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par Jean-François Jagielski

« Mai 1968 » : différence entre les versions

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Mai 68 : Sous la gouvernance du général Abrams placé à la tête du M.A.C.V. (voir 25 mars), les renseignements sont progressivement mieux traités et répercutés aux échelons inférieurs que sous Westmoreland. Les opérations deviennent plus légères et gagnent donc en efficacité. Elles sont aussi mieux coordonnées avec les S-V qui, jusqu’alors, n’avaient été confinés que dans un rôle presque purement statique (Toinet, 1998, p. 406).


Début mai 68 : Arrivée des délégations pour la conférence de Paris. Les N-V (Xuan Thuy, Ha Van Lau qui a participé à la conférence de Genève) sont hébergés dans un premier temps au Lutetia. Grâce à l’intervention du P.C.F., c’est la maison des cadres du parti qui est mise à leur disposition par Maurice Thorez à Choisy-Le-Roi pour un séjour qui aura une durée de 5 ans. Averell Harriman, Cyrus Vance et Philip Habib résideront quant à eux à La Celle-Saint-Cloud.
Le choix de la capitale française est issu de laborieuses tractations qui ont duré un mois (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 160-161). Paris, qui a accepté d’être l’hôte (voir 18 avril), apparaît au final comme un bon compromis pour le respect de la neutralité entre Hanoi, Washington et Saigon. C’est l’ancien hôtel Majestic (avenue Kléber) devenu centre de conférences internationales qui servira de cadre aux très longs et laborieux pourparlers à venir (Portes, 2016, pp. 27-28). Lorsque les négociations secrètes se mettront en place, les Français assureront discrètement la sécurité des rencontres extérieures. La présidence française sera donc avertie à chaque venue de Kissinger (Portes, 2016, p. 48).
Contrôlant la majorité des populations rurales mais beaucoup moins les villes, '''le F.N.L. lance une « Alliance des forces nationales démocratiques et de paix »''' dirigée par Trinh Dinh Tao, « un petit homme au visage rond de près de soixante-dix ans, qui donnait l’impression d’être un grand-père gentil et débonnaire. » Elle vise à rallier la bourgeoisie et les classes moyennes urbaines hésitantes. Son programme a une dimension plus politique que militaire et vise avant tout à rassurer les modérés : tenue d’élections honnêtes et libres, mise ne place d‘une réforme agraire, respect de la propriété individuelle. Selon Truong Nhu Tang, « dès sa fondation, l’Alliance envoya des agents dans plusieurs des principaux centres du Sud, pour y former des comités clandestins. Ces comités entreprirent immédiatement de s’assurer le soutien d’éléments non alignés pour des négociations avec le Front. » Thieu fait d’entrée condamner à mort par contumace ses dirigeants et confisque leurs biens, les contraignant ainsi à disparaître rapidement dans la jungle (Truong Nhu Tang, 1985, pp. 161-165). Selon De Quirielle (délégué général du gouvernement français au N-V), la « prétendue indépendance de l’Alliance à l’égard du Front […] n’était que façade. Si à l’origine elle avait pu se targuer d’une certaine autonomie, elle avait été rapidement noyautée par le parti Lao Dong qui en avait pris les leviers. » (De Quirielle, 1992, p. 166)
2 mai 68 : Du fait de la mise en place de négociations bilatérales avec le N-V (voir 10 mai), les Américains sont également obligés de discuter sur place avec les S-V. Ces discussions sont initiées par l’ambassadeur américain Bunker et son adjoint Samuel Berger (ancien ambassadeur en Corée du Sud) au Palais de l’Indépendance à Saigon. Côté s-v sont présents Thieu (président), Ky (vice-président), Tran Van Do (Affaires étrangères) et Nguyen Phu Duc, conseillé de Thieu. Ce dernier déclare désormais refuser l’arrêt des bombardements préconisé par LBJ dans son discours du 31 mars. Tran Van Do indique que pour le gouvernement s-v 2 conditions sont indispensables à toute mise en place de négociations : l’arrêt des infiltrations et des actes d’hostilité ; le retrait de toutes les forces n-v du Sud sous contrôle international.
'''Mais Thieu envisage également de négocier directement avec Hanoi et n’envisage que par la suite la tenue d’une conférence élargie avec tous les alliés et autres pays concernés par le conflit.''' Sur la question du retrait préalable des forces, Bunker estime qu’elle ne doit pas être abordée d’entrée car c’est un problème complexe et qu’il vaut mieux, dans un premier temps, se centrer – priorité américaine – sur la question de la désescalade. L’ambassadeur américain n’envisage aucun calendrier, chaque partie étant libre de soulever n’importe quelle question à n’importe quel moment. Nguyen Phu Duc observe que contrairement à la première conférence de Genève de 1954, les U.S.A. envisagent ici de privilégier avant tout un processus politique plutôt que militaire (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 168-170).
3 mai 68 : Les N-V prennent contact avec l’ambassade américaine à Vientiane. Ils demandent à l’ambassadeur Sullivan de se rendre à leur ambassade à 10 heures (heure locale) pour y recevoir un message d’Hanoi. Sullivan transmet alors à Washington un télégramme qui arrive à minuit heure locale. '''Il annonce que les N-V ont décidé que la tenue des pourparlers pourront se dérouler à Paris (voir 18  avril) à partir du 10 mai ou quelques jours après.''' LBJ contacte immédiatement Rusk (secrétaire d’État) qui estime qu’il faut accepter cette proposition (Johnson, 1972, p. 606).
Au Cambodge, Lon Nol réintègre le gouvernement comme ministre de la Défense et Inspecteur général des forces armées.
4 mai 68 : LBJ réunit à 8 h 30 à la Maison Blanche Rusk (secrétaire d’État), Clifford (Défense), Rostow (Sécurité nationale), George Ball (futur ambassadeur américain à l’O.N.U. en remplacement de Goldberg). La proposition n-v est acceptée.
A 10 h 00, le président annonce au cours d’une conférence de presse télévisée qu’il a envoyé « un message informant Hanoi que la date le 10 mai – et le lieu – Paris nous sont acceptables. » En accord avec Rusk, il avait désigné au préalable '''2 négociateurs principaux : Averell Harriman''' (ambassadeur extraordinaire, spécialiste rôdé des négociations avec les communistes, négociateur des accords de Genève pour le Laos en 1962) et Llewellyn Thompson (ambassadeur à Moscou). Mais, désirant négocier avec les Russes des questions importantes sur le contrôle des armements, c’est finalement '''Cyrus Vance''' qui remplacera Thompson à Paris.
La délégation militaire est composée provisoirement du général de division Andrew Goodpaster (futur commandant en second au Vietnam) qui sera remplacé par le général de brigade George Seignous appartenant au Conseil des chefs d’état-major. Philip Habib (sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique) est désigné comme spécialiste des questions politiques. Lui est adjoint William Jorden (spécialiste de l’Extrême-Orient au C.N.S.) qui tiendra le rôle de porte-parole de la délégation auprès de la presse (Johnson, 1972, pp. 606-607).
4 - 5 mai 68 : Bien que l’on parle de négociations, une vague d’attaques communistes frappe 109 cités, villes et bases américaines du Sud, notamment la base de '''Con Thien''' qui est écrasée sous le feu du VC (Sheenhan, 1990, p. 766). Les N-V entament dès lors une stratégie qui leur est chère depuis longtemps : négocier et combattre en même temps.
5 - 12 mai 68 : Nouvelle attaque par le VM, après celle du Têt, sur Saigon où se sont réfugiées 86 000 personnes. Des bombardements ont lieu par roquettes et se prolongeront durant plusieurs mois selon la tactique rôdée du harcèlement psychologique. De petits groupes de guérilla s’infiltrent dans les quartiers populaires pour y mener des combats de rues violents et destructeurs. C’est au cours de l’un d’eux que le général s-v Loan, défenseur de Saigon, est grièvement blessé (Francini 2, 1988, pp. 346-347).
6 mai 68 : Johnson réunit une première fois l’équipe des 5 négociateurs pour la conférence de Paris (voir 4 mai). C’est une équipe réduite accompagnée d’un petit nombre de personnel spécialisé. Il les briffe en leur disant : « Je suis heureux que la négociation commence mais sans être envahi d’un espoir irraisonné. Je pense que ce sera dur, très dur… » Il les met en garde sur le fait de devoir agir au cours d’une année électorale : « Comprenez-moi bien : je veux que nous parvenions à une solution, mais ce n’est pas à cause de cette élection ou de n’importe quelle autre […] Il reste simplement une chose que je voudrais que vous ne perdiez pas de vue, c’est notre intérêt national – aujourd’hui comme dans dix ans. » Le président confie dans ses mémoires « être le plus sceptique » de tous quant à l’issue des négociations à venir (Johnson, 1972, p. 607-608).
Seconde rencontre entre les S-V et les Américains (voir 2 mai). On envisage la question d’une participation à la conférence de Paris élargie aux communistes. Nguyen Cao Ky (vice-président) estime que ceux-ci doivent s’adresser directement aux S-V pour négocier. Mais se pose également la question du F.N.L. que le S-V ne reconnaît pas. Bunker propose alors d’adopter une formule séparée, parlant d’un « leur côté » et un de « notre côté », méthode qui permet d’éviter d’aborder dans l’immédiat le problème de la reconnaissance du statut du F.N.L. Tran Van Do (ministre des Affaires étrangères s-v) estime également que seuls les deux gouvernements n-v et s-v pourront participer aux pourparlers, tout comme cela avait été le cas à Genève en 1954.
'''Américains et S-V ne sont donc pas à Paris sur la même longueur d’onde quant à la reconnaissance et la présence du F.N.L. Aux antipodes du credo de la théorie des dominos, la position américaine a sérieusement et secrètement évolué en deux ans. Empreints de pessimisme quant à l’avenir du conflit et de leur engagement''' (voir 19 janvier et 14 octobre 1966)''', les U.S.A. disent ouvertement aux S-V qu’ils sont désormais prêts à accepter un gouvernement de coalition incluant, s’il le faut, des communistes dans leur pays. Ce dont les S-V ne veulent absolument pas entendre parler''' (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 171-174).
7 mai 68 : Xuan Thuy, négociateur n-v en route pour Paris, fait une escale à Pékin où il rencontre Zhou Enlaï qui lui reproche encore plus durement qu’à Pham Van Dong (voir 13 – 20 avril) la tenue des négociations à venir de Paris. Le ministre des Affaires étrangères chinois considère que les Vietnamiens ne peuvent négocier qu’en adoptant un profil haut, c’est-à-dire une attitude qui mettrait en échec la réussite de ces pourparlers (Marangé, 2012, p. 335).
Selon Johnson, alors que les délégués américains se préparent à partir pour la conférence de Paris, le VC porte de nouvelles attaques sur Saigon selon une tactique qui leur est chère : négocier et combattre en même temps. Johnson estime qu’elles n’avaient pas « d’objectif militaire évident, mais que [leurs] buts psychologiques et politiques étaient bien visibles. De petits pelotons s’infiltrèrent dans la ville et tentèrent de provoquer tous les dégâts possibles. Leur intention était de faire naître la terreur en créant des destructions importantes et le plus de réfugiés possible. » LBJ prétend dans ses mémoires que la situation est vite rétablie, ce dont on ne peut que douter lorsque l’on connaît la tactique du harcèlement chère aux unités du F.N.L. (voir 19 mai) (Johnson, 1972, p. 610).
8 mai 68 : Johnson réunit pour la deuxième fois (voir 6 mai), mais cette fois de façon élargie, l’équipe de tous les négociateurs de Paris en présence de Rusk, Rostow, Katzenbach, McGeorge Bundy, Clifford et Taylor. Ont été également invités les sénateurs Mansfield (démocrate) et Dirksen (républicain), d’abord retenus au Capitole, et qui n’arriveront qu’en cours de réunion. On passe en revue les points essentiels : arrêt des bombardements au nord du 20<sup>e</sup> parallèle, interdiction pour les N-V de profiter militairement de la situation, importance des reconnaissances aériennes, participation du gouvernement s-v aux décisions à venir. On étudie la déclaration d’ouverture d’Harriman sur la question du « contrôle international » du règlement de paix que l’on modifie en spécifiant que les « nations de l’Asie doivent être associées à la surveillance des accords auxquels nous pourrons parvenir. »
Johnson rappelle ses propos tenus le 6 sur « l’intérêt national » qui doit dépasser les habituels clivages politiques : « Il n’y a dans cette équipe ni démocrate ni républicain, il s’agit tout simplement d’une équipe américaine. » Clifford insiste sur les dangers de cette négociation : il faudra beaucoup de temps, Hanoi tentera de diviser les États-Unis et le peuple américain. Les deux sénateurs présents ne trouvent rien à redire à ce qu’ils ont entendu (Johnson, 1972, p. 608-609).
Dans leurs instructions, les délégués américains en ont reçu une concernant les vols de reconnaissance : « Les États-Unis ont l’intention de poursuivre certains de leurs vols de reconnaissance et l’accord ne doit pas interdire ces vols. » Or les N-V ont de leur côté demandé l’arrêt des bombardements mais également l’arrêt de « tout acte de guerre » et incluent dans cette catégorie ce type de vols. Pour contrer cette opposition, dès juillet, les U.S.A. proposeront une nouvelle formulation indiquant l’arrêt des bombardements ainsi que « toutes les autres activités impliquant l’usage de la force ». Cette nouvelle formulation autorisant les vols de reconnaissance ne sera acceptée par les N-V qu’en octobre (Johnson, 1972, p. 623).
9 mai 68 : Départ de la délégation américaine pour la conférence de Paris.
10 mai 68 : Un premier contact est pris entre les deux délégations à Paris. Cyrus Vance et ses collègues ont rencontré Ha Van Lau et ses assistants pendant deux heures. Ils se sont mis d’accord pour l’organisation des séances de rencontres officielles. Rendant compte à LBJ, Vance évoque une atmosphère « cordiale et précise » (Johnson, 1972, p. 609).
11 mai 68 : Le groupe de contact de la veille finalise le calendrier des rencontres officielles. Vance parle à nouveau d’une « bonne atmosphère de discussions pratiques ». Se souvenant des difficultés rencontrées lors de la guerre de Corée, LBJ est alors plutôt optimiste. La première séance de réunion plénière est prévue pour le 13 mai (Johnson, 1972, p. 609).
12 mai 68 : Selon la tactique rôdée du « négocier et combattre », les communistes portent cette fois une attaque dans la région septentrionale du 1<sup>er</sup> Corps, près de la frontière laotienne. Westmoreland parvient à la repousser. Mais, selon Johnson, « nos services de renseignement dénonçaient la poursuite d’infiltrations massives d’hommes en provenance du Nord. » (Johnson, 1972, p. 611)
13 mai 68 : '''La première réunion plénière de pourparlers se tient à Paris''' entre Américains (Harriman, chef de la conférence de Genève sur le Laos en juillet 1962) et Sud-Vietnamiens d’un côté et, de l’autre, Nord-Vietnamiens et F.N.L. (Xuan Thuy et Le Duc Tho, conseiller spécial, membre du Politburo). D’entrée, le ton se durcit et l’impasse se dessine.
Car cette première rencontre est d’abord un aveu de faiblesse des Américains qui, faute de solution militaire, sont obligés de solliciter des négociations dont la signification est claire : vouloir sortir progressivement et à petits pas du « bourbier » indochinois.
Ces négociations ont d’abord un volet officiel. La délégation américaine est dirigée par Averell Harriman aidé de Cyrus Vance et celle des N-V par Xuan Thuy assisté de Le Duc Tho. Ce volet officiel s’englue rapidement : les N-V ne reconnaissent pas le gouvernement du S-V ; les Américains en font, du moins officiellement, de même avec le F.N.L. On laisse donc pour l’instant traîner les choses dans les deux camps (Portes, 2008, pp. 211-212). Dans les faits, ces négociations officielles ne constitueront jamais que la partie visible de l’iceberg.
Car d’un commun accord avec les N-V, les administrations Johnson (finissante) puis Nixon mettront en place '''un volet de négociations secrètes''' (voir 8 septembre). Il se soldera par 68 rencontres discrètes qui auront lieu principalement entre Kissinger et Le Duc Tho (parfois accompagné de Xuan Thuy) entre le 4 août 1969 et le 20 décembre 1973. C’est là, et non dans la version officielle et publique des négociations de l’avenue Kléber, que tout se discute et se décide.
Les deux types de négociations aboutiront laborieusement aux accords de Paris signés le 27 janvier 1973. Leur durée exceptionnelle, 42 mois, montre toute la difficulté à mettre en place un processus de sortie de guerre. Et ce d’autant plus que, même après la signature des accords, rien ne sera jamais véritablement réglé : les N-V refuseront toujours l’idée de partition du Vietnam et les S-V ne reconnaitront jamais la légitimité des pourparlers secrets bilatéraux entre Américains et N-V, menés avant tout par les premiers pour sortir honorablement du conflit mais peu soucieux du point de vue de leur allié s-v, notamment lorsqu’il s’agira pour les Américains de se désengager complètement du conflit en 1972 et 1973. Confrontées à une impasse, plusieurs séances de négociations officieuses se mettront en place sous l’administration Johnson finissante et n’aboutiront à rien. On se reverra le 4 août 1969 sous celle de Nixon mais les choses ne démarreront véritablement que le 21 février 1970.
14 mai 68 : Face à la recrudescence d’attaques (voir 7 et 12 mai), certains conseillers de Johnson estiment qu’il faut pousser des reconnaissances armées entre les 19<sup>e</sup> et le 20<sup>e</sup> parallèles. Le président, en position de faiblesse, est partagé entre le respect des procédures de négociation en cours et la riposte. A son habitude, il temporise (Johnson, 1972, p. 611).
Vers le 18 mai 68 : LBJ consulte Rusk pour déterminer son attitude envers les récentes attaques communistes et la question de la réplique. Pour Rusk, « personne au monde ne peut nous dire ce qui se passera si nous cessons totalement de bombarder le Nord-Vietnam. Hanoi refuse ne nous le dire […] » Les Américains se heurtent à une double difficulté : la tactique du « négocier et combattre » et au fait que les N-V entretiennent sciemment le doute quant à leur sincérité à vouloir véritablement négocier. Rusk estime qu’il n’y a pas chez eux le moindre soupçon « de réciprocité, de justice et d’équité. » (Johnson, 1972, pp. 611-612) Seule parade pour Johnson, à nouveau temporiser. Mais temporiser face aux incessantes attaques communistes, c’est aussi s’affaiblir.
19 mai 68 : Pour la date d’anniversaire d’HCM, malgré la mise en route des négociations parisiennes, le VC – non représenté officiellement à Paris – poursuit les attaques de nuit à la roquette initiées entre les 5 et 12 mai sur les centres urbains du S-V, notamment sur Saigon (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 198).
20 mai 68 : A Paris, alors que jusqu’alors la ''French Union of American Deserters an Draft-Resister'' (Union française des déserteurs amércains et insoumis) manifestait une certaine neutralité lors des événements en cours, elle officialise ce jour son soutien aux étudiants français en lutte dans un tract où elle affirme : « Nous Américains, qui avons refusé de servir dans l’armée américaine pour résister aux guerres impérialistes de notre pays dans le tiers monde, avons reçu asile en France sous condition que nous jurions par écrit de ne point participer aux activités politiques pendant notre séjour ici. Cependant, nous ne sommes pas  de simples immigrants. Nous sommes des réfugiés politiques et nous refusons de nous taire. Comme partie intégrante du mouvement de la gauche américaine révolutionnaire, qui conteste les institutions capitalistes, nous nous déclarons totalement solidaires de la lutte des ouvriers et étudiants français dans les usines et universités françaises. Les militants en France, la gauche révolutionnaire aux États-Unis et les fronts de libération du tiers monde, en fait, font partie du même mouvement révolutionnaire. Notre ennemi est le même : les structures pourries, la répression fasciste, l’exploitation capitaliste. Nous faisons faces aux mêmes attaques brutales à Paris, Saigon, NewYork […] » (cité ''in'' Journoud, 2016, p. 72-73). Jusqu’alors, les insoumis américains ont bénéficié d’une certaine tolérance des autorités françaises (voir 2 avril).
22 mai 68 : '''Première séance de négociations secrètes.''' Avec beaucoup de reproches et peu de volonté de négocier de part et d’autre. Un dialogue de sourds s’instaure d’entrée : les Américains veulent sauvegarder le régime de Thieu ; les N-V n’ont pas renoncé à la reconquête militaire du Sud. Les N-V se sachant dans une année électorale aux États-Unis, à l’issue de laquelle Johnson a fait savoir le 31 mars qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat, font volontairement traîner le processus (voir 26 juin).
25 mai 68 : Au S-V, Tran Chanh Thanh succède à Tran Van Do aux Affaires étrangères.

Dernière version du 16 juillet 2025 à 16:08

Mai 68 : Sous la gouvernance du général Abrams placé à la tête du M.A.C.V. (voir 25 mars), les renseignements sont progressivement mieux traités et répercutés aux échelons inférieurs que sous Westmoreland. Les opérations deviennent plus légères et gagnent donc en efficacité. Elles sont aussi mieux coordonnées avec les S-V qui, jusqu’alors, n’avaient été confinés que dans un rôle presque purement statique (Toinet, 1998, p. 406).


Début mai 68 : Arrivée des délégations pour la conférence de Paris. Les N-V (Xuan Thuy, Ha Van Lau qui a participé à la conférence de Genève) sont hébergés dans un premier temps au Lutetia. Grâce à l’intervention du P.C.F., c’est la maison des cadres du parti qui est mise à leur disposition par Maurice Thorez à Choisy-Le-Roi pour un séjour qui aura une durée de 5 ans. Averell Harriman, Cyrus Vance et Philip Habib résideront quant à eux à La Celle-Saint-Cloud.

Le choix de la capitale française est issu de laborieuses tractations qui ont duré un mois (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 160-161). Paris, qui a accepté d’être l’hôte (voir 18 avril), apparaît au final comme un bon compromis pour le respect de la neutralité entre Hanoi, Washington et Saigon. C’est l’ancien hôtel Majestic (avenue Kléber) devenu centre de conférences internationales qui servira de cadre aux très longs et laborieux pourparlers à venir (Portes, 2016, pp. 27-28). Lorsque les négociations secrètes se mettront en place, les Français assureront discrètement la sécurité des rencontres extérieures. La présidence française sera donc avertie à chaque venue de Kissinger (Portes, 2016, p. 48).

Contrôlant la majorité des populations rurales mais beaucoup moins les villes, le F.N.L. lance une « Alliance des forces nationales démocratiques et de paix » dirigée par Trinh Dinh Tao, « un petit homme au visage rond de près de soixante-dix ans, qui donnait l’impression d’être un grand-père gentil et débonnaire. » Elle vise à rallier la bourgeoisie et les classes moyennes urbaines hésitantes. Son programme a une dimension plus politique que militaire et vise avant tout à rassurer les modérés : tenue d’élections honnêtes et libres, mise ne place d‘une réforme agraire, respect de la propriété individuelle. Selon Truong Nhu Tang, « dès sa fondation, l’Alliance envoya des agents dans plusieurs des principaux centres du Sud, pour y former des comités clandestins. Ces comités entreprirent immédiatement de s’assurer le soutien d’éléments non alignés pour des négociations avec le Front. » Thieu fait d’entrée condamner à mort par contumace ses dirigeants et confisque leurs biens, les contraignant ainsi à disparaître rapidement dans la jungle (Truong Nhu Tang, 1985, pp. 161-165). Selon De Quirielle (délégué général du gouvernement français au N-V), la « prétendue indépendance de l’Alliance à l’égard du Front […] n’était que façade. Si à l’origine elle avait pu se targuer d’une certaine autonomie, elle avait été rapidement noyautée par le parti Lao Dong qui en avait pris les leviers. » (De Quirielle, 1992, p. 166)


2 mai 68 : Du fait de la mise en place de négociations bilatérales avec le N-V (voir 10 mai), les Américains sont également obligés de discuter sur place avec les S-V. Ces discussions sont initiées par l’ambassadeur américain Bunker et son adjoint Samuel Berger (ancien ambassadeur en Corée du Sud) au Palais de l’Indépendance à Saigon. Côté s-v sont présents Thieu (président), Ky (vice-président), Tran Van Do (Affaires étrangères) et Nguyen Phu Duc, conseillé de Thieu. Ce dernier déclare désormais refuser l’arrêt des bombardements préconisé par LBJ dans son discours du 31 mars. Tran Van Do indique que pour le gouvernement s-v 2 conditions sont indispensables à toute mise en place de négociations : l’arrêt des infiltrations et des actes d’hostilité ; le retrait de toutes les forces n-v du Sud sous contrôle international.

Mais Thieu envisage également de négocier directement avec Hanoi et n’envisage que par la suite la tenue d’une conférence élargie avec tous les alliés et autres pays concernés par le conflit. Sur la question du retrait préalable des forces, Bunker estime qu’elle ne doit pas être abordée d’entrée car c’est un problème complexe et qu’il vaut mieux, dans un premier temps, se centrer – priorité américaine – sur la question de la désescalade. L’ambassadeur américain n’envisage aucun calendrier, chaque partie étant libre de soulever n’importe quelle question à n’importe quel moment. Nguyen Phu Duc observe que contrairement à la première conférence de Genève de 1954, les U.S.A. envisagent ici de privilégier avant tout un processus politique plutôt que militaire (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 168-170).


3 mai 68 : Les N-V prennent contact avec l’ambassade américaine à Vientiane. Ils demandent à l’ambassadeur Sullivan de se rendre à leur ambassade à 10 heures (heure locale) pour y recevoir un message d’Hanoi. Sullivan transmet alors à Washington un télégramme qui arrive à minuit heure locale. Il annonce que les N-V ont décidé que la tenue des pourparlers pourront se dérouler à Paris (voir 18  avril) à partir du 10 mai ou quelques jours après. LBJ contacte immédiatement Rusk (secrétaire d’État) qui estime qu’il faut accepter cette proposition (Johnson, 1972, p. 606).

Au Cambodge, Lon Nol réintègre le gouvernement comme ministre de la Défense et Inspecteur général des forces armées.


4 mai 68 : LBJ réunit à 8 h 30 à la Maison Blanche Rusk (secrétaire d’État), Clifford (Défense), Rostow (Sécurité nationale), George Ball (futur ambassadeur américain à l’O.N.U. en remplacement de Goldberg). La proposition n-v est acceptée.

A 10 h 00, le président annonce au cours d’une conférence de presse télévisée qu’il a envoyé « un message informant Hanoi que la date le 10 mai – et le lieu – Paris nous sont acceptables. » En accord avec Rusk, il avait désigné au préalable 2 négociateurs principaux : Averell Harriman (ambassadeur extraordinaire, spécialiste rôdé des négociations avec les communistes, négociateur des accords de Genève pour le Laos en 1962) et Llewellyn Thompson (ambassadeur à Moscou). Mais, désirant négocier avec les Russes des questions importantes sur le contrôle des armements, c’est finalement Cyrus Vance qui remplacera Thompson à Paris.

La délégation militaire est composée provisoirement du général de division Andrew Goodpaster (futur commandant en second au Vietnam) qui sera remplacé par le général de brigade George Seignous appartenant au Conseil des chefs d’état-major. Philip Habib (sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique) est désigné comme spécialiste des questions politiques. Lui est adjoint William Jorden (spécialiste de l’Extrême-Orient au C.N.S.) qui tiendra le rôle de porte-parole de la délégation auprès de la presse (Johnson, 1972, pp. 606-607).


4 - 5 mai 68 : Bien que l’on parle de négociations, une vague d’attaques communistes frappe 109 cités, villes et bases américaines du Sud, notamment la base de Con Thien qui est écrasée sous le feu du VC (Sheenhan, 1990, p. 766). Les N-V entament dès lors une stratégie qui leur est chère depuis longtemps : négocier et combattre en même temps.


5 - 12 mai 68 : Nouvelle attaque par le VM, après celle du Têt, sur Saigon où se sont réfugiées 86 000 personnes. Des bombardements ont lieu par roquettes et se prolongeront durant plusieurs mois selon la tactique rôdée du harcèlement psychologique. De petits groupes de guérilla s’infiltrent dans les quartiers populaires pour y mener des combats de rues violents et destructeurs. C’est au cours de l’un d’eux que le général s-v Loan, défenseur de Saigon, est grièvement blessé (Francini 2, 1988, pp. 346-347).


6 mai 68 : Johnson réunit une première fois l’équipe des 5 négociateurs pour la conférence de Paris (voir 4 mai). C’est une équipe réduite accompagnée d’un petit nombre de personnel spécialisé. Il les briffe en leur disant : « Je suis heureux que la négociation commence mais sans être envahi d’un espoir irraisonné. Je pense que ce sera dur, très dur… » Il les met en garde sur le fait de devoir agir au cours d’une année électorale : « Comprenez-moi bien : je veux que nous parvenions à une solution, mais ce n’est pas à cause de cette élection ou de n’importe quelle autre […] Il reste simplement une chose que je voudrais que vous ne perdiez pas de vue, c’est notre intérêt national – aujourd’hui comme dans dix ans. » Le président confie dans ses mémoires « être le plus sceptique » de tous quant à l’issue des négociations à venir (Johnson, 1972, p. 607-608).

Seconde rencontre entre les S-V et les Américains (voir 2 mai). On envisage la question d’une participation à la conférence de Paris élargie aux communistes. Nguyen Cao Ky (vice-président) estime que ceux-ci doivent s’adresser directement aux S-V pour négocier. Mais se pose également la question du F.N.L. que le S-V ne reconnaît pas. Bunker propose alors d’adopter une formule séparée, parlant d’un « leur côté » et un de « notre côté », méthode qui permet d’éviter d’aborder dans l’immédiat le problème de la reconnaissance du statut du F.N.L. Tran Van Do (ministre des Affaires étrangères s-v) estime également que seuls les deux gouvernements n-v et s-v pourront participer aux pourparlers, tout comme cela avait été le cas à Genève en 1954.

Américains et S-V ne sont donc pas à Paris sur la même longueur d’onde quant à la reconnaissance et la présence du F.N.L. Aux antipodes du credo de la théorie des dominos, la position américaine a sérieusement et secrètement évolué en deux ans. Empreints de pessimisme quant à l’avenir du conflit et de leur engagement (voir 19 janvier et 14 octobre 1966), les U.S.A. disent ouvertement aux S-V qu’ils sont désormais prêts à accepter un gouvernement de coalition incluant, s’il le faut, des communistes dans leur pays. Ce dont les S-V ne veulent absolument pas entendre parler (Nguyen Phu Duc, 1996, pp. 171-174).


7 mai 68 : Xuan Thuy, négociateur n-v en route pour Paris, fait une escale à Pékin où il rencontre Zhou Enlaï qui lui reproche encore plus durement qu’à Pham Van Dong (voir 13 – 20 avril) la tenue des négociations à venir de Paris. Le ministre des Affaires étrangères chinois considère que les Vietnamiens ne peuvent négocier qu’en adoptant un profil haut, c’est-à-dire une attitude qui mettrait en échec la réussite de ces pourparlers (Marangé, 2012, p. 335).

Selon Johnson, alors que les délégués américains se préparent à partir pour la conférence de Paris, le VC porte de nouvelles attaques sur Saigon selon une tactique qui leur est chère : négocier et combattre en même temps. Johnson estime qu’elles n’avaient pas « d’objectif militaire évident, mais que [leurs] buts psychologiques et politiques étaient bien visibles. De petits pelotons s’infiltrèrent dans la ville et tentèrent de provoquer tous les dégâts possibles. Leur intention était de faire naître la terreur en créant des destructions importantes et le plus de réfugiés possible. » LBJ prétend dans ses mémoires que la situation est vite rétablie, ce dont on ne peut que douter lorsque l’on connaît la tactique du harcèlement chère aux unités du F.N.L. (voir 19 mai) (Johnson, 1972, p. 610).


8 mai 68 : Johnson réunit pour la deuxième fois (voir 6 mai), mais cette fois de façon élargie, l’équipe de tous les négociateurs de Paris en présence de Rusk, Rostow, Katzenbach, McGeorge Bundy, Clifford et Taylor. Ont été également invités les sénateurs Mansfield (démocrate) et Dirksen (républicain), d’abord retenus au Capitole, et qui n’arriveront qu’en cours de réunion. On passe en revue les points essentiels : arrêt des bombardements au nord du 20e parallèle, interdiction pour les N-V de profiter militairement de la situation, importance des reconnaissances aériennes, participation du gouvernement s-v aux décisions à venir. On étudie la déclaration d’ouverture d’Harriman sur la question du « contrôle international » du règlement de paix que l’on modifie en spécifiant que les « nations de l’Asie doivent être associées à la surveillance des accords auxquels nous pourrons parvenir. »

Johnson rappelle ses propos tenus le 6 sur « l’intérêt national » qui doit dépasser les habituels clivages politiques : « Il n’y a dans cette équipe ni démocrate ni républicain, il s’agit tout simplement d’une équipe américaine. » Clifford insiste sur les dangers de cette négociation : il faudra beaucoup de temps, Hanoi tentera de diviser les États-Unis et le peuple américain. Les deux sénateurs présents ne trouvent rien à redire à ce qu’ils ont entendu (Johnson, 1972, p. 608-609).

Dans leurs instructions, les délégués américains en ont reçu une concernant les vols de reconnaissance : « Les États-Unis ont l’intention de poursuivre certains de leurs vols de reconnaissance et l’accord ne doit pas interdire ces vols. » Or les N-V ont de leur côté demandé l’arrêt des bombardements mais également l’arrêt de « tout acte de guerre » et incluent dans cette catégorie ce type de vols. Pour contrer cette opposition, dès juillet, les U.S.A. proposeront une nouvelle formulation indiquant l’arrêt des bombardements ainsi que « toutes les autres activités impliquant l’usage de la force ». Cette nouvelle formulation autorisant les vols de reconnaissance ne sera acceptée par les N-V qu’en octobre (Johnson, 1972, p. 623).


9 mai 68 : Départ de la délégation américaine pour la conférence de Paris.


10 mai 68 : Un premier contact est pris entre les deux délégations à Paris. Cyrus Vance et ses collègues ont rencontré Ha Van Lau et ses assistants pendant deux heures. Ils se sont mis d’accord pour l’organisation des séances de rencontres officielles. Rendant compte à LBJ, Vance évoque une atmosphère « cordiale et précise » (Johnson, 1972, p. 609).


11 mai 68 : Le groupe de contact de la veille finalise le calendrier des rencontres officielles. Vance parle à nouveau d’une « bonne atmosphère de discussions pratiques ». Se souvenant des difficultés rencontrées lors de la guerre de Corée, LBJ est alors plutôt optimiste. La première séance de réunion plénière est prévue pour le 13 mai (Johnson, 1972, p. 609).


12 mai 68 : Selon la tactique rôdée du « négocier et combattre », les communistes portent cette fois une attaque dans la région septentrionale du 1er Corps, près de la frontière laotienne. Westmoreland parvient à la repousser. Mais, selon Johnson, « nos services de renseignement dénonçaient la poursuite d’infiltrations massives d’hommes en provenance du Nord. » (Johnson, 1972, p. 611)


13 mai 68 : La première réunion plénière de pourparlers se tient à Paris entre Américains (Harriman, chef de la conférence de Genève sur le Laos en juillet 1962) et Sud-Vietnamiens d’un côté et, de l’autre, Nord-Vietnamiens et F.N.L. (Xuan Thuy et Le Duc Tho, conseiller spécial, membre du Politburo). D’entrée, le ton se durcit et l’impasse se dessine.

Car cette première rencontre est d’abord un aveu de faiblesse des Américains qui, faute de solution militaire, sont obligés de solliciter des négociations dont la signification est claire : vouloir sortir progressivement et à petits pas du « bourbier » indochinois.

Ces négociations ont d’abord un volet officiel. La délégation américaine est dirigée par Averell Harriman aidé de Cyrus Vance et celle des N-V par Xuan Thuy assisté de Le Duc Tho. Ce volet officiel s’englue rapidement : les N-V ne reconnaissent pas le gouvernement du S-V ; les Américains en font, du moins officiellement, de même avec le F.N.L. On laisse donc pour l’instant traîner les choses dans les deux camps (Portes, 2008, pp. 211-212). Dans les faits, ces négociations officielles ne constitueront jamais que la partie visible de l’iceberg.

Car d’un commun accord avec les N-V, les administrations Johnson (finissante) puis Nixon mettront en place un volet de négociations secrètes (voir 8 septembre). Il se soldera par 68 rencontres discrètes qui auront lieu principalement entre Kissinger et Le Duc Tho (parfois accompagné de Xuan Thuy) entre le 4 août 1969 et le 20 décembre 1973. C’est là, et non dans la version officielle et publique des négociations de l’avenue Kléber, que tout se discute et se décide.

Les deux types de négociations aboutiront laborieusement aux accords de Paris signés le 27 janvier 1973. Leur durée exceptionnelle, 42 mois, montre toute la difficulté à mettre en place un processus de sortie de guerre. Et ce d’autant plus que, même après la signature des accords, rien ne sera jamais véritablement réglé : les N-V refuseront toujours l’idée de partition du Vietnam et les S-V ne reconnaitront jamais la légitimité des pourparlers secrets bilatéraux entre Américains et N-V, menés avant tout par les premiers pour sortir honorablement du conflit mais peu soucieux du point de vue de leur allié s-v, notamment lorsqu’il s’agira pour les Américains de se désengager complètement du conflit en 1972 et 1973. Confrontées à une impasse, plusieurs séances de négociations officieuses se mettront en place sous l’administration Johnson finissante et n’aboutiront à rien. On se reverra le 4 août 1969 sous celle de Nixon mais les choses ne démarreront véritablement que le 21 février 1970.


14 mai 68 : Face à la recrudescence d’attaques (voir 7 et 12 mai), certains conseillers de Johnson estiment qu’il faut pousser des reconnaissances armées entre les 19e et le 20e parallèles. Le président, en position de faiblesse, est partagé entre le respect des procédures de négociation en cours et la riposte. A son habitude, il temporise (Johnson, 1972, p. 611).


Vers le 18 mai 68 : LBJ consulte Rusk pour déterminer son attitude envers les récentes attaques communistes et la question de la réplique. Pour Rusk, « personne au monde ne peut nous dire ce qui se passera si nous cessons totalement de bombarder le Nord-Vietnam. Hanoi refuse ne nous le dire […] » Les Américains se heurtent à une double difficulté : la tactique du « négocier et combattre » et au fait que les N-V entretiennent sciemment le doute quant à leur sincérité à vouloir véritablement négocier. Rusk estime qu’il n’y a pas chez eux le moindre soupçon « de réciprocité, de justice et d’équité. » (Johnson, 1972, pp. 611-612) Seule parade pour Johnson, à nouveau temporiser. Mais temporiser face aux incessantes attaques communistes, c’est aussi s’affaiblir.


19 mai 68 : Pour la date d’anniversaire d’HCM, malgré la mise en route des négociations parisiennes, le VC – non représenté officiellement à Paris – poursuit les attaques de nuit à la roquette initiées entre les 5 et 12 mai sur les centres urbains du S-V, notamment sur Saigon (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 198).


20 mai 68 : A Paris, alors que jusqu’alors la French Union of American Deserters an Draft-Resister (Union française des déserteurs amércains et insoumis) manifestait une certaine neutralité lors des événements en cours, elle officialise ce jour son soutien aux étudiants français en lutte dans un tract où elle affirme : « Nous Américains, qui avons refusé de servir dans l’armée américaine pour résister aux guerres impérialistes de notre pays dans le tiers monde, avons reçu asile en France sous condition que nous jurions par écrit de ne point participer aux activités politiques pendant notre séjour ici. Cependant, nous ne sommes pas  de simples immigrants. Nous sommes des réfugiés politiques et nous refusons de nous taire. Comme partie intégrante du mouvement de la gauche américaine révolutionnaire, qui conteste les institutions capitalistes, nous nous déclarons totalement solidaires de la lutte des ouvriers et étudiants français dans les usines et universités françaises. Les militants en France, la gauche révolutionnaire aux États-Unis et les fronts de libération du tiers monde, en fait, font partie du même mouvement révolutionnaire. Notre ennemi est le même : les structures pourries, la répression fasciste, l’exploitation capitaliste. Nous faisons faces aux mêmes attaques brutales à Paris, Saigon, NewYork […] » (cité in Journoud, 2016, p. 72-73). Jusqu’alors, les insoumis américains ont bénéficié d’une certaine tolérance des autorités françaises (voir 2 avril).


22 mai 68 : Première séance de négociations secrètes. Avec beaucoup de reproches et peu de volonté de négocier de part et d’autre. Un dialogue de sourds s’instaure d’entrée : les Américains veulent sauvegarder le régime de Thieu ; les N-V n’ont pas renoncé à la reconquête militaire du Sud. Les N-V se sachant dans une année électorale aux États-Unis, à l’issue de laquelle Johnson a fait savoir le 31 mars qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat, font volontairement traîner le processus (voir 26 juin).


25 mai 68 : Au S-V, Tran Chanh Thanh succède à Tran Van Do aux Affaires étrangères.

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