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par Jean-François Jagielski

Organismes civils et militaires

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ETATS-UNIS

Officines civiles et militaires


Commander in chief Pacific (C.I.N.C.P.A.C.) : Commandement des forces aéronavales du Pacifique commandées par l’amiral Harry D. Felt en 1964.


Civil Operations and Rural Development Support (C.O.R.D.S.) : Programme de pacification des gouvernements du Sud-Vietnam et des États-Unis. Le programme a été créé le 9 mai 1967 et comprenait des composantes militaires et civiles des deux gouvernements. L'objectif de C.O.R.D.S. était d'obtenir le soutien du gouvernement du Sud-Vietnam de sa population rurale qui était largement sous l'influence ou contrôlée par les forces communistes insurgées du Viet Cong et de l'Armée populaire nord-vietnamienne du Vietnam (A.P.V.N.).

Contrairement aux programmes de pacification antérieurs au Vietnam, les C.O.R.D.S. sont considérés par de nombreuses autorités comme une « intégration réussie des efforts civils et militaires » pour combattre l'insurrection. En 1970, 93 % de la population rurale du sud du Vietnam vivaient dans des villages « relativement sûrs » selon les estimations des experts. Les C.O.R.D.S. avaient été étendus à l'ensemble des 44 provinces du Sud-Vietnam et l'insurrection communiste en avait été considérablement réduite. Les critiques, cependant, ont décrit les programmes de pacification des C.O.R.D.S. On parle alors d’« illusion du progrès ». Les C.O.R.D.S. étaient, selon l'estimation de son premier chef, Robert W. Komer, arrivés « trop peu, trop tard. »

A partir de 1968, le programme Phoenix, qui visait à identifier, ficher et « neutraliser » (capturer ou tuer) les membres de l’infrastructure secrète du VC est une émanation des CORDS, une  branche du programme de pacification qui s’attache stricto sensu au renseignement. Elle vise à éliminer celles et ceux qui sont considérés comme le moteur de l’insurrection.

Avec le retrait des forces militaires américaines et de nombreux personnels civils, les C.O.R.D.S. ont été supprimés en février 1973. Leurs succès temporaires se sont érodés dès le début des années 1970 car la guerre est alors devenue plus une lutte entre forces militaires conventionnelles du Sud et du Nord Vietnam qu'une guérilla d’insurrection (Colby, 1992, pp. 259-260 et pp. 264-265).

Voir également ci-dessous United States Agency for International Development (U.S.A.I.D.).



Institute for Defense Analyses (Institut des analyses de défense) : Organisation à but non lucratif fondée en 1956 par 5 établissements d’enseignement supérieur dont le M.I.T., le California Institute of Technology et l’université de Stanford. Il vise à fournir une aide scientifique et technique au groupe d’évaluation des systèmes d’armes des chefs d’état-major et aux services de pointe du Pentagone (Advanced Research Projects Agency). Il est composée de 45 universitaires travaillant à l’avant-garde des problèmes de défense (McNamara, 1996, p. 263 note b).

Joint United States Public Affairs Office (J.U.S.P.A.O., Bureau conjoint des affaires publiques des États-Unis) : Lors d'une visite au Sud-Vietnam, Carl Rowan et le général Harold K. Johnson, respectivement directeur de l'Agence d'information des États-Unis (U.S.I.A) et chef d'état-major de l'armée, observent les nombreuses difficultés et l’inefficacité des opérations psychologiques (PSYOPs) du fait de leur manque de coordination. Ils en informent LBJ et lui recommandent d'intégrer toutes les informations étrangères et les activités PSYOP en un seul bureau. Le président approuvera cette recommandation, combinant le Service d'information des États-Unis (U.S.I.S.), le Commandement d'assistance militaire au Vietnam (M.A.C.V.) et l'Agence des États-Unis pour le développement international (U.S.A.I.D.)

Le 14 mai 1965, le J.U.S.P.A.O. est officiellement créé par l'instruction 186 émanant de l'ambassade des États-Unis à Saigon. Le nouveau directeur de l'U.S.I.S. au Vietnam, Barry Zorthian, est désigné comme dirigeant de cet organisme gouvernemental. Zorthian a travaillé avec l'U.S.I.A. sur le continent asiatique comme directeur adjoint de l'U.S.I.S. à New Delhi (Inde) et a été scénariste et directeur de programme pour Voice of America (V.O.A.).

Le titre officiel de Zorthian était coordinateur de la mission des États-Unis pour les opérations psychologiques avec des responsabilités, notamment l'élaboration de directives PSYOP pour tous les éléments de l'armée américaine au Sud-Vietnam. Le but visé du J.U.S.P.A.O. n'était pas seulement de résoudre les conflits et de coordonner les activités des diverses agences impliquées, mais aussi de mettre en œuvre une stratégie globale PSYOP à venir. L'objectif officiel de J.U.S.P.A.O. est de s'appuyer sur le nationalisme anticommuniste dans toute l'Indochine pour soutenir le programme Chieu Hoi visant à briser la volonté de l' A.P.V.N. et du Vietcong et de mettre ainsi un terme au conflit.


Military Assistance Advisory Group (M.A.A.G.) : Prend en charge l’entraînement des troupes sud-vietnamiennes dès le départ des Français de l’Indochine et jusqu’au 8 février 1962, date à laquelle il est absorbé par le M.A.C.V.


National Security Council (N.S.C.) :

Sous Eisenhower

Institué en 1947 sous la présidence d’Eisenhower. Il a pour but, selon l’acte qui le crée : « [...] de conseiller le Président en ce qui concerne l'intégration des politiques intérieures, étrangères et militaires relatives à la sécurité nationale, afin de permettre aux services militaires et aux autres départements et agences du gouvernement de coopérer plus efficacement dans les affaires impliquant la sécurité nationale. »

La composition varie en fonction des priorités de la Maison Blanche. Les réunions du C.N.S. sont composées de plus au moins 7 membres permanents : le directeur du C.N.S. (National Security Adviser), le président, le vice-président, le secrétaire d’Etat, le secrétaire à la Défense, le directeur de la C.I.A. et le chef d’Etat-major des armées (Joint Chiefs of Staff).

A certains moments, en fonction des sujets traités, le nombre de fonctionnaires invités peut atteindre de 40 à 50 participants. Aussi, les réunions du C.N.S. deviennent très vite un forum de discussion et non plus un organe décisionnel.  

Le rôle du C.N.S. sous Eisenhower est double :

- Les documents rédigés par les différents départements sont étudiés par le Planning Board, organe du C.N.S. se réunissant deux fois par semaine. Celui-ci a pour objectif de coordonner et souvent de trouver un compromis entre les différents départements. Les propositions issues du Planning Board, sont ensuite discutées lors des réunions du C.N.S.

- Les décisions issues des réunions du C.N.S. sont alors envoyées aux différents départements et agences par le biais du Operations Coordinating Board (O.C.B.), qui se réunit lui une fois par semaine.

Le Conseil de sécurité nationale est une organisation administrative dépendant directement du président des États-Unis. Il a un rôle de conseil, de coordination et parfois d’impulsion sur les sujets de politique étrangère, de sécurité nationale, et plus généralement sur l’ensemble des questions stratégiques. Il n’est pas une instance décisionnelle et ce, dès sa création. En effet, malgré l’instauration d’un système formel de prise de décision en politique étrangère, Eisenhower prend ses décisions souvent en dehors de ce processus, communiquant directement avec ses conseillers. Plus la prise de décision est urgente et importante, moins elle est le résultat d’une décision du C.N.S. C’est en partie le cas dans la prise de décision concernant Dien Bien Phu où Eisenhower prend ses arrêts partiellement en dehors du fonctionnement du C.N.S.

Grâce à la structure du C.N.S., Eisenhower parvient à fortement endiguer les querelles bureaucratiques entre les différentes agences et départements. La bureaucratie jouant un rôle important dans les multiples délibérations qui se tiennent au sein de l’administration, une des tâches du C.N.S. est précisément de réduire ou de contrecarrer les effets pernicieux de cette approche afin d’assurer une certaine rationalité du processus décisionnel. Le C.N.S. sert d’une certaine façon de médiateur entre les différentes bureaucraties. Toutefois, le fait d’avoir la volonté de diminuer les conflits bureaucratiques, ne veut nullement dire que l’administration n’est pas ouverte aux différentes options.

Sous Kennedy

McG. Bundy est nommé au poste de Conseiller à la Sécurité nationale. Celui-ci fait du C.N.S. un ensemble plus compact par rapport à la période Eisenhower. Le Planning Board et l’O.P.C. sont démantelés, ayant comme conséquence que le C.N.S. n’est plus composé que d’une dizaine d’hommes. Bundy se retrouve à la tête de ce qu’on a appelé le « mini département d’Etat » (Little State Department). Pour Kennedy, ce Little State Department, qui se réunit de manière régulière renferme plusieurs avantages :

- il reflète un certain ordre et une certaine régularité ;

- il accroît l’esprit de corps ;

- il facilite une meilleure communication ;

- par le biais de ces réunions et des échanges d’idées, il est plus aisé d’étudier les différentes alternatives.

McGeorge Bundy aménage également une Situation Room à la Maison Blanche, y installant un équipement électronique permettant un accès direct au département d’Etat, au département de la Défense et à la C.I.A. Cette Situation Room permet dès lors une meilleure coordination et un contrôle plus efficace des missions en cours.

Kennedy préférant des réunions ad hoc, informelles au système prôné par Eisenhower, le C.N.S. est donc débarrassé d’une partie de sa lourdeur bureaucratique. En pratique, cela revient à limiter le rôle du Conseil National de Sécurité et à renforcer les pouvoirs du Conseiller à la sécurité nationale, qui devient le bras droit du président.

Ainsi, la formulation de la politique étrangère, de sécurité et de la défense se concentre progressivement entre les mains du conseiller du C.N.S. et du secrétaire à la Défense, au détriment de l’influence des bureaucraties traditionnelles.

Le démantèlement du C.N.S. a également un effet sur le J.C.S. Sous Eisenhower des représentants du J.C.S. étaient assignés au Planning Board et O.C.B. À travers ceux-ci, le JCS pouvait placer sur l’agenda du C.N.S certains points. Par son démantèlement, le J.C.S. perd l’accès direct au président et donc quasi toute influence dans la prise de décision.

A côté des deux secrétaires et du Conseiller à la Sécurité nationale, Kennedy fait surtout appel à ce qu’il considère comme ses hommes de confiance : A. Schlesinger, R. Goodwin, M. Taylor, R. Kennedy et T. Sorensen. Quant à la question du Viêt-nam, Kennedy nomme le Deputy Secretary of Defense Roswell Gilpatric, à la tête d’un groupe de travail qui doit l’informer sur le Vietnam.


Saigon Military Mission (S.M.M.) : Groupe de conseillers américains envoyés dès 1954 au Vietnam, renforcé de 10 membres sous les ordres du lieutenant-général John W. O’Daniel.


Temporary Equipment Recovery Mission (T.E.R.M.) : Militaires américains envoyés à Saïgon au mépris de accords de Genève (non signés par les U.S.A.) et censés aider les Sud-Vietnamiens à récupérer le matériel laissé par les Français. Dans les faits, ils joueront le rôle de conseillers militaires.


United States Agency for International Development (U.S.A.I.D.) et Civil Operation and Revolutionary Develomment Support (C.O.RD.S) : L'Agence des États-Unis pour le développement international (U.S.A.I.D.) et d'autres agences d'aide à l'étranger des États-Unis au Viêt Nam ont été fondées en 1961 sous l'administration Kennedy (1960-1963).

Mais l'aide américaine aux Vietnamiens avait commencé avant 1954. Les Américains ont ensuite continué à soutenir la société civile dans le Sud après 1955, lorsque le Sud-Vietnam a déclaré son indépendance et a élu Ngo Dinh Diem comme président. Diem est resté à la tête de l'État avec l'aide des Américains jusqu'à son assassinat le 2 novembre 1963.

Par tâtonnements au cours des deux décennies suivantes, les tensions croissantes entre le Sud-Vietnam et le Nord-Vietnam communiste, les conflits politiques internes et l'émergence après 1958 d'une insurrection armée sous la direction des communistes dans le Sud ont collectivement poussé les organismes d'aide américains à improviser de nouvelles approches pour relever les défis de l'instabilité sociale, du développement économique et de l'expansion de l'insurrection.

En 1964, la Maison Blanche, par le biais du bureau d’Extrême-Orient, confie à cet organisme la responsabilité principale du programme de pacification civile mais l’Agence a du mal à recruter des hommes pour la servir. On recrute des officiers à la retraite pour cadres ou des volontaires comme John Paul Vann (Sheehan, 1990, p. 587)

En 1967, Johnson cherche à améliorer les opérations anti-insurrectionnelles au Vietnam en coordonnant officiellement un grand nombre de ces programmes d'assistance civile avec les opérations militaires sous l'égide d'une organisation inter-agences sans précédent connue sous le nom de C.O.R.D.S., ou Civil Operations and Revolutionary Development Support. Nixon (1969-1974) a par la suite poursuivi l'effort inter-agences, en utilisant l'acronyme Civil Operations and Rural Development Support (Soutien aux opérations civiles et au développement rural).

Johnson et Nixon ont nommé des civils comme Robert W. Komer (1967-1969) et William E. Colby (1969-1973) à la tête du C.O.R.D.S.


US Military Assistance Command Vietnam (U.S.M.A.C.V.) : Commandement de l'assistance militaire au Sud-Vietnam dirigé par le général Paul D. Harkins. Remplace le M.A.A.G. à partir du 8 février 1962.



FRANCE


Organismes civils et militaires


Bureau central de Renseignements et d’Action (B.C.R.A.) : Créé durant la SGM à Londres par le colonel Passy. C’est une officine de renseignement. Sainteny le signale dès juillet 1945 comme l’un des rares organismes à se préoccuper de la question indochinoise (Sainteny, 1967, p. 44).


Comité d’action pour l’Indochine : Créé le 1er août 1944 par De Gaulle. Il est présidé par René Pleven (commissaire aux Finances) jusqu’au 12 septembre. Il a pour membres : Paul Giaccobi (membre de l'Assemblée consultative provisoire siégeant à Alger), Jean Chauvel (diplomate), Jacques Soustelle (dirigeant des services secret de la France libre), le général Juin (chef d’état-major de la Défense nationale) et le gouverneur La Laurentie (De Folin, 1993, p. 34 ; D’Argenlieu, 1985, p. 35, note 1).

Le 19 août 44, à Alger, De Langlade fait approuver le général Mordant comme chef de la Résistance pour l’Indochine. Ce dernier ne fait pas l’unanimité. Rallié seulement depuis 1943 à la cause gaulliste, il est jugé par beaucoup comme peu susceptible d’être à la hauteur de la tâche. Il arrive en Indochine en voulant pratiquer une épuration sur le mode métropolitain. C’est lui qui a volontairement détruit l’ordre de mission favorable à Decoux que lui avait confié De Gaulle et a empêché De Langlade de rencontrer ce dernier pour lui transmette les mots du Général. C’est même lui qui aurait préparé le dossier d’épuration de Decoux. Mordant devient pourtant « délégué général du Comité d'action pour la libération de l'Indochine » (De Folin, 1993, p. 37).

Le 8 décembre 1944, le comité se réunit à Paris. Sont présents : René Pleven, Paul Giaccobi, Jacques Chauvel, Jacques Soustelle, le général Juin et le gouverneur La Laurentie. De Langlade y est mis en cause pour avoir modifié sciemment un télégramme, contrairement aux directives qu’il avait reçues du Comité, sur le maintien et le rôle de l’amiral Decoux en Indochine. De Langlade est vertement condamné par les membres présents (De Folin, 1993, p. 50). Ces dissensions internes nuisent au comité qui sera remplacé le 13 février 1945 par le Comité interministériel d’Indochine (voir ci-dessous).


Comité interministériel d’Indochine (Cominindo) : Il a été créé le 13 février 1945 en remplacement du Comité d’action pour l’Indochine. C’est une instance politique décisionnelle désormais officiellement gouvernementale, chargée d’organiser la libération et de rétablir la souveraineté française en Indochine. Elle est présidée à Paris par le chef du gouvernement ou le ministre des Colonies, en son absence. Dans les faits, ce sont surtout des représentants des ministres qui y interviennent. C’est souvent à ce comité que le gouvernement fait appel pour débattre et trancher les questions portant sur l’Indochine. Les hauts-commissaires lui rendent comptes mais doivent aussi souvent se heurter à ses silences, ses lenteurs décisionnelles, ses revirements voire ses reproches, notamment lors de la signature des accords du 6 mars 1945.

Les travaux du comité sont préparés par des secrétaires généraux : Paul De Langlade (nommé le 27 février 1945), Labrouquère (nommé du 21 avril 1946), Pierre Messmer (nommé le 9 juillet 1946). Leur nomination est souvent marquée politiquement car ils doivent servir de courroie de transmission entre la pensée gouvernementale et le haut-commissaire. C’est d’ailleurs un marquage politique à gauche qui signe la fin de l’existence du comité décrié par le président du Conseil Léon Blum en décembre 1946.

Le 9 janvier 1947, un décret paru au J.O. préconise sa dissolution. Le 21, Marius Moutet, ministre de la France d’Outre-Mer, critique et met à son tour en cause l’existence du Comité dans un message. Premier reproche : « L’expérience a prouvé que ce système qui tendait à faire participer à la discussion et à la décision le président du Conseil et tous les ministres intéressés a en fait abouti à une dispersion des responsabilités nuisible à une saine gestion administrative. » Second reproche : « un problème simplement technique » devient rapidement dans cette institution « un véritable problème politique ». Le 23, Pierre Messmer annonce à D’Argenlieu qu’il n’a pas repris ses fonctions au sein du Comité fortement remis en question par le nouveau gouvernement dirigé par le socialiste Paul Ramadier. C’est d’ailleurs entre autres lui, un gaulliste, qui déconseillera à Leclerc d’accepter l’offre du poste de haut-commissaire en lui confiant : « Mon Général, faites attention. Mon expérience du secrétariat général du Comité interministériel pour l’Indochine, où j’ai vu passer tout le courrier et où j’ai assisté à toutes les réunions gouvernementales sur le sujet, m’a montré qu’il n’y avait pas de politique indochinoise du gouvernement […] »

Corps expéditionnaire français d’Extrême Orient (C.E.F.E.O.) : Créé par le général Leclerc en juin 1945. Il souffre d’entrée d’effectifs pléthoriques, d’un manque de matériel et de navires pour le transporter en Indochine. De Gaulle lui a donné pour mission d’y « rétablir la souveraineté française » en débarquant en Cochinchine mais avec très peu de moyens puisqu’il dépend de la plus ou moins bonne volonté des alliés à accepter ou non un retour des Français dans la péninsule indochinoise. Or les Américains y sont hostiles. Seuls les Britanniques l’aideront, et ce d’autant plus que le nouveau gouvernement travailliste entend quitter au plus vite le sud du 16e parallèle où les accords de Postdam ont enjoint à son prédécesseur de désarmer les Japonais.


Corps léger d’intervention (C.L.I.) : Créé le 4 novembre 1943 en Algérie, il est dirigé par le lieutenant-colonel Huard. Il est composé de 500 commandos censés aller prêter main forte aux troupes d’Indochine résistant à l’occupation japonaises et dirigées par le général Mordant. À cette époque, le général Blaizot est chargé de négocier son transport auprès du South East Area Command (S.E.A.C.) sans l’obtenir.

Le 19 avril 1944, le C.L.I. passe sous les ordres du général Blaizot. Une seule compagnie est opérationnelle. De plus, ce corps est quasiment dépourvu d’armement, d’habillement, ne dispose d’aucun moyen de transport, se heurte et se heurtera à la mauvaise volonté américaine pour le prendre en charge. Ses effectifs et ses moyens demeurent aussi pléthoriques qu’à sa création. Certains de ses éléments seront parachutés dès 1944 au Laos pour agir aux côtés des Britanniques dans la « Force 136 » contre les Japonais.

Censés préparer un parachutage de forces plus importantes, ils sont pris de court par le coup de force japonais du 9 mars 1945 mais agiront comme éléments retardateurs pour aider la colonne Alessandri dans sa fuite vers la Chine. Le 4 juin, De Gaulle, en position de faiblesse par rapport aux alliés, décide à contrecœur d’affecter le corps expéditionnaire prévu initialement pour la libération de l’Indochine aux opérations du Pacifique contre le Japon. Seul le 5e R.I.C. dépendant du  Le Corps léger d’intervention de Blaizot qui se trouve à Ceylan à bord du Richelieu et du Triomphant. Là, il fusionne avec le 5e R.I.C. Les Américains ne manifestent aucun empressement à transporter ces troupes, contrairement aux Britanniques qui le feront. Du 6 au 12 septembre, le C.L.I.-5e R.I.C. (1 700 hommes) débarque en Cochinchine en compagnie d’une division hindoue commandée par le général britannique Gracey et participe à la reconquête du Sud. Ce sont les seules troupes dont dispose Leclerc avant l’arrivée des renforts français.


Direction Générale des Études et Recherches (D.G.E.R.) : Elle est issue de la fusion des deux services de renseignement de la France libre basés à Londres et Alger qui avait donné naissance le 27 novembre 1943 à la Direction générale des services spéciaux (D.G.S.S.). Jacques Soustelle est confirmé à sa tête le 6 novembre 1944. Composée d’environ 10 000 hommes, elle compte parmi ses effectifs certains hommes qui sont des techniciens chevronnés du renseignement et d'autres qui sont de purs néophytes sans la moindre formation.  

En 1944, depuis Londres, c’est le colonel Passy qui est le chef activités clandestines françaises pour l’Extrême-Orient. C’est un organisme non militaire dont dépendent le Corps léger d’intervention (C.L.I.), la Section de Liaison française en Extrême-Orient (S.L.F.E.O.) basée à Calcutta dont dépend « Mission 5 » basée à Kunming et dirigée par Sainteny,


Groupement opérationnel du nord-ouest (G.O.N.O.) : Dien Bien Phu et Laï Chau sont placées sous le commandement du G.O.N.O. le 26 novembre 1953. Le 8 décembre, le colonel De Castries prend le commandement du camp retranché de Dien Bien Phu qui prend la dénomination de Groupement opérationnel du Nord-Ouest (G.O.N.O.).


Mission 5 : Poste de commandement de la Résistance installé en Chine du Sud dans la capitale du Yunnan, Cunming. Au printemps 1945, la ville est devenue le bastion de la lutte contre les Japonais. On y trouve l’état-major du général Ho Hing Ching, chef d’état-major général des armées chinoises nationalistes ainsi les services américains qui agissent à ses côtés : le Chinese Combat Command, l’Air Ground Aid Service, l’O.S.S. et la 14e Armée de l’U.S. Air force.

Mission 5 dépend de la Section de Liaison française en Extrême-Orient basée à Calcutta (S.L.D.E.O.). En avril 1945, le commandant Jean Sainteny en prend le commandement à la tête « d’une trentaine d’officiers d’origine et de formation aussi diverses que possible. » (Sainteny, 1967, p. 23) Ces effectifs seront renforcés par la suite avec l’arrivée progressive des reliquats des colonnes Alessandri et Sabattier (Sainteny, 1967, p. 32) Des contacts plus ou moins faciles sont établis entre les groupes de résistance demeurés au Tonkin et les hommes de M 5 (et leurs modestes moyens) nouvellement venus de métropole et qualifiés par les autres de « Français nouveaux ». Il en sera de même avec les hommes de l’armée du Tonkin repliée en Chine (Sainteny, 1967, p. 37-38).

Mission 5  a, selon les mots de Sainteny, pour objectif de :

-         multiplier les antennes et moyens d’investigation en territoire ennemi.

-         reprendre et développer les contacts avec les populations françaises au Tonkin.

-         aider les Français ou alliés à rejoindre la Chine.

-         missions de sauvetage de pilotes américains abattus au Tonkin qui permettent en échange aux Français d’obtenir du ravitaillement, des armes, du carburant et des moyens de déplacement  

-         apporter  un concours à l’effort allié par le biais du renseignement ou par des opérations de commandos parachutistes visant à effectuer des destructions en territoire occupé par les Japonais

-         ravitailler par des parachutages les unités françaises qui combattent dans la Haute Région tonkinoise. (Sainteny, 1967, p. 32 et pp. 35-41)  

Toutes ces actions sont modestes car bridées par les Chinois et les Américains. De plus, faute de matériel, ils dépendent totalement de leur bon vouloir. Sainteny liquide Mission 5 « devenue maintenant sans objet » le 5 octobre 1945 lors d’une venue à Cunming (Sainteny, 1967, p. 112 et p. 116).


Mission coloniale française : Installée à Calcutta sous les ordres de Jean De Raymond. Une mission diplomatique y a été placée par le gouvernement provisoire pour traiter du problème de l'Indochine française occupée par les Japonais. En juillet 1945, tous les hommes qui ont décidé d’agir pour l’Indochine l’ont rejointe : Léon Pignon (adjoint de De Raymond), Jean Cédile, Pierre Messmer (Sainteny, 1967, p. 46). En août, ce groupe fait partie de la délégation militaro-diplomatique qui est envoyée avec le soutien des Britanniques à Cunming. Ses membres rencontrent les troupes dirigées par le général Alessandri repoussées d'Indochine par le coup de force japonais. Leur but est de retourner dans le nord de l'Indochine immédiatement après l'effondrement du Japon et d’y restaurer le plus vite possible une administration française.


Section de Liaison française en Extrême-Orient (S.L.D.E.O.) : Basée à Calcutta. Dirigée par le commandant Léonard en 1945. Dépend de la D.G.E.R.


SUD-VIETNAM


Les sectes sud-vietnamiennes


BinhXuen : À la différence des autres sectes, il s’agit moins d’une organisation religieuse que mafieuse et criminelle apparue vers 1925 au sud de Saigon. Elle est issue des générations de pirates qui pillaient et rançonnaient les populations en bandes, sur les côtes de la région.

Durant l’occupation japonaise, les Binh Xuyen se présentent comme des nationalistes et coopèrent avec l’occupant.  

Dès août 1945, leur chef, Le Duong se rapproche du VM lors de la constitution d’une armée nationale populaire sous la houlette de Tran Van Giau, commissaire à la guerre pour le Sud qui constitue en même temps le « Comité territorial du Nam Bo », issu du P.C.I. Mais cette armée est embryonnaire, mal armée, divisée entre nationalistes et communistes, donc bien incapable de faire face aux franco-britanniques. Giau fait feu de tout bois en acceptant  dans ses rangs 1 200 hommes des Binh Xuyen et leurs chefs : Duong Ba Duong (Le Duong), Duong Van Ha, Muoi Tri et Bay Vien qui avaient tous eu des responsabilités dans les troubles au Sud depuis le 15 août. Les BinhXuyen demeurent cependant indépendants et même Nguyen Binh, devenu dirigeant du Comité du Nambo, ne parvient ni à les enrôler dans la cause marxiste ni à obtenir leur totale soumission.

Le Duong est tué en février 1946 dans un combat. Le Van Vien, dit Bay Vien, prend alors sa succession. Délaissant le VM, le nouveau chef des Binh Xuyen entre en contact avec les services français réinstallés au Sud et joue un double-jeu.

En 1948, Bay Vien parvient à échapper de justesse à un attentat organisé dans la Plaine des Joncs par Nguyen Binh devenu dirigeant du Comité du Nambo. Les Binh Xuen se rallient alors clairement à la lutte anti-vietminh. En échange, le gouvernement vietnamien avec la complicité tacite des Français leur laissent  le contrôle du secteur de Cholon (jeux, prostitution, fumeries d’opium, raquette des 600 000 commerçants chinois). Les Binh Xuen deviennent clairement une force d’appoint contre le VM, lui livrant une guerre sans pitié.

À la tête d’une armée de 3 000 hommes constituée le 13 juin 1948, ralliée à Bao Daï et au principe de l’Union française, Bay Vien devient en 1954 le chef de la police de Saigon-Cholon avec le grade de général. Sa puissance devient telle qu’au printemps 1955, Diem se voit obligé de les combattre avec ses propres forces armées et s’en débarrasse, sans pour autant les faire disparaître totalement (Cadeau, Cochet, Porte, 2021, p. 143 ; Toinet, 1998, p. 466-467).


Caodaïstes : Secte religieuse créée dans les années 1920 par un fonctionnaire illuminé. Cao Daï désigne un être suprême, symbolisé par un œil dans un losange. Elle produit un culte hyper-syncrétique mêlant des éléments de christianisme, de confucianisme, de bouddhisme et de taoïsme mais également du spiritisme : Victor Hugo, Jeanne d’Arc voire Churchill font partie de son panthéon. La secte a un caractère éminemment millénariste espérant l’avènement d’« un roi juste et éclairé qui rétablirait l’âge d’or disparu ».

Elle est fortement implantée dans le secteur géographique de Tay Ninh proche de la frontière cambodgienne. Elle touche une population d’environ de 100 000 fidèles en 1936 pour atteindre 1,5 million de personnes en 1948. Calquant fidèlement la hiérarchie de la religion catholique, elle possède un pape, 3 archevêques, 72 évêques et 3 000 prêtres qui bénéficient tous du soutien et de la reconnaissance de l’administration coloniale française.

Pendant l’occupation japonaise, les Caodaïstes collaborent. Le 28 juin 1941, préoccupé par l’activité jugée trop pronippone de la secte, l’amiral Decoux envoie le pape Pham Cong Tac en exil à Madagascar. Les Caodaïstes sont alors dirigés par Tran Quang Vinh et enrôlés par la Kempetaï japonaise comme troupes auxiliaires moyennant d’importants subsides qui leur seront versés de 1941 à 1945. De Ce fait, ils participeront aux côtés des Japonais au coup de force du 9 mars contre les Français.

En août 1945, les Caodaïstes devenus profondément nationalistes intègrent le front unifié du Comité du Nambo au côté du VM. Mais dès septembre, pressentant l’hégémonie de ce dernier,  ils se désolidarisent du mouvement manifestant désormais un  anticommunisme qui laisse facilement les hommes de Massu se réinstaller dans leur fief. Le 30 août 1946, le pape Pham Cong Tac est finalement autorisé par les Français à revenir à Tay Ninh.

Dès janvier 1947, les unités caodaïstes (4500 hommes) signent une convention avec le général Boyer de la Tour et assurent aux côtés du C.E.F.E.O. une pacification anti-vietminh.

Dès février 1949 apparaissent cependant des velléités d’indépendance qui se manifestent par une volonté de contrôler l’ensemble de la zone caodaïste. Des désertions se produisent, certains groupes affirment leur neutralité ou négocient, comme en 1950, un protocole de non-agression avec le VM dans la région de Mytho.

En 1950, la secte se rallie à Bao Daï. En 1951, l’armée caodaïste compte alors moins de 7 000 hommes mais passera à 15 000 fusils en 1954. Elle est utilisée comme force supplétive par les Français et, une partie d’entre elle, adhère à la nouvelle armée vietnamienne dirigée par Bao Daï. Mais cet allié d’un jour demeure turbulent et peu fiable, nécessitant parfois des interventions musclées des autorités françaises.

En juin 1951 et jusqu’en 1952 apparaît une dissidence dirigée par le général Thrinh Minh The qui, avec environ 2 000 hommes, dirige probablement le 31 juillet 1951 l’attentat de Sadec contre le général français Chanson qui avait été chargé de la pacification dans le Sud. Ses motivations demeurent obscures : crainte d’une mise au pas du commandement français ? Influence de l’O.S.S. américaine ? (Cadeau, Cochet, Porte, 2021, p. 188-189 ; Toinet, 1998, p. 467-468)


Hoa Hao : Secte qui apparaît en 1939 dans une localité du nom de la secte située dans le delta du Mékong. Elle est créée par le maître Huynh Phu So, un « bonze fou » réputé pour ses prophéties et ses guérisons miraculeuses qui propose un bouddhisme teinté de nationalisme populiste. Son discours démagogique et simpliste trouve écho parmi les populations pauvres de Cochinchine et s’étend comme une traînée de poudre dans les provinces de Long Xuen, Chaudoc, Cantho, Sadec, Vinh Long avec des ramifications vers Bentre et Mytho.

Elle compte de 60 000 à 100 000 adhérents en 1940, un nombre qui sera multiplié par 5 en 15 ans. Son gourou prêche le partage des terres, l’égalité pour tous et le soulèvement contre les Français mais avec, dans un premier temps, des interdictions religieuses strictes :  ne pas tuer, voler, injurier.

Huynh Phu So est arrêté par l’administration coloniale en 1940 et enfermé dans un asile psychiatrique puis mis en résidence surveillée jusqu’en mai 1941 d’où il est libéré par les Japonais qui le ramène à Saigon. Ses milices armées de vieux fusils, de hallebardes et de piques sont hostiles aux Français, ce qui arrange l’occupant nippon.

En août 1945, la secte rejoint comme les Caodaïstes le front national unifié dont fait partie le VM. Leur union est toutefois brève. Tran Van Giau fait massacrer des éléments hoahao. Pour autant, le « bonze fou », après son départ, entre comme commissaire dans le comité du VM du Nambo dirigé par Nguyen Binh. Mais les bandes haohoa pratiquent avant tout une guerre de pirates qui entre irrémédiablement en conflit avec l’idéologie du VM. Le 8 octobre 45, à Cantho, 15 000 Hoa Hao s’en prennent au VM. Des combats, massacres et représailles ont lieu dans les jours qui suivent. La secte entre alors en dissidence contre le VM sans pour autant se rallier à la France. Binh attire Huynh Phu So dans un guet-apens et le fera exécuter le 17 mars 1947 après un jugement des plus sommaires. Son corps est dépecé et inhumé en trois parties.

Le 18 mai, 2 000 Hoa Hao conduits par le général Tran Van Soaï se rallient aux Français qui leur fournissent armes et argent et leur confie le secteur du Caïvo-Chaudoc. La région est soumise à des taxes sur le riz. Tran Van Soaï refuse à ses troupes (25 000 hommes et 40 000 miliciens d’autodéfense) de rejoindre l’armée vietnamienne. Considérant cette région comme son fief, il s’oppose à tout retour du VM, des forces caodaïstes ou gouvernementales. Il faut là encore attendre le printemps 1955 pour que Diem s’en débarrasse manu militari (Cadeau, Cochet, Porte, 2021, p. 491 et 501 ; Toinet, 1998, p.469-470).


Unités mobiles de défense des Chrétientés (U.M.D.C.) : Milices chrétiennes. Formée avec le soutien du général Pierre Boyer de la Tour, le lieutenant Jean Leroy crée en août 1947 une milice mobile parmi les catholiques vietnamiens et d'autres groupes religieux situés au Sud dans la province de Bentré. Cette création se place dans le contexte d’une rupture violente entre les forces sudistes de la République démocratique du Vietnam d’une part et les Caodaïstes et Hoa Hao d’autre part.

Financée par l'armée française, cette milice non conventionnelle faite de supplétifs a rapidement compté 3 000 membres. Elle est constituée officiellement le 1er septembre 1948. Sa mission principale est de protéger les communautés religieuses locales hostiles aux forces sudistes de la R.D.V.N. Elle épaule également les commandants de secteur  français dans diverses missions : patrouilles, opérations locales, embuscades.

Cependant, Jean Leroy utilise sa milice pour se constituer une sorte de fief personnel. Participant à une véritable œuvre de pacification, on y trouve aussi un accompagnement économique et social. Leroy s’occupe d’économie et améliore le quotidien des populations locales dans le domaine de la pêche, de l’entretien des rizières, du creusement de canaux, de l’exploitation des cocotiers. Parallèlement, il crée des crèches, des hôpitaux et de nombreuses écoles. En 1949, 10 brigades sont constituées.

Cette milice poursuit son existence jusqu’en décembre 1952. A ce moment, les U.M.D.C. se composent de 67 unités. 12 sont rattachées à l’armée française et 55 à l’armée vietnamienne. Après la mort de De Lattre, du fait des progrès du gouvernement vietnamien, certains de ses membres voient d’un mauvais œil l’indépendance militaire et la popularité de cet officier français qui est envoyé par sa hiérarchie à Paris en stage à l’École de Guerre. Les U.M.D.C. redeviennent alors de simples unités supplétives de l’armée vietnamienne intégrées dans le 17e bataillon. Elles seront finalement dissoutes le 1er mai 1953.

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