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Début janvier 61 : De retour du Vietnam, le général de brigade Lansdale (spécialiste américain des opérations de contre-guérilla depuis 1954) adresse au Pentagone un mémorandum dans lequel il écrit : « Les États-Unis devraient reconnaître que le Vietnam est dans un état critique et devrait être considéré comme un front de la guerre froide, une zone nécessitant un traitement d’urgence. » (cité ''in'' Tenenbaum, 2010, p. 125) Par le biais de Rostow (directeur de la planification politique du département d’État), ce mémorandum sera adressé à Kennedy qui, contrairement à la plupart des « généraux d’administration » américains (Taylor excepté), croit en l’efficacité de cette technique de combat qu’il nomme « guerre souterraine ». Il a lu certains écrits de Mao et Che Guevara sur le sujet et croit pouvoir les contrer. Il donne des instructions pour que le Centre d’instruction de Fort Bragg (Caroline du Nord) puisse se spécialiser sur cette question (Schlesinger, 1966, pp. 312-313). | |||
Janvier 61 : Au Laos, les Britanniques réagissent à l’opposition affichée de l’administration Eisenhower contre le neutralisme du gouvernement de Souvanna Phouma à nouveau déchu (voir 13 - 16 décembre 1960). Ils envoient une note à l’U.R.S.S. recommandant une remise en vigueur de la C.I.C. issue des accords de Genève de 1954 (Schlesinger, 1966, p. 301). | |||
4 janvier 61 : Kong Le et ses désormais « Force armées neutralistes » qui s’étaient repliées en ordre et avaient fait jonction avec le Pathet Lao après le chute de Vientiane tiennent une partie de la plaine des Jarres. La situation y demeure préoccupante pour les Américains du fait de cette double occupation (voir 19 janvier). | |||
7 janvier 61 : Khrouchtchev adresse une lettre aux dirigeants indonésien, laotien, cambodgien, indien et français, tous favorables à une solution neutraliste, pour dénoncer l’ingérence croissante des U.S.A. au Laos (Marangé, 2012, p. 297, note 15) | |||
18 janvier 61 : À la Conférence des partis communistes de Moscou, Khrouchtchev fait savoir qu’il veut éviter un conflit nucléaire avec les U.S.A. mais fait aussi savoir que l’U.R.S.S. soutiendrait '''« les guerres de libération et les soulèvements populaires »''' dans les nations défavorisées du tiers-monde. | |||
'''L’administration Kennedy va percevoir ce discours comme un défi qui lui est adressé''' alors que, par la suite, de très hauts fonctionnaires soviétiques révèleront que les propos de Khrouchtchev s’adressaient moins aux Américains qu’aux Chinois. '''Les États-Unis entendent désormais faire cesser les conflits de guérillas''', notamment Robert Kennedy qui est suivi par d’autres membres de la future administration Kennedy (dont Roger Hilsman, Walt Rostow, l’adjoint de McGeorge Bundy, qui qualifiait HCM et Che Guevara de « charognards de la Révolution ») (Sheehan, 1990, p. 82 ; Halberstam, 1974, pp. 149-151). | |||
19 janvier 61 : Eisenhower reçoit Kennedy et sa future équipe en vue de la passation de pouvoirs. Selon McN qui assiste à l’entretien, '''« ce qui préoccupait surtout Eisenhower dans cette partie de la discussion était en réalité le Laos, non le Vietnam. »''' Eisenhower est « hésitant sur l’orientation à prendre » mais pense, selon la théorie des dominos qu’il a élaborée dès avril 1954, que « si le Laos est perdu pour le monde libre, à long terme nous perdrons l’ensemble de l’Asie du Sud-est. » (McNamara, 1996, p. 49). | |||
Selon David Halberstam, « ce fut une sinistre entrevue. » Eisenhower aurait préconisé de faire appel à l’O.T.A.S.E. ou à la Commission de contrôle internationale pour le Laos (C.I.C., issue des accords de Genève de 1954). Un appui des Anglais est souhaitable mais les Américains savent qu’il faudra sans doute y aller seuls. A la question de Kennedy sur les délais pour amener des troupes au Laos, Gates (secrétaire d’État à la Défense d’Eisenhower) évoque une durée de 12 à 17 jours. | |||
Selon le même, « Kennedy sortit de cette entrevue fortement ébranlé. » (Halberstam, 1974, p. 107) Schlesinger note que « pendant ses deux premiers mois de présidence [Kennedy] consacra probablement plus de temps au Laos qu’à quoi que ce soit. » Le président exige des rapports quotidiens de l’ambassade américaine (Schlesinger, 1966, p. 302) | |||
20 janvier 61 : '''Prise de fonction de J.F. Kennedy à la Maison Blanche'''. | |||
Il s’entoure en autres de Dean Rusk (secrétaire d’État), de McGeorge Bundy (conseiller à la Sécurité nationale), de Maxwell Taylor (conseiller militaire), de Robert MacNamara (secrétaire d’État à la Défense) qui confie rétrospectivement dans ses mémoires : « Mais tout cela était bien loin de faire de moi un expert de l’Asie orientale. Je n’avais jamais visité l’Indochine et je ne comprenais rien à son histoire, à sa culture, à ses valeurs. » Il affirme qu’il en était de même des personnages cités plus haut : « Quand il s’agissait du Vietnam, nous nous trouvions en position de décider d’une politique pour une ''terra incognita.'' » Il écrit encore plus loin en parlant d’HCM : « Nous le percevions comme un communiste, et ensuite seulement comme un nationaliste vietnamien. » (McNamara, 1996, p. 46) | |||
L’équipe de Kennedy a, de plus, une vision monolithique du bloc communiste et méconnaît ses variantes asiatiques, notamment la chinoise. | |||
Selon Sheenhan, avec l’avènement de l’administration Kennedy se met en place ou se prolonge et se prolongera « un État centralisé bien plus puissant que tout le reste, pour qui l’ennemi n’est pas simplement l’économiste mais tout le reste, sa presse, son système judiciaire, son Congrès, les gouvernements étrangers et amis – tous sont autant d’ennemis potentiels. [Kennedy] avait survécu et s’était perpétué en utilisant souvent le problème de l’anticommunisme comme une arme contre les autres branches du gouvernement et contre la presse, et, en fin de compte, il ne fonctionne pas nécessairement pour le bénéfice de la République, mais plutôt pour ses propres fins ; il a son code à lui, très différent du code public. » (Sheenhan cité par Halberstam, 1974, p. 427). Sheenhan reproche également à la future administration Kennedy un certain manque d’imagination : « Ainsi l’appareil de Sécurité Nationale maintenait-il sa continuité, chaque président sortant avait-il tendance à se rallier au camp du président nouvellement installé. » (Ibid.) | |||
Dans son discours d’investiture, Kennedy sait immédiatement se faire menaçant en matière de politique étrangère : « Que chaque nation, qu’elle souhaite le meilleur comme le pire, sache que nous paierons le prix, que nous peinerons, que nous ferons face, que nous aiderons nos amis et combattrons nos ennemis afin d’assurer la survie et le triomphe de la liberté. » (cité ''in'' Johnson, 1972, p. 74) | |||
Radio Hanoi annonce la création du Front de libération du S-V (F.N.L.) (voir 19 - 20 décembre 1960). | |||
28 janvier 61 : Kennedy avalise un plan de lutte anti-insurrectionnel chargé d’élaborer des programmes de développement économique, social et politique destinés à enrayer la propagation de la guérilla communiste au S-V (Pericone, 2014, p. 18). | |||
Au Cambodge, seizième gouvernement du Sangkum : gouvernement Sihanouk qui demeurera en place jusqu’au 17 novembre (Jennar, 1995, p. 157). |
Dernière version du 23 juin 2025 à 13:21
Début janvier 61 : De retour du Vietnam, le général de brigade Lansdale (spécialiste américain des opérations de contre-guérilla depuis 1954) adresse au Pentagone un mémorandum dans lequel il écrit : « Les États-Unis devraient reconnaître que le Vietnam est dans un état critique et devrait être considéré comme un front de la guerre froide, une zone nécessitant un traitement d’urgence. » (cité in Tenenbaum, 2010, p. 125) Par le biais de Rostow (directeur de la planification politique du département d’État), ce mémorandum sera adressé à Kennedy qui, contrairement à la plupart des « généraux d’administration » américains (Taylor excepté), croit en l’efficacité de cette technique de combat qu’il nomme « guerre souterraine ». Il a lu certains écrits de Mao et Che Guevara sur le sujet et croit pouvoir les contrer. Il donne des instructions pour que le Centre d’instruction de Fort Bragg (Caroline du Nord) puisse se spécialiser sur cette question (Schlesinger, 1966, pp. 312-313).
Janvier 61 : Au Laos, les Britanniques réagissent à l’opposition affichée de l’administration Eisenhower contre le neutralisme du gouvernement de Souvanna Phouma à nouveau déchu (voir 13 - 16 décembre 1960). Ils envoient une note à l’U.R.S.S. recommandant une remise en vigueur de la C.I.C. issue des accords de Genève de 1954 (Schlesinger, 1966, p. 301).
4 janvier 61 : Kong Le et ses désormais « Force armées neutralistes » qui s’étaient repliées en ordre et avaient fait jonction avec le Pathet Lao après le chute de Vientiane tiennent une partie de la plaine des Jarres. La situation y demeure préoccupante pour les Américains du fait de cette double occupation (voir 19 janvier).
7 janvier 61 : Khrouchtchev adresse une lettre aux dirigeants indonésien, laotien, cambodgien, indien et français, tous favorables à une solution neutraliste, pour dénoncer l’ingérence croissante des U.S.A. au Laos (Marangé, 2012, p. 297, note 15)
18 janvier 61 : À la Conférence des partis communistes de Moscou, Khrouchtchev fait savoir qu’il veut éviter un conflit nucléaire avec les U.S.A. mais fait aussi savoir que l’U.R.S.S. soutiendrait « les guerres de libération et les soulèvements populaires » dans les nations défavorisées du tiers-monde.
L’administration Kennedy va percevoir ce discours comme un défi qui lui est adressé alors que, par la suite, de très hauts fonctionnaires soviétiques révèleront que les propos de Khrouchtchev s’adressaient moins aux Américains qu’aux Chinois. Les États-Unis entendent désormais faire cesser les conflits de guérillas, notamment Robert Kennedy qui est suivi par d’autres membres de la future administration Kennedy (dont Roger Hilsman, Walt Rostow, l’adjoint de McGeorge Bundy, qui qualifiait HCM et Che Guevara de « charognards de la Révolution ») (Sheehan, 1990, p. 82 ; Halberstam, 1974, pp. 149-151).
19 janvier 61 : Eisenhower reçoit Kennedy et sa future équipe en vue de la passation de pouvoirs. Selon McN qui assiste à l’entretien, « ce qui préoccupait surtout Eisenhower dans cette partie de la discussion était en réalité le Laos, non le Vietnam. » Eisenhower est « hésitant sur l’orientation à prendre » mais pense, selon la théorie des dominos qu’il a élaborée dès avril 1954, que « si le Laos est perdu pour le monde libre, à long terme nous perdrons l’ensemble de l’Asie du Sud-est. » (McNamara, 1996, p. 49).
Selon David Halberstam, « ce fut une sinistre entrevue. » Eisenhower aurait préconisé de faire appel à l’O.T.A.S.E. ou à la Commission de contrôle internationale pour le Laos (C.I.C., issue des accords de Genève de 1954). Un appui des Anglais est souhaitable mais les Américains savent qu’il faudra sans doute y aller seuls. A la question de Kennedy sur les délais pour amener des troupes au Laos, Gates (secrétaire d’État à la Défense d’Eisenhower) évoque une durée de 12 à 17 jours.
Selon le même, « Kennedy sortit de cette entrevue fortement ébranlé. » (Halberstam, 1974, p. 107) Schlesinger note que « pendant ses deux premiers mois de présidence [Kennedy] consacra probablement plus de temps au Laos qu’à quoi que ce soit. » Le président exige des rapports quotidiens de l’ambassade américaine (Schlesinger, 1966, p. 302)
20 janvier 61 : Prise de fonction de J.F. Kennedy à la Maison Blanche.
Il s’entoure en autres de Dean Rusk (secrétaire d’État), de McGeorge Bundy (conseiller à la Sécurité nationale), de Maxwell Taylor (conseiller militaire), de Robert MacNamara (secrétaire d’État à la Défense) qui confie rétrospectivement dans ses mémoires : « Mais tout cela était bien loin de faire de moi un expert de l’Asie orientale. Je n’avais jamais visité l’Indochine et je ne comprenais rien à son histoire, à sa culture, à ses valeurs. » Il affirme qu’il en était de même des personnages cités plus haut : « Quand il s’agissait du Vietnam, nous nous trouvions en position de décider d’une politique pour une terra incognita. » Il écrit encore plus loin en parlant d’HCM : « Nous le percevions comme un communiste, et ensuite seulement comme un nationaliste vietnamien. » (McNamara, 1996, p. 46)
L’équipe de Kennedy a, de plus, une vision monolithique du bloc communiste et méconnaît ses variantes asiatiques, notamment la chinoise.
Selon Sheenhan, avec l’avènement de l’administration Kennedy se met en place ou se prolonge et se prolongera « un État centralisé bien plus puissant que tout le reste, pour qui l’ennemi n’est pas simplement l’économiste mais tout le reste, sa presse, son système judiciaire, son Congrès, les gouvernements étrangers et amis – tous sont autant d’ennemis potentiels. [Kennedy] avait survécu et s’était perpétué en utilisant souvent le problème de l’anticommunisme comme une arme contre les autres branches du gouvernement et contre la presse, et, en fin de compte, il ne fonctionne pas nécessairement pour le bénéfice de la République, mais plutôt pour ses propres fins ; il a son code à lui, très différent du code public. » (Sheenhan cité par Halberstam, 1974, p. 427). Sheenhan reproche également à la future administration Kennedy un certain manque d’imagination : « Ainsi l’appareil de Sécurité Nationale maintenait-il sa continuité, chaque président sortant avait-il tendance à se rallier au camp du président nouvellement installé. » (Ibid.)
Dans son discours d’investiture, Kennedy sait immédiatement se faire menaçant en matière de politique étrangère : « Que chaque nation, qu’elle souhaite le meilleur comme le pire, sache que nous paierons le prix, que nous peinerons, que nous ferons face, que nous aiderons nos amis et combattrons nos ennemis afin d’assurer la survie et le triomphe de la liberté. » (cité in Johnson, 1972, p. 74)
Radio Hanoi annonce la création du Front de libération du S-V (F.N.L.) (voir 19 - 20 décembre 1960).
28 janvier 61 : Kennedy avalise un plan de lutte anti-insurrectionnel chargé d’élaborer des programmes de développement économique, social et politique destinés à enrayer la propagation de la guérilla communiste au S-V (Pericone, 2014, p. 18).
Au Cambodge, seizième gouvernement du Sangkum : gouvernement Sihanouk qui demeurera en place jusqu’au 17 novembre (Jennar, 1995, p. 157).