Dernière modification le il y a 23 heures
par Jean-François Jagielski

« Juin 1973 » : différence entre les versions

(Page vide créée)
 
Aucun résumé des modifications
 
Ligne 1 : Ligne 1 :
Juin 73 : Signe de la difficulté des ''vets'' à se réintégrer dans la société américaine, pas moins de 32 % des détenus des prisons fédérales sont des vétérans de la guerre du Vietnam (Gibault ''in'' collectif, 1992, p. 76)


Juin – juillet - août 73 : '''Les bombardements américains atteignent leur apogée au Cambodge. 5 064 sorties tactiques sont effectuées en juin. Elles augmenteront encore en juillet pour atteindre 5 818 et 3 072 pour la seule première semaine d’août''' (Shawcross, 1979, pp. 295-296).
3 juin 73 : Reprise des entretiens entre experts américains et nord-vietnamiens à Paris.
3 - 4 juin 73 : Au Cambodge, Nixon rejette les offres de négociations de Sihanouk et continue à soutenir Lon Lol en bombardant massivement le pays.
4 juin 73 : Le Sénat adopte définitivement à son tour un projet de loi visant à bloquer les crédits en vue d’une reprise de toute action militaire en Indochine. Le texte est approuvé par la Chambre des Représentants (voir 31 mai et 7 novembre).
6 juin 73 : Reprise des entretiens Le Duc Tho-Kissinger à Paris pour limiter les violations des cessez-le-feu. Ils n’aboutissent à rien.
9 juin 73 : Kissinger regagne donc Washington.
11 juin 73 : Nixon doit faire face à une vague d’isolationnisme alimentée par le Congrès. Selon le général Scowcroft (conseiller militaire de Nixon), la position du Congrès est la suivante : « Nous avons essayé et nous ne pouvons rien faire de plus. Partons au plus vite pour limiter les dégâts. » Nixon estime que le gouvernement s-v « va survivre quelque temps » mais que son avenir est compté à plus ou moins brève échéance (Portes, 2016, pp. 175-176). On est loin des belles paroles de San Clemente adressées à Thieu…
Dans une conférence de presse improvisée donnée à Salzbourg (Autriche), Kissinger se plaint de la manière dont des documents secrets américains sont révélés au public. Il se plaint également de sa mise en question par la commission des Affaires étrangères du Sénat sur les écoutes téléphoniques dissimulées et menace de démissionner s’il n’est pas blanchi publiquement. Il obtiendra satisfaction (Shawcross, 1979, p. 330).
13 juin 73 : Signature officielle à Paris du mémorandum mis au point entre Kissinger et Le Duc Tho entre les 16 et 23 mai pour limiter les violations du cessez-le-feu (Portes, 2016, p. 174).
18 juin 73 : Au Cambodge, les six grands axes qui conduisent à Phnom Penh sont contrôlés par les troupes communistes du F.A.P.L.N.K.
19 – 20 juin 73 : En France se poursuivent des divergences politiques au sujet du Cambodge. Le président Georges Pompidou ne croit pas à la possibilité d’un retour de Sihanouk qu’il n’apprécie guère contrairement à son prédécesseur.
Lors d’un débat à l’assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert, déclare à ceux qui soutiennent Sihanouk (Couve de Murville, gaulliste et François Mitterrand, socialiste) : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?... Que nous allons reconnaître le prince Sihanouk ? Mais dites-moi si celui-ci a de bonnes raisons de revenir, s’il est l’allié des Chinois ou celui des Russes, et qui veut de lui ? »
La France pompidolienne ne croit donc pas aux chances d’un retour du prince. Sihanouk charge son premier ministre Penn Nouth de faire savoir son vif mécontentement auprès de l’ambassadeur de France à Pékin, Étienne Manac’h (Cambacérès, 2013, pp. 186-187).
19 juin – 6 juillet 73 : Début du 21<sup>e</sup> plénum du Comité central du P.C. n-v qui sera poursuivi du 1<sup>er</sup> au 14 octobre. Il adopte une stratégie plus offensive. On prévoit une offensive d’envergure : « La révolution dans le Sud passe par une série de phases mais ne peut être victorieuse que grâce à la violence révolutionnaire, c'est-à-dire par un soulèvement du peuple conforté par des moyens politiques et militaires. Dans le cas où éclaterait une nouvelle guerre de grande ampleur, nous lancerons le combat révolutionnaire afin d’emporter une victoire complète. » Le N-V se tourne alors vers l’U.R.S.S. au détriment de la Chine. Cette dernière refuse toute aide supplémentaire à un N-V qu’elle considère désormais comme arrogant et agressif (Portes, 2016, p. 180).
21 juin 73 : '''Graham Martin est nommé ambassadeur américain à Saigon'''. Il prend la succession de Charles Whitehouse qui a assuré l’intérim de Bunker (ayant quitté ses fonctions le 11 mai). Il présentera ses lettres d’accréditation le 20 juillet. Il ne partage pas le pessimisme de Kissinger car, à cette époque, le gouvernement s-v est encore relativement solide : il contrôle, selon ses dires, environ 75 % du territoire s-v et 85 % de la population (Karnow, 1985, p. 409).
Mais Thieu ne croit ni aux engagements pris lors de l’accord de Paris ni à la pseudo-trêve en cours. Il n’écoute pas les Américains qui lui conseillent d’élargir sa base et s’acharne sur l’opposition en s’appuyant sur les militaires qu’il tient, comme ses prédécesseurs, à coup de « pots-de-vin ».
Il lance des offensives pour s’emparer des territoires occupés par les N-V et le Vietcong dans le delta du Mékong et le long de la frontière cambodgienne. Ses efforts grèvent les ressources du régime et ponctionnent l’aide américaine. Il pense toujours malgré tout être soutenu par les U.S.A. en cas de coup dur, ce que le lui avait promis et écrit Nixon à plusieurs reprises. C’est une grossière erreur de jugement au vu de la récente attitude du Congrès américain à l’égard du S-V.
26 juin 73 : Le Congrès américain limite tous les fonds destinés à l’Indochine. Toute initiative présidentielle est désormais soumise à l’approbation du Congrès. Nixon oppose un véto que les élus ne parviennent pas à contrer dans un premier temps car leur amendement est rejeté. Le président justifie son existence du fait d’un « souci grave » dû à « l’annexe cambodgienne » de cette loi qui compromet et détruit « toute chance de négocier un arrangement efficace au Cambodge et le retrait de toutes les troupes nord-vietnamiennes comme l’exigeait l’article 20 de l’accord vietnamien [signé à Paris le 27 janvier]. » (Nixon, 1985, p. 194)
La perspective des réparations dont il avait été question lors des négociations secrètes est définitivement écartée par le Congrès américain du fait des mauvais traitements qu’ont subis les prisonniers libérés et de l’actuel non-respect des cessez-le-feu (Portes, 2016, p. 176).
30 juin 73 : '''Suppression de la conscription aux U.S.A.''' sous la pression de l’opinion publique qui estime, à juste raison, que le système pratiqué jusqu’alors est particulièrement injuste et discriminant (sursis pour les étudiants). A l’exception des engagés volontaires, ce sont les classes sociales les moins favorisées qui ont fourni la majeure partie du contingent engagé au Vietnam.
'''Sous la contrainte du Congrès, Nixon est obligé de ratifier une loi stipulant l’arrêt des bombardements au Cambodge.''' Une annexe précise qu’« aucun des fonds affectés  par la présente loi ne peut être dépensé pour soutenir des activités directes ou indirectes dans ou au-dessus du Cambodge, du Laos, du Nord-Vietnam et du Sud-Vietnam, par la force des États-Unis, et, après le 15 août 1973, aucun autre fonds affecté jusqu’à présent selon aucune autre loi ne pourra être dépensé pour de telles actions. » (cité ''in'' Nixon, 1985, pp. 194-195) Lon Lol se retrouve donc seul face aux forces communistes qui occupent la majeure partie du pays.

Dernière version du 31 juillet 2025 à 20:46

Juin 73 : Signe de la difficulté des vets à se réintégrer dans la société américaine, pas moins de 32 % des détenus des prisons fédérales sont des vétérans de la guerre du Vietnam (Gibault in collectif, 1992, p. 76)


Juin – juillet - août 73 : Les bombardements américains atteignent leur apogée au Cambodge. 5 064 sorties tactiques sont effectuées en juin. Elles augmenteront encore en juillet pour atteindre 5 818 et 3 072 pour la seule première semaine d’août (Shawcross, 1979, pp. 295-296).


3 juin 73 : Reprise des entretiens entre experts américains et nord-vietnamiens à Paris.


3 - 4 juin 73 : Au Cambodge, Nixon rejette les offres de négociations de Sihanouk et continue à soutenir Lon Lol en bombardant massivement le pays.


4 juin 73 : Le Sénat adopte définitivement à son tour un projet de loi visant à bloquer les crédits en vue d’une reprise de toute action militaire en Indochine. Le texte est approuvé par la Chambre des Représentants (voir 31 mai et 7 novembre).


6 juin 73 : Reprise des entretiens Le Duc Tho-Kissinger à Paris pour limiter les violations des cessez-le-feu. Ils n’aboutissent à rien.


9 juin 73 : Kissinger regagne donc Washington.


11 juin 73 : Nixon doit faire face à une vague d’isolationnisme alimentée par le Congrès. Selon le général Scowcroft (conseiller militaire de Nixon), la position du Congrès est la suivante : « Nous avons essayé et nous ne pouvons rien faire de plus. Partons au plus vite pour limiter les dégâts. » Nixon estime que le gouvernement s-v « va survivre quelque temps » mais que son avenir est compté à plus ou moins brève échéance (Portes, 2016, pp. 175-176). On est loin des belles paroles de San Clemente adressées à Thieu…

Dans une conférence de presse improvisée donnée à Salzbourg (Autriche), Kissinger se plaint de la manière dont des documents secrets américains sont révélés au public. Il se plaint également de sa mise en question par la commission des Affaires étrangères du Sénat sur les écoutes téléphoniques dissimulées et menace de démissionner s’il n’est pas blanchi publiquement. Il obtiendra satisfaction (Shawcross, 1979, p. 330).


13 juin 73 : Signature officielle à Paris du mémorandum mis au point entre Kissinger et Le Duc Tho entre les 16 et 23 mai pour limiter les violations du cessez-le-feu (Portes, 2016, p. 174).


18 juin 73 : Au Cambodge, les six grands axes qui conduisent à Phnom Penh sont contrôlés par les troupes communistes du F.A.P.L.N.K.


19 – 20 juin 73 : En France se poursuivent des divergences politiques au sujet du Cambodge. Le président Georges Pompidou ne croit pas à la possibilité d’un retour de Sihanouk qu’il n’apprécie guère contrairement à son prédécesseur.

Lors d’un débat à l’assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, Michel Jobert, déclare à ceux qui soutiennent Sihanouk (Couve de Murville, gaulliste et François Mitterrand, socialiste) : « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?... Que nous allons reconnaître le prince Sihanouk ? Mais dites-moi si celui-ci a de bonnes raisons de revenir, s’il est l’allié des Chinois ou celui des Russes, et qui veut de lui ? »

La France pompidolienne ne croit donc pas aux chances d’un retour du prince. Sihanouk charge son premier ministre Penn Nouth de faire savoir son vif mécontentement auprès de l’ambassadeur de France à Pékin, Étienne Manac’h (Cambacérès, 2013, pp. 186-187).


19 juin – 6 juillet 73 : Début du 21e plénum du Comité central du P.C. n-v qui sera poursuivi du 1er au 14 octobre. Il adopte une stratégie plus offensive. On prévoit une offensive d’envergure : « La révolution dans le Sud passe par une série de phases mais ne peut être victorieuse que grâce à la violence révolutionnaire, c'est-à-dire par un soulèvement du peuple conforté par des moyens politiques et militaires. Dans le cas où éclaterait une nouvelle guerre de grande ampleur, nous lancerons le combat révolutionnaire afin d’emporter une victoire complète. » Le N-V se tourne alors vers l’U.R.S.S. au détriment de la Chine. Cette dernière refuse toute aide supplémentaire à un N-V qu’elle considère désormais comme arrogant et agressif (Portes, 2016, p. 180).


21 juin 73 : Graham Martin est nommé ambassadeur américain à Saigon. Il prend la succession de Charles Whitehouse qui a assuré l’intérim de Bunker (ayant quitté ses fonctions le 11 mai). Il présentera ses lettres d’accréditation le 20 juillet. Il ne partage pas le pessimisme de Kissinger car, à cette époque, le gouvernement s-v est encore relativement solide : il contrôle, selon ses dires, environ 75 % du territoire s-v et 85 % de la population (Karnow, 1985, p. 409).

Mais Thieu ne croit ni aux engagements pris lors de l’accord de Paris ni à la pseudo-trêve en cours. Il n’écoute pas les Américains qui lui conseillent d’élargir sa base et s’acharne sur l’opposition en s’appuyant sur les militaires qu’il tient, comme ses prédécesseurs, à coup de « pots-de-vin ».

Il lance des offensives pour s’emparer des territoires occupés par les N-V et le Vietcong dans le delta du Mékong et le long de la frontière cambodgienne. Ses efforts grèvent les ressources du régime et ponctionnent l’aide américaine. Il pense toujours malgré tout être soutenu par les U.S.A. en cas de coup dur, ce que le lui avait promis et écrit Nixon à plusieurs reprises. C’est une grossière erreur de jugement au vu de la récente attitude du Congrès américain à l’égard du S-V.


26 juin 73 : Le Congrès américain limite tous les fonds destinés à l’Indochine. Toute initiative présidentielle est désormais soumise à l’approbation du Congrès. Nixon oppose un véto que les élus ne parviennent pas à contrer dans un premier temps car leur amendement est rejeté. Le président justifie son existence du fait d’un « souci grave » dû à « l’annexe cambodgienne » de cette loi qui compromet et détruit « toute chance de négocier un arrangement efficace au Cambodge et le retrait de toutes les troupes nord-vietnamiennes comme l’exigeait l’article 20 de l’accord vietnamien [signé à Paris le 27 janvier]. » (Nixon, 1985, p. 194)

La perspective des réparations dont il avait été question lors des négociations secrètes est définitivement écartée par le Congrès américain du fait des mauvais traitements qu’ont subis les prisonniers libérés et de l’actuel non-respect des cessez-le-feu (Portes, 2016, p. 176).


30 juin 73 : Suppression de la conscription aux U.S.A. sous la pression de l’opinion publique qui estime, à juste raison, que le système pratiqué jusqu’alors est particulièrement injuste et discriminant (sursis pour les étudiants). A l’exception des engagés volontaires, ce sont les classes sociales les moins favorisées qui ont fourni la majeure partie du contingent engagé au Vietnam.

Sous la contrainte du Congrès, Nixon est obligé de ratifier une loi stipulant l’arrêt des bombardements au Cambodge. Une annexe précise qu’« aucun des fonds affectés  par la présente loi ne peut être dépensé pour soutenir des activités directes ou indirectes dans ou au-dessus du Cambodge, du Laos, du Nord-Vietnam et du Sud-Vietnam, par la force des États-Unis, et, après le 15 août 1973, aucun autre fonds affecté jusqu’à présent selon aucune autre loi ne pourra être dépensé pour de telles actions. » (cité in Nixon, 1985, pp. 194-195) Lon Lol se retrouve donc seul face aux forces communistes qui occupent la majeure partie du pays.

💬 Commentaires

Chargement en cours...