Dernière modification le il y a 2 semaines
par Jean-François Jagielski

« Février 1968 » : différence entre les versions

Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
 
Ligne 32 : Ligne 32 :
12 février 68 : Westmoreland fait savoir aux chefs d’état-major que l’ennemi a attaqué 34 capitales de province et 64 villes secondaires. Il estime à entre 20 et 35 % l’engagement des forces purement n-v (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 616). Il demande 10 000 hommes de plus pour tenir le choc de l’offensive, ce que LBJ lui accorde (Wainstock, Miller, 2019, p. 236). Dans une note envoyée au Pentagone et que Wheeler (présidents des chefs d’état-major) transmet au président, il observe que « la première phase [de l’attaque du VM et du VC], destinée à s’emparer des zones proches de la frontière, a échoué. » Le soulèvement populaire que les communistes espéraient n’a pas eu lieu. Le problème actuel se situe dans les provinces de Quang Tri (nord-ouest de Hué) et Thua Tien (zone périphérique autour de Hué) que les communistes cherchent à conquérir. Mais il estime que l’ennemi a produit un effort maximal, qu’il a subi de lourdes pertes et qu’il ne pourra pas aller au-delà dans la zone septentrionale du 1<sup>er</sup> Corps. Pour Westmoreland, cette erreur d’appréciation peut lui faire perdre la guerre (Johnson, 1972, p. 466).
12 février 68 : Westmoreland fait savoir aux chefs d’état-major que l’ennemi a attaqué 34 capitales de province et 64 villes secondaires. Il estime à entre 20 et 35 % l’engagement des forces purement n-v (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 616). Il demande 10 000 hommes de plus pour tenir le choc de l’offensive, ce que LBJ lui accorde (Wainstock, Miller, 2019, p. 236). Dans une note envoyée au Pentagone et que Wheeler (présidents des chefs d’état-major) transmet au président, il observe que « la première phase [de l’attaque du VM et du VC], destinée à s’emparer des zones proches de la frontière, a échoué. » Le soulèvement populaire que les communistes espéraient n’a pas eu lieu. Le problème actuel se situe dans les provinces de Quang Tri (nord-ouest de Hué) et Thua Tien (zone périphérique autour de Hué) que les communistes cherchent à conquérir. Mais il estime que l’ennemi a produit un effort maximal, qu’il a subi de lourdes pertes et qu’il ne pourra pas aller au-delà dans la zone septentrionale du 1<sup>er</sup> Corps. Pour Westmoreland, cette erreur d’appréciation peut lui faire perdre la guerre (Johnson, 1972, p. 466).


Face à ces informations, LBJ réunit ses conseillers. McN cette fois approuve l’envoi de renforts. Ce que le président acte à son tour. Les S-V (qui se sont bien battus durant le Têt) ont décidé de mobiliser d’anciens combattants et d’avancer le départ des jeunes classes au 1<sup>er</sup> mars et au 1<sup>er</sup> mai. Ils espèrent mettre sous peu en ligne 65 000 soldats de plus en ligne (Johnson, 1972, pp. 466-467).
Face à ces informations, LBJ réunit ses conseillers. McN cette fois approuve l’envoi de renforts. Ce que le président acte à son tour. Les S-V (qui se sont bien battus durant le Têt) ont décidé de mobiliser d’anciens combattants et d’avancer le départ des jeunes classes au 1<sup>er</sup> mars et au 1<sup>er</sup> mai. Ils espèrent mettre sous peu en ligne 65 000 soldats de plus (Johnson, 1972, pp. 466-467).




Ligne 108 : Ligne 108 :
Le porte-parole du gouvernement français confirme à l’issue d’un conseil des ministres que d’après « des informations explicitement reçues, la cessation inconditionnelle des bombardements était une condition nécessaire et suffisante pour l’ouverture de négociations. » Il ajoute que, faute d’une telle décision, « la guerre de destruction en Asie risquait chaque jour davantage de mettre en cause la paix du monde. » (De Quirielle, 1992, p. 199)
Le porte-parole du gouvernement français confirme à l’issue d’un conseil des ministres que d’après « des informations explicitement reçues, la cessation inconditionnelle des bombardements était une condition nécessaire et suffisante pour l’ouverture de négociations. » Il ajoute que, faute d’une telle décision, « la guerre de destruction en Asie risquait chaque jour davantage de mettre en cause la paix du monde. » (De Quirielle, 1992, p. 199)


 
​Fin février 68 : Au Cambodge, la situation ne s’est guère améliorée pour Sihanouk (voir 7 avril 1967). La pauvreté, le déclin de l’exploitation du caoutchouc, la corruption, l’opposition des intellectuels au régime se poursuivent et se renforcent même. Les populations rurales commencent à chercher refuge en ville, principalement à Phnom Penh. Sihanouk parle désormais de « guerre civile ». L’opposition communiste (KR et Vietnamiens) se renforce progressivement et poursuit des actions de guérilla contre les forces gouvernementales dans le nord-est du pays (provinces de Battambang et Ratanakiri). Pour autant, les autorités gouvernementales ne mettent pas fin au lucratif trafic d’armes à partir du port de Sihanoukville et le VC s’incruste dans ses sanctuaires, parfois avec la bénédiction de ces mêmes autorités (Richer, 2009, p. 35).
Fin février 68 : Au Cambodge, la situation ne s’est guère améliorée pour Sihanouk (voir 7 avril 1967). La pauvreté, le déclin de l’exploitation du caoutchouc, la corruption, l’opposition des intellectuels au régime se poursuivent et se renforcent même. Les populations rurales commencent à chercher refuge en ville, principalement à Phnom Penh. Sihanouk parle désormais de « guerre civile ». L’opposition communiste (KR et Vietnamiens) se renforce progressivement et poursuit des actions de guérilla contre les forces gouvernementales dans le nord-est du pays (provinces de Battambang et Ratanakiri). Pour autant, les autorités gouvernementales ne mettent pas fin au lucratif trafic d’armes à partir du port de Sihanoukville et le VC s’incruste dans ses sanctuaires, parfois avec la bénédiction de ces mêmes autorités (Richer, 2009, p. 35).

Dernière version du 14 juillet 2025 à 11:27

Février 68 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 42 %, contre 46 %, sans opinion 12 %. 56 % des sondés approuvent l’arrêt des bombardements et un retrait progressif du Vietnam (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60 et p. 65).

Selon un sondage Gallup, là où en novembre 1967 la proportion de ceux qui pensaient que les États-Unis allaient perdre la guerre était de 8 %, celle-ci augmente de 23 % après le Têt. Un second sondage indique que 61 % des Américains pensent que l’on cède du terrain ou que l’on ne progresse pas au Vietnam (Nixon, 1985, pp. 101-102).

Une poignée d’insoumis américains expose leurs difficultés à trouver un emploi aux principaux membres des mouvements français opposés à la guerre du Vietnam : Mouvement de la Paix (issu de la Résistance), Mouvement contre l’armement atomique, Comité Vietnam national fondé en novembre 1966 (Jean-Paul Sartre, Laurent Scwartz, Alfred Kastler, prix Nobel de physique, le juriste Henri Bartoli et l’historien Pierre Vidal-Naquet).

Ils fondent la French Union of Americain Deserters and Draft-Reisters (Union française des déserteurs et insoumis américains) rattachée à la R.I.T.A. (Resistance inside the Army). L’objectif de cette nouvelle organisation, selon les R.G., est non seulement de fournir du travail et un logement aux déserteurs mais de leur faire prononcer des déclarations retentissantes prouvant l’existence d’un mouvement de résistance à la guerre dans l’armée américaine (Journoud, 2016, p. 69).


Début février 68 : Face à l’ampleur des destructions et de l’afflux de réfugiés, le vice-président Nguyen Cao Ky met en place l’opération « Rétablissement » avec l’aide des services de l’ambassade américaine (Johnson, 1972, pp. 465-466).


1er février 68 : LBJ reçoit le général Matthew Rigway, ancien chef d’état-major de l’armée de terre et commandant en chef lors de la guerre de Corée. Il est préoccupé par les incessantes augmentations d’effectifs vers le Vietnam qui se font au détriment du reste de monde et notamment de l’Europe où la situation demeure tendue (Berlin) (Johnson, 1972, p. 470).


2 février 68 : Johnson donne une conférence de presse et décrit l’offensive du VC en cours comme un échec militaire des communistes. Il précise : « Visiblement, leur second objectif […] est une victoire psychologique. » A une question portant sur les effectifs, il répond : « Nous sommes un peu au-dessous de 500 000 et notre objectif se situe à 525 000 […] La plupart des formations de combat ont déjà été envoyées. Rien dans l’évolution qui se produit ne pourrait expliquer que la presse donne l’impression que de nouveaux mouvements d’ensemble vont intervenir en ce sens. » (Johnson, 1972, p. 463)


3 février 68 : Exécution sommaire d’un Vietcong par le chef de la police de Saigon, Nguyen Ngoc Loan, devant les caméras de N.B.C. La victime est Nguyen Van Lem, un chef d’un escadron de la mort qui aurait assassiné récemment nombre d’officiers de la police s-v ainsi que des membres de leurs familles. La scène a été prise sur le vif par le photographe Eddie Adams de l’Associeted Press. Elle a été potentiellement vue le soir même par 26 millions de téléspectateurs aux U.S.A. car, dès 1968, 96 % des foyers américains possède un petit écran.

Le cliché est repris dans presque toute la presse américaine puis mondiale où elle devient une « icône » de la bataille en cours. Elle est immédiatement mise en scène : les médias américains la mettent en parallèle avec des images d’atrocités commises par les VC. Du côté des pacifistes, elle devient dès lors l’image de la « sale guerre » qui se dévoile grâce aux écrans et photographies (Portes, 2008, p. 195 ; Spencer, Tucker, 2000, p. 300).

En réponse à l’offensive en cours, Wheeler et les chefs d’état-major demandent de réduire la zone où le bombardement est interdit dans la région Hanoi-Haïphong. Paul C. Warnke (sous-secrétaire d’État à la Défense), successeur de McNaugton (décédé accidentellement, voir 19 juillet 1967), oppose une fin de non-recevoir à leur demande, soutenu en cela  par LBJ (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 616-617).


4 février 68 : Bunker analyse les événements du Têt comme une offensive « d’ordre psychologique et non pas militaire. » Il estime que cette campagne vise à « mettre Hanoi et le Front dans une position de force lors de négociations, en démontrant la puissance du Vietcong, tout en ébranlant la foi que le peuple plaçait dans la capacité de son gouvernement et des États-Unis à les protéger. » C’est aussi l’avis de Thieu qui a échangé ce même-jour avec l’ambassadeur. Le président s-v estime Hanoi et le F.N.L. « fatigués » et prêts à « entamer des négociations ». S’ils combattent aussi désespérément, ce n’est que pour être dans une position de force « leur permettant de marchander » (Johnson, 1972, p. 477).


5 février 68 : Dans un discours prononcé à Green Bay (Wiscontin), le candidat républicain Richard Nixon attaque la politique de demi-mesures de Johnson. Il s’oppose aux offensives de paix et affirme que « le seul moyen efficace » est de « poursuivre la guerre de façon plus effective. » (Johnson, 1972, p. 482, note 2)


12 février 68 : Westmoreland fait savoir aux chefs d’état-major que l’ennemi a attaqué 34 capitales de province et 64 villes secondaires. Il estime à entre 20 et 35 % l’engagement des forces purement n-v (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 616). Il demande 10 000 hommes de plus pour tenir le choc de l’offensive, ce que LBJ lui accorde (Wainstock, Miller, 2019, p. 236). Dans une note envoyée au Pentagone et que Wheeler (présidents des chefs d’état-major) transmet au président, il observe que « la première phase [de l’attaque du VM et du VC], destinée à s’emparer des zones proches de la frontière, a échoué. » Le soulèvement populaire que les communistes espéraient n’a pas eu lieu. Le problème actuel se situe dans les provinces de Quang Tri (nord-ouest de Hué) et Thua Tien (zone périphérique autour de Hué) que les communistes cherchent à conquérir. Mais il estime que l’ennemi a produit un effort maximal, qu’il a subi de lourdes pertes et qu’il ne pourra pas aller au-delà dans la zone septentrionale du 1er Corps. Pour Westmoreland, cette erreur d’appréciation peut lui faire perdre la guerre (Johnson, 1972, p. 466).

Face à ces informations, LBJ réunit ses conseillers. McN cette fois approuve l’envoi de renforts. Ce que le président acte à son tour. Les S-V (qui se sont bien battus durant le Têt) ont décidé de mobiliser d’anciens combattants et d’avancer le départ des jeunes classes au 1er mars et au 1er mai. Ils espèrent mettre sous peu en ligne 65 000 soldats de plus (Johnson, 1972, pp. 466-467).


13 février 68 : Sur demande de Westmoreland, McN accorde un renfort de 10 000 hommes pour le Vietnam. On dépasse alors le plafond de 525 000 hommes initialement prévus, quoi qu’en dise LBJ dans ses déclarations publiques (ou ses mémoires). Selon le commandant en chef, « avec ces renforts, je pourrai consolider nos positions au Nord sans risquer de dégarnir le Sud, autour de Saigon. » Les chefs d’état-major demandent quant à eux le rappel de 46 300 réservistes mais les conseillers du président ne sont pas prêts à franchir un pas aussi important cat il supposerait l’appel de réservistes (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 618 : Wainstock, Miller, 2019, p. 236).

On évoque ensuite la question des bombardements au Nord. Rusk signale qu’Hanoi venait juste de repousser une dernière offre américaine faite par l’intermédiaire des Roumains. Il est donc favorable à leur poursuite. McN est plus nuancé : la valeur militaire de certains objectifs est faible et les risques élevés. Clifford, qui doit reprendre sous peu le poste de McN (voir 29 février), est quant à lui « pour un renforcement de la pression militaire ». Pour autant, on temporise en n’apportant pas de nouvelles mesures (Johnson, 1972, pp. 467-468).


14 février 68 : Le ministre des Affaires étrangères français, Maurice Couve de Murville, déclare devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale que la France va poursuivre son action sur le Vietnam par des voies discrètes et modestes. Évoquant le F.N.L., il ajoute que les discussions ne pourront s’ouvrir dans l’immédiat et que « ce qui était représentatif au Sud-Vietnam devait participer » à l’effort en cours (De Quirielle, 1992, p. 199)


17 février 68 : LBJ se rend à Fort Bragg (Caroline du Nord) pour rendre visite aux hommes de la 82e division aéroportée puis il se rend à El Toro (Californie) pour y rencontrer des Marines sur le point de partir pour le Vietnam. Il passe une nuit sur le porte-avions Constellation sur le point de repartir au Vietnam. Il confie dans ses mémoires : « Les visites rendues à ces hommes courageux comptèrent parmi les entrevues les plus pénibles. » (Johnson, 1972, pp. 468-469)


19 février 68 : Reprise de l'aide économique et militaire américaine au Cambodge.


19 – 21 février 68 : En France, organisation de « Trois jours pour le Vietnam » soutenus par le S.N.E.Sup. Le 19 ont lieu des réunions d’information à la Sorbonne et à Nanterre. Le 20 a lieu un meeting à la Mutualité devant 500 personnes. Une manifestation a lieu le 21 avec occupation du Quartier latin. Elle regroupe environ 5 000 personnes. Un drapeau vietnamien est dressé au sommet de la Sorbonne et, près de la fontaine Saint Michel, une effigie de Johnson est brûlée. A l’image de ce qui va se passer en mai, des divisions apparaissent déjà entre gauchistes et communistes. Ces derniers boycottent le cortège. Une manifestation de même style est organisée à Rennes (Jalabert, 1997, p. 73 ; Le Monde du 22 février 1968).


20 février 68 : Auditions au Congrès américain portant sur la politique du gouvernement au Vietnam. Elles sont menées par William Fulbright et Mike Mansfield et retransmises par les médias. Les critiques à l’égard de LBJ fusent désormais au sein de son propre parti. Côté républicain, il doit essuyer les reproches d’un Eugene McCarty, lui aussi opposé à une prolongation du conflit (Portes, 2008, pp. 199-200).


21 février 68 : Sur demande présidentielle, le général Wheeler (président des chefs d’état-major) et Philip Habib (sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique) partent pour le Vietnam pour 3 jours (voir 23 – 26 février) (Johnson, 1972, p. 469).

Le secrétaire de l’O.N.U. U Thant se rend à la Maison Blanche. Il a appris de source officieuse que les N-V seraient prêts à négocier « immédiatement » en cas de cessation des bombardements et à condition que les Américains se manifestent rapidement. LBJ et Rusk estiment le propos de leur interlocuteur « intéressant » mais guère « concluant ». Johnson demeure méfiant, voyant là une nouvelle ruse d’Hanoi pour stopper les bombardements sans contrepartie tangible : « […] nous n’avions toujours pas reçu d’assurances indiquant qu’Hanoi ne tirerait pas d’avantages militaires d’une cessation complète. » LBJ demande cependant à Rusk de suivre l’affaire (voir 26 février) (Johnson, 1972, p. 477).


22 février 68 : Conférence de presse à la Maison Blanche sur l’offensive du Têt en cours. L’attaque ennemie a été « prévue et totalement neutralisée ». Militairement, elle est « un échec complet » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 616). Les villes prises ou assiégées par le VC seront en effet assez rapidement reconquises, à l’exception de Hué où de très violents combats urbains font toujours rage. Elles ont toutes subi de fortes destructions entraînant un exode massif des populations (environ un million de réfugiés).


23 février 68 : Dernier acte officiel de McN. Il refuse la demande Westmoreland de 20 000 hommes supplémentaires. Son successeur, Clark Clifford, adoptera la même position (McNamara, 1996, p. 302. Voir également les 11 points qui rétrospectivement expliquent selon McN « nos échecs » in McNamara, 1996, pp. 308-311).

Les troupes n-v impliquées dans les combats de Hué sont également en difficulté et demandent, sans l’obtenir, un ordre de retrait. Leurs pertes sont lourdes : 2 500 morts et plusieurs milliers de blessés (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 136).


23 - 26 février 68 : Wheeler (président du Comité des chefs d’état-major) et Philip Habib (sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique) arrivent au S-V. Cette visite donnera lieu à un rapport adressé à LBJ « sur la situation au Vietnam et les besoins de renforts » du M.A.C.V. (voir 28 février) (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 618).


24 février 68 : Après de féroces combats, les troupes s-v de la 1ère Division entrent dans Hué et reprennent la citadelle sur laquelle elles hissent leur drapeau (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 136).


25 février 68 : Au Cambodge, la rébellion contre le gouvernement produit une opération conjointe dans 6 provinces différentes : Battambang, Kompong Chhnang, Kompong Speu, Takeo, Kampot, Koh Kong. Plus de 10 000 villageois se joignent aux rebelles.


26 février 68 : Suite à la visite de U Thant (voir 21 février), un rapport des services de renseignements américains citant un contact n-v mentionne que « le président Ho attend, mais il a insisté pour que l’on arrête en premier lieu les bombardements. » LBJ note dans ses mémoires : « Ce n’était qu’une indication de la direction du vent mais on pouvait en déduire que l’idée de négociations était bien vivante à Hanoi. » (Johnson, 1972, p. 477)


27 février 68 : Walter Cronkite, présentateur du journal télévisé du soir de C.B.S. aux habituelles positions conservatrices vient de rentrer du Vietnam. Il déclare aux téléspectateurs américains : « Il semble maintenant plus certain que jamais que l'expérience sanglante du Vietnam va se terminer par une impasse [...] Dire que nous sommes plus proches de la victoire aujourd'hui, c'est croire, face à l'évidence, les optimistes qui se sont trompés dans le passé. Suggérer que nous sommes sur le bord de la défaite serait céder à un pessimisme déraisonnable. Dire que nous sommes coincés dans une impasse semble la seule conclusion réaliste, aussi peu satisfaisante qu’elle soit. » Johnson aurait alors répondu : « Si j'ai perdu Cronkite, j'ai perdu l'Amérique moyenne. »

Jacques Portes minimise cependant la portée des médias sur l’opinion publique américaine durant le Têt. Il estime qu’il faut observer « l’influence des médias [avec] la plus grande prudence » car se pose la question de savoir si ces informations ont pu réellement provoquer « des changements profonds dans l’opinion. » Les analyses de leurs répercussions directes incitent à la prudence, contrairement à l’idée reçue d’une « victoire psychologique » du VM. Il conclut : « Autant d’éléments qui prouvent que l’influence des médias sur l’opinion américaine a été très réduite et, en aucun cas décisive. » (Portes, 2008, pp. 196-197 et pp. 198-199).

LBJ est dans son ranch au Texas alors que certains de ses conseillers sont à Washington pour discuter de la question du Vietnam en vue de la préparation d’un discours présidentiel du 31 mars. Selon LBJ, le compte rendu de séance qu’il reçoit montre que l’on a surtout débattu des idées de Westmoreland et de Wheeler sur le renforcement des effectifs. Les conseillers (McN, Clifford, Rostow) sont toujours divisés sur cette question qu’on ne parvient pas à trancher tant les avis sont partagés à Washington comme à Saigon (Bunker). Rostow (secrétaire d’État à la Sécurité nationale) conseille de créer un « groupe de travail intensif » sur cette question. Il est confié à Clifford, le futur secrétaire à la Défense (Johnson, 1972, pp. 471-472).

Or pour LBJ, la situation demeure préoccupante bien au-delà de l’épineuse question des renforts : l’offensive du Têt, certes contenue, est toujours en cours ; Saigon demeure menacé ; Wesmoreland estime que la situation dans le nord du S-V est toujours délicate (la bataille de Khe Sanh n’est toujours pas terminée). Johnson observe : « Nous ne pouvions pas non plus estimer la gravité de l’offensive du Têt sur le peuple et la structure gouvernementale du Sud-Vietnam, surtout hors de la capitale. » (Johnson, 1972, p. 469)


28 février 68 : De retour de Saigon avec Philip Habib (sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique, voir 23 - 26 février 68), Wheeler (président des chefs d’état-major) rencontre vers 6 heures du matin le président et lui remet un rapport. Il constate que le Vietminh et le Vietcong ne sont pas parvenus à leurs fins dans les villes mais que « l’ennemi dispose d’une liberté d’action quasi-totale dans les campagnes. » Le gouvernement et l’armée s-v ont supporté le choc. Les pertes de l’armée s-v ont été modérées mais ses «  problèmes […] sont cependant plus psychologiques que physiques. » Westmoreland a contré l’ennemi tout en ajoutant qu’« il s’en est fallu de peu » pour les alliés. Wheeler brosse cependant un tableau assez noir de la situation : malgré des pertes importantes de l’ordre de 40 000 tués, les N-V et le Vietcong ont gardé l’initiative. Il constate de plus qu’en nombre d’endroits la pacification a régressé. Westmoreland a dû utiliser ses réserves et a donc réduit ses capacités offensives.

Des revers sont envisageables et des renforts sont nécessaires : les 25 000 hommes prévus durant l’été seront insuffisants (pour un total dépassant 525 000 hommes). Il en réclame 206 800 de plus et le rappel de 280 000 réservistes pour atteindre pas moins de 732 000 hommes au Vietnam… Selon l’un des analystes des dossiers du Pentagone, le moment est crucial. Ou LBJ s’engage encore plus dans une guerre totale et donne raison à Wheeler ou il amorce un désengagement. A la réception du rapport, LBJ demande à Clifford (bientôt nouveau secrétaire à la Défense) une réunion des conseillers (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 619 et pp. 631-637 ; Bodard, 1971, doss. Pentagone, pp. 277-282 ; Johnson, 1972, pp. 472-473).

Suite à la visite de Wheeler, LBJ réunit ses conseillers à la Maison Blanche à 9 h 35. McN, sur le départ mais toujours en poste, est présent. Sont également présents : Taylor (conseiller présidentiel), Nitze (sous-secrétaire à la Défense), Folwer (secrétaire au Trésor), Rostow (conseiller à la présidence), Helms (C.I.A.), Katzenbach (sous-secrétaire d’État), William Bundy (sous-secrétaire d’État aux affaires Est asiatiques), Warnke (sous-secrétaire à la Défense). Ce sont les civils de l’administration qui dominent les débats de cette réunion.

McN et Warnke, ne sont ni l’un ni l’autre favorables à un renforcement massif d’effectifs de l’ordre de 200 000 hommes. Selon McN, cet apport ne permettra pas de gagner du terrain, provoquera le rappel de 250 000 réservistes dans toutes les armes et entraînera, pour 1969, un surcoût de 10 milliards pour l’année suivante et de 15 en 1970. Rusk va dans le même sens. Les études de la C.I.A. abondent dans le même sens.

A l’issue de la réunion, personne parmi les conseillers présidentiels ne veut plus entendre parler de puissants renforts dont on estime qu’ils ne changeront rien à la situation au S-V. Un mémorandum de Taylor (conseiller présidentiel) adressé postérieurement à LBJ et aux membres de cette réunion précisera : « Il n’y a pas lieu de faire d’avantage que ce que nous faisons actuellement à un prix si élevé. » LBJ estime quant à lui qu’« il [n’est] pas en mesure de porter un jugement quelconque à ce moment » sur la situation. Il demande à Clifford et son équipe, futurs responsables de la Défense, de se pencher attentivement sur le problème : « Choisissez le moindre mal. Transmettez-moi vos informations. » Il charge également Rostow « de préparer, en [son] nom, un projet de directives écrites destinées au groupe Clifford et mentionnant expressément les divers problèmes qu’[il] voulai[t] voir étudier. » (voir 4 mars) (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 620-621 ; Johnson, 1972, pp. 473-475)

Le « groupe Clifford » (du nom du futur secrétaire à la Défense) tient l’après-midi sa première réunion. Sont présents Rusk, McN, Fowler (secrétaire d’État au Trésor), Katzenbach (sous-secrétaire d’État), Paul Nitze (sous-secrétaire à la Défense), Helms (C.I.A.), Rostow (secrétaire d’État à la Sécurité nationale), Taylor (conseiller présidentiel). Une question est posée : « Devons-nous  continuer à utiliser la méthode actuelle au Vietnam, et pourrait-elle nous mener au succès, même en envoyant plus de 200 000 soldats ? » Clifford répartit les tâches dans son équipe pour répondre au questionnaire à venir que Rostow a été chargé le matin de rédiger par le président. Une question sous-jacente émerge : « Quelles solutions de remplacement disposent les États-Unis ? » Comme l’observe Johnson : « […] un réexamen global de notre position était en cours au sein du gouvernement. Nous nous trouvions à un carrefour essentiel : plusieurs voies s’ouvraient à nous et j’allais devoir choisir laquelle suivre. » Et pour ce faire, il en appelle à un brainstorm (Johnson, 1972, p. 475-476).


29 février 68 : Départ définitif de McN qui est nommé par LBJ à la direction de la Banque mondiale. Nomination de Clark Clifford au poste de secrétaire à la Défense, poste qu’il occupera jusqu’au 20 janvier 1969. Il est rapidement pris par les mêmes doutes que son prédécesseur, estimant que le conflit est particulièrement mal engagé et qu’il est nécessaire de s’en extraire dans les meilleures conditions possibles. Il a fait appel à ses conseillers dont nombreux deviendront ce que l’on va nommer « le groupe Clifford ».

Un diplomate indien confirme les tentatives de rapprochement d’Hanoi en vue de négociations « promptes » et « portant sur le fond » en cas de cessation des bombardements (voir 21 et 26 février). On reviendrait sur les accords de Genève de 1954 et 1962. En cas de trêve, Hanoi s’engagerait à cesser les infiltrations. Les Américains veulent avant tout jauger l’importance de la source n-v. Rien n’aboutit, si ce n’est un énième « arrêt limité » des bombardements (Johnson, 1972, pp. 477-478).

Le porte-parole du gouvernement français confirme à l’issue d’un conseil des ministres que d’après « des informations explicitement reçues, la cessation inconditionnelle des bombardements était une condition nécessaire et suffisante pour l’ouverture de négociations. » Il ajoute que, faute d’une telle décision, « la guerre de destruction en Asie risquait chaque jour davantage de mettre en cause la paix du monde. » (De Quirielle, 1992, p. 199)

​Fin février 68 : Au Cambodge, la situation ne s’est guère améliorée pour Sihanouk (voir 7 avril 1967). La pauvreté, le déclin de l’exploitation du caoutchouc, la corruption, l’opposition des intellectuels au régime se poursuivent et se renforcent même. Les populations rurales commencent à chercher refuge en ville, principalement à Phnom Penh. Sihanouk parle désormais de « guerre civile ». L’opposition communiste (KR et Vietnamiens) se renforce progressivement et poursuit des actions de guérilla contre les forces gouvernementales dans le nord-est du pays (provinces de Battambang et Ratanakiri). Pour autant, les autorités gouvernementales ne mettent pas fin au lucratif trafic d’armes à partir du port de Sihanoukville et le VC s’incruste dans ses sanctuaires, parfois avec la bénédiction de ces mêmes autorités (Richer, 2009, p. 35).

💬 Commentaires

Chargement en cours...