Novembre 50 : Letourneau (États associés) est investi d’une délégation des pouvoirs du président du Conseil pour mener la politique indochinoise. C’est donc devant lui et lui seul que De Lattre serait responsable s’il accepte le poste de Carpentier (Gras, 1979, p. 370). Or l’intéressé refusera cette soumission (voir 25 novembre).
Mise sur pied en métropole du Régiment blindé colonial d’Extrême-Orient (R.B.C.E.O.) (Cadeau, 2019, p. 380).
Début novembre 50 : Le général chinois Chen Geng qui avait conseillé et dirigé en partie la campagne des frontières quitte le Vietnam (Zhai, 2000, p. 13).
1er novembre 50 : Juin remet son rapport sur le désastre de Cao Ban à Pleven (président du conseil) qui l’avait missionné. Les lieutenants-colonels Lepage et Charton (tous deux prisonniers du VM) sont blanchis : ils « ont fait de leur mieux dans des circonstances difficiles où on les avait placés. » Il couvre au mieux Carpentier, un « marocain », comme lui, qui avait servi sous les ordres du résident Juin : le commandant en chef avait « trouvé en arrivant au Tonkin une situation qui contenait en germe tous les éléments de la crise ». Il a simplement « un peu trop tardé à replier les garnisons des postes du Nord ». « Son grand tort, peut-être, c’est de n’avoir pas su discerner si les chefs en question était en état de mener des tâches aussi difficiles ». Juin est plus sévère avec le général Alessandri qui était toutefois en permission au moment de la préparation d’une opération que, par ailleurs, il désapprouvait. Il voit en lui un homme « choqué » qui n’aspire qu’à une chose, quitter au plus vite le théâtre d’opération. Le colonel Constans qui a ordonné l’abandon de Langson s’est « montré sans ressort pendant toute l’affaire de Cao Bang ». Il doit être rapatrié car il est « usé à la tâche » et « plus frappé qu’aucun autre par le désastre » (Turpin, 2000, p. 28).
Du Vietnam, Letourneau (États associés) adresse une lettre à Pleven (président du Conseil). Il se prononce pour un changement de l’équipe dirigeante : Pignon (qui, selon lui, n’a pas démérité) doit cependant partir. Le ministre est, du moins pour l’instant (voir 21 novembre), beaucoup plus sévère à l’égard de Carpentier, contrairement à Juin qui est défavorable à son éviction. Il estime que Juin pourrait prendre le commandement pour une durée de 6 mois pour redresser la barre, calmer le vent de panique de certains états-majors et rassurer les États associés pour poursuivre la lutte. Le général déclinera toutefois une seconde fois la proposition préférant le Maroc à l’Indochine, théâtre d’opération qu’il comprend mal et n’apprécie pas (voir 7 novembre) (Cadeau, 2019, p. 333).
2 novembre 50 : Après le repli français sur la ville depuis octobre et l’abandon par les Français des partisans locaux, évacuation de Lao Kay. Le repli se fait sur Laï Chau. Le VM occupe le pays thaï. Les partisans de la rive gauche du Fleuve Rouge sont isolés et livrés à leurs seules ressources. Ils résistent avec les moyens que leur ont laissé les Français mais qui vont aller en s’amenuisant. Les écoutes françaises montrent que la résistance des maquis n’a cependant pas tout à fait cessé (David, 2000, p. 55).
4 novembre 50 : Raymond Cartier, un anticommuniste totalement acquis au refoulement du VM, met en cause la censure qui pèse sur le conflit en cours. Il confie à Paris-Match : « Il n’est pas facile, au reste, de se faire une idée objective et correcte de la situation. L’inepte censure, le plus haut moment de la bêtise humaine, mutile les dépêches au point de les rendre complètement inintelligibles et sans que leurs auteurs soient avisés des suppressions. Tout un côté rétrograde, absurde et nocif de l’esprit militaire français se déploie dans cette petite guerre de presse poursuivie en marge de la grande et avec beaucoup plus de succès. » (cité in Ruscio, 1985, p. 207)
4 - 5 novembre 50 : Réunion à Dalat entre Bao Daï, Letourneau (États associés) et Pignon (haut-commissaire). On s’accorde sur la mise sur pied d’une armée vietnamienne de 115 000 hommes (4 divisions de toutes armes) dès 1951 avec des cadres français et un armement fourni par les États-Unis (Gras, 1979, pp. 352-353). L’objectif pour l’armée vietnamienne est d’avoir pour 1953 quatre divisions dans chaque Ky et une autre dans les plateaux montagnards (Toinet, 1998, p. 140).
6 novembre 50 : Après le désastre de Cao Bang, Carpentier revient dans un document produit par lui sur les atermoiements de la politique gouvernementale (voir 22 juin et 18 août). Il évoque des « instructions gouvernementales, en même temps confuses et trop précises » qui « n’étaient pas faites pour faciliter [sa] tâche. » Il ajoute : « Pour l’avenir, si j’ai toujours la confiance du Gouvernement, je me permets de demander très respectueusement mais cependant très fermement des instructions nettes ». (cité in Turpin, 2000, p. 31 et p. 34)
7 novembre 50 : Dans une lettre adressée à René Pleven, malgré les pressions de ce dernier qui souhaite voir se concentrer les pouvoirs civil et militaire dans les mains d’un seul homme en Indochine, le général Juin décline pour une seconde fois l’offre qui lui est faite (Turpin, 2000, p. 33).
8 novembre 50 : Conseil des ministres en présence de Vincent Auriol. On étudie en détail le rapport du général Juin. Selon le Journal d’Auriol : « Le président du Conseil [Pleven] indique qu’il a demandé au commandant en chef [Carpentier] de remettre à la disposition du ministre de la Défense nationale le général Marchand [adjoint d’Allessandri] et le colonel Constans en vue de recevoir une autre affectation. Pour succéder au général Alessandri qui avait déjà demandé à rentrer en France, il propose en plein accord avec le général Juin, de faire appel au général Boyer de la Tour du Moulin. Quant au général Carpentier, sa responsabilité est lourde et elle se trouve engagée du fait qu’il s’est trompé dans le choix des hommes, mais aucune critique grave ne peut lui être adressée dans la conduite des opérations. Le général Juin pense qu’il faudra le remplacer, mais que son départ ne doit pas avoir lieu à chaud, ne serait-ce que pour trouver le temps de choisir son successeur. » Lisant une lettre de Letourneau (toujours au Tonkin), Pleven est consterné par le défaitisme des états-majors depuis le départ de Juin. Il faut défendre Hanoi à tout prix. La majorité des membres du conseil pense qu’il faut se débarrasser au plus vite de ceux qui font preuve de défaitisme. Auriol intervient pour temporiser jusqu’au retour de Letourneau. Les sanctions et les changements, tant du point de vue militaire que politique, pourront alors intervenir. Pleven acquiesce mais Auriol est favorable à des sanctions rapides afin de ne pas décourager « ceux qui se battent ». « Le président du Conseil conclut que rien, dans ces conditions, n’autorise le découragement et le renoncement. Sans doute, il est pénible de constater l’attitude de nos chefs militaires dans les événements récents, mais avant d’ouvrir le dossier des responsabilités, il importe une fois de plus, de s’employer à rétablir le moral du corps expéditionnaire et à redresser la situation au Tonkin. » (Auriol 4, 2003, pp. 396-397) Une fois de plus à Paris, dans l’embarras, on temporise…
Selon Cadeau, « Vincent Auriol propose au président du conseil le nom d’un autre officier, le grand rival de Juin : le général De Lattre de Tassigny. » (Cadeau, 2019, p. 333) Si cette proposition est faite ce jour, elle ne l’est pas dans le cadre du conseil des ministres car Auriol n’en dit mot dans son Journal.
9 novembre 50 : Vincent Auriol reçoit Georges Riond, vice-président de la commission des Affaires extérieures à l’Assemblée de l’Union française, de retour d’un voyage en Inde et Indochine. Selon son interlocuteur, « en Indochine, il a ressenti à Saigon la même impression qu’il ressentit en 1930-1940, c’est-à-dire l’installation dans la guerre ; on vit à l’aisance, même dans l’euphorie, et on ne fait rien. C’est ainsi qu’on met des défenses en bambou, alors que les cadres inférieurs demandent des fils de fer barbelés. L’armée laotienne demande des cartouchières et des sangles ; elle les attend toujours. Il a une impression, d’une façon générale, de grand désordre et de grande pagaille. » (Auriol 4, 2003, p. 399).
Auriol reçoit également le général Boyer de Latour du Moulin qui est sur le point de rejoindre l’Indochine pour reprendre le poste d’Alessandri à la tête des T.F.I.N. Jusqu’alors, il a opéré au Sud et n’apprécie guère cette nomination au Tonkin. Selon le Journal d’Auriol, « il me dit qu’il sait bien qu’il s’agit d’une cause perdue, mais il l’a acceptée provisoirement, et il regrette seulement qu’on ne l’ait pas appelé plus tôt. Il a souffert beaucoup de voir, malgré lui, que la politique de petits paquets subsistait, avec le gaspillage d’hommes et de ressources qu’elle comporte, et qu’il était inutile de tenir les postes frontières de Cao Bang qui ne rimaient plus à rien [...] Il me dit que son séjour là-bas ne sera que provisoire car il ne veut pas qu’on lui lie les mains. Il fait des réserves en ce qui concerne Pignon qu’il trouve faible et qui ne donne pas à l’Union française tout le sens et la portée qu’elle devrait avoir. » (Auriol 4, 2003, p. 401)
10 novembre 50 : De retour à Paris, Letourneau (États associés) organise plusieurs réunions en conseil des ministres et à un Conseil de défense nationale qui aboutiront à une prise de parole de Pleven devant l’Assemblée nationale le 22 novembre.
12 novembre 50 : Suite aux attaques du VM lancées sur les postes français depuis le 12 septembre, Carpentier donne l’ordre d’abandonner Lao Kay et Than Uyen. L’accès à la région chinoise du Yunnan est désormais également libre au Nord-Ouest (Giap 2, 2004, p. 52).
21 novembre 50 : Lors d’une réunion avec des membres du M.R.P., Jean Letourneau (ministre des États associés) perd sa sévérité première à l’égard de Carpentier (voir 1er novembre). Il se refuse à condamner Pignon et Carpentier. Selon le compte-rendu, « le Ministre annonce qu’ils se refuse à condamner des hommes sous prétexte de plaire à l’opinion publique. Il rappelle que les gouvernements successifs ont donné comme consigne au Corps expéditionnaire la pacification, ce qui signifie extension et par suite dispersion des forces. » (cité in Turpin, 2000, p. 33)
22 novembre 50 : Poursuite du débat parlementaire entamé le 19 octobre. Pleven (président du Conseil) vient présenter à l’Assemblée nationale les décisions de son gouvernement pour l’Indochine. Il veut rétablir la suprématie du C.E.F.E.O. en renforçant ses effectifs et en le dotant de plus de matériel (voir 12 octobre). Pour lever l’équivoque qui pèse sur les relations franco-vietnamiennes, la France reconnaît, une fois de plus, « l’octroi d’une indépendance sans équivoque aux trois États associés » et s’engage à l’aider dans la constitution d’une armée vietnamienne. Des négociations seront engagées avec les États-Unis pour que la France obtienne une aide matérielle et leur appui en cas d’invasion du Tonkin par les Chinois (Gras, 1979, pp. 358-359). Letourneau, toujours aussi ambigu, évoque la « nature évolutive » des accords du 8 mars 1949. Pierre Mendès France (député de l’Eure, parti radical) s’insurge à nouveau (voir 19 octobre) : « Ayez le courage de regarder la vérité en face. Ayez le courage de le dire au pays ». Il demande une nouvelle négociation avec HCM, « aussi pénible, cruelle, injuste qu’elle puisse être » et la considère comme « la seule issue au guêpier d’Extrême-Orient ». Il bénéficie momentanément du soutien de forme de l’Assemblée nationale qui approuve cependant la politique du gouvernement Pleven par 357 voix contre 187 (De Folin, 1993, p. 209 ; Ruscio, 1985, p. 212). Les socialistes demeurent fidèles à leurs positions antisoviétiques. Un de leurs députés, Charles Pineau, déclare : « Les combats de Corée, du Tibet, de l’Indochine sont des épisodes d’un même conflit […] Le départ des Français signifierait la mainmise de l’impérialisme soviétique sur le Sud-Est asiatique, sur le Siam, la Malaisie, la Birmanie, voire sur l’Inde. Nous le savons, et c’est l’une des raisons majeures de nous maintenir en Indochine. » (cité in Ruscio, 1985, p. 212)
Plus d’un mois après le fiasco de la R.C. 4 et face à la pression politique du M.R.P. et des partis de droite, Jean Letourneau est interpellé par des membres de son propre parti. Il annonce la création d’un « conseil d’enquête » pour l’affaire de la R.C. 4 : « Tous ceux qui ont assumé une responsabilité quelconque dans les opérations du Tonkin seront amenés à s’expliquer devant » cette instance disciplinaire. Cette annonce provoque une émotion dans les hautes sphères militaires. La tâche est confiée dans la précipitation au général d’armée Buisson (présidence) et aux généraux Magnan et Dromard (membres du Conseil supérieur de la Guerre). A ce jour, toutes les pièces ne sont pas réunies et nombre de témoins sont en captivité. Selon la pratique bien rôdée des commissions d’enquête, celle-ci a été mise en place pour calmer l’opposition, le M.R.P. et les partis de droite (Cadeau, 2020, p. 67 ; Cadeau, 2022, p. 320). Elle rendra ses conclusions le 26 juin 1951.
Première conférence entre des dirigeants vm (dont Ton Duc Thang), le khméro-cambodgien Sieu Heng (Front uni issarak, membre du P.C.I. voir 19 avril) et le prince rebelle Souphanouvong (Laos). On prépare la transformation du P.C.I. et l'organisation de trois P.C. autonomes mais coordonnés (dont les futurs Pracheachon et Pathet Lao). Un programme prévoit une alliance entre les 3 pays sur la base de « l’égalité et le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chacun » avec des efforts pour « effacer les préjugés nationaux [les sentiments antivietnamiens des Laotiens et Cambodgiens] inculqués par les impérialistes français ». Chacun doit s’unir pour les combattre (Fall, 1960, pp. 127-128).
23 novembre 50 : Salan rencontre De Lattre. Ce dernier a lu le rapport du général Juin du 27 octobre adressé au gouvernement et le juge « sans intérêt » (sachant que les 2 généraux ne s’apprécient pas). Il a consulté De Gaulle qui lui a vanté les mérites de « l’intégrité de l’Union française ». Il a également rencontré l’amiral Decoux (ancien gouverneur général durant l’occupation japonaise et le régime de Vichy) qui lui a conseillé d’emmener avec lui « le gouverneur Georges Gautier [ancien secrétaire général du gouvernement général d’Indochine] et l’administrateur Jean Aurillac [ancien directeur général du cabinet civil de Decoux], tous deux très versés dans la compréhension de l’âme annamite. » De Lattre fait part à Salan de son acceptation de partir pour l’Indochine (voir 8 novembre) : « Je ne puis refuser. Mon fils Bernard (voir 15 octobre), de jeunes cadres comme lui se battent en Indochine. Ils m’ont écrit ne plus avoir confiance en leurs chefs et m’appellent. Je n’ai pas le droit de rejeter leur prière… car c’en est une : ils veulent être commandés. » (voir 15 et 21 octobre, 26 novembre) De Lattre demande à Salan de l’accompagner comme « adjoint opérationnel », ce que ce dernier accepte (Salan 2, 1971, pp. 177-178).
Selon Cadeau, désignation de De Lattre (voir 8 novembre) ne fait pas l’unanimité dans les rangs du gouvernement voire même dans ceux de l’armée, notamment dans la bouche de Pleven (président du Conseil) pour qui, en cas de nomination de De Lattre « la moitié des officiers [présents en Indochine] s’en iront car il a la réputation d’un tueur d’hommes » (allusion à la campagne menée par De Lattre dans l’est de la France à l’automne 1944 et l’hiver 1945 du fait de lourdes pertes au niveau de la 1ère armée. Juin et Leclerc avaient alors dénoncé « les méthodes de commandement et les ordres » de la 1ère armée) (Cadeau, 2019, pp. 335-336).
25 novembre 50 : De Lattre rencontre le ministre des Relations avec les États associés Jean Letourneau. Il se dit prêt à partir pour l’Indochine mais à condition d’avoir les doubles pouvoirs militaire et civil qui, selon lui (et le rapport Revers), ont fait jusqu’alors défaut. Il obtiendra le 6 décembre le poste de commandant en chef du corps expéditionnaire et de haut-commissaire, ce qui ne s’était plus produit en Indochine depuis le départ de D’Argenlieu le 5 mars 1947.
Une instruction du général Boyer de Latour (commandant les T.I.F.N.) ordonne la mise sur pied immédiate des groupes mobiles (G.M.). Selon son auteur, « l’essentiel est qu’ils soient constitués tels quels au plus vite, alors même qu’ils seraient incomplets. Ce qui importe avant tout c’est qu’ils soient. » Cette constitution hâtive ne peut se faire qu’aux détriments de ce qui existe déjà. Demeurent pour assurer la sécurité des arrières les troupes supplétives et les milices provinciales d’auto-défense. On prévoit la constitution de 5 G.M. (Cadeau, 2019, p. 350).
26 novembre 50 : Le lieutenant De Royer, affecté comme le fils de De Lattre au 1er régiment de chasseur à cheval, adresse au général une longue lettre. Pour redresser la situation, il faudrait « un chef qui commande, un peu de bon matériel, des renforts en infanterie, beaucoup d’avions et de bombes au napalm qui fonctionnent, des états-majors qui ne soient pas grotesques d’incapacité et il doit y en avoir assez pour que tout ne soit pas perdu dans ce pays dont la santé économique est tout de même si solide que sans, le concours des banques, le commerce marche encore comme il y a un mois. » (cité in Cadeau, 2019, p. 344). Un appel auquel le général n’est pas insensible après celui de son fils et se ses camarades (voir 15 et 21 octobre).
27 novembre 50 : Le VM se réunit lors d’une « conférence de récapitulation générale des frontières » qui se tient à Cho Don et Thai Nguyen. HCM est présent. Il estime que « cette campagne est riche en enseignements, sur ce qu’il faut faire et sur ce qu’il ne faut pas faire. » Il rend hommage au courage des combattants mais met en garde contre « le subjectivisme béat » rappelant que cette victoire « n’est qu’un début ». Les épreuves qui attendent le peuple seront encore éprouvantes. Il rappelle l’importance du facteur temps : « Ce n’est qu’en gagnant du temps que nous réunirons les conditions de la victoire. » Il demande à ce que la conférence soit courte : « Évitez les longs discours qui font perdre du temps inutilement. » (Giap 2, 2004, pp. 76-78)
30 novembre 50 : Depuis fin septembre, l’état-major du VM élabore un plan de préparation de la future offensive au Nord. Le Bureau permanent du Parti l’approuve sous le nom de campagne Tran Hung Dao (référence historique à un général de la dynastie des Tran qui avait chassé l’envahisseur). Son aire couvre la Moyenne Région, la zone côtière du Nord-Est et la 3e interzone. L’action principale sera menée sur le secteur Viet Tri-Bac Giang. Une action secondaire de diversion concerne la côte Nord-Est où seraient impliqués 2 régiments réguliers et 3 autres régiments de la 3e interzone.
Les objectifs de cette campagne sont triples : décimer au maximum les forces ennemies ; étendre la zone de production de vivres en impulsant la guérilla ; gagner du temps pour contrecarrer le plan ennemi visant à consolider ses forces. Il n’est pas question d’occuper Hanoi comme on l’a souvent écrit (Bodard) en prenant pour argent comptant un élément de propagande du VM visant à mobiliser ses troupes.
Le VM dispose de 2 divisions, 5 régiments réguliers, 4 compagnies d’artillerie, 4 bataillons de troupes régionales épaulés par la milice populaire.
Un comité du Parti pour le front est constitué ce jour et se compose de 5 membres : Nguyen Chi Thanh, Chu Van Tan, Tran Huu Duc, Dao Van Truong et Giap. C’est ce dernier qui est chargé de la direction des opérations.
La tactique prévue est de démolir les ouvrages de défense par de brèves attaques nocturnes, avec repli avant l’aube (pour éviter l’intervention de l’aviation, de l’artillerie ou de renforts). Ces attaques, menées par 27 600 hommes, seront concentrées sur les points faibles du dispositif français (moins d’une compagnie) selon le principe « investir les fortins, annihiler les renforts ». Le but est d’obtenir de petites victoires. Seront impliquées les 308e et 312e divisions. Le P.C. opérationnel est installé au pied du mont Tam Dao qui domine le futur champ de bataille (Giap 2, 2004, pp. 106-108).