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par Jean-François Jagielski

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Au Cambodge, vingt-quatrième gouvernement du Sangkum dit « gouvernement de la dernière chance » : il est dirigé par Penn Nouth. Il demeurera en place jusqu’au 13 août 1969 (Jennar, 1995, p. 162).
Au Cambodge, vingt-quatrième gouvernement du Sangkum dit « gouvernement de la dernière chance » : il est dirigé par Penn Nouth. Il demeurera en place jusqu’au 13 août 1969 (Jennar, 1995, p. 162).


 
​Fin janvier 68 : Démarrage de l’opération ''Igloo White'' qui fait suite au programme initié le 15 septembre 1966 avec la mise en place par McN de la ''Task Force 728''. Cette dernière avait été chargée de réaliser une barrière électronique sur la frontière qui longe la piste HCM. Ce programme ambitieux coûte cher, non seulement pour sa réalisation, son entretien (un milliard de dollars par an) mais également du fait des programmes de bombardement de la piste HCM qui aboutiront à des sommets, avec le déversement de 8 millions de tonnes de bombes atteint en 1971. D’une efficacité moyenne et controversée, le dispositif ne préviendra pas des principales offensives à venir et sera finalement abandonné en février 1973.
Fin janvier 68 : Démarrage de l’opération ''Igloo White'' qui fait suite au programme initié le 15 septembre 1966 avec la mise en place par McN de la ''Task Force 728''. Cette dernière avait été chargée de réaliser une barrière électronique sur la frontière qui longe la piste HCM. Ce programme ambitieux coûte cher, non seulement pour sa réalisation, son entretien (un milliard de dollars par an) mais également du fait des programmes de bombardement de la piste HCM qui aboutiront à des sommets, avec le déversement de 8 millions de tonnes de bombes atteint en 1971. D’une efficacité moyenne et controversée, le dispositif ne préviendra pas des principales offensives à venir et sera finalement abandonné en février 1973.

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3 janvier – 31 mars 68 : Les Américains stoppent partiellement les bombardements pour une durée de 88 jours dans un rayon de 9 km autour du centre de Hanoi (Johnson, 1972, p. 693).


5 janvier 68 : Au Cambodge, arrestation de Duch Kang Kek Ieu (le futur directeur de S-21) qui est condamné à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l'État en relation avec     l'étranger ». Il sera libéré après la déposition de Norodom Sihanouk en mars 1970 et reprendra aussitôt ses activités clandestines.


8 - 12 janvier 68 : Visite au Cambodge de l'ambassadeur américain en Inde, Chester Bowles envoyé spécial du président Johnson. Sihanouk réclame une reconnaissance des frontières par les États-Unis. Il est également question de l'éventualité d'actions militaires américaines en territoire cambodgien. L'entretien Bowles-Sihanouk va être à l'origine d'une polémique sur le droit accordé ou non par Sihanouk aux B-52 américains de bombarder des zones situées en territoire cambodgien.


10 janvier 68 : Selon Kissinger, Sihanouk accepte tacitement les bombardements américains sur la frontière est du Cambodge dénonçant l’intrusion des troupes n-v non consentie par lui sur son territoire. Toujours selon le même, Sihanouk renouvellera ce point de vue à plusieurs reprises (Kissinger 1, 1979, pp. 260-261). Mais dans les faits dès 1967, son attitude a été plus qu’ambiguë à l’égard des Américains : le port de Sihanoukville est utilisé, sur injonction chinoise depuis 1966, pour le débarquement de milliers de tonnes d’armes, de munitions et de médicaments à destination des N-V et en provenance de Chine, d’U.R.S.S. ou des pays du bloc soviétique. Sachant que, selon Sheenhan, le roi et son épouse touchent une juteuse commission sur chacun de ces acheminements (Sheenhan, 1990, pp. 768-769).


15 janvier 68 : Les Women Strike for Peace « mobilis[ent] 5 000 femmes, baptisées pour l’occasion « Brigade Jeannette Rankin », du nom de la première femme élue au Congrès. Elles défilent contre la guerre aux abords du Capitole (Debouzy, 2003, p. 29).

Une mission de l'O.N.U. chargée de proposer ses bons offices entre la Thaïlande et le Cambodge se retire sans avoir réussi à aboutir à un accord. Parmi ses membres le Japonais Yasushi Akashi qui sera en 1992-1993 le plus haut responsable de l'O.N.U. au Cambodge.


16 janvier – 31 mars 68 : Les Américains stoppent partiellement les bombardements pour une durée de 75 jours dans un rayon de 9 km autour du centre de Haïphong (Johnson, 1972, p. 693).


17 janvier 68 : Au Cambodge, des éléments du P.C.K. attaquent un poste gouvernemental à Banan (province de Battambang) et prennent 32 fusils. Cette action sera célébrée par les Khmers Rouges comme le début de la lutte armée et la date sera retenue comme celle de la création de l'« Armée révolutionnaire de libération ». Les activités de guérilla vont s'intensifier au fil du temps. Les tribus montagnardes des provinces de Ratanakiri et Mondolkiri, voisines du Vietnam, vont rapidement rallier la rébellion qui s'étend progressivement à tout le pays.

LBJ prononce le discours sur l’état de l’Union. Au sujet du Vietnam, ses propos reprennent en grande partie ceux de la conférence de San Antonio (voir 29 septembre 1967). Il confie dans ses mémoires : « Quand je repense au début de 1968, je suis sûr que je fis une erreur en ne parlant pas plus du Vietnam dans mon message sur l’état de l’Union. ». Il omet volontairement d’évoquer les menaces qui pèsent actuellement sur le S-V à quelques jours de l’offensive du Têt dont il ignore, quoi qu’il en dise a posteriori, sinon la portée du moins le scénario et la forme (Johnson, 1972, pp. 460-461).

Il hésite à annoncer son désir de ne pas être candidat à l’investiture de son parti pour la présidentielle. Finalement, il ne le fait pas et repoussera cette annonce au 31 mars. Il confie dans ses mémoires y avoir renoncé ce jour-là car il entend demander au Congrès « un programme lourd et difficile » sur ses projets de loi qui lui tiennent à cœur (Johnson, 1972, p. 520). En fait, il semble toujours aussi très hésitant sur la question du renouvellement ou non de sa candidature, d’où ses multiples reports.


19 janvier 68 : LBJ annonce le remplacement de McN par Clark Clifford au poste de secrétaire à la Défense. McN poursuivra cependant sa tâche jusqu’au 23 février.


20 janvier 68 : Fin de l’opération Lancaster 1 qui vise : à éviter des infiltrations n-v à travers la D.M.Z. ; à défendre et fournir un soutien d’artillerie et de logistique (par la R.C. 9) à la base aéroterrestre de Khe Sanh située dans la province de Quang Trị.

Elle est immédiatement suivie de l’opération Lancaster II qui se déroulera par intermittence du 20 janvier au 23 novembre. Dans l'ensemble, les Marines réussissent à maintenir la route d'approvisionnement vers Ca Lu, au terminus de la route 9 et à perturber, au moins par intermittence, les communications de l’A.P.V.N.


21 janvier 68 : Les soldats de l’A.P.V.N. (308e et 325e divisions)  commencent à assiéger la base de Khe Sanh (au nord-ouest de Hué, proche de la frontière laotienne) à la surprise des Américains. Dans un premier temps, la présence de 3 000 Marines laisse à penser que la base pourra tenir seule. C’est une illusion. Pour le colonel Buitin, un adjoint de Giap, elle n’est qu’« une opération de camouflage de la bataille du Têt. » (cité in Toinet, 1998, p. 412) Westmoreland tombera dans ce piège, déclarant que la bataille de Khe Sanh était une « clef de voûte » plus importante que celle du Têt (Herr, 1980, p. 122). Selon Herr, ses ressemblances avec Dien Bien Phu font que « Khe San était devenue une passion, un objet d’amour trompeur au cœur du Haut-Commandement. » (Herr, 1980, p. 124)


21 janvier - 8 avril 68 : Début du siège d'une durée de 79 jours de Khe Sanh. C’est une base aéroterrestre proche du 17e parallèle, au nord-ouest de Hué, munie d’une piste d’aviation qui demeurera partiellement en service durant le siège (Herr, 1980, p. 106-109). 6 000 Marines y subissent des pilonnages incessants et mènent des combats de collines afin de garder les hauteurs, notamment les collines 881 (carte des prémices de la bataille en avril 1967 in Sheehan, 1990, p. 763).

Selon Herr, la protection de l’artillerie du camp n’a été que tardive et les défenses sont demeurées assez sommaires car la base est tenue par une majorité de Marines, des hommes qui, en théorie, ne sont pas là pour s’enterrer (Herr, 1980, p. 123). Cette opération n’est qu’une opération de diversion qui va permettre au Vietcong de préparer l’offensive du Têt (voir 21 janvier) car les N-V connaissent la puissance de feu des Américains, et notamment celle de leur aviation qui réplique par le biais de l’opération Niagara durant laquelle les B-52 vont déverser 162 tonnes de bombes autour de la base (Sheenhan, 1990, pp. 828-832 et p. 836).

Le siège durera longtemps car les occupants de la base comptent en partie sur les troupes du Sud pour la libérer. Or celles-ci vont être aux prises avec la libération des villes occupées durant l’offensive du Têt (carte in Tertrais, 2004, p. 40).

23 janvier 68 : Traditionnel réunion-déjeuner du mardi à la Maison Blanche. Sont présents : Rusk (secrétaire d’État), McN (secrétaire à la Défense, sur le départ), Clifford (son successeur), Helms (C.I.A.), Wheeler (président du Conseil des chefs d’état-major) et 3 assistants du président, Rostow (secrétaire d’État à la Sécurité nationale), Georges Christian et Tom Johnson.

McN fait preuve d’humour noir en annonçant à son successeur : « Voici une journée caractéristique. Nous avons eu une intrusion involontaire au Cambodge, nous avons perdu un B-52, avec quatre bombes H à bord. Nous avons un navire de renseignement qui a été capturé par les Nord-Coréens. » A l’annonce d’aussi « bonnes » nouvelles, Clifford demande l’autorisation au président de se retirer pour aller se plonger dans ces dossiers. Et Johnson de commenter dans ses mémoires : « S’il fallait choisir une date symbolisant tous les troubles de l’année 1968, je crois que ce serait le 23 janvier – le matin de la capture de l’USS Pueblo. » Et d’ajouter plus loin en anticipant l’avenir : « J’avais parfois l’impression de vivre au sein d’un cauchemar continuel. » (Johnson, 1972, pp. 639-640)

30 janvier 68 : Début de l’offensive du Têt (carte in Tertrais, 2004, p. 40). Selon les dossiers du Pentagone, elle a pris le président américain et les chefs d’état-major « au dépourvu […] Sa force, sa durée et son intensité n’ont fait que prolonger le choc qu’elle avait causé aux militaires. » On ne peut donc ici suivre les allégations de Johnson dans ses mémoires lorsqu’il laisse croire que tout le monde (lui, Westmoreland et Bunker) était au courant de ce qui se tramait (Johnson, 1972, pp. 460-462). Cette initiative du VC surprend également les alliés traditionnels du Nord-Vietnam « qui, toujours selon le dossier du Pentagone, [furent] fort mécontents de n’avoir pas été prévenus, manifestèrent leur réserve. » Du côté du bloc communiste, les Russes et les membres du Pacte de Varsovie la désapprouveront là où les Chinois en feront l’éloge.

Le Vietcong lance, « pour punir les agresseurs américains » et avec l’espoir vain d’un soulèvement des populations urbaines, une vaste offensive d’abord au Nord puis sur l’ensemble du territoire s-v, le premier jour de la trêve du Têt. Pour l’accomplir, les forces communistes ne mobilisent pas moins de 80 à 90 000 hommes et femmes. Et ce, avec une réelle complicité des réfugiés des villes (issus des campagnes favorables au Vietcong) à qui la concentration des forces rebelles n’a pu échapper. Comme le remarque le diplomate américain Philip Habib : « L’ennemi a frappé fort, avec une remarquable attention portée à l’organisation, à l’approvisionnement et au secret. » (cité in Portes, 2008, p 189)

Les victimes de l'offensive du Têt s’élèveront entre 40 et 50 000 communistes (environ la moitié des effectifs engagés, dont l’immense majorité est issue du Vietcong (qui en ressortira décimé), entre 2 500 et 10 000 soldats de l'A.R.V.N., entre 1 100 et 2 000 américains et 7 500 civils. Nous donnons ici des fourchettes car les nombres annoncés sont très variables d’une source à l’autre. Ces différences sont dues à l’intégration ou non dans les statistiques de pertes du siège de Khe Sanh. Ce qui est réellement assuré, c’est que cette offensive déclenchera l’exode d’environ un million de réfugiés.

D’un point de vue tactique, le général n-v Tran Van Tra fera une analyse lucide des erreurs de son commandement : « Il ne faut pas craindre de parler d’erreurs. Pendant le Têt de 1968, nous n’avons pas apprécié correctement le rapport exact des forces entre l’ennemi et nous. Nous ne nous sommes pas exactement rendu compte que l’ennemi avait encore des possibilités considérables alors que les nôtres étaient limitées. » (Tran Van Tra, 1985, p. 35, version dactylographiée de ses écrits) L’espoir de ralliement des populations urbaines au mouvement constituera une deuxième erreur – psychologique quant à celle-là – des communistes. Enfin, leur espoir d’un effondrement politique et administratif au S-V ne se produira pas.

Si la bataille du Têt est un échec militaire pour le VC (environ 45 000 tués fin février), elle est une victoire médiatique malgré la réécriture des scénarii présentés par les rédactions ou les images plus ou moins édulcorées données par les journalistes américains sur place. On se contente souvent de montrer du spectaculaire (attaque de l’ambassade américaine, exécutions sommaires, voir 2 février), de transmettre de fausses nouvelles (surtout lorsque l’on ne va pas les vérifier sur place), de montrer des scènes de paniques (réelles au début de l’attaque mais limitées dans le temps), d’offrir des images partielles des combats sans les donner à voir dans leur globalité. Les Américains découvrent alors, sidérés, les horreurs d’une guerre lointaine derrière leurs petits écrans (Portes, 2008, pp. 193-195).

31 janvier 68 : Attaque de l’ambassade des États-Unis à Saigon. Cette attaque, bien que stoppée avant même l’accès au bâtiment, marquera psychologiquement l’opinion américaine par son impact et sa très large couverture médiatique donnant dans les premières heures l’impression aux téléspectateurs américains et du monde entier d’un immense chaos à Saigon.

Avant l’aube, les forces communistes attaquent Hué avec 12 000 hommes dont 2 divisions renommées, la 5e et la 324-B.

La ville, et notamment sa citadelle, ne seront totalement libérées que le 3 mars, avec un bilan de pertes extrêmement lourd pour les forces alliées. Les S-V, aidés par les Américains, participent activement et efficacement aux combats de l’ancienne capitale impériale. Ce sont notamment eux qui reprendront la citadelle de l’ancienne capitale.

Au Cambodge, vingt-quatrième gouvernement du Sangkum dit « gouvernement de la dernière chance » : il est dirigé par Penn Nouth. Il demeurera en place jusqu’au 13 août 1969 (Jennar, 1995, p. 162).

​Fin janvier 68 : Démarrage de l’opération Igloo White qui fait suite au programme initié le 15 septembre 1966 avec la mise en place par McN de la Task Force 728. Cette dernière avait été chargée de réaliser une barrière électronique sur la frontière qui longe la piste HCM. Ce programme ambitieux coûte cher, non seulement pour sa réalisation, son entretien (un milliard de dollars par an) mais également du fait des programmes de bombardement de la piste HCM qui aboutiront à des sommets, avec le déversement de 8 millions de tonnes de bombes atteint en 1971. D’une efficacité moyenne et controversée, le dispositif ne préviendra pas des principales offensives à venir et sera finalement abandonné en février 1973.

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