Mai 49 : Une réunion entre une délégation du Nam Bo et Le Duc Tho avait été antérieurement contrariée par une opération aéroportée française (voir 20 septembre 1948). Les délégués du Nam Bo ont mis 8 mois pour pouvoir se rendre au Viet Bac et assister à une nouvelle réunion présidée par HCM. Le futur commandant de la 7e région militaire, Tran Van Tra, fait un exposé sur la situation au Sud depuis les accords du 6 mars 1946. Giap le rencontre et évoque avec lui l’organisation et les modes d’action des forces armées sudistes (Giap 1, 2003, pp. 192-194).
7 mai 49 : Le VM attaque deux positions fortifiées à Dai Buc et Dai Phac. Les Français opèrent pour le contrer un largage de parachutistes à Phu Doan où l’infanterie les rejoint. Ils remontent la Rivière Claire et progressent sur Tuyen Quang (au nord-ouest d’Hanoi). Les troupes vietminh font à leur habitude le vide devant leur ennemi. Au retour, les Français subissent une embuscade menée par 4 bataillons vietminh dans les villages de Le My et Tien Du (20 km au nord-ouest de Vietri). La colonne française, sérieusement accrochée, résiste et rentre sur Hanoi le 31 après avoir essuyé de rudes combats (Gras, 1979, p. 264 ; Giap 1, 2003, p. 250).
11 mai 49 : Envoi par le gouvernement français de la mission du général Revers (chef d'état-major général des forces Armées) au Vietnam. Le général arrivera à Saigon le 16. L’origine de sa « mission » demeure assez obscure. Elle ne vient ni d’Henri Queuille ni de Vincent Auriol qui n’apprécient guère l’auteur du futur rapport. Elle a été probablement diligentée par le ministre de la Défense, Paul Ramadier et celui de la France d’Outre-Mer, Coste-Floret. Ce qui ne devait être qu’une mission militaire va rapidement prendre dans le rapport à venir une tournure politique (Cadeau, 2022, pp. 99-100). Revers sera accompagné du 16 mai au 17 juin par le général Valluy (ancien commandant supérieur des forces françaises d’Indochine et actuel inspecteur des forces terrestres d’Outre-Mer) (Bodin, 2004, p. 232). Revers mène une enquête minutieuse, rencontrant beaucoup de civils et de militaires, se rendant sur place pour mener ses investigations, notamment sur les points chauds de Cao Bang et Lao Kaï. Il produira à son retour un important et volumineux rapport munis d’annexes particulières relatives aux diverses troupes (voir 15 - 29 juin).
Ce rapport est critique : dispersion trop grande des effectifs dans de petits postes vulnérables, faible tenue des axes routiers, opérations ponctuelles de va-et-vient de l’armée française qui ne donnent aucune confiance aux populations, faible chance de réussite de la solution Bao Daï telle qu’elle est mise en œuvre (il faut le conseiller et non le mettre sous tutelle ; son régime est corrompu), danger de recruter des supplétifs infiltrés par le VM, matériel la plupart du temps à bout de souffle. Implicitement sont remis en cause les politiques de Coste-Floret (États associés) et de Pignon (haut-commissaire). Pour ce dernier, Revers critique son soutien aveugle à Bao Daï, sa fixation sur le Sud puis son récent revirement vers le Nord du fait de la menace communiste chinoise. Revers préconise tacitement le remplacement de Pignon par « un chef militaire ayant du prestige et une grande autorité personnelle », disposant d’un pouvoir décisionnel unique, contrairement à ce qui existait jusqu’alors et dans lequel chacun fait sa propre guerre. Revers écrit : « Le système actuel fonctionne mal et la mésentente qui règne entre Monsieur Pignon et le général Blaizot est préjudiciable à la bonne marche des affaires. » (cité in Salan 2, 1971, p. 161)
Il propose aussi des solutions : privilégier le renforcement du Tonkin du fait de la forte présence du VM et de la proximité des communistes chinois, établir un glacis autour de Hanoï et Haïphong, contrôler les axes de pénétration venant de Chine, abandonner la R.C. 4 de That Khe jusqu’à la frontière chinoise et donc lâcher Cao Bang, continuer à pacifier le Sud tout en aidant la jeune A.N.V.N. Il en conclut aussi qu’il est impossible de trouver une issue par les armes. Bien que classé « secret », le rapport sera divulgué à tout-va. Selon Bodard qui s’est intéressé de près à l’affaire, « cette prolifération est restée un mystère ». Seules des hypothèses explicatives peuvent être émises (Bodard, 1997, pp. 499-500). Une copie parviendra même au VM (récit le plus complet de cette affaire in Bodard, 1997, pp. 493-501).
Le gouvernement Queuille demande au Parlement d’établir une procédure d’urgence pour acter la séparation de la France d’avec la Cochinchine.
12 mai 49 : Faisant suite à l’intervention de Maurice Thorez lors de la clôture de la conférence de la Seine (voir 6 février), apparition dans L’Humanité du futur slogan communiste : « Plus un homme, plus un sou pour la guerre du Vietnam ! » Le slogan est dû à la plume de Georges Cogniot. Il connaitra des variantes (voir 21 mai) (Ruscio, 1985, p. 237).
15 mai 49 : Lors de la remise de la croix de la Légion d’honneur à la ville de Lyon, Vincent Auriol (président de la République socialiste) est interpelé par des manifestantes communistes aux cris de « Paix au Vietnam. » (Ruscio, 1985, p. 239)
16 mai 49 : Arrivée du général Revers à Saigon afin d’y poursuivre ses investigations.
Le gouvernement Lao Issara en exil destitue le prince Souphanouvong de son poste de ministre des Affaires étrangères. Il se réfugie au Siam après avoir essuyé une série de fiascos militaires.
17 mai 49 : En Chine, perte de Wuhan par les Nationalistes.
19 mai 49 : Dans le cadre de la campagne Song Thao, deux bataillons de troupes régulières du VM attaquent deux postes fortifiés français à Dai Buc et Dai Phac (nord-ouest de Yen Bay) (Giap 1, 2003, p. 250).
20 ou 21 mai 49 : L’Assemblée nationale française ratifie par un vote de 351 voix contre 209 le rattachement de la Cochinchine au Vietnam comme État associé. La Cochinchine n’est donc plus une colonie française. Par cet acte, l’unité du Vietnam est réalisée constitutionnellement du point de vue français.
20 – 22 mai 49 : Lors d’un conseil national du R.P.F. qui se tient à Vincennes, le gaulliste Jacques Soustelle (ancien ministre des Colonies) estime que, pour l’instant, il est absurde de céder la Cochinchine à un État qui n’existe pas « ni en droit ni en fait. » Il en appelle également à un rétablissement de la situation militaire et à une proclamation de Bao Daï à Hué comme empereur de l’Annam pour qu’il puisse assumer pleinement une fonction de « personnalité responsable et représentative du Vietnam. » (Turpin, 2005, pp. 359-360)
21 mai 49 : France-Nouvelle développe une variante de L’Humanité (voir 12 mai) en publiant en double page le slogan « Plus un homme, plus un sou pour faire la guerre au peuple vietnamien » (Ruscio, 1985, p. 237, note 10).
Un meeting communiste est organisé au Cirque d’Hiver. Il réunit 3 000 personnes invitées à une « soirée franco-vietnamienne » où l’implication française dans la guerre d’Indochine est vivement critiquée (Ruscio, 1985, pp. 237-238).
22 mai 49 : Le général Revers a un entretien avec Bao Daï (Cadeau, 2019, p. 251).
27 mai 49 : En Chine, perte de Shanghai par les Nationalistes.
Fin mai 49 : Opération Jonquille au Sud. Elle est opérée avec des effectifs conséquents (de l’ordre de 4 000 hommes) dans la Plaine des Joncs (ouest de Saigon) et s’apparente déjà dans sa réalisation aux futures opérations search and destroy américaines. Des unités amphibies (les « crabes ») se heurtent à d’importants barrages qu’il faut détruire mais créent la surprise en montrant qu’ils pouvaient surgir de n’importe où, même en région marécageuse. Le VM subit durant cette opération des pertes non négligeables : 500 tués et 130 blessés. Ce sanctuaire du VM perd sa valeur de refuge, du moins temporairement.