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par Jean-François Jagielski

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Mai 66 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 49 %, contre 36 %, sans opinion 15 % (Nouilhat ''in'' collectif, 1992, p. 60 ; Portes, 2008, p. 150). Premier affaiblissement du soutien de l’opinion américaine face au conflit qui passe sous la barre des 50 %..


Westmoreland harcèle Walt Rostow (nouveau secrétaire d’État à la Sécurité nationale) pour qu’il abandonne l’activité de pacification et de recherche des cadres du Vietcong qui ne sont pas comptabilisées dans ses statistiques. Il entend que cette tâche soit laissée aux S-V afin que les Américains puissent mener une guerre d’usure totale. Krulak (responsable des opérations de guerre anti-insurrectionnelle) se rend à Washington pour rencontrer McN qui reste sourd à ses arguments, lui reprochant de mener une stratégie trop lente (Sheenhan, 1990, p. 750).
Signe de rapprochement entre Hanoi et Paris, l’A.F.P. obtient l’autorisation d’avoir un correspondant permanent à Hanoi. C’est alors la seule agence de presse occidentale accréditée au N-V. De Quirielle note : « Aux heures les plus dures du conflit, les nouvelles qu’elle diffusait avaient un retentissement mondial. » (De Quirielle, 1992, p. 188)
'''En Chine, c’est l’amorce de la « Révolution culturelle »''' avec la création le 29 de la première organisation de Gardes Rouges qui voit le jour au sein de l’université Tsinghua à Pékin.
2 mai 66 : McN déclare publiquement que 4 500 N-V infiltrent le S-V chaque mois, soit 3 fois plus qu’en 1965. Il déplore que ces infiltrations se fassent malgré les actuels et récents bombardements de la piste HCM (Burns Siger, 1992, p. 18).
14 mai 66 : Pour contrer l’agitation organisée depuis mars par les Bouddhistes, la junte militaire envoie des forces à Danang. Mais il faudra encore un mois pour ramener le calme à Hué (Johnson, 1972, p. 302).
21 mai 66 : Discours de McN à l’université de Montréal qui semble mettre en doute sa propre politique de défense menée jusqu’alors. Il y aborde la question de la conscription : ne faut-il pas abandonner le service militaire sélectif au profit d'un service national obligatoire ? Le secrétaire à la Défense s'en prend en effet à 1'« inégalité » du recrutement aux États-Unis et suggère que tous les jeunes Américains servent leur pays durant 2 ans, que ce soit en tant que militaires ou en tant que membres d'organisations comme les corps de la paix, sur le territoire américain ou à l'étranger.
McN justifie a posteriori dans ses mémoires cette prise de parole : « J’ai prononcé le discours de Montréal parce que je ne pouvais pas survivre à mon poste sans le prononcer, je ne pouvais pas vivre avec ma conscience et cela m’a donné dix mois de plus, mais le prix que j’ai payé est si élevé au Congrès et à la Maison Blanche, avec tous ces gens qui ont cru que j’avais toujours été un farouche partisan de la paix et que, si je devais recommencer, je ne prononcerais pas ce discours. » Mis au courant, LBJ rentre dans une rage folle, sachant que c’est Bill Moyers (porte-parole de la Maison Blanche) qui avait autorisé son auteur à le prononcer (Halberstam, 1974, p. 257). Un nouveau couac dans la communication qui montre combien l’administration est de plus en plus divisée.
Un article du ''Monde'' intitulé « Saigon se corrompt », signé de la plume de Robert Guillain, décrit les vastes trafics et « la pourriture » occasionnés par la présence américaine à Saigon : « Ce trafic a deux formes. D’abord des centaines de G.I. revendent chaque jour au marché noir toutes sortes d’achats qu’ils font au PX (magasin d’armée) à cette fin. D’autre part, des centaines de tonnes de marchandises destinées aux magasins d’armée disparaissent régulièrement entre le port de Saigon et l’entrepôt. Des camions entiers se perdent par enchantement. Et chacun sait que cela n’arrive pas sans un vaste réseau de complicités qui, par-delà les douaniers, convoyeurs, policiers vietnamiens, etc. – qui se font arrêter de temps en temps -, doit remonter jusqu’à des bureaux importants de l’armée américaine. Les produits détournés réapparaissent sur l’immense marché qui s’étale en plein air sur les trottoirs et dans les boutiques de la ville entière. » (cité ''in'' Férier, 1993, p. 112 ; ''Le Monde'' du 21 mai 1966).
25 mai 66 : A Paris se tiennent les « Six heures de la Mutualité » à l’initiative de 21 intellectuels dont Sartre, Schwartz et Jankélévitch. Selon Jalabert, il s’agit d’« une étape décisive de la mobilisation contre la guerre ». Sont présents Mai van Bo (ministre plénipotentiaire du N-V),  Pham Van Quang et Duong Ding Thau (délégués de l'Union de la jeunesse pour la libération du Vietnam du Sud), 3 représentants de l'ambassade de Chine en France, M. Smale, professeur à l'université de Berkeley, animateur du ''Vietnam Day Committee'' américain Un compte-rendu de ce meeting est publié dans ''Le Monde'' du 28 mai. Il est question de plusieurs milliers de participants, en majorité des étudiants et des jeunes ». (Jalabert, 1997, p. 73 ; ''Le Monde'' des 21 et 28 mai 1966)
31 mai 66 : '''Début de l’offensive diplomatique ''Marigold''''' : Januscz Lewandowski (membre polonais du C.I.C. issu des accords de Genève de 1954) se rend à Hanoï puis à Saigon à l’ambassade d’Italie avant de rencontrer l’ambassadeur Lodge. Selon le diplomate polonais, les N-V sont prêts à faire une « offre de paix très spécifique. » Poursuite durant tout l’été d’échanges entre Lewandowski et Lodge qui auront lieu jusqu’au 3 décembre mais n’aboutiront à rien (McNamara, 1996, p. 242).
Face aux multiples contacts diplomatiques indirects qui auront lieu durant presque tout le mandat de LBJ, ce dernier note dans ses mémoires : « De même, ne manquèrent jamais les « médiateurs » volontaires qui, sans que nous le demandions ou souvent sans même que nous le sachions, essayèrent d’établir leurs propres contacts. Je ne mettais pas en doute les bonnes intentions et la sincérité de ces « faiseurs de paix » indépendants, mais je crois par contre que beaucoup de leurs efforts spontanés ont peut-être fait plus de mal que de bien. Je sais que souvent, ils ont contribué à brouiller la situation plutôt qu’à l’éclaircir […] Quand j’y repense, je crois que nous avons peut-être trop essayé d’afficher notre sincère désir de paix. » (Johnson, 1972, pp. 305-306) Toutes les multiples initiatives se heurteront à une seule et unique réponse d’Hanoi : cessation des bombardements, retrait américain et acceptation d’un plan de paix favorable au N-V.

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Mai 66 : Sondage analysant l’évolution de l’opinion publique américaine envers le conflit au Vietnam : pour 49 %, contre 36 %, sans opinion 15 % (Nouilhat in collectif, 1992, p. 60 ; Portes, 2008, p. 150). Premier affaiblissement du soutien de l’opinion américaine face au conflit qui passe sous la barre des 50 %..

Westmoreland harcèle Walt Rostow (nouveau secrétaire d’État à la Sécurité nationale) pour qu’il abandonne l’activité de pacification et de recherche des cadres du Vietcong qui ne sont pas comptabilisées dans ses statistiques. Il entend que cette tâche soit laissée aux S-V afin que les Américains puissent mener une guerre d’usure totale. Krulak (responsable des opérations de guerre anti-insurrectionnelle) se rend à Washington pour rencontrer McN qui reste sourd à ses arguments, lui reprochant de mener une stratégie trop lente (Sheenhan, 1990, p. 750).

Signe de rapprochement entre Hanoi et Paris, l’A.F.P. obtient l’autorisation d’avoir un correspondant permanent à Hanoi. C’est alors la seule agence de presse occidentale accréditée au N-V. De Quirielle note : « Aux heures les plus dures du conflit, les nouvelles qu’elle diffusait avaient un retentissement mondial. » (De Quirielle, 1992, p. 188)

En Chine, c’est l’amorce de la « Révolution culturelle » avec la création le 29 de la première organisation de Gardes Rouges qui voit le jour au sein de l’université Tsinghua à Pékin.


2 mai 66 : McN déclare publiquement que 4 500 N-V infiltrent le S-V chaque mois, soit 3 fois plus qu’en 1965. Il déplore que ces infiltrations se fassent malgré les actuels et récents bombardements de la piste HCM (Burns Siger, 1992, p. 18).


14 mai 66 : Pour contrer l’agitation organisée depuis mars par les Bouddhistes, la junte militaire envoie des forces à Danang. Mais il faudra encore un mois pour ramener le calme à Hué (Johnson, 1972, p. 302).


21 mai 66 : Discours de McN à l’université de Montréal qui semble mettre en doute sa propre politique de défense menée jusqu’alors. Il y aborde la question de la conscription : ne faut-il pas abandonner le service militaire sélectif au profit d'un service national obligatoire ? Le secrétaire à la Défense s'en prend en effet à 1'« inégalité » du recrutement aux États-Unis et suggère que tous les jeunes Américains servent leur pays durant 2 ans, que ce soit en tant que militaires ou en tant que membres d'organisations comme les corps de la paix, sur le territoire américain ou à l'étranger.

McN justifie a posteriori dans ses mémoires cette prise de parole : « J’ai prononcé le discours de Montréal parce que je ne pouvais pas survivre à mon poste sans le prononcer, je ne pouvais pas vivre avec ma conscience et cela m’a donné dix mois de plus, mais le prix que j’ai payé est si élevé au Congrès et à la Maison Blanche, avec tous ces gens qui ont cru que j’avais toujours été un farouche partisan de la paix et que, si je devais recommencer, je ne prononcerais pas ce discours. » Mis au courant, LBJ rentre dans une rage folle, sachant que c’est Bill Moyers (porte-parole de la Maison Blanche) qui avait autorisé son auteur à le prononcer (Halberstam, 1974, p. 257). Un nouveau couac dans la communication qui montre combien l’administration est de plus en plus divisée.

Un article du Monde intitulé « Saigon se corrompt », signé de la plume de Robert Guillain, décrit les vastes trafics et « la pourriture » occasionnés par la présence américaine à Saigon : « Ce trafic a deux formes. D’abord des centaines de G.I. revendent chaque jour au marché noir toutes sortes d’achats qu’ils font au PX (magasin d’armée) à cette fin. D’autre part, des centaines de tonnes de marchandises destinées aux magasins d’armée disparaissent régulièrement entre le port de Saigon et l’entrepôt. Des camions entiers se perdent par enchantement. Et chacun sait que cela n’arrive pas sans un vaste réseau de complicités qui, par-delà les douaniers, convoyeurs, policiers vietnamiens, etc. – qui se font arrêter de temps en temps -, doit remonter jusqu’à des bureaux importants de l’armée américaine. Les produits détournés réapparaissent sur l’immense marché qui s’étale en plein air sur les trottoirs et dans les boutiques de la ville entière. » (cité in Férier, 1993, p. 112 ; Le Monde du 21 mai 1966).


25 mai 66 : A Paris se tiennent les « Six heures de la Mutualité » à l’initiative de 21 intellectuels dont Sartre, Schwartz et Jankélévitch. Selon Jalabert, il s’agit d’« une étape décisive de la mobilisation contre la guerre ». Sont présents Mai van Bo (ministre plénipotentiaire du N-V),  Pham Van Quang et Duong Ding Thau (délégués de l'Union de la jeunesse pour la libération du Vietnam du Sud), 3 représentants de l'ambassade de Chine en France, M. Smale, professeur à l'université de Berkeley, animateur du Vietnam Day Committee américain Un compte-rendu de ce meeting est publié dans Le Monde du 28 mai. Il est question de plusieurs milliers de participants, en majorité des étudiants et des jeunes ». (Jalabert, 1997, p. 73 ; Le Monde des 21 et 28 mai 1966)


31 mai 66 : Début de l’offensive diplomatique Marigold : Januscz Lewandowski (membre polonais du C.I.C. issu des accords de Genève de 1954) se rend à Hanoï puis à Saigon à l’ambassade d’Italie avant de rencontrer l’ambassadeur Lodge. Selon le diplomate polonais, les N-V sont prêts à faire une « offre de paix très spécifique. » Poursuite durant tout l’été d’échanges entre Lewandowski et Lodge qui auront lieu jusqu’au 3 décembre mais n’aboutiront à rien (McNamara, 1996, p. 242).

Face aux multiples contacts diplomatiques indirects qui auront lieu durant presque tout le mandat de LBJ, ce dernier note dans ses mémoires : « De même, ne manquèrent jamais les « médiateurs » volontaires qui, sans que nous le demandions ou souvent sans même que nous le sachions, essayèrent d’établir leurs propres contacts. Je ne mettais pas en doute les bonnes intentions et la sincérité de ces « faiseurs de paix » indépendants, mais je crois par contre que beaucoup de leurs efforts spontanés ont peut-être fait plus de mal que de bien. Je sais que souvent, ils ont contribué à brouiller la situation plutôt qu’à l’éclaircir […] Quand j’y repense, je crois que nous avons peut-être trop essayé d’afficher notre sincère désir de paix. » (Johnson, 1972, pp. 305-306) Toutes les multiples initiatives se heurteront à une seule et unique réponse d’Hanoi : cessation des bombardements, retrait américain et acceptation d’un plan de paix favorable au N-V.

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