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par Jean-François Jagielski

« Janvier 1963 » : différence entre les versions

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Début 63 : Les tensions entre Diem et l’administration américaine s’amplifient : du côté américain, on lui reproche de ne pas accomplir les réformes politiques, militaires et économiques qui s’imposent, tant dans les campagnes que dans les villes du S-V.


Diem supporte mal le zèle des nombreux conseillers américains qu’il trouve envahissants. Selon le dossier du Pentagone, « poussé par Nhu, Diem se plaignit du zèle des conseillers américains et de leur trop grand nombre. Ils créent un climat colonialiste. » (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 195)
Les Américains n’apprécient pas l’influence du frère de Diem, Nhu, ni la répression menée contre les Bouddhistes dont de nombreux bonzes vont s’immoler par le feu au moment de la crise. Le gouvernement américain et les conseillers de Kennedy demeurent divisés sur la position à adopter à l’égard de Diem qui doit faire face à des tentatives de putsch dans sa propre armée. L’ambassadeur Cabot Lodge sera hostile dès sa nomination en août au maintien de Diem à la tête du S-V (William Colby, 1989, pp. 142-170).
Kennedy est mécontent de son équipe à Saigon et des rapports qu’il en reçoit : optimisme, simplisme, manque de nuances, ignorance du sort des populations locales. Il émet des réserves sur la compétence de Nolting (voir fin 62) (Halberstam, 1974, p. 246). L’ambassadeur ne bénéficie plus de la confiance de tous à Saigon : son adjoint Trueheart l’accuse de déloyauté ; Rufus Phillips, des hameaux stratégiques, met en doute sa compétence ainsi que Meckling de l’U.S.A.I.D. (Halberstam, 1974, p. 297). Concernant Truehart, Nolting rédigera dans les derniers temps de ses fonctions un rapport préjudiciable à son adjoint, allant même jusqu’à mettre en cause sa loyauté. Selon Halberstam, « c’était violent et cela faillit détruire la carrière de Truehart. » (Halberstam, 1974, p. 298)
Janvier 63 : Les U.S.A. fournissent 130 000 armes aux différentes factions qui défendent le S-V. Le VC en récupère lors de ses actions de guérilla. Ce qui permet à HCM de doubler ou tripler l’effectif de son armée régulière et des unités provinciales dans le Sud qui avoisinent alors les 23 000 hommes (Sheehan, 1990, p. 372).
Discours annuel de Kennedy au Congrès sur l’état de la nation : « Le fer de lance de l'agression au Sud-Vietnam est émoussé. » (cité ''in'' Nguyen Phu Duc, 1996, p. 67)
2 janvier 63 : Lors de '''la bataille d'Ap Bac''' (20 km au nord-est de My Tho dans le delta du Mékong) les forces de l'[http://www.laguerreduvietnam.com/pages/glossaire-le-nam-speak/de-la-lettre-a-a-la-lettre-e/la-lettre-a.html A.R.V.N.] sont battues malgré la présence de l’encadrement américain. Les Vietcong, avec à peine 200 hommes encerclés, parviennent à s’échapper au moment où l’artillerie s-v bombarde ses propres troupes. '''C’est la première victoire des troupes du F.N.L. qui n’est plus obligé d’abandonner le Delta où elles étaient en difficulté.''' 5 hélicoptères sont abattus. On déplore 3 morts et 8 blessés du côté des conseillers militaires américains.
Sud-Vietnamiens et Américains auront tendance à se rejeter les uns sur les autres les erreurs commises ce jour-là (description détaillée de ces combats et de l’engagement du lieutenant-colonel John Paul Vann ''in'' Sheehan, 1990, pp. 255-326 ; version vue côté vietcong ''in'' Burchett, 1965, pp. 98-102). La seule déclaration américaine un peu détaillée sur la bataille  viendra du Général Harkins, qui confie aux journalistes, sur les lieux même de la bataille et alors que tout prouve le contraire, que la 7<sup>e</sup> division de l’A.R.V.N. avait certes subi des pertes inhabituelles mais qu’elle semble avoir été capable d’encercler les Vietcong. Un porte-parole du service d'information américain à Saigon s'entretiendra également avec la presse, pratiquant une parfaite langue de bois et faisant d’une cuisante défaite une pseudo-victoire (Hammond, 1990, p. 33).
8 janvier 63 : L’ambassadeur Nolting donne une tardive conférence de presse sur la bataille d’Ap Bac.
9 janvier 63 : 2 646 hommes de l’intendance américaine se trouvent alors au S-V. Arrivée des premiers hélicoptères de combat, des patrouilles de reconnaissances aériennes et de dragueurs de mines (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 109).
11 janvier 63 : L’amiral Felt (commandant les forces navales du Pacifique), de retour du Vietnam pour Washington, reconnaît à demi-mots l’amertume des conseillers militaires confrontés à ce qu’ils considèrent comme une forme d’ingratitude des S-V : « C’est comme dans une famille, quand le père est parfois déçu par son fils ou son épouse […] Mais d’une façon générale, nous nous entendons bien. C’est le contraire qui est exceptionnel. » (cité ''in'' Chaffard, 1969, p. 306, note 2).
14 janvier 63 : Dans son message sur l’état de l’Union, Kennedy déclare : « Au Vietnam, le fer de lance de l’agression [communiste] est émoussé. » Ce message reflète l’optimisme trompeur qui règne toujours début 1963 à la Maison Blanche au sujet du Vietnam. Il est relayé par les militaires, notamment l’amiral Felt (commandant les forces navales du Pacifique) qui, de retour du Vietnam, prédit une victoire dans un délai de trois ans (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 194).
15 janvier 63 : Retour de Hilsman et Forrestal (collaborateurs d’Harriman) du Vietnam (voir 28 décembre 1962). Ils rapportent des avis négatifs tant sur le régime de Diem que sur le nombre de tués dans les rangs vietcong ou le bilan des hameaux stratégiques. Forrestal prévoit quant à lui une guerre longue et coûteuse (Halberstam, 1974, pp. 245-246). Ils estiment, dans une annexe ajoutée à leur rapport adressée à Kennedy, que la politique américaine est une politique de pas à pas qui n’est fondée sur aucun véritable dessein politique. Ils constatent également les malentendus entre civils et militaires américains qui sont impliqués au Vietnam et le manque de coordination entre les différents départements et agences qui y agissent.
17 janvier 63 : Un télégramme de l’ambassadeur de France au N-V, Roger Lalouette, évoque un HCM « inquiet des manœuvres de la faction sinophile [qui a] brusquement décidé de donner un énergique coup de barre pour se rapprocher de Moscou » en procédant à des remaniements ministériels. C’est en fait une simple manœuvre pour gagner du temps (Marangé, 2012, p. 305).

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Début 63 : Les tensions entre Diem et l’administration américaine s’amplifient : du côté américain, on lui reproche de ne pas accomplir les réformes politiques, militaires et économiques qui s’imposent, tant dans les campagnes que dans les villes du S-V.

Diem supporte mal le zèle des nombreux conseillers américains qu’il trouve envahissants. Selon le dossier du Pentagone, « poussé par Nhu, Diem se plaignit du zèle des conseillers américains et de leur trop grand nombre. Ils créent un climat colonialiste. » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 195)

Les Américains n’apprécient pas l’influence du frère de Diem, Nhu, ni la répression menée contre les Bouddhistes dont de nombreux bonzes vont s’immoler par le feu au moment de la crise. Le gouvernement américain et les conseillers de Kennedy demeurent divisés sur la position à adopter à l’égard de Diem qui doit faire face à des tentatives de putsch dans sa propre armée. L’ambassadeur Cabot Lodge sera hostile dès sa nomination en août au maintien de Diem à la tête du S-V (William Colby, 1989, pp. 142-170).

Kennedy est mécontent de son équipe à Saigon et des rapports qu’il en reçoit : optimisme, simplisme, manque de nuances, ignorance du sort des populations locales. Il émet des réserves sur la compétence de Nolting (voir fin 62) (Halberstam, 1974, p. 246). L’ambassadeur ne bénéficie plus de la confiance de tous à Saigon : son adjoint Trueheart l’accuse de déloyauté ; Rufus Phillips, des hameaux stratégiques, met en doute sa compétence ainsi que Meckling de l’U.S.A.I.D. (Halberstam, 1974, p. 297). Concernant Truehart, Nolting rédigera dans les derniers temps de ses fonctions un rapport préjudiciable à son adjoint, allant même jusqu’à mettre en cause sa loyauté. Selon Halberstam, « c’était violent et cela faillit détruire la carrière de Truehart. » (Halberstam, 1974, p. 298)


Janvier 63 : Les U.S.A. fournissent 130 000 armes aux différentes factions qui défendent le S-V. Le VC en récupère lors de ses actions de guérilla. Ce qui permet à HCM de doubler ou tripler l’effectif de son armée régulière et des unités provinciales dans le Sud qui avoisinent alors les 23 000 hommes (Sheehan, 1990, p. 372).

Discours annuel de Kennedy au Congrès sur l’état de la nation : « Le fer de lance de l'agression au Sud-Vietnam est émoussé. » (cité in Nguyen Phu Duc, 1996, p. 67)


2 janvier 63 : Lors de la bataille d'Ap Bac (20 km au nord-est de My Tho dans le delta du Mékong) les forces de l'A.R.V.N. sont battues malgré la présence de l’encadrement américain. Les Vietcong, avec à peine 200 hommes encerclés, parviennent à s’échapper au moment où l’artillerie s-v bombarde ses propres troupes. C’est la première victoire des troupes du F.N.L. qui n’est plus obligé d’abandonner le Delta où elles étaient en difficulté. 5 hélicoptères sont abattus. On déplore 3 morts et 8 blessés du côté des conseillers militaires américains.

Sud-Vietnamiens et Américains auront tendance à se rejeter les uns sur les autres les erreurs commises ce jour-là (description détaillée de ces combats et de l’engagement du lieutenant-colonel John Paul Vann in Sheehan, 1990, pp. 255-326 ; version vue côté vietcong in Burchett, 1965, pp. 98-102). La seule déclaration américaine un peu détaillée sur la bataille  viendra du Général Harkins, qui confie aux journalistes, sur les lieux même de la bataille et alors que tout prouve le contraire, que la 7e division de l’A.R.V.N. avait certes subi des pertes inhabituelles mais qu’elle semble avoir été capable d’encercler les Vietcong. Un porte-parole du service d'information américain à Saigon s'entretiendra également avec la presse, pratiquant une parfaite langue de bois et faisant d’une cuisante défaite une pseudo-victoire (Hammond, 1990, p. 33).


8 janvier 63 : L’ambassadeur Nolting donne une tardive conférence de presse sur la bataille d’Ap Bac.


9 janvier 63 : 2 646 hommes de l’intendance américaine se trouvent alors au S-V. Arrivée des premiers hélicoptères de combat, des patrouilles de reconnaissances aériennes et de dragueurs de mines (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 109).


11 janvier 63 : L’amiral Felt (commandant les forces navales du Pacifique), de retour du Vietnam pour Washington, reconnaît à demi-mots l’amertume des conseillers militaires confrontés à ce qu’ils considèrent comme une forme d’ingratitude des S-V : « C’est comme dans une famille, quand le père est parfois déçu par son fils ou son épouse […] Mais d’une façon générale, nous nous entendons bien. C’est le contraire qui est exceptionnel. » (cité in Chaffard, 1969, p. 306, note 2).


14 janvier 63 : Dans son message sur l’état de l’Union, Kennedy déclare : « Au Vietnam, le fer de lance de l’agression [communiste] est émoussé. » Ce message reflète l’optimisme trompeur qui règne toujours début 1963 à la Maison Blanche au sujet du Vietnam. Il est relayé par les militaires, notamment l’amiral Felt (commandant les forces navales du Pacifique) qui, de retour du Vietnam, prédit une victoire dans un délai de trois ans (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 194).


15 janvier 63 : Retour de Hilsman et Forrestal (collaborateurs d’Harriman) du Vietnam (voir 28 décembre 1962). Ils rapportent des avis négatifs tant sur le régime de Diem que sur le nombre de tués dans les rangs vietcong ou le bilan des hameaux stratégiques. Forrestal prévoit quant à lui une guerre longue et coûteuse (Halberstam, 1974, pp. 245-246). Ils estiment, dans une annexe ajoutée à leur rapport adressée à Kennedy, que la politique américaine est une politique de pas à pas qui n’est fondée sur aucun véritable dessein politique. Ils constatent également les malentendus entre civils et militaires américains qui sont impliqués au Vietnam et le manque de coordination entre les différents départements et agences qui y agissent.


17 janvier 63 : Un télégramme de l’ambassadeur de France au N-V, Roger Lalouette, évoque un HCM « inquiet des manœuvres de la faction sinophile [qui a] brusquement décidé de donner un énergique coup de barre pour se rapprocher de Moscou » en procédant à des remaniements ministériels. C’est en fait une simple manœuvre pour gagner du temps (Marangé, 2012, p. 305).

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