Début février 48 : Bao Daï se rend à Paris et y est reçu par le gouvernement. Il peut y mesurer toutes les rivalités et manœuvres entre les ministères, les partis politiques et les groupes financiers. On commence à évoquer le départ de Bollaert mais le 21, le gouvernement lui renouvellera sa confiance... L’attitude de Bao Daï exaspère pourtant de plus en plus le haut-commissaire qui l’attend au Vietnam pour une nouvelle entrevue théoriquement prévue le 13 février. Or ce dernier joue la montre et s’apprête à repartir à Hong-Kong par petites étapes. Il y arrivera le 14.
1er février 48 : Au Cambodge, création à Battambang du comité de libération du peuple khmer (C.L.P.K.) présidé par Dap Chhuon. Le comité dispose d'une force de 800 hommes. Il y a d’abord des contacts qui se transformeront en une alliance avec le VM.
5 – 10 février 48 : Bao Daï est toujours en France. Il rencontre à plusieurs reprises différents dirigeants du R.P.F. car il n’a guère confiance dans les gouvernements qui se succèdent les uns derrière les autres (voir 9 février et 16 - 17 avril).
7 février 48 : Bollert vient remettre au roi du Cambodge une lettre d’Auriol qui « scelle le Cambodge à la France du ciment de l’Union française » (Gras, 1979, p. 232).
A l’occasion de ce que le VM nomme le « Têt d’union », HCM déclare : « Si des Français cherchent à en finir avec la guerre d’agression, qu’ils agissent avec sagesse. S’ils se servent de Bao Daï pour continuer la guerre, ils vont vers une défaite. Bao Daï ne représente personne. » (cité in Giap 1, 2003, p. 171)
8 février 48 : Les représentants de tous les groupements nationalistes, le Rassemblement national, les Caodaïstes et les Hoa Hao se réunissent à Hué et votent une résolution demandant pour le Vietnam le statut de dominion indépendant du point de vue militaire, diplomatique et économique. Il réclame également une reconnaissance de ce statut à l’O.N.U. (Devillers, 2010, p. 226).
9 février 48 : Bao Daï a un entretien au Ritz avec Jean Bidault (délégué R.P.F. isérois). Il lui confie ses inquiétudes concernant la permanente instabilité gouvernementale qui, selon ses dires, lui interdit d’agir : « Je ne veux traiter que si j’ai la certitude qu’un prochain gouvernement ne remettra pas en question les termes et les bases même de cet accord. » Et d’ajouter : « Je crois que la France va au gaullisme, c’est une question de temps […] » D’où la propension de l’ex-empereur à avoir des contacts avec le R.P.F. lorsqu’il est en France (Turpin, 2005, pp. 362-363).
10 février 48 : En total désaccord avec Bollaert, le général Valluy quitte ses fonctions de commandant en chef du C.E.F.E.O., poste qu’il occupait depuis le départ du général Leclerc le 5 mars 1946. Il est nommé inspecteur des forces terrestres d’Outre-Mer et rentre à Paris (voir 31 janvier). Valluy est remplacé sur demande de Bollaert par le général Salan qui doit quitter le commandement des T.F.I.N. et assurer, à contrecœur, l’intérim au poste de commandant des forces du C.E.F.E.O. Salan prendra la succession de Valluy le 15 mai (Bodinier, 1987, p. 130 ; Salan 2, 1971, pp. 128-129).
12 février 48 : Le général Boyer De Latour (nouveau commissaire de la République en Cochinchine et commandant des T.F.I.S.) déclare en Conseil de défense : « Il faut accepter l’idée d’une situation troublée se prolongeant durant plusieurs années, s’y préparer froidement, organiser la vie politique, administrative et économique dans l’insécurité. » Pour autant, Salan entend mener au Sud une opération de pacification comparable à celle qui a été menée par son prédécesseur au Tonkin. Depuis janvier, il a fait ramener au Sud 4 bataillons et un groupe d’artillerie (Gras, 1979, p. 222).
14 - 18 février 48 : Début de l’opération Véga au Sud. Elle est centrée sur la Plaine des Joncs à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Saigon. C’est la plus grosse opération depuis le déclenchement de la guerre au Nam Bo, elle vise à détruire les installations du VM dans les Giong et, si possible, à capturer Nguyen Binh. Elle s’avère rapidement être un échec, l’ennemi s’étant dérobé et ses infrastructures ayant disparu (P.C., ateliers d’armement, hôpitaux, radiodiffusion du Nam Bo) (Gras, 1979, pp. 221-224 ; Giap 1, 2003, p. 189).
Bao Daï quitte la France et se rend par étapes à nouveau à Hong Kong.
21 février 48 : Exaspéré par l’attitude fuyante de Bao Daï, Bollaert propose sa démission. Robert Schuman (président du Conseil), lui donnant raison quant à l’attitude de Bao Daï, lui renouvelle une nouvelle fois sa confiance en conseil des ministres (Gras, 1979, p. 210).
22 février 48 : Télégramme de l’ambassadeur Meyrier en poste à Nankin (capitale de la Chine nationaliste) sur la situation de plus en plus préoccupante des nationalistes chinois : « Il est incontestable que les opérations de cet hiver dans le nord chinois ont été désastreuses pour les armées du gouvernement dont les positions sont gravement entamées […] On doit admettre que les troupes communistes témoignent d’un extraordinaire esprit combatif face à un adversaire complètement découragé et désemparé. Animés par une mystique révolutionnaire, encadrés par les disciplines rigoureuses du Parti, les soldats, les soldats de Mao Tsé Toung se battent avec d’autant plus d’ardeur qu’il les a convaincus de la certitude de la victoire et que celle-ci paierait leur sacrifice. » (voir 17 mars) (cité in Salan 2, 1971, pp. 139-140)
De retour depuis le 14 à Hong-Kong, Bao Daï envoie Diem à Saigon pour tenter une médiation avec Bollaert. Ce dernier s’en tient à ce qui avait été convenu en baie d’Along et à Genève, position défendue par le gouvernement français qui lui a récemment renouvelé sa confiance. Aucune avancée.