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Mai 50 : Au Tonkin, après avoir reconquis le delta du Fleuve Rouge (carte ''in'' Tertrais, 2004, p. 27), le général Alessandri élabore un nouveau projet d’offensive en Moyenne et Haute-Région, dans le « quadrilatère » tenu par les troupes vietnamiennes. L’offensive doit s’enfoncer en partant de Lao Kaï, Yen Bay, Vietri, Bac Ninh, Langson, mais aussi de That Khe et Cao Bang dans un mouvement de vaste encerclement. L’objectif est de ratisser large et rapidement en détruisant les camps, les dépôts, les usines du VM. Alessandri compte s’appuyer sur les ethnies ennemies du VM pour effectuer reconquête : les Mans, les Méos, les Nungs. Le plan d’Alessandri repose sur une habituelle surestimation des forces françaises et une sous-estimation de celles du VM. De tout cela, Carpentier est ignorant car le secret est jalousement gardé par l’état-major d’Alessandri (voir 1<sup>er</sup> juin) qui ne communique pas (voir carte ''in'' Bodard, 1997, p. 539 et pp. 537-544). | |||
Arrivée au Vietnam de l’aide chinoise (Goscha, 2000, p. 20). | |||
1<sup>er</sup> mai 50 : Première aide américaine d’un montant d’un million de dollars à la France (équivalant à 3 millions et demi de francs) (De Folin, 1993, p. 204). | |||
3 mai 50 : Au Cambodge, le gouvernement est présidé provisoirement par Sihanouk. Il se maintient jusqu’au 31 (Jennar, 1995, p. 144). | |||
4 mai 50 : Opération ''Baobab''. Elle vise à dégager en Annam la zone de la future « Rue sans joie ». Hué et la R.C. 1 sont cernés par une zone d’insécurité et la menace du T.D. 95. C’est un échec, les troupes du VM ayant réussi à se disperser (Gras, 1979, p. 291). | |||
8 mai 50 : Le secrétaire d’État Dean Acheson déclare que les États-Unis doivent fournir « une aide économique et militaire aux États associés et à la France pour leur permettre de rétablir la stabilité. » Une première somme de 10 millions de dollars est prévue à cet effet (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 37 ; Toinet, 1998, p. 150). C’est désormais une aide directe, différente du ''Mutual Defense Assistance Act'' voté par le Congrès en octobre 1949, attribuée aux pays membres de l’O.T.A.N. (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 42). | |||
16 mai 50 : Publication tardive à destination de Carpentier d’un rapport de la zone opérationnelle du Tonkin d’Alessandri initié le 27 mars et envisageant l’évacuation de Cao Bang (carte n° 12 ''in'' Teulières, 1979, p. 88). Il pose plus de questions qu’il n’en résout. Une lettre d’accompagnement d’Alessandri pose des questions sur les délais et ne répond pas vraiment à ce qui est préconisé par Carpentier, à savoir une éventuelle évacuation de Cao Bang à laquelle Alessandri est toujours plus que réticent. Malgré l’imprécision de ce travail, Carpentier ne demande aucun complément d’information (Cadeau, 2020, pp. 154-155). | |||
Le lieutenant-colonel Lennuyeux et le chef de bataillon Lambert s’attachent à la question du repli de Cao Bang et surtout à la manière de procéder. L’hypothèse d’un repli par la R.C. 3 est envisagée. Contrairement à la R.C. 4, la route est en bon état mais le trajet est plus long car il faut parcourir une centaine de kilomètres pour rejoindre Cao Bang à Bac Kan, soit 4 jours de trajet. Et de Bac Kan, il faut encore parcourir 80 km pour rejoindre Thaï Nguyen et devoir aller encore plus loin pour atteindre Hanoi. Cette option qui suppose un voyage d’environ 200 km en zone contrôlée par le VM est donc rejetée. | |||
L’option R.C. 4 est certes plus rapide mais il faut faire parcourir rapidement la colonne de Cao Bang sur Dong Khe, sur une route en partie sabotée. Selon l’étude, c’est autour de cette ville que sont concentrées les forces du VM et non plus au nord. De Dong Khe, la colonne serait dirigée 25 km plus au sud sur That Khe puis Langson. C’est cette option – la moins mauvaise – qui est privilégiée, « sous réserve d’être effectuée par surprise ». On estime alors à 36 heures la durée pour rejoindre Dong Khe (situé à 45 km de Cao Bang). | |||
L’option d’une évacuation aérienne est limitée par les moyens aériens. Notamment en cas d’intervention des parachutistes sur Thaï Nguyen (opération prévue par Charpentier et concomitante à l’évacuation de Cao Bang), l’importance du nombre de personnes à évacuer à Cao Bang (5 000 personnes dont 2 300 femmes et enfants) et les tentatives de riposte de l’ennemi qui sera rapidement alerté de l’évacuation de la ville par la mise en place d’un pont aérien (Cadeau, 2020, pp. 155-158). | |||
18 – 21 mai 50 : Congrès du M.R.P. à Nantes. Malgré certaines défections récentes mais marginales (dont celle de l’abbé Pierre), il avalise la politique indochinoise du gouvernement (Dalloz, 1996, p. 110). | |||
20 mai 50 : Un accord est signé entre la France et les États associés concernant la distribution d’armes d’origine américaine. Mais il ne règle en aucun cas tous les problèmes (De Folin, 1993, p. 205). | |||
21 mai 50 : Poursuite de la reconquête du delta du Fleuve Rouge. Opération ''Foudre'' sur Phu Ly (zone des Évêchés) qui est réoccupé. La reconquête française voulue par Alessandri du delta utile au Nord est alors en voie d’achèvement. Mais cette situation ne doit pas faire illusion. D’une part, elle a dispersé les forces françaises en une multitude d’opérations limitées et fragiles qui se sont déroulées de novembre 1948 à mai 1950 et ont affaibli la masse de manœuvre dont disposait au départ Alessandri (''Ondine'', ''Diane'', ''Bastille'', ''Canigou'', ''Anthracite'', ''Diabolo'', ''Tonneau'', ''Foudre'', carte n° 10 ''in'' Teulières, 1979, p. 63). D’autre part, le Vietnam est partagé, selon la terminologie du VM, en « zones libérées » et « zones contrôlées » par les forces franco-vietnamiennes. Comme le souligne Gras, « entre ces territoires les limites restaient floues et mouvantes, d’autant plus que dans les « régions contrôlées », c'est-à-dire les deux deltas et certaines parcelles de la côte d’Annam où vivaient la masse de la population vietnamienne, le Vietminh avait souvent réussi à maintenir une administration clandestine et des troupes régionales qui menaient la guérilla. » Dans cette guérilla d’usure et de « pourrissement », le VM a compris que le point faible de la France résidait dans le fait que « la clé de la situation indochinoise était dans la politique intérieure française », avec une opinion publique qui se lasse de cette guerre et de la manière dont elle est plus ou moins conduite par les différents gouvernements français (Gras, 1979, p. 307). Cette réoccupation du delta utile pose au VM des problèmes de ravitaillement en riz mais est largement compensée par l’aide chinoise. | |||
25 - 27 mai 50 : '''Première prise de Dong Khe par les forces du VM''' (2 500 hommes) en 48 heures. Giap affirme que « la bataille de Dong Khe engagée par le 174<sup>e</sup> régiment […] avait été lancée sans l’approbation du commandement général. » (Giap 2, 2004, p. 20) C’est, selon lui, une initiative du lieutenant-colonel Dang Van Viet qui est d’ailleurs peu loquace sur l’affaire et reconnaît dans ses mémoires avoir commis « une grave erreur » (Dong Van Viet, 2006, pp. 122-123). Cadeau semble à juste titre assez titre dubitatif quant à l’ignorance du haut-commandement du VM sur cette initiative au vu des moyens engagés (Cadeau, 2019, pp. 294-295). L’effet de surprise est total. C’est un point stratégique qui permet de bloquer les troupes françaises situées au Nord (Cao Bang et sa région). Fortement bombardés, non soutenus par l’aviation le premier jour pour des raisons météorologiques, les abords de la localité tombent dans un premier temps aux mains des 6 bataillons du VM. Dans la nuit du 25 au 26, la localité est prise. L’intervention le 26 des parachutistes du 3<sup>e</sup> B.C.C.P. vers 17 heures est fructueuse, reprenant la localité et occasionnant 300 tués dans les rangs du VM qui a dû abandonner deux canons. Le colonel Constans, commandant la zone frontière du Nord-Est, envoie de That Khe dès la nuit du 25 une colonne de secours constituée du 10<sup>e</sup> Tabor commandée par le lieutenant-colonel Le Page, commandant le Groupement de tabors marocains d’Extrême-Orient. Des renforts sont également dirigés de Langson vers That Khe. La météo s’étant améliorée, un appui aérien est redevenu possible dès le 26 pour contrer l’artillerie vietminh. Côté français, c’est désormais un « hérisson » qu’il faut défendre. L'état-major de secteur prend conscience que le VM dispose maintenant d'une armée puissante, organisée en grandes unités et bien équipée en artillerie, notamment en mortiers. Cette artillerie, en partie américaine, provient des stocks qui ont été pris aux nationalistes de Tchang Kaï Check et cédés par les communistes chinois. Les pertes françaises sont assez élevées, 174 survivants, soit un tiers de l’effectif total. Une colonne de secours, celle du capitaine Brun, est interceptée et faite prisonnière (Bodard, 1997, pp. 520-524 ; Gras, 1979, pp. 299-300 ; Cadeau, 2022, pp. 127-133 ; Cadeau, 2019, pp. 294-302). | |||
26 – 29 mai 50 : Lors du 42<sup>e</sup> congrès de la S.F.I.O., Gaston Deferre déclare : « Le retrait du corps expéditionnaire signifierait la dictature communiste, avec tout ce qu’elle comporte d’antidémocratique […] On parle déjà d’envoi de techniciens, de matériel de guerre, d’avions russes à réaction. On sait comment cela commence, et aussi comment cela finit. » Les socialistes continuent à soutenir le conflit indochinois. | |||
27 mai 50 : '''À partir de 17 h 00, des troupes françaises sont parachutées sur Dong Khe qu’elles reprennent mais au prix de lourdes pertes.''' La D.C.A. du VM est particulièrement active : sur 31 avions de parachutage envoyés, 19 seront atteints par ses tirs. Les Français peuvent légitimement s’inquiéter des progrès accomplis par cette opération du VM (surprise, bonne tenue de leur artillerie et de leur D.C.A., pertes infligées). Ils font, selon les mots de Cadeau, assurément face « à un nouvel adversaire » (Cadeau, 2019, p. 302). | |||
27 – 29 mai 50 : Le capitaine Fournier, chef du 3<sup>e</sup> bureau de la zone opérationnelle du Tonkin (Z.O.T.), est envoyé par Alessandri pour établir un bilan de la reprise de Dong Khe. Il constate des dégâts modérés au niveau des fortifications. Il estime donc que l’ordre d’évacuation a été donné de manière précipitée. Une seconde enquête confiée au colonel D’Argencé est encore plus sévère, évoquant « la défaillance caractérisée du commandement local » (capitaine Brun). Un rapport du colonel Constans adressé à Alessandri souligne une nouveauté : « un effroyable tir de D.C.A. ». 6 appareils ont été touchés. L’impact des colonnes de secours a été nul du fait de leur extrême lenteur dues aux obstacles dressés ici et là par le VM (Cadeau, 2022, pp. 136-140). |
Dernière version du 4 juin 2025 à 07:42
Mai 50 : Au Tonkin, après avoir reconquis le delta du Fleuve Rouge (carte in Tertrais, 2004, p. 27), le général Alessandri élabore un nouveau projet d’offensive en Moyenne et Haute-Région, dans le « quadrilatère » tenu par les troupes vietnamiennes. L’offensive doit s’enfoncer en partant de Lao Kaï, Yen Bay, Vietri, Bac Ninh, Langson, mais aussi de That Khe et Cao Bang dans un mouvement de vaste encerclement. L’objectif est de ratisser large et rapidement en détruisant les camps, les dépôts, les usines du VM. Alessandri compte s’appuyer sur les ethnies ennemies du VM pour effectuer reconquête : les Mans, les Méos, les Nungs. Le plan d’Alessandri repose sur une habituelle surestimation des forces françaises et une sous-estimation de celles du VM. De tout cela, Carpentier est ignorant car le secret est jalousement gardé par l’état-major d’Alessandri (voir 1er juin) qui ne communique pas (voir carte in Bodard, 1997, p. 539 et pp. 537-544).
Arrivée au Vietnam de l’aide chinoise (Goscha, 2000, p. 20).
1er mai 50 : Première aide américaine d’un montant d’un million de dollars à la France (équivalant à 3 millions et demi de francs) (De Folin, 1993, p. 204).
3 mai 50 : Au Cambodge, le gouvernement est présidé provisoirement par Sihanouk. Il se maintient jusqu’au 31 (Jennar, 1995, p. 144).
4 mai 50 : Opération Baobab. Elle vise à dégager en Annam la zone de la future « Rue sans joie ». Hué et la R.C. 1 sont cernés par une zone d’insécurité et la menace du T.D. 95. C’est un échec, les troupes du VM ayant réussi à se disperser (Gras, 1979, p. 291).
8 mai 50 : Le secrétaire d’État Dean Acheson déclare que les États-Unis doivent fournir « une aide économique et militaire aux États associés et à la France pour leur permettre de rétablir la stabilité. » Une première somme de 10 millions de dollars est prévue à cet effet (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 37 ; Toinet, 1998, p. 150). C’est désormais une aide directe, différente du Mutual Defense Assistance Act voté par le Congrès en octobre 1949, attribuée aux pays membres de l’O.T.A.N. (Nguyen Phu Duc, 1996, p. 42).
16 mai 50 : Publication tardive à destination de Carpentier d’un rapport de la zone opérationnelle du Tonkin d’Alessandri initié le 27 mars et envisageant l’évacuation de Cao Bang (carte n° 12 in Teulières, 1979, p. 88). Il pose plus de questions qu’il n’en résout. Une lettre d’accompagnement d’Alessandri pose des questions sur les délais et ne répond pas vraiment à ce qui est préconisé par Carpentier, à savoir une éventuelle évacuation de Cao Bang à laquelle Alessandri est toujours plus que réticent. Malgré l’imprécision de ce travail, Carpentier ne demande aucun complément d’information (Cadeau, 2020, pp. 154-155).
Le lieutenant-colonel Lennuyeux et le chef de bataillon Lambert s’attachent à la question du repli de Cao Bang et surtout à la manière de procéder. L’hypothèse d’un repli par la R.C. 3 est envisagée. Contrairement à la R.C. 4, la route est en bon état mais le trajet est plus long car il faut parcourir une centaine de kilomètres pour rejoindre Cao Bang à Bac Kan, soit 4 jours de trajet. Et de Bac Kan, il faut encore parcourir 80 km pour rejoindre Thaï Nguyen et devoir aller encore plus loin pour atteindre Hanoi. Cette option qui suppose un voyage d’environ 200 km en zone contrôlée par le VM est donc rejetée.
L’option R.C. 4 est certes plus rapide mais il faut faire parcourir rapidement la colonne de Cao Bang sur Dong Khe, sur une route en partie sabotée. Selon l’étude, c’est autour de cette ville que sont concentrées les forces du VM et non plus au nord. De Dong Khe, la colonne serait dirigée 25 km plus au sud sur That Khe puis Langson. C’est cette option – la moins mauvaise – qui est privilégiée, « sous réserve d’être effectuée par surprise ». On estime alors à 36 heures la durée pour rejoindre Dong Khe (situé à 45 km de Cao Bang).
L’option d’une évacuation aérienne est limitée par les moyens aériens. Notamment en cas d’intervention des parachutistes sur Thaï Nguyen (opération prévue par Charpentier et concomitante à l’évacuation de Cao Bang), l’importance du nombre de personnes à évacuer à Cao Bang (5 000 personnes dont 2 300 femmes et enfants) et les tentatives de riposte de l’ennemi qui sera rapidement alerté de l’évacuation de la ville par la mise en place d’un pont aérien (Cadeau, 2020, pp. 155-158).
18 – 21 mai 50 : Congrès du M.R.P. à Nantes. Malgré certaines défections récentes mais marginales (dont celle de l’abbé Pierre), il avalise la politique indochinoise du gouvernement (Dalloz, 1996, p. 110).
20 mai 50 : Un accord est signé entre la France et les États associés concernant la distribution d’armes d’origine américaine. Mais il ne règle en aucun cas tous les problèmes (De Folin, 1993, p. 205).
21 mai 50 : Poursuite de la reconquête du delta du Fleuve Rouge. Opération Foudre sur Phu Ly (zone des Évêchés) qui est réoccupé. La reconquête française voulue par Alessandri du delta utile au Nord est alors en voie d’achèvement. Mais cette situation ne doit pas faire illusion. D’une part, elle a dispersé les forces françaises en une multitude d’opérations limitées et fragiles qui se sont déroulées de novembre 1948 à mai 1950 et ont affaibli la masse de manœuvre dont disposait au départ Alessandri (Ondine, Diane, Bastille, Canigou, Anthracite, Diabolo, Tonneau, Foudre, carte n° 10 in Teulières, 1979, p. 63). D’autre part, le Vietnam est partagé, selon la terminologie du VM, en « zones libérées » et « zones contrôlées » par les forces franco-vietnamiennes. Comme le souligne Gras, « entre ces territoires les limites restaient floues et mouvantes, d’autant plus que dans les « régions contrôlées », c'est-à-dire les deux deltas et certaines parcelles de la côte d’Annam où vivaient la masse de la population vietnamienne, le Vietminh avait souvent réussi à maintenir une administration clandestine et des troupes régionales qui menaient la guérilla. » Dans cette guérilla d’usure et de « pourrissement », le VM a compris que le point faible de la France résidait dans le fait que « la clé de la situation indochinoise était dans la politique intérieure française », avec une opinion publique qui se lasse de cette guerre et de la manière dont elle est plus ou moins conduite par les différents gouvernements français (Gras, 1979, p. 307). Cette réoccupation du delta utile pose au VM des problèmes de ravitaillement en riz mais est largement compensée par l’aide chinoise.
25 - 27 mai 50 : Première prise de Dong Khe par les forces du VM (2 500 hommes) en 48 heures. Giap affirme que « la bataille de Dong Khe engagée par le 174e régiment […] avait été lancée sans l’approbation du commandement général. » (Giap 2, 2004, p. 20) C’est, selon lui, une initiative du lieutenant-colonel Dang Van Viet qui est d’ailleurs peu loquace sur l’affaire et reconnaît dans ses mémoires avoir commis « une grave erreur » (Dong Van Viet, 2006, pp. 122-123). Cadeau semble à juste titre assez titre dubitatif quant à l’ignorance du haut-commandement du VM sur cette initiative au vu des moyens engagés (Cadeau, 2019, pp. 294-295). L’effet de surprise est total. C’est un point stratégique qui permet de bloquer les troupes françaises situées au Nord (Cao Bang et sa région). Fortement bombardés, non soutenus par l’aviation le premier jour pour des raisons météorologiques, les abords de la localité tombent dans un premier temps aux mains des 6 bataillons du VM. Dans la nuit du 25 au 26, la localité est prise. L’intervention le 26 des parachutistes du 3e B.C.C.P. vers 17 heures est fructueuse, reprenant la localité et occasionnant 300 tués dans les rangs du VM qui a dû abandonner deux canons. Le colonel Constans, commandant la zone frontière du Nord-Est, envoie de That Khe dès la nuit du 25 une colonne de secours constituée du 10e Tabor commandée par le lieutenant-colonel Le Page, commandant le Groupement de tabors marocains d’Extrême-Orient. Des renforts sont également dirigés de Langson vers That Khe. La météo s’étant améliorée, un appui aérien est redevenu possible dès le 26 pour contrer l’artillerie vietminh. Côté français, c’est désormais un « hérisson » qu’il faut défendre. L'état-major de secteur prend conscience que le VM dispose maintenant d'une armée puissante, organisée en grandes unités et bien équipée en artillerie, notamment en mortiers. Cette artillerie, en partie américaine, provient des stocks qui ont été pris aux nationalistes de Tchang Kaï Check et cédés par les communistes chinois. Les pertes françaises sont assez élevées, 174 survivants, soit un tiers de l’effectif total. Une colonne de secours, celle du capitaine Brun, est interceptée et faite prisonnière (Bodard, 1997, pp. 520-524 ; Gras, 1979, pp. 299-300 ; Cadeau, 2022, pp. 127-133 ; Cadeau, 2019, pp. 294-302).
26 – 29 mai 50 : Lors du 42e congrès de la S.F.I.O., Gaston Deferre déclare : « Le retrait du corps expéditionnaire signifierait la dictature communiste, avec tout ce qu’elle comporte d’antidémocratique […] On parle déjà d’envoi de techniciens, de matériel de guerre, d’avions russes à réaction. On sait comment cela commence, et aussi comment cela finit. » Les socialistes continuent à soutenir le conflit indochinois.
27 mai 50 : À partir de 17 h 00, des troupes françaises sont parachutées sur Dong Khe qu’elles reprennent mais au prix de lourdes pertes. La D.C.A. du VM est particulièrement active : sur 31 avions de parachutage envoyés, 19 seront atteints par ses tirs. Les Français peuvent légitimement s’inquiéter des progrès accomplis par cette opération du VM (surprise, bonne tenue de leur artillerie et de leur D.C.A., pertes infligées). Ils font, selon les mots de Cadeau, assurément face « à un nouvel adversaire » (Cadeau, 2019, p. 302).
27 – 29 mai 50 : Le capitaine Fournier, chef du 3e bureau de la zone opérationnelle du Tonkin (Z.O.T.), est envoyé par Alessandri pour établir un bilan de la reprise de Dong Khe. Il constate des dégâts modérés au niveau des fortifications. Il estime donc que l’ordre d’évacuation a été donné de manière précipitée. Une seconde enquête confiée au colonel D’Argencé est encore plus sévère, évoquant « la défaillance caractérisée du commandement local » (capitaine Brun). Un rapport du colonel Constans adressé à Alessandri souligne une nouveauté : « un effroyable tir de D.C.A. ». 6 appareils ont été touchés. L’impact des colonnes de secours a été nul du fait de leur extrême lenteur dues aux obstacles dressés ici et là par le VM (Cadeau, 2022, pp. 136-140).