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par Jean-François Jagielski

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Début janvier 66 : Un proche de McN, McNaugton (sous-secrétaire d’État à la Défense) pense que les États-Unis sont désormais prisonniers d’« un processus d’escalade militaire voué à l’échec. » (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 549).


Le Parti populaire révolutionnaire (voir 18 - 20 décembre 1961), émanation du F.N.L.,  poursuit son implantation au Sud. Les chefs de districts installent des sous-comités dans les villages. Ils sont présidés par 5 à 7 membres qui ont sous leurs ordres 3 à 12 « ''Chibos'' ». Ces « ''Chibos'' » constitués de paysans sont les plus petites cellules au sein du Parti. Ils sont à la fois des unités de combat qui ont un rôle politique et militaire (groupes d’autodéfense et de guérilleros chargés également de la collecte de l’impôt révolutionnaire). Selon Nguyen Huu Tho, ils sont « le trait d’union entre le parti et la masse. » Théoriquement, dans chaque village, ont lieu des élections tous les 2 ans. Dans les faits, les dirigeants sont la plupart du temps mis en place par le Parti. Le manque de cadres compétents et la difficulté à organiser des élections à l’abri des troupes gouvernementales ou américaines expliquant la rareté d’un processus électoral rare mais réel lorsqu’il peut s’accomplir. L’appartenance au Parti populaire révolutionnaire est nécessaire pour occuper les fonctions de dirigeant, or seul un membre sur huit du F.N.L. en fait officiellement partie. Parallèlement, le F.N.L. laisse la voie ouverte à une forme d’encadrement de la population par des non-communistes : étudiants, Bouddhistes, petits propriétaires terriens nationalistes (Knöbl, 1967, pp. 128-130).
Janvier 66 : Saloth Sar (futur Pol Pot) se rend secrètement à Pékin puis en Corée du Nord (Deron, 2009, p. 263).
1<sup>er</sup> janvier 1966 : De Gaulle au cours de ses vœux au corps diplomatique condamne une nouvelle fois « tout déploiement de puissance » et toute « intervention armée » au Vietnam (De Quirielle, 1992, p. 71).
6 janvier 1966 : Le ''Student Nonviolent Coordinating Committee'' publie un communiqué : « Le Comité de coordination non-violent des étudiants a le droit et la responsabilité de s'opposer à la politique étrangère des États-Unis sur n'importe quelle question quand il le juge bon. Le S.N.C.C. déclare maintenant son opposition à l'implication des États-Unis au Vietnam : nous croyons que le gouvernement des États-Unis a été trompeur dans ses déclarations en prétendant se préoccuper de la liberté du peuple vietnamien. »
'''François de Quirielle est nommé à la tête de la délégation française à Hanoi par intérim''' (le poste de titulaire étant officiellement toujours tenu par Sainteny revenu en France depuis plusieurs mois). Le premier ministre n-v, Pham Van Dong, que De Quirielle apprécie, sera son principal interlocuteur durant tout son séjour car il entend gérer la question des relations avec la France (De Quirielle, 1992, p. 78 et p. 53, note 1).
Visite officielle à Hanoi d’un membre du Politburo soviétique, Chelipine. Cette visite vise à rééquilibrer les relations entre le N-V et l’U.R.S.S. qui, selon Marangé, étaient passées « par une période de froid, qui n’était pas encore complètement oubliée. » Elle vise à sonder les intentions vietnamiennes à l’égard des propositions américaines, renouveler l’aide de Moscou et surtout contrer l’influence d’une Chine de la Révolution culturelle avec laquelle Moscou entretient des relations détestables et même conflictuelles. Selon De Quirielle, la visite porte ses fruits. Le communiqué russo-nord-vietnamien mentionne que les deux pays rejettent les propositions américaines (tout en gardant une porte ouverte à la voie diplomatique par le biais de différentes capitales). Un timide rééquilibrage entre l’U.R.S.S. la Chine est obtenu (De Quirielle, 1992, pp. 62-63 et pp. 68-69). Selon Marangé, Chelipine essuie cependant un double échec, au Vietnam puis en Chine où il fait escale sur le chemin du retour (Marangé, 2012, p. 328).
7 janvier 66 : Le ''Time Magazine'' consacre le général Westmoreland « homme de l’année ». Dans ce numéro, 6 pages sont consacrées au conflit. Si les événements du Vietnam ne sont pas encore quotidiennement diffusés à la télévision, la presse écrite d’information y consacre de nombreux reportages. Journaux et magazines sont, comme l’opinion publique à cette époque, pour la plupart en phase avec l’engagement américain au Vietnam (Prados, 2015, p. 295).
12 janvier 66 : Dans son discours sur l’état de l’Union, LBJ  regrette qu’en raison du conflit, il ne puisse lutter autant qu’il le voudrait contre la pauvreté et se consacrer entièrement à son projet de « Grande Société ». Pour autant, il demeure convaincu de pouvoir mener la guerre sur deux front : pour la « Grande Société » et au Vietnam. Il déclare par ailleurs : « […] Nous avons également bien précisé – d’Hanoi à New York – que nous ne nous imposions pas de limite arbitraire à notre recherche de la paix. Nous nous en tenons aux Accords de Genève de 1954 et 1962. Nous nous assiérons à n’importe quelle table de conférence – en quatre, quatorze ou quarante points – et nous prendrions en considération les opinions de quelques groupes que ce soit [...] Nous avons dit tout cela, puis nous avons posé des questions et espéré, et enfin nous avons attendu une réaction. Jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de réponse prouvant soit le succès soit l’échec […] » (cité ''in'' Francini 2, 1988, p. 310 ; extraits de ce discours ''in'' Johnson, 1972, pp. 292-293). Une réponse indirecte et cinglante d’HCM à ce discours ne parviendra que tardivement, le 28 janvier.
7 - 13 janvier 66 : Opération ''Crimp'' au nord-ouest de Saigon dans la zone D. Les Américains (1<sup>ère</sup> division d’infanterie et 173<sup>e</sup> brigade aéroportée) et les Australiens (génie du 1<sup>er</sup> bataillon du Régiment royal australien) engagent 8 000 hommes dans la région de Cu Chi-Phu Loi et la forêt de Ho Bo (zone dite du « triangle de fer » ou du « Bec de Canard » au nord-ouest de Saigon) où se trouve un important réseau de galeries souterraines vietminh. Ce réseau de tunnels s’étend des portes de Saigon jusqu’à la frontière cambodgienne. Les Américains se heurtent dans ce secteur (et ailleurs) aux difficultés de la guerre souterraine. (Penycate, Mangold, 1986, pp. 45-61). Selon Knöbl, lors de l’opération, « les Américains raflèrent en gros six mille documents. Ces bunkers constituaient une partie du quartier général du F.N.L. et du Parti populaire révolutionnaire [voir 18 - 20 décembre 1961]. C’est là que se trouvaient les commissions pour l’agriculture et l’éducation ainsi qu’une commission spéciale pour l’armement. » Les documents révèlent l’existence d’un Q.G. à Saigon même mais qui a été récemment déménagé (Knöbl, 1967, p. 126).
14 janvier 66 : Au Cambodge, au nom de Sihanouk, le prince Norindeth proteste contre les bombardements américains en territoire cambodgien qui, selon lui, « ont fait des centaines de morts ».
15 janvier 66 : Le premier ministre s-v Nguyen Cao Ky dans un discours présenté lors d’un Congrès aux Forces armées fixe 3 objectifs à son gouvernement : vaincre l’ennemi puis pacifier et réorganiser les campagnes ; stabiliser l’économie ; créer une démocratie. Il s’engage à élaborer une constitution qu’il soumettrait à l’approbation populaire dès l’automne et à organiser des élections en vue de la formation d’un nouveau gouvernement en 1967. (Johnson, 1972, p. 296). Des paroles rassurantes pour les Américains qui devront cependant un peu lui forcer la main à Honolulu (voir 5 – 8 février).
19 janvier 66 : '''Mémorandum de McNaughton''' (sous-secrétaire à la Défense) adressé à McN''', foncièrement pessimiste''' quant aux perspectives à venir : « L’Armée de la République du Sud Vietnam est fatiguée, passive et portée à accepter des arrangements […] L’Armée du Peuple du Nord Vietnam et le Vietcong font face efficacement à nos déploiements […] Le bombardement du Nord peut, ou ne peut pas, empêcher les infiltrations […] La pacification est toujours bloquée […] L’infrastructure politique du gouvernement du Vietnam est moribonde et plus faible que l’infrastructure du Vietcong […] Le Sud Vietnam est à la veille de sérieuses infiltrations [4 500 hommes et entre 50 et 300 tonnes de matériel, selon la saison, parviennent au Sud en un mois] et au bord du chaos économique […] L’objectif actuel des États-Unis au Vietnam est à présent d’éviter l’humiliation. » Il expose des points que les U.S.A. doivent accepter : un gouvernement de coalition avec présence des communistes, « une libre décision pour le Sud Vietnam de succomber au Vietcong ou au Nord Vietnam », « une attitude de vivre et laisser vivre, revenant à la situation de 1959 » (''Le dossier du Pentagone'', 1971, pp. 502-503 et pp. 521-524).
24 janvier 66 : '''McN''', s’inspirant du pessimisme de la note de McNaughton (voir 19 janvier), '''écrit à son tour une version encore plus sombre de son mémorandum du 30 novembre 1965''' et l’adresse à Johnson : inefficacité des bombardements et des augmentations d’effectifs qu’il avait pourtant soutenues ; une guerre longue qui demandera de nouveaux efforts sans que la réussite soit forcément au rendez-vous. Pour autant, McN préconise encore et toujours une augmentation des effectifs de 200 000 hommes, honorant ainsi la demande de Westmoreland (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 504 ; McNamara, 1996, pp. 231-232).
HCM écrit une lettre à différents chefs d’État (dont De Gaulle, voir 2 février) pour dénoncer l’engagement des Américains au Vietnam (Francini 2, 1988, p. 311). S’adressant au Général, il lui demande « d’assurer pleinement ses obligations vis-à-vis des accords de Genève » et d’user « de son prestige pour contribuer à arrêter à temps toute nouvelle menée perfide américaine au Vietnam ou en Indochine ». Contrairement à la plupart des autres pays de l’Alliance Atlantique, De Gaulle lui répondra le 8 février (Journoud, 2011, p. 219).
25 janvier – 6 mars 66 : Opérations ''Masher'' et ''Whitewing''. Elles réitèrent avec des moyens beaucoup plus importants les combats qu’avaient dû mener les Français dans le secteur qu’ils avaient nommé « la rue sans joie » (voir 28 - 31 juillet 1953) et se concentrent dans la province de Binh Dinh avec le nettoyage de vallées parallèles à la cote et des localités fortement tenues par le VC. Elle met en jeu de gros effectifs américains (40 000 hommes) soutenus par une division coréenne et des troupes s-v. D’importants moyens aéroportés et aériens sont également impliqués. Pour autant, les résultats demeureront aussi décevants qu’au temps des Français (Sigler, 1992, p. 12 ; Knöbl, 1967, pp. 217-226 et p. 238).
28 janvier 66 : A la veille de la suspension des bombardements américains prévue entre le 24 décembre 1965 et le 31 janvier, Radio Hanoi diffuse la réponse d’HCM au discours de Johnson sur l’état de l’Union (voir 12 janvier). Elle ne s’adresse pas directement au président américain mais à plusieurs chefs d’État ou personnes « s’intéressant à la situation au Vietnam ». Ho dénonce « le soi-disant désir de paix » des Américains, les accusant d’être « malhonnêtes et hypocrites. » Il exige le retrait des troupes d’occupation et la reconnaissance du F.N.L. comme « véritable représentant du peuple du Sud-Vietnam » (Wainstock, Miller, 2019, pp. 219-220 ; Johnson, 1972, p. 293).
Johnson fait appel à 4 « Sages » pour prendre les décisions du moment : Clark Clifford (sous-secrétaire d’État à la Défense), Arthur Dean (conseiller présidentiel  en politique étrangère et délégué aux Nations-Unies), Allen Dulles (ancien directeur de la C.I.A. nommé en 1953) et John McCloy (conseiller auprès de Kennedy et Johnson). Ils incitent le président à reprendre les bombardements sur le N-V et à augmenter les effectifs américains au S-V (McNamara, 1996, p. 225).
Westmoreland demande à nouveau encore plus d’hommes pour le Vietnam (voir 16 décembre 1965). Le total de sa demande s’élève désormais à 459 000 hommes (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 498).
30 janvier 66 : Réunion du C.N.S. durant laquelle Johnson décide de reprendre les bombardements sur le S-V.
Un sondage Harris indique qu’une « immense majorité des Américains » est prête à « soutenir une escalade immédiate de la guerre – y compris des bombardements généralisés sur le Nord-Vietnam et l’augmentation jusqu’à 500 000 hommes des effectifs américains. » (McNamara, 1996, p. 225)
31 janvier 66 : Reprise des bombardements sur le N-V après une trêve de 38 jours (De Quirielle, 1992, p. 130). Selon LBJ, les N-V ont profité de cette longue trêve pour poursuivre leurs infiltrations (Johnson, 1972, p. 293).
LBJ soumet une résolution au Conseil de Sécurité de l’O.N.U. Il propose un arrêt permanent des bombardements contre le retrait des forces nordistes, l’arrêt des infiltrations et la fin de l’insurrection organisée par le F.N.L. Les N-V la rejettent (Francini 2, 1988, p. 311).

Dernière version du 8 juillet 2025 à 22:19

Début janvier 66 : Un proche de McN, McNaugton (sous-secrétaire d’État à la Défense) pense que les États-Unis sont désormais prisonniers d’« un processus d’escalade militaire voué à l’échec. » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 549).

Le Parti populaire révolutionnaire (voir 18 - 20 décembre 1961), émanation du F.N.L.,  poursuit son implantation au Sud. Les chefs de districts installent des sous-comités dans les villages. Ils sont présidés par 5 à 7 membres qui ont sous leurs ordres 3 à 12 « Chibos ». Ces « Chibos » constitués de paysans sont les plus petites cellules au sein du Parti. Ils sont à la fois des unités de combat qui ont un rôle politique et militaire (groupes d’autodéfense et de guérilleros chargés également de la collecte de l’impôt révolutionnaire). Selon Nguyen Huu Tho, ils sont « le trait d’union entre le parti et la masse. » Théoriquement, dans chaque village, ont lieu des élections tous les 2 ans. Dans les faits, les dirigeants sont la plupart du temps mis en place par le Parti. Le manque de cadres compétents et la difficulté à organiser des élections à l’abri des troupes gouvernementales ou américaines expliquant la rareté d’un processus électoral rare mais réel lorsqu’il peut s’accomplir. L’appartenance au Parti populaire révolutionnaire est nécessaire pour occuper les fonctions de dirigeant, or seul un membre sur huit du F.N.L. en fait officiellement partie. Parallèlement, le F.N.L. laisse la voie ouverte à une forme d’encadrement de la population par des non-communistes : étudiants, Bouddhistes, petits propriétaires terriens nationalistes (Knöbl, 1967, pp. 128-130).


Janvier 66 : Saloth Sar (futur Pol Pot) se rend secrètement à Pékin puis en Corée du Nord (Deron, 2009, p. 263).


1er janvier 1966 : De Gaulle au cours de ses vœux au corps diplomatique condamne une nouvelle fois « tout déploiement de puissance » et toute « intervention armée » au Vietnam (De Quirielle, 1992, p. 71).


6 janvier 1966 : Le Student Nonviolent Coordinating Committee publie un communiqué : « Le Comité de coordination non-violent des étudiants a le droit et la responsabilité de s'opposer à la politique étrangère des États-Unis sur n'importe quelle question quand il le juge bon. Le S.N.C.C. déclare maintenant son opposition à l'implication des États-Unis au Vietnam : nous croyons que le gouvernement des États-Unis a été trompeur dans ses déclarations en prétendant se préoccuper de la liberté du peuple vietnamien. »

François de Quirielle est nommé à la tête de la délégation française à Hanoi par intérim (le poste de titulaire étant officiellement toujours tenu par Sainteny revenu en France depuis plusieurs mois). Le premier ministre n-v, Pham Van Dong, que De Quirielle apprécie, sera son principal interlocuteur durant tout son séjour car il entend gérer la question des relations avec la France (De Quirielle, 1992, p. 78 et p. 53, note 1).

Visite officielle à Hanoi d’un membre du Politburo soviétique, Chelipine. Cette visite vise à rééquilibrer les relations entre le N-V et l’U.R.S.S. qui, selon Marangé, étaient passées « par une période de froid, qui n’était pas encore complètement oubliée. » Elle vise à sonder les intentions vietnamiennes à l’égard des propositions américaines, renouveler l’aide de Moscou et surtout contrer l’influence d’une Chine de la Révolution culturelle avec laquelle Moscou entretient des relations détestables et même conflictuelles. Selon De Quirielle, la visite porte ses fruits. Le communiqué russo-nord-vietnamien mentionne que les deux pays rejettent les propositions américaines (tout en gardant une porte ouverte à la voie diplomatique par le biais de différentes capitales). Un timide rééquilibrage entre l’U.R.S.S. la Chine est obtenu (De Quirielle, 1992, pp. 62-63 et pp. 68-69). Selon Marangé, Chelipine essuie cependant un double échec, au Vietnam puis en Chine où il fait escale sur le chemin du retour (Marangé, 2012, p. 328).


7 janvier 66 : Le Time Magazine consacre le général Westmoreland « homme de l’année ». Dans ce numéro, 6 pages sont consacrées au conflit. Si les événements du Vietnam ne sont pas encore quotidiennement diffusés à la télévision, la presse écrite d’information y consacre de nombreux reportages. Journaux et magazines sont, comme l’opinion publique à cette époque, pour la plupart en phase avec l’engagement américain au Vietnam (Prados, 2015, p. 295).


12 janvier 66 : Dans son discours sur l’état de l’Union, LBJ  regrette qu’en raison du conflit, il ne puisse lutter autant qu’il le voudrait contre la pauvreté et se consacrer entièrement à son projet de « Grande Société ». Pour autant, il demeure convaincu de pouvoir mener la guerre sur deux front : pour la « Grande Société » et au Vietnam. Il déclare par ailleurs : « […] Nous avons également bien précisé – d’Hanoi à New York – que nous ne nous imposions pas de limite arbitraire à notre recherche de la paix. Nous nous en tenons aux Accords de Genève de 1954 et 1962. Nous nous assiérons à n’importe quelle table de conférence – en quatre, quatorze ou quarante points – et nous prendrions en considération les opinions de quelques groupes que ce soit [...] Nous avons dit tout cela, puis nous avons posé des questions et espéré, et enfin nous avons attendu une réaction. Jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de réponse prouvant soit le succès soit l’échec […] » (cité in Francini 2, 1988, p. 310 ; extraits de ce discours in Johnson, 1972, pp. 292-293). Une réponse indirecte et cinglante d’HCM à ce discours ne parviendra que tardivement, le 28 janvier.


7 - 13 janvier 66 : Opération Crimp au nord-ouest de Saigon dans la zone D. Les Américains (1ère division d’infanterie et 173e brigade aéroportée) et les Australiens (génie du 1er bataillon du Régiment royal australien) engagent 8 000 hommes dans la région de Cu Chi-Phu Loi et la forêt de Ho Bo (zone dite du « triangle de fer » ou du « Bec de Canard » au nord-ouest de Saigon) où se trouve un important réseau de galeries souterraines vietminh. Ce réseau de tunnels s’étend des portes de Saigon jusqu’à la frontière cambodgienne. Les Américains se heurtent dans ce secteur (et ailleurs) aux difficultés de la guerre souterraine. (Penycate, Mangold, 1986, pp. 45-61). Selon Knöbl, lors de l’opération, « les Américains raflèrent en gros six mille documents. Ces bunkers constituaient une partie du quartier général du F.N.L. et du Parti populaire révolutionnaire [voir 18 - 20 décembre 1961]. C’est là que se trouvaient les commissions pour l’agriculture et l’éducation ainsi qu’une commission spéciale pour l’armement. » Les documents révèlent l’existence d’un Q.G. à Saigon même mais qui a été récemment déménagé (Knöbl, 1967, p. 126).


14 janvier 66 : Au Cambodge, au nom de Sihanouk, le prince Norindeth proteste contre les bombardements américains en territoire cambodgien qui, selon lui, « ont fait des centaines de morts ».


15 janvier 66 : Le premier ministre s-v Nguyen Cao Ky dans un discours présenté lors d’un Congrès aux Forces armées fixe 3 objectifs à son gouvernement : vaincre l’ennemi puis pacifier et réorganiser les campagnes ; stabiliser l’économie ; créer une démocratie. Il s’engage à élaborer une constitution qu’il soumettrait à l’approbation populaire dès l’automne et à organiser des élections en vue de la formation d’un nouveau gouvernement en 1967. (Johnson, 1972, p. 296). Des paroles rassurantes pour les Américains qui devront cependant un peu lui forcer la main à Honolulu (voir 5 – 8 février).


19 janvier 66 : Mémorandum de McNaughton (sous-secrétaire à la Défense) adressé à McN, foncièrement pessimiste quant aux perspectives à venir : « L’Armée de la République du Sud Vietnam est fatiguée, passive et portée à accepter des arrangements […] L’Armée du Peuple du Nord Vietnam et le Vietcong font face efficacement à nos déploiements […] Le bombardement du Nord peut, ou ne peut pas, empêcher les infiltrations […] La pacification est toujours bloquée […] L’infrastructure politique du gouvernement du Vietnam est moribonde et plus faible que l’infrastructure du Vietcong […] Le Sud Vietnam est à la veille de sérieuses infiltrations [4 500 hommes et entre 50 et 300 tonnes de matériel, selon la saison, parviennent au Sud en un mois] et au bord du chaos économique […] L’objectif actuel des États-Unis au Vietnam est à présent d’éviter l’humiliation. » Il expose des points que les U.S.A. doivent accepter : un gouvernement de coalition avec présence des communistes, « une libre décision pour le Sud Vietnam de succomber au Vietcong ou au Nord Vietnam », « une attitude de vivre et laisser vivre, revenant à la situation de 1959 » (Le dossier du Pentagone, 1971, pp. 502-503 et pp. 521-524).


24 janvier 66 : McN, s’inspirant du pessimisme de la note de McNaughton (voir 19 janvier), écrit à son tour une version encore plus sombre de son mémorandum du 30 novembre 1965 et l’adresse à Johnson : inefficacité des bombardements et des augmentations d’effectifs qu’il avait pourtant soutenues ; une guerre longue qui demandera de nouveaux efforts sans que la réussite soit forcément au rendez-vous. Pour autant, McN préconise encore et toujours une augmentation des effectifs de 200 000 hommes, honorant ainsi la demande de Westmoreland (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 504 ; McNamara, 1996, pp. 231-232).

HCM écrit une lettre à différents chefs d’État (dont De Gaulle, voir 2 février) pour dénoncer l’engagement des Américains au Vietnam (Francini 2, 1988, p. 311). S’adressant au Général, il lui demande « d’assurer pleinement ses obligations vis-à-vis des accords de Genève » et d’user « de son prestige pour contribuer à arrêter à temps toute nouvelle menée perfide américaine au Vietnam ou en Indochine ». Contrairement à la plupart des autres pays de l’Alliance Atlantique, De Gaulle lui répondra le 8 février (Journoud, 2011, p. 219).


25 janvier – 6 mars 66 : Opérations Masher et Whitewing. Elles réitèrent avec des moyens beaucoup plus importants les combats qu’avaient dû mener les Français dans le secteur qu’ils avaient nommé « la rue sans joie » (voir 28 - 31 juillet 1953) et se concentrent dans la province de Binh Dinh avec le nettoyage de vallées parallèles à la cote et des localités fortement tenues par le VC. Elle met en jeu de gros effectifs américains (40 000 hommes) soutenus par une division coréenne et des troupes s-v. D’importants moyens aéroportés et aériens sont également impliqués. Pour autant, les résultats demeureront aussi décevants qu’au temps des Français (Sigler, 1992, p. 12 ; Knöbl, 1967, pp. 217-226 et p. 238).


28 janvier 66 : A la veille de la suspension des bombardements américains prévue entre le 24 décembre 1965 et le 31 janvier, Radio Hanoi diffuse la réponse d’HCM au discours de Johnson sur l’état de l’Union (voir 12 janvier). Elle ne s’adresse pas directement au président américain mais à plusieurs chefs d’État ou personnes « s’intéressant à la situation au Vietnam ». Ho dénonce « le soi-disant désir de paix » des Américains, les accusant d’être « malhonnêtes et hypocrites. » Il exige le retrait des troupes d’occupation et la reconnaissance du F.N.L. comme « véritable représentant du peuple du Sud-Vietnam » (Wainstock, Miller, 2019, pp. 219-220 ; Johnson, 1972, p. 293).

Johnson fait appel à 4 « Sages » pour prendre les décisions du moment : Clark Clifford (sous-secrétaire d’État à la Défense), Arthur Dean (conseiller présidentiel  en politique étrangère et délégué aux Nations-Unies), Allen Dulles (ancien directeur de la C.I.A. nommé en 1953) et John McCloy (conseiller auprès de Kennedy et Johnson). Ils incitent le président à reprendre les bombardements sur le N-V et à augmenter les effectifs américains au S-V (McNamara, 1996, p. 225).

Westmoreland demande à nouveau encore plus d’hommes pour le Vietnam (voir 16 décembre 1965). Le total de sa demande s’élève désormais à 459 000 hommes (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 498).


30 janvier 66 : Réunion du C.N.S. durant laquelle Johnson décide de reprendre les bombardements sur le S-V.

Un sondage Harris indique qu’une « immense majorité des Américains » est prête à « soutenir une escalade immédiate de la guerre – y compris des bombardements généralisés sur le Nord-Vietnam et l’augmentation jusqu’à 500 000 hommes des effectifs américains. » (McNamara, 1996, p. 225)


31 janvier 66 : Reprise des bombardements sur le N-V après une trêve de 38 jours (De Quirielle, 1992, p. 130). Selon LBJ, les N-V ont profité de cette longue trêve pour poursuivre leurs infiltrations (Johnson, 1972, p. 293).

LBJ soumet une résolution au Conseil de Sécurité de l’O.N.U. Il propose un arrêt permanent des bombardements contre le retrait des forces nordistes, l’arrêt des infiltrations et la fin de l’insurrection organisée par le F.N.L. Les N-V la rejettent (Francini 2, 1988, p. 311).

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