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par Jean-François Jagielski

« Octobre 1952 » : différence entre les versions

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Octobre 52 : La justice militaire demande la levée de l’immunité parlementaire des principaux dirigeants communistes. Cette demande sera finalement rejetée (voir 6 novembre 1953) (Navarre, 1956, p. 113).


Les services de contre-espionnage français parviennent à casser une partie des codes du VM : Giap dirige ses troupes sur Na San (ouest d’Hanoi) et semble ignorer l’importance des troupes stationnées dans le camp fortifié (Wainstock, Miller, 2019, p. 118).
1<sup>er</sup> octobre 52 : Les bilans présentés pour la période du 28 juin au 1<sup>er</sup> octobre mentionnent 114 villages fouillés par les 5 G.A.M.O. (voir 26 mars et 19 août), 90 700 personnes recensées,   10 000 ralliements, 527 Vietminh arrêtés, 67 000 tracts distribués, 443 conférences tenues,    97 616 vaccinations anticholériques et antivarioliques accomplies, soit au total plus 43 571 soins et traitements (Le Page, 2007, p. 5).
4 octobre 52 : Le service de renseignement français indique à Salan une concentration du VM au nord et au sud de Yen Bay. De Linarès met en alerte tout le Nord-Ouest.
5 octobre 52 : Salan reçoit le secrétaire d’État à la Défense, De Chevigné. Visite de la Cochinchine et du Sud-Annam « où tout est en ordre ». Salan demeure cependant inquiet pour le Tonkin.
7 octobre 52 : Comme annoncé lors de la réunion du 6 au 9 septembre, les troupes du VM franchissent le Fleuve Rouge au niveau de Yen Bai et pénètrent dans les territoires du Nord-Ouest (Giap 2, 2004, p. 257). Les services de renseignement français, pris au dépourvu, ont du mal à évaluer l’ampleur de l’offensive du fait d’un changement du système de code du ravitaillement opéré en juin (Cadeau, 2019, p. 423).
9 octobre 52 : Dans une circulaire, le comité exécutif du Parti ouvrier vietnamien du district de Dong Trieu rapporte que « le G.A.M.O. constitue une forme politique très efficace créée par les fantoches pour servir la pacification menée par les pirates français et tromper les pacifistes, les mécontents, etc. » (cité ''in'' Cadeau, 2019, p. 413)
11 octobre 52 : Au sujet des G.A.M.O., De Linarès écrit : «  J’ai été très heureux de constater chez les diverses autorités militaires ayant été en rapport direct avec les G.A.M.O., la satisfaction qu’elles ont éprouvée depuis quelques temps dans leur coopération avec ces organismes si importants de l’administration du Nord-Vietnam, [...], les bilans d’action des G.A.M.O. font d’ailleurs clairement ressortir les défaites qu’ils ne cessent d’infliger aux rebelles sur les plans moral, social, politique dans les villages récemment libérés [...] » La réalité des actions des G.A.M.O. est en fait beaucoup plus nuancée que ce qu’en dit De Linarès : encadrement et qualité du personnel insuffisants, manque de moyens, la direction des G.A.M.O. d’Hanoi refuse d’admettre sa subordination aux chefs de province, la propagande a un caractère essentiellement publicitaire et on déplore un manque de cohésion des équipes (Le Page, 2007, pp. 4-5). S’y ajoutent des problèmes de concussion et/ou de relations parfois orageuses entre les cadres civils vietnamiens et les militaires au sein de ces structures franco-vietnamiennes.
Premiers contacts entre le VM et les Français au niveau des postes qui couvrent la localité de Nghia Lo.
11 - 17 octobre 52 : Offensive vietminh en Haute-Région sur la Rivière Noire à l’ouest de Nghia Lo. '''Les Français sont contraints d’abandonner les avant-postes qui couvraient Ngia Lo''' après de rudes combats et de lourdes pertes. La manœuvre vietminh en direction du sud, à travers le Laos ne fait plus de doute. La route du pays thaï est ouverte au Vietminh.
15 octobre 52 : Courrier de Salan à De Linarès : la menace se précise sur Nghia Lo et Son La. « Les éléments connus ne nous permettent pas encore de déterminer la manœuvre, aussi je pense qu’il faut laisser se développer l’affaire vietminh avant d’agir. » (cité ''in'' Salan 2, 1971, p. 330) Pour autant, selon Giap, De Linarès ordonne le déplacement d’un bataillon de légionnaires de Na San pour renforcer la défense de Son La (Giap 2, 2004, p. 261).  
Salan reçoit une délégation militaire thaïlandaise. Face à leurs inquiétudes sur la situation actuelle, il en profite pour leur demander une aide pour le ravitaillement en vivres vers les villes situées entre Vientiane et Paksé (Salan 2, 1971, p. 342).
16 octobre 52 : Devançant les ordres de Salan, De Linarès fait parachuter le 6<sup>e</sup> B.C.P. du commandant Bigeard à Tu Le, à 10 km de Gia Hoï (pays thaï, au nord de Nghia Lo). Il s’installe sur un piton qui domine le poste et la cuvette et récupère en passant la garnison du poste de Gia Hoï. Après la chute annoncée de Nghia Lo, le commandement va se trouver préoccupé par un deuxième problème : le sort du 6<sup>e</sup> B.C.P. qui n’a pas eu le temps d’intervenir pour sauver ce poste (Bigeard, 1997, pp. 104-115 ; carte ''in'' Bigeard, 1997, p. 114).
Le colonel Playe (commandant du Génie) reçoit l’ordre de désigner 2 de ses officiers  pour se rendre à Na San et y mettre à l’abri la piste d’aviation d’un coup de main du VM (Cadeau, 2019, p 434).
17 octobre 52 : Après celle de la campagne d’octobre 1951, Giap lance une nouvelle attaque sur '''Nghia Lo''' (sud-ouest de Yen Bay) vers 17 h 00 avec la division 308 contre 2 postes défendant le village tenus chacun par une compagnie. Giap ne commet pas les mêmes erreurs que l’année précédente : les 2 postes, haut et bas, sont écrasés d’obus. Celui du haut tombe vers 21 heures et ne peut donc plus protéger celui du bas qui tombera le lendemain. L’intervention de l’aviation n’y peut rien faire. Salan informe à 22 heures Letourneau (États associés) et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) de la situation, au cours d’une réception en l’honneur de ce dernier qui a lieu à Saigon. Ils disent vouloir se rendre sur place (Salan 2, 1971, p. 331).
HCM répond à l’invitation que lui a adressée Staline « du bout des lèvres » pour se rendre incognito et de manière non officielle au XIX<sup>e</sup> congrès du parti communiste soviétique (voir 30 septembre). Dans cette réponse, HCM demande à associer le président chinois Liu Shao Qi aux discussions sur le Vietnam (voir 28 octobre) (Marangé, 2012, p. 193).
Arrivée à Na San des 2 sapeurs désignés la veille par le colonel Playe (Cadeau, 2019, p. 434).
18 octobre 52 : De Linarès informe Salan de la perte des 2 postes (haut et bas) de Nghia Lo. Le poste haut est tombé la veille, vers minuit. Salan part de Saigon pour l’état-major d’Hanoi puis se rend en avion avec Letourneau et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) pour Nghia Lo. De là, il part pour Na San où il donne des ordres qui seront rédigés par écrit le 19 au soir pour être donnés à De Linarès : « Il faut réaliser autour du terrain d’aviation de Na San un ensemble de points forts avec points d’appui battus par l’artillerie, plaçant le terrain à l’abri de toute attaque ennemie. Na San devient la base d’où nous lancerons nos opérations offensives contre les divisions vietminh et où nous pourrons attendre leur choc. » Le but de la manœuvre est d’empêcher la perte totale du pays thaï qui est toujours resté fidèle aux Français. Letourneau et De Chevigné approuvent (Salan 2, 1971, p. 333).
'''Salan réagit à la perte de Nghia Lo et inaugure la stratégie des camps retranchés en fortifiant Na San''' (proche de Son La sur la R.P. 41, au cœur du pays thaï) pour barrer la route du Laos. C’est la constitution d’un premier « hérisson » qui doit obliger l’ennemi à ne pas s’esquiver et combattre. Un pont aérien sera établi pour fortifier la localité dont Salan fait protéger la piste d’atterrissage (voir 19 novembre). C’est ce type de tactique qui sera adopté ultérieurement ailleurs, notamment à Dien Bien Phu (Gras, 1979, pp. 474-478 ; Salan 2, 1971, p. 332).
19 octobre 52 : A 5 heures, '''Nghia Lo, submergé, tombe définitivement'''. Salan donne l’ordre de repli des postes dispersés le long de la  R.P. 41 de Hanoi à Lai Chau sur Na San et Lai Chau. Bigeard, qui connaît bien la région depuis 1947, reçoit l’ordre de quitter Tu Le et de se rendre sans attendre sur Na San (120 km de pistes), en repliant au passage les postes de la Haute et Moyenne Région situés sur la rive droite de la Rivière Noire.
20 octobre 52 : A 2 heures, Salan est informé que le bataillon de Bigeard, toujours à Tu Le, est attaqué mais résiste.
Salan part à 8 heures avec Letourneau sur place. Il réitère son ordre de repli à Bigeard avec l’appui du 56<sup>e</sup> bataillon vietnamien. Bigeard se met en route à 13 heures, avec ses blessés. Mais dès 17 heures, son arrière-garde est harcelée.
Création du Groupement opérationnel de la moyenne Rivière Noire qui doit prendre en compte les combats en pays thaï. Son commandement est donné au colonel Gilles, adjoint de De Linarès (Cadeau, 2019, p 426).
A Na San, le chef de bataillon Casso arrivé le 17 est nommé commandant du Génie et conseiller technique du général commandant le Groupement opérationnel de la Moyenne Rivière Noire. Il établit avec son équipe, après avoir examiné la configuration géographique, les premiers schémas d’organisation du terrain, esquisse un calendrier de travail et dresse un inventaire des ressources locales en main d’œuvre et matériaux pour renforcer les abris de la base. A cette date, il ne connaît ni les effectifs définitifs de la base aéroterrestre ni la date à laquelle le VM arrivera au contact (Cadeau, 2019, p. 434).
21 octobre 52 : A 3 heures, la colonne de Bigeard se regroupe péniblement vers le poste de Muong Chen où il est en grande difficulté : 70 tués et blessés, plus de ravitaillement. Il demande le soutien de l’aviation qui l’épaule et le ravitaille. Il sera soutenu par une trentaine d’avions. De Linarès et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) sont dans l’un d’eux. Puis c’est la dispersion. Au final, très peu d’hommes rejoindront Na San (voir 24 octobre).
22 octobre 52 : A 9 heures, une colonne de secours entre en contact avec ce qui reste de la colonne Bigeard et qui a progressé par une étroite piste parsemée de cols.
23 octobre 52 : La colonne Bigeard atteint Na San. Son épopée est reprise dans la presse métropolitaine et son commandant est mis pour la première fois en valeur.
24 octobre 52 : Les éléments rescapés de la colonne Bigeard (300 hommes avec les postes repliés) parviennent à Na San (sud-est de Son La) et, de là, seront rapatriés sur Hanoi par avion (voir 28 octobre). Bigeard, souffrant d’une importante contusion depuis le début de l’affaire et exténué, est pris en charge par un avion et se rend directement chez De Linarès (Bigeard, 1997, pp. 104-115).
27 octobre 52 : Salan lance une action de diversion pour laisser croire à un nouveau raid sur Hoa Binh (Cadeau, 2019, p. 427). Elle précède l’action ''Lorraine''.
28 octobre 52 : '''Un plan complet de fortification de Na San''' (sud-est de Son La) '''est élaboré.''' 10 points d’appui seront fortifiés sur les collines qui dominent et entourent la piste d’atterrissage.
En l’honneur de la colonne Bigeard et dans un but de pure propagande est organisée à Hanoi une imposante cérémonie de remise de décorations aux parachutistes du 6<sup>e</sup> B.C.P. Ce qui n’ira pas sans suscite des polémiques au sein du corps expéditionnaire (Cadeau, 2019, p. 621, note 8). Bigeard reçoit la cravate de commandeur de la Légion d’honneur des mains de Letourneau et nombre de distinctions seront remises aux rescapés. Un repas est organisé en leur honneur à Hanoi en présence de Salan, De Linarès « et de hautes autorités » (Bigeard, 1997, p. 115).
Lors du XIX<sup>e</sup> congrès du parti communiste soviétique auquel HCM a été invité « de façon non officielle » est organisée une rencontre entre le dirigeant vietnamien, Staline et le président chinois Liu Shao Qi. HCM avait été demandeur de cette rencontre entre Russes et Chinois. Le président chinois avait demandé avant cette réunion à ce qu’y soit abordée la question de la réforme agraire au Vietnam. HCM voulait quant à lui s’en tenir à une simple réduction des fermages. Mais, sous la pression conjuguée des Russes (voir 10 février 1950) et des Chinois, il est obligé de se plier à leur exigence commune. HCM actera cette décision le 31, moins par conviction que dans l’espoir de continuer à recevoir une aide militaire des Soviétiques et des Chinois. C’est aussi un moyen pour améliorer ses relations très tendues avec Staline (Marangé, 2012, p. 184). A l’occasion de cette rencontre, HCM, Liu Shaoqui et Staline discutent également de nouvelles opérations en Indochine septentrionale (Goscha, 2000, p. 22).
29 octobre - 18 novembre 52 : '''Opération ''Lorraine''''' (carte ''in'' Salan 2, 1971, p. 339 ; Fall, 2020, p. 104). Cette grosse opération terrestre et aéroportée (30 000 hommes) a une portée retardatrice permettant l’installation du camp retranché de Na San. Elle est dirigée par le colonel Dodelier (commandant la zone Ouest) et dispose de 4 G.M. (G.M. 1, 3, 4 et 5), un groupement de parachutistes de 2 350 hommes (1<sup>er</sup> et 2<sup>e</sup> B.E.P., 3<sup>e</sup> B.P.C.), de 2 sous-groupements de blindés et de nombreuses unités du génie (en vue de nombreux franchissements de rivières).
Elle vise dans un premier temps les voies de communication du VM et surtout un important dépôt de matériel camouflé et disséminé, situé à Phu Doan (au nord de Vietri), capable d’alimenter les prétentions de Giap en pays thaï. Le 9 novembre, il est localisé et neutralisé, non sans difficultés du fait de la présence d’unités régionales pour le défendre. C’est à cette occasion que seront découverts 3 premiers camions ''Molotova'' russes, une jeep, 150 tonnes de munitions, 1 500 fusils, 100 mitrailleuses, 22 mitraillettes, 30 fusils-mitrailleurs, 56 mortiers de tous calibres, 23 bazookas et 3 canons sans recul (Salan 2, 1971, pp. 337-340 ; Cadeau, Cochet, Porte, 2021, pp. 584-585 ; Fall, 2020, p. 111 ; Cadeau, 2019, pp. 426-432 ; Rocolle, 1968, pp. 165-167).
Les forces françaises conduisent ensuite une vaste opération dans la région comprise entre la Rivière Claire et le Fleuve Rouge dans le dessein d’alléger le front de Na San tout en s’efforçant de désorganiser le ravitaillement et la logistique des troupes du VM. L’opération ne réussit que partiellement, quoiqu’en dise Salan : un seul régiment vietminh est détourné de Na San. Mais ces combats retardateurs permettent la finalisation du camp retranché dont le VM ignore pour l’instant la finalité tactique.
Le 14, considérant les objectifs atteints, le commandement français décide de stopper l’opération sous la menace d’un renforcement des troupes du VM et de menaces sur le Delta vidé de troupes franco-vietnamiennes. Dans la nuit du 13 au 14, 3 000 hommes de la division 320 tentent de s’emparer sans succès des postes protégeant Phat Diem dans la zone des Évêchés. Le retour des G.M. dans la ligne De Lattre s’effectue dans de bonnes conditions, excepté pour le G.M. 4 qui tombe dans une embuscade du régiment 36 (division 308) dans le défilé de Chan Mong (20 km au nord de Phu To sur la R.N. 2). Ces combats atteignent un haut de gré de violence puisqu’on en vient au corps à corps (Gras, 1979, pp. 479-482 ; Salan 2, 1971, pp. 337-341 ; Fall, 2020, pp. 100-124).
Fin octobre 52 : Salan reçoit l’amiral Radford, commandant américain de la flotte du Pacifique. C’est un ami du futur président Eisenhower (voir 4 novembre) qui deviendra président du comité des chefs d’état-major. Les réunions de travail permettent d’approfondir la question de l’aide américaine, notamment celle des pièces de rechange pour l’aviation (Salan 2, 1971, p. 343).

Dernière version du 8 juin 2025 à 16:50

Octobre 52 : La justice militaire demande la levée de l’immunité parlementaire des principaux dirigeants communistes. Cette demande sera finalement rejetée (voir 6 novembre 1953) (Navarre, 1956, p. 113).

Les services de contre-espionnage français parviennent à casser une partie des codes du VM : Giap dirige ses troupes sur Na San (ouest d’Hanoi) et semble ignorer l’importance des troupes stationnées dans le camp fortifié (Wainstock, Miller, 2019, p. 118).


1er octobre 52 : Les bilans présentés pour la période du 28 juin au 1er octobre mentionnent 114 villages fouillés par les 5 G.A.M.O. (voir 26 mars et 19 août), 90 700 personnes recensées,   10 000 ralliements, 527 Vietminh arrêtés, 67 000 tracts distribués, 443 conférences tenues,    97 616 vaccinations anticholériques et antivarioliques accomplies, soit au total plus 43 571 soins et traitements (Le Page, 2007, p. 5).


4 octobre 52 : Le service de renseignement français indique à Salan une concentration du VM au nord et au sud de Yen Bay. De Linarès met en alerte tout le Nord-Ouest.


5 octobre 52 : Salan reçoit le secrétaire d’État à la Défense, De Chevigné. Visite de la Cochinchine et du Sud-Annam « où tout est en ordre ». Salan demeure cependant inquiet pour le Tonkin.


7 octobre 52 : Comme annoncé lors de la réunion du 6 au 9 septembre, les troupes du VM franchissent le Fleuve Rouge au niveau de Yen Bai et pénètrent dans les territoires du Nord-Ouest (Giap 2, 2004, p. 257). Les services de renseignement français, pris au dépourvu, ont du mal à évaluer l’ampleur de l’offensive du fait d’un changement du système de code du ravitaillement opéré en juin (Cadeau, 2019, p. 423).


9 octobre 52 : Dans une circulaire, le comité exécutif du Parti ouvrier vietnamien du district de Dong Trieu rapporte que « le G.A.M.O. constitue une forme politique très efficace créée par les fantoches pour servir la pacification menée par les pirates français et tromper les pacifistes, les mécontents, etc. » (cité in Cadeau, 2019, p. 413)


11 octobre 52 : Au sujet des G.A.M.O., De Linarès écrit : «  J’ai été très heureux de constater chez les diverses autorités militaires ayant été en rapport direct avec les G.A.M.O., la satisfaction qu’elles ont éprouvée depuis quelques temps dans leur coopération avec ces organismes si importants de l’administration du Nord-Vietnam, [...], les bilans d’action des G.A.M.O. font d’ailleurs clairement ressortir les défaites qu’ils ne cessent d’infliger aux rebelles sur les plans moral, social, politique dans les villages récemment libérés [...] » La réalité des actions des G.A.M.O. est en fait beaucoup plus nuancée que ce qu’en dit De Linarès : encadrement et qualité du personnel insuffisants, manque de moyens, la direction des G.A.M.O. d’Hanoi refuse d’admettre sa subordination aux chefs de province, la propagande a un caractère essentiellement publicitaire et on déplore un manque de cohésion des équipes (Le Page, 2007, pp. 4-5). S’y ajoutent des problèmes de concussion et/ou de relations parfois orageuses entre les cadres civils vietnamiens et les militaires au sein de ces structures franco-vietnamiennes.

Premiers contacts entre le VM et les Français au niveau des postes qui couvrent la localité de Nghia Lo.


11 - 17 octobre 52 : Offensive vietminh en Haute-Région sur la Rivière Noire à l’ouest de Nghia Lo. Les Français sont contraints d’abandonner les avant-postes qui couvraient Ngia Lo après de rudes combats et de lourdes pertes. La manœuvre vietminh en direction du sud, à travers le Laos ne fait plus de doute. La route du pays thaï est ouverte au Vietminh.


15 octobre 52 : Courrier de Salan à De Linarès : la menace se précise sur Nghia Lo et Son La. « Les éléments connus ne nous permettent pas encore de déterminer la manœuvre, aussi je pense qu’il faut laisser se développer l’affaire vietminh avant d’agir. » (cité in Salan 2, 1971, p. 330) Pour autant, selon Giap, De Linarès ordonne le déplacement d’un bataillon de légionnaires de Na San pour renforcer la défense de Son La (Giap 2, 2004, p. 261).  

Salan reçoit une délégation militaire thaïlandaise. Face à leurs inquiétudes sur la situation actuelle, il en profite pour leur demander une aide pour le ravitaillement en vivres vers les villes situées entre Vientiane et Paksé (Salan 2, 1971, p. 342).


16 octobre 52 : Devançant les ordres de Salan, De Linarès fait parachuter le 6e B.C.P. du commandant Bigeard à Tu Le, à 10 km de Gia Hoï (pays thaï, au nord de Nghia Lo). Il s’installe sur un piton qui domine le poste et la cuvette et récupère en passant la garnison du poste de Gia Hoï. Après la chute annoncée de Nghia Lo, le commandement va se trouver préoccupé par un deuxième problème : le sort du 6e B.C.P. qui n’a pas eu le temps d’intervenir pour sauver ce poste (Bigeard, 1997, pp. 104-115 ; carte in Bigeard, 1997, p. 114).

Le colonel Playe (commandant du Génie) reçoit l’ordre de désigner 2 de ses officiers  pour se rendre à Na San et y mettre à l’abri la piste d’aviation d’un coup de main du VM (Cadeau, 2019, p 434).


17 octobre 52 : Après celle de la campagne d’octobre 1951, Giap lance une nouvelle attaque sur Nghia Lo (sud-ouest de Yen Bay) vers 17 h 00 avec la division 308 contre 2 postes défendant le village tenus chacun par une compagnie. Giap ne commet pas les mêmes erreurs que l’année précédente : les 2 postes, haut et bas, sont écrasés d’obus. Celui du haut tombe vers 21 heures et ne peut donc plus protéger celui du bas qui tombera le lendemain. L’intervention de l’aviation n’y peut rien faire. Salan informe à 22 heures Letourneau (États associés) et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) de la situation, au cours d’une réception en l’honneur de ce dernier qui a lieu à Saigon. Ils disent vouloir se rendre sur place (Salan 2, 1971, p. 331).

HCM répond à l’invitation que lui a adressée Staline « du bout des lèvres » pour se rendre incognito et de manière non officielle au XIXe congrès du parti communiste soviétique (voir 30 septembre). Dans cette réponse, HCM demande à associer le président chinois Liu Shao Qi aux discussions sur le Vietnam (voir 28 octobre) (Marangé, 2012, p. 193).

Arrivée à Na San des 2 sapeurs désignés la veille par le colonel Playe (Cadeau, 2019, p. 434).


18 octobre 52 : De Linarès informe Salan de la perte des 2 postes (haut et bas) de Nghia Lo. Le poste haut est tombé la veille, vers minuit. Salan part de Saigon pour l’état-major d’Hanoi puis se rend en avion avec Letourneau et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) pour Nghia Lo. De là, il part pour Na San où il donne des ordres qui seront rédigés par écrit le 19 au soir pour être donnés à De Linarès : « Il faut réaliser autour du terrain d’aviation de Na San un ensemble de points forts avec points d’appui battus par l’artillerie, plaçant le terrain à l’abri de toute attaque ennemie. Na San devient la base d’où nous lancerons nos opérations offensives contre les divisions vietminh et où nous pourrons attendre leur choc. » Le but de la manœuvre est d’empêcher la perte totale du pays thaï qui est toujours resté fidèle aux Français. Letourneau et De Chevigné approuvent (Salan 2, 1971, p. 333).

Salan réagit à la perte de Nghia Lo et inaugure la stratégie des camps retranchés en fortifiant Na San (proche de Son La sur la R.P. 41, au cœur du pays thaï) pour barrer la route du Laos. C’est la constitution d’un premier « hérisson » qui doit obliger l’ennemi à ne pas s’esquiver et combattre. Un pont aérien sera établi pour fortifier la localité dont Salan fait protéger la piste d’atterrissage (voir 19 novembre). C’est ce type de tactique qui sera adopté ultérieurement ailleurs, notamment à Dien Bien Phu (Gras, 1979, pp. 474-478 ; Salan 2, 1971, p. 332).


19 octobre 52 : A 5 heures, Nghia Lo, submergé, tombe définitivement. Salan donne l’ordre de repli des postes dispersés le long de la  R.P. 41 de Hanoi à Lai Chau sur Na San et Lai Chau. Bigeard, qui connaît bien la région depuis 1947, reçoit l’ordre de quitter Tu Le et de se rendre sans attendre sur Na San (120 km de pistes), en repliant au passage les postes de la Haute et Moyenne Région situés sur la rive droite de la Rivière Noire.


20 octobre 52 : A 2 heures, Salan est informé que le bataillon de Bigeard, toujours à Tu Le, est attaqué mais résiste.

Salan part à 8 heures avec Letourneau sur place. Il réitère son ordre de repli à Bigeard avec l’appui du 56e bataillon vietnamien. Bigeard se met en route à 13 heures, avec ses blessés. Mais dès 17 heures, son arrière-garde est harcelée.

Création du Groupement opérationnel de la moyenne Rivière Noire qui doit prendre en compte les combats en pays thaï. Son commandement est donné au colonel Gilles, adjoint de De Linarès (Cadeau, 2019, p 426).

A Na San, le chef de bataillon Casso arrivé le 17 est nommé commandant du Génie et conseiller technique du général commandant le Groupement opérationnel de la Moyenne Rivière Noire. Il établit avec son équipe, après avoir examiné la configuration géographique, les premiers schémas d’organisation du terrain, esquisse un calendrier de travail et dresse un inventaire des ressources locales en main d’œuvre et matériaux pour renforcer les abris de la base. A cette date, il ne connaît ni les effectifs définitifs de la base aéroterrestre ni la date à laquelle le VM arrivera au contact (Cadeau, 2019, p. 434).


21 octobre 52 : A 3 heures, la colonne de Bigeard se regroupe péniblement vers le poste de Muong Chen où il est en grande difficulté : 70 tués et blessés, plus de ravitaillement. Il demande le soutien de l’aviation qui l’épaule et le ravitaille. Il sera soutenu par une trentaine d’avions. De Linarès et De Chevigné (secrétaire d’État à la Défense) sont dans l’un d’eux. Puis c’est la dispersion. Au final, très peu d’hommes rejoindront Na San (voir 24 octobre).


22 octobre 52 : A 9 heures, une colonne de secours entre en contact avec ce qui reste de la colonne Bigeard et qui a progressé par une étroite piste parsemée de cols.


23 octobre 52 : La colonne Bigeard atteint Na San. Son épopée est reprise dans la presse métropolitaine et son commandant est mis pour la première fois en valeur.


24 octobre 52 : Les éléments rescapés de la colonne Bigeard (300 hommes avec les postes repliés) parviennent à Na San (sud-est de Son La) et, de là, seront rapatriés sur Hanoi par avion (voir 28 octobre). Bigeard, souffrant d’une importante contusion depuis le début de l’affaire et exténué, est pris en charge par un avion et se rend directement chez De Linarès (Bigeard, 1997, pp. 104-115).


27 octobre 52 : Salan lance une action de diversion pour laisser croire à un nouveau raid sur Hoa Binh (Cadeau, 2019, p. 427). Elle précède l’action Lorraine.


28 octobre 52 : Un plan complet de fortification de Na San (sud-est de Son La) est élaboré. 10 points d’appui seront fortifiés sur les collines qui dominent et entourent la piste d’atterrissage.

En l’honneur de la colonne Bigeard et dans un but de pure propagande est organisée à Hanoi une imposante cérémonie de remise de décorations aux parachutistes du 6e B.C.P. Ce qui n’ira pas sans suscite des polémiques au sein du corps expéditionnaire (Cadeau, 2019, p. 621, note 8). Bigeard reçoit la cravate de commandeur de la Légion d’honneur des mains de Letourneau et nombre de distinctions seront remises aux rescapés. Un repas est organisé en leur honneur à Hanoi en présence de Salan, De Linarès « et de hautes autorités » (Bigeard, 1997, p. 115).

Lors du XIXe congrès du parti communiste soviétique auquel HCM a été invité « de façon non officielle » est organisée une rencontre entre le dirigeant vietnamien, Staline et le président chinois Liu Shao Qi. HCM avait été demandeur de cette rencontre entre Russes et Chinois. Le président chinois avait demandé avant cette réunion à ce qu’y soit abordée la question de la réforme agraire au Vietnam. HCM voulait quant à lui s’en tenir à une simple réduction des fermages. Mais, sous la pression conjuguée des Russes (voir 10 février 1950) et des Chinois, il est obligé de se plier à leur exigence commune. HCM actera cette décision le 31, moins par conviction que dans l’espoir de continuer à recevoir une aide militaire des Soviétiques et des Chinois. C’est aussi un moyen pour améliorer ses relations très tendues avec Staline (Marangé, 2012, p. 184). A l’occasion de cette rencontre, HCM, Liu Shaoqui et Staline discutent également de nouvelles opérations en Indochine septentrionale (Goscha, 2000, p. 22).


29 octobre - 18 novembre 52 : Opération Lorraine (carte in Salan 2, 1971, p. 339 ; Fall, 2020, p. 104). Cette grosse opération terrestre et aéroportée (30 000 hommes) a une portée retardatrice permettant l’installation du camp retranché de Na San. Elle est dirigée par le colonel Dodelier (commandant la zone Ouest) et dispose de 4 G.M. (G.M. 1, 3, 4 et 5), un groupement de parachutistes de 2 350 hommes (1er et 2e B.E.P., 3e B.P.C.), de 2 sous-groupements de blindés et de nombreuses unités du génie (en vue de nombreux franchissements de rivières).

Elle vise dans un premier temps les voies de communication du VM et surtout un important dépôt de matériel camouflé et disséminé, situé à Phu Doan (au nord de Vietri), capable d’alimenter les prétentions de Giap en pays thaï. Le 9 novembre, il est localisé et neutralisé, non sans difficultés du fait de la présence d’unités régionales pour le défendre. C’est à cette occasion que seront découverts 3 premiers camions Molotova russes, une jeep, 150 tonnes de munitions, 1 500 fusils, 100 mitrailleuses, 22 mitraillettes, 30 fusils-mitrailleurs, 56 mortiers de tous calibres, 23 bazookas et 3 canons sans recul (Salan 2, 1971, pp. 337-340 ; Cadeau, Cochet, Porte, 2021, pp. 584-585 ; Fall, 2020, p. 111 ; Cadeau, 2019, pp. 426-432 ; Rocolle, 1968, pp. 165-167).

Les forces françaises conduisent ensuite une vaste opération dans la région comprise entre la Rivière Claire et le Fleuve Rouge dans le dessein d’alléger le front de Na San tout en s’efforçant de désorganiser le ravitaillement et la logistique des troupes du VM. L’opération ne réussit que partiellement, quoiqu’en dise Salan : un seul régiment vietminh est détourné de Na San. Mais ces combats retardateurs permettent la finalisation du camp retranché dont le VM ignore pour l’instant la finalité tactique.

Le 14, considérant les objectifs atteints, le commandement français décide de stopper l’opération sous la menace d’un renforcement des troupes du VM et de menaces sur le Delta vidé de troupes franco-vietnamiennes. Dans la nuit du 13 au 14, 3 000 hommes de la division 320 tentent de s’emparer sans succès des postes protégeant Phat Diem dans la zone des Évêchés. Le retour des G.M. dans la ligne De Lattre s’effectue dans de bonnes conditions, excepté pour le G.M. 4 qui tombe dans une embuscade du régiment 36 (division 308) dans le défilé de Chan Mong (20 km au nord de Phu To sur la R.N. 2). Ces combats atteignent un haut de gré de violence puisqu’on en vient au corps à corps (Gras, 1979, pp. 479-482 ; Salan 2, 1971, pp. 337-341 ; Fall, 2020, pp. 100-124).


Fin octobre 52 : Salan reçoit l’amiral Radford, commandant américain de la flotte du Pacifique. C’est un ami du futur président Eisenhower (voir 4 novembre) qui deviendra président du comité des chefs d’état-major. Les réunions de travail permettent d’approfondir la question de l’aide américaine, notamment celle des pièces de rechange pour l’aviation (Salan 2, 1971, p. 343).

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