à entrer en contact avec les autorités françaises. » Mais dans les faits, il laissera par la suite traîner les choses dans l’attente du mot « indépendance » que Bollaert pense nécessaire mais se gardera bien de prononcer comme il vient de le faire à Hadong.


19 septembre 47 : Les dirigeants du Front d’union nationale réunis à Hong-Kong autour de Bao Daï rejettent les propositions de Bollaert. Début d’un vaste dialogue de sourds entre Bao Daï, ses partisans et les Français…


20 septembre 47 : Les Français lancent une opération de diversion avec des troupes parachutées sur Phong Tho, s’avancent sur Bat Xat, Binh Lu et Sapa et menacent Lao Kaï. L’offensive principale (Léa) portera le 7 octobre sur le Viet Bac (Giap 1, 2003, p. 132).


22 – 27 septembre 47 : Réunion secrète en Pologne des délégués de 9 partis communistes (U.R.S.S., 6 « démocraties populaires », Italie et France). Ils y entendent le rapport  du délégué soviétique Andréï Jdanov qui donne naissance au Kominform. Pour Jdanov, le monde est désormais partagé « en deux camps principaux de forces politiques qui opère sur l’arène mondiale : le camp impérialiste et antidémocratique d’une part et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique ». (cité in Ruscio, 1985, p. 192)


22 septembre 47 : A Hong-Kong, Bao Daï reçoit l’ancien ambassadeur des États-Unis en France, William Bullitt. C’est en membre très influent du Parti Républicain qui confirme que son pays souhaite voir un Vietnam « indépendant » et « non-marxiste ». Pour autant, les U.S.A. demeurent assez peu enthousiaste à une « solution Bao Daï » trop entachée de colonialisme. Le contexte de guerre froide les oblige à s’en contenter (Ruscio, 1985, p. 229).


26 septembre 47 : Bollaert rend compte au conseil des ministres des réactions des Vietnamiens à son discours de Hadong (voir 10 septembre). Le VM l’a rejeté en bloc (voir 15 septembre). Seul Bao Daï serait « prêt à négocier avec le gouvernement français sur la base de la double reconnaissance de l’indépendance du Vietnam par la France et de l’Union française pour le Vietnam ». Mais ce dernier se rétracte vite et ne veut entendre que les mots « indépendance » et « unité » du territoire. Même du côté français, la « solution Bao Daï » apparaît comme un pis-aller, les socialistes et les radicaux étant peu favorables à une restauration de la monarchie. On pressent alors le général Nguyen Van Xuan comme troisième solution, toujours faute de mieux… (voir 1er octobre) (Gras, 1979, p. 185)


27 – 29 septembre 47 : Quatrième conférence militaire du VM. Giap se doute d’une action probable des Français (la future « campagne d’automne »). Mais la faiblesse du service de renseignement ne permet de connaître les intentions stratégiques de l’ennemi ni surtout la localisation de ses actions. On émet l’hypothèse que l’attaque portera sur le delta du Fleuve Rouge, zone plus abordable que le Viet Bac difficilement accessible. Il ne peut y avoir d’affrontement frontal avec l’ennemi : « L’important était de mettre en échec son projet qui [est] d’anéantir nos forces régulières. » On préconise de défendre les bases arrière « sans nous y accrocher à tout prix. » La tactique définie antérieurement est rappelée : « Lancer avec détermination la guérilla et en même temps mener la guerre de mouvement avec des forces groupées ; livrer des batailles de petite envergure dans lesquelles les effectifs ne dépasseraient pas la taille d’une compagnie, refuser les combats de défense frontale, s’infiltrer sur les arrières de l’ennemi pour continuer la lutte, disperser et regrouper rapidement nos forces selon les circonstances. Ne laisser en aucun cas nos forces se faire décimer. Leur préservation [doit] primer sur la conservation du terrain. » (Giap 1, 2003, pp. 119-120). Giap rendra compte à HCM de cette conférence. Ensemble, ils prennent la décision de disperser les troupes régulières organisées en grosses unités et de les restructurer en groupes plus petits de la taille d’un « bataillon autonome » ou d’une « compagnie autonome ». Ces unités  seront affectées dans l’ensemble du pays pour entretenir une guérilla de mouvement dans les zones occupées mais également dans les zones menacées (Giap 1, 2003, pp. 125-126).


30 septembre 47 : Ramadier reçoit le général Valluy qui lui remettra une note le 2 octobre concernant ses projets de « campagne d’automne » (Devillers, 2010, p. 204).

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