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par Jean-François Jagielski

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Février 50 : Les membres du Conseil national de Sécurité américain (C.N.S.) commencent à mettre en place une ébauche de ce que l’on nommera par la suite la '''« théorie des dominos »''' : « Il est important dans l’intérêt de la sécurité des États-Unis de prendre toutes les mesures possibles pour prévenir une extension ultérieure du communisme dans le Sud-Est asiatique. L’Indochine est une région clé et se trouve sous le coup d’une menace directe. Les pays voisins, Thaïlande, Birmanie, sont appelés à tomber sous la domination de l’Indochine lorsque celle-ci aura un gouvernement communiste. L’équilibre dans le Sud-Est asiatique se trouvera alors gravement compromis. » (''Le Dossier du Pentagone'', 1971, p. 34)


Début février, '''le Conseil de défense de l’Indochine demande à l’unanimité au gouvernement de faire pression pour évacuer Cao Bang et sa région'''. Or Pignon et certains hauts-fonctionnaires estiment que le secteur doit être conservé pour des raisons politiques et ce, afin de ne pas abandonner certaines minorités ethniques de la Haute-Région. De plus, abandonner cette région faciliterait l’approvisionnement du VM par la Chine communiste. Le commandant des forces du Nord, le général Alessandri, est lui aussi fortement opposé à l’abandon de cette place qu’il considère - à tort - comme particulièrement bien défendue. Carpentier, contrairement à son prédécesseur et à ses convictions antérieures, entend désormais également la conserver également (Gras, 1979, pp. 323-324). Une belle cacophonie qui aboutira au premier important désastre de la guerre d’Indochine…
HCM se rend en U.R.S.S. grâce à une intervention chinoise (Mao étant alors toujours présent en U.R.S.S.). Il y rencontre Staline. Celui-ci déclare que les Chinois doivent être les premiers concernés par l’aide militaire à apporter au VM.
Les premières discussions ont lieu entre Français et Américains pour élaborer les listes de matériel nécessaire au C.E.F.E.O. Toutefois, les délais de livraison vont se révéler longs : les premiers arrivages ne se produiront pas avant 6 mois. Le déclenchement de la guerre de Corée en juin (voir 29 juin) accélèrera un processus qui demeure cependant difficile à harmoniser entre la demande française et l’offre américaine (Cadeau, 2019, p. 377).
2 février 50 : Truman accorde une reconnaissance ''de jure'' au régime de Bao Daï (Tran Van Don, 1985, p. 220).
3 février 50 : '''Le conseil de défense de l’Indochine décide à l’unanimité de « demander au gouvernement français de bien vouloir réexaminer sa décision d’évacuation de Cao Bang »''' : « Tout en reconnaissant que la garnison de Cao Bang restera une garnison exposée, le Conseil de défense estime que, si la chute de cette place devait un jour se produire – ce qui n’est pas certain – mieux vaudrait que ce fût après un combat honorablement  soutenu, que par un abandon délibéré et prématuré ; l’opinion publique vietnamienne aussi bien qu’étrangère nous tiendrait rigueur de la façon la plus sévère, la plus durable et la plus grave dans ses conséquences, d’une mesure qui serait interprétée comme une désertion. » (cité ''in'' Turpin, 2000, p. 30) Cet avis sera suivi par Carpentier qui hésitera longuement et tardera à prononcer un repli qui va ultérieurement se solder par une déroute sans précédent.
7 février 50 : '''Ratification des traités par les puissances étrangères. Les U.S.A. et la Grande-Bretagne reconnaissent les trois États associés comme souverains.''' Les textes de reconnaissance américains et britanniques, allant tout à fait dans le sens de la France, déclarent que le Vietnam, le Laos et le Cambodge sont considérés comme « des États indépendants à l’intérieur de l’Union française. » (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 37)
Le chargé d’affaires américain Edmund Guillon désormais présent à Saigon et son collègue Folsom ont un rôle important : leurs avis sur la situation politique et militaire en Indochine sont écoutés à Washington. De ce qu’ils rapportent dépendra l’aide matérielle apportée au C.E.F.E.O. face à le menace chinoise (Bouilleaux, 2021, pp. 162-163). C’est aussi une source de tension pour les Français qui entendent rester maîtres du jeu dans leur ancienne colonie, tout en dépendant de plus en plus de l’aide américaine. Le haut-commissariat et le S.D.E.C.E. sont alors chargés de connaître et contrôler les intentions américaines.
8 - 10 février 50 : Alors que les Français concentrent leurs efforts au Sud, le VM a créé le 6 juin 1948 la première grande unité de l’armée populaire, '''la brigade 308''', commandée par Vuong Thua Vu. Elle regroupe trois régiments d’infanterie, un bataillon d’artillerie et une unité de D.C.A. (15 000 hommes). Elle est alors dirigée vers la ville frontière de '''Lao Kaï''' (qui ne tombera pas). Giap lui assigne pour objectif de faire sauter les positions françaises de la Haute Vallée du Fleuve Rouge en pays thaï qui barre la route du Yunnan, riche en opium, et dont le VM sait tirer profit. Poursuivant son action de janvier et l’étendant à une plus grande échelle, le VM va donc lancer l’opération '''''Le Hong Phong I'''''. Le 8, une partie de la brigade 308 (3 000 combattants) se présente devant '''Pho Lu''', un poste faible mais aussi un « verrou », isolé et lointain situé entre le Fleuve Rouge et la forêt, au sud-est de Lao Kaï, poste qui avait déjà subi des assauts du VM en février et décembre 1949. Attaqué pour la première fois avec les canons SKZ 60 sans recul, il résiste 3 jours aux forces vietminh grâce à un ravitaillement aérien. Pour l’épauler, l’envoi de parachutistes devient cependant nécessaire. Le général Alessandri fait parachuter le groupement de parachutistes n° 1 du 3<sup>e</sup> B.C.C.P. (150 hommes) à une vingtaine de kilomètres de Pho Lu, au sud du Fleuve Rouge alors que la localité à défendre se trouve au nord. Il lui faut donc traverser le fleuve. La colonne se retrouve cernée par 2 bataillons vietminh (entre 5 à 6 000 hommes) et doit se replier. Les parachutistes sont d’entrée sérieusement accrochés par les forces du VM et obligés de se replier sur Lao Kaï sous un appui aérien. Ils y parviennent le 16. L’état-major, refusant de croire à l’existence d’une telle densité vietminh dans la région, imputera cette défaite à une défaillance des parachutistes. Alessandri à Hanoi, plutôt que de reconnaître son erreur, les accuse de lâcheté. Le colonel Chavatte, commandant les troupes aéroportées d’Indochine, en leur rendant visite leur déclare : « Messieurs, je ne vous sers pas la main parce qu’il y a parmi vous des officiers qui ont démérité. » L’écart devient encore plus abyssal entre les hommes sur le terrain et ceux qui les dirigent. D’autant plus que cette campagne s’avère être un semi-échec pour le VM : '''le poste de Phu Lu a tenu jusqu’au bout (une dizaine de survivants) mais a été détruit'''. Giap reconnaitra dans ses mémoires : « Devant le renforcement de la ligne de défense ennemie et la fatigue de nos hommes après de durs combats prolongés, le commandement général décida alors de suspendre temporairement la campagne ''Le Hong Phong 1''. » Cet échec sera même à l’origine d’une séance d’autocritique du commandement vietnamien (Bodard, 1997, pp. 525-530 ; Gras, 1979, pp. 297-301 ; Cadeau, 2022, pp. 187-188 ; Giap 1, 2003, pp. 289-291 ; Cadeau, 2019, pp. 276-280).
Opération ''Tonneau'' dans la province de Thai Binh au nord du Fleuve Rouge (carte n° 10 ''in'' Teulières, 1979, p. 63). Les troupes françaises se heurtent à du vide : villages fortifiés abandonnés, mines et routes détruites. Même les efforts de pacification échoueront du fait du travail antérieur du VM qui tenait la région depuis 4 ans (Gras, 1979, pp. 296-299).
10 février 50 : An nord-est du Tonkin, la situation est devenue critique. Les Français ne tiennent plus que des avant-postes situés le long de l’axe de la R.C. 4 : le sud de Cao Bang, Dong Khe, That Khe, Langson et la région jusqu’au Golfe du Tonkin (Fall, 1967, p. 132).
Après être passé par la Chine, HCM est accueilli discrètement et froidement à Moscou par Staline, ce que confirmeront les mémoires de Khroutchev et d’autres sources d’archives chinoises (Marangé, 2012, p. 182). Même les mémoires de Giap mentionnent des reproches adressés par Staline à HCM concernant des retards sur la mise en place de la réforme agraire initiée sur le modèle chinois et quelques autres indélicatesses. Une aide matérielle est toutefois promise : artillerie anti-aérienne, camions, médicaments (Giap 1, 2003, pp. 299-300).
11 février 50 : Déclaration de De Gaulle face à la menace chinoise : « Et voici que la France et l’Union française se trouvent au contact de cette masse dont la frontière Sud-est borde nos postes au Tonkin. Point d’illusions ! désormais nous sommes directement visés. » (cité ''in'' Bodin, 1996, p. 250) L’Indochine constitue aux yeux des Gaullistes un bastion de Monde libre en Asie, défendu par la France. C’est à leurs yeux, comme la Corée, un verrou qui protège la Birmanie, la Thaïlande, l’Inde et le canal de Suez contre la Chine communiste.
12 février 50 : '''HCM décrète la mobilisation générale.''' Le mot d’ordre est : « Tout pour le front, tout pour la victoire ». Il s’agit de rompre l’encerclement des Français à l’Est (accès vers la Chine) et à l’Ouest (menaces portant sur le Viet Bac). La frontière au Nord demeure ouverte mais les simples pistes ne permettent pas d’acheminer beaucoup de matériel étranger. La maîtrise de la  R.C. 4 et de l’axe menant à Lao Kaï (opérations ''Le Hong Phong I'' et ''II'') demeurent plus que jamais l’un et l’autre des objectifs (Giap 1, 2003, p. 289 et p. 300).
13 février 50 : Réunion à Bangkok d’ambassadeurs et de leur homologue itinérant américain Jessup pour déterminer l’importance et la nature de l’aide américaine à apporter en Indochine. Pour ne pas froisser l’opinion américaine, on envisage essentiellement une aide économique. Mais l’aide militaire demeure en panne, ce qui froisse les Français. Elle se débloquera progressivement à partir du 30 juin au moment du déclenchement de la guerre de Corée (Gras, 1979, pp. 289-290).
14 février 50 : '''Signature à Moscou d’un traité d’alliance sino-soviétique''', nouvelle pierre qui marque la scission entre le bloc communiste et le reste du monde. HCM est ainsi assuré d’avoir des appuis de ses deux alliés (De Folin, 1993, p. 204). Mais lorsqu’HCM demande à Staline si un tel accord est envisageable avec la R.D.V.N., il lui est répondu que rien ne peut être signé puisque qu’il est venu à Moscou incognito… Une véritable fin de non-recevoir… (Marangé, 2012, p. 182).
16 février 50 : Faute d’une instruction judiciaire dont personne ne voulait vraiment, le général Revers comparaît devant une commission parlementaire au sujet de la divulgation de son rapport. Cette commission d'enquête est composée d’un vaste panel de députés toutes tendances confondues : 3 socialistes, 3 M.R.P., 1 radical-socialiste, 1 républicain indépendant, 1 R.P.F. (gaulliste), 1 U.D.S.R., 1 P.R.S. et 1 communiste. Ses travaux dureront des mois mais n’aboutiront à rien sur le fond de l’affaire car elle est complexe et même alambiquée. Et surtout, embarrasse beaucoup de monde… Un rapport extrêmement sévère conclura au renvoi de Revers et Mast devant une instance disciplinaire (mais non judiciaire...). Dans le rapport final, son rédacteur, Roger Duveau, s'émeut des origines inexpliquées de la fortune du général Mast et reproche à Revers « des fréquentations insolites et une correspondance avilissante ».
Paris envoie aux États-Unis une demande d’aide détaillée, militaire et financière, pour l’Indochine (voir 23 février, 1<sup>er</sup> mai et 3 juillet) qui sera suivie d’une mission d’enquête américaine envoyée sur place pour étudier la situation. Le secrétaire d’État, Dean Acherson, transmet un avis favorable à Truman (''Le dossier du Pentagone'', 1971, p. 37). Maurice Couve de Murville, directeur politique du quai d’Orsay, expose au chargé d’affaires américain Charles Bolhen, l’impossibilité pour la France de continuer seule l’effort qu’elle soutient en Indochine au bénéfice de toutes les puissances occidentales (De Folin, 1993, p. 204). Philip C. Jessup, ambassadeur itinérant du président Truman, a été chargé d’une mission d’information et a pris contact avec les milieux franco-vietnamiens fin janvier. Lors de son périple dans le Sud-Est asiatique, il a rencontré des personnalités franco-vietnamiennes, dont Léon Pignon, haut-commissaire de France en Indochine, et Bao Daï, chef de l’État du Vietnam, à qui il a exprimé son soutien et promis une aide conséquente. Il laisse cependant  entendre aux Français que les États-Unis souhaitent que l’indépendance accordée aux trois États associés se manifeste plus clairement dans les actes.
17 février 50 : Retour d’U.R.S.S. de Mao Zedong, Zou Enlaï et HCM  (Zhai, 2000, pp. 5-6).
Du fait de l’aide matérielle apportée par les U.S.A. en Indochine, le consulat général américain à Saigon est élevé au statut de légation (consulat). Edmund A. Guillon est nommé chargé d’affaires par intérim. Il faudra attendre le 24 juin 1952 et la nomination par le Congrès de R. Heath pour que ce statut de légation soit élevé au rang d’ambassade.
21 février 50 : HCM provoque une réunion du Conseil du gouvernement deux jours après son soixantième anniversaire qui est fêté à cette occasion. Il aborde la question de l’implication de plus en plus importante des États-Unis dans le conflit. Il lui faut donc obtenir également une aide internationale, c’est-à-dire celle du bloc communiste. Il revient sur l’idée de contre-offensive générale qui, à son sens, sera une œuvre de longue haleine pour obtenir un résultat probant (Giap 1, 2003, pp. 303-304).
22 février 50 : En France, face aux actes de sabotage, aux manifestations organisées par les communistes, le gouvernement présente à l’Assemblée nationale deux projets de loi visant à lutter contre ces atteintes à la sûreté de l’État. Les communistes les dénoncent comme des « lois scélérates » (voir 3 mars).
23 février 50 : A Saigon, après la venue fin janvier de l’ambassadeur américain Jessup, c’est au tour d’une délégation économique américaine dirigée par A. Griffin de venir en Indochine. Elle sera suivie en mai par celle de R. Blum, membre de la délégation économique américaine à Paris, une institution liée au plan Marshall. Son but est d’apporter une aide financière à la France dans le cadre même du plan Marshall et en armes dans le cadre de l’Alliance Atlantique.
Alessandri, ayant su tirer tardivement les causes de la défaite de Pho Lu (voir 8 - 10 février), fait parachuter préventivement un bataillon sur '''Nghia Do''' au sud-ouest de Yen Bai et à une dizaine de kilomètres au nord-est de Pho Lu. Avec l’aide de l’aviation mais aussi de la résistance du poste tenu par des troupes franco-thaïes, il parvient à mettre en déroute la brigade 308 qui déplore de 2 à 300 morts dans ses rangs. Le poste, entièrement brûlé,  devra cependant être abandonné (Gras, 1979, p. 299 ; Cadeau, 2019, pp. 280-282).
Premières manifestations contre l’arrivée de matériel militaire américain à Haïphong. Selon Burchett, « [Nguyen Huu Tho, le futur dirigeant du F.N.L.] avait pris la tête d’une manifestation contre l’arrivée de trois navires de guerre américains, symboles de la solidarité des États-Unis avec la « sale guerre » que menait la France. » (Burchett, 1965, p. 23). Le leader de la manifestation sera arrêté et emprisonné à Lai Chau, au nord de Dien Bien Phu (voir 19 mars).
24 février 50 : Deux cheminots de la gare de Saint-Pierre-des-Corps dans la banlieue de Tours apprenant que des wagons sont chargés de matériel militaire pour l’Indochine tentent de s’opposer à leur passage. Une manifestation est organisée. Une militante, Raymonde Diem, est alors arrêtée et emprisonnée. Elle est jugée devant un tribunal militaire le 31 mai. L’affaire prend une tournure nationale. La militante est au final condamnée à un an de prison ferme (Ruscio, 1985, pp. 253-255).

Dernière version du 4 juin 2025 à 07:01

Février 50 : Les membres du Conseil national de Sécurité américain (C.N.S.) commencent à mettre en place une ébauche de ce que l’on nommera par la suite la « théorie des dominos » : « Il est important dans l’intérêt de la sécurité des États-Unis de prendre toutes les mesures possibles pour prévenir une extension ultérieure du communisme dans le Sud-Est asiatique. L’Indochine est une région clé et se trouve sous le coup d’une menace directe. Les pays voisins, Thaïlande, Birmanie, sont appelés à tomber sous la domination de l’Indochine lorsque celle-ci aura un gouvernement communiste. L’équilibre dans le Sud-Est asiatique se trouvera alors gravement compromis. » (Le Dossier du Pentagone, 1971, p. 34)

Début février, le Conseil de défense de l’Indochine demande à l’unanimité au gouvernement de faire pression pour évacuer Cao Bang et sa région. Or Pignon et certains hauts-fonctionnaires estiment que le secteur doit être conservé pour des raisons politiques et ce, afin de ne pas abandonner certaines minorités ethniques de la Haute-Région. De plus, abandonner cette région faciliterait l’approvisionnement du VM par la Chine communiste. Le commandant des forces du Nord, le général Alessandri, est lui aussi fortement opposé à l’abandon de cette place qu’il considère - à tort - comme particulièrement bien défendue. Carpentier, contrairement à son prédécesseur et à ses convictions antérieures, entend désormais également la conserver également (Gras, 1979, pp. 323-324). Une belle cacophonie qui aboutira au premier important désastre de la guerre d’Indochine…

HCM se rend en U.R.S.S. grâce à une intervention chinoise (Mao étant alors toujours présent en U.R.S.S.). Il y rencontre Staline. Celui-ci déclare que les Chinois doivent être les premiers concernés par l’aide militaire à apporter au VM.

Les premières discussions ont lieu entre Français et Américains pour élaborer les listes de matériel nécessaire au C.E.F.E.O. Toutefois, les délais de livraison vont se révéler longs : les premiers arrivages ne se produiront pas avant 6 mois. Le déclenchement de la guerre de Corée en juin (voir 29 juin) accélèrera un processus qui demeure cependant difficile à harmoniser entre la demande française et l’offre américaine (Cadeau, 2019, p. 377).


2 février 50 : Truman accorde une reconnaissance de jure au régime de Bao Daï (Tran Van Don, 1985, p. 220).


3 février 50 : Le conseil de défense de l’Indochine décide à l’unanimité de « demander au gouvernement français de bien vouloir réexaminer sa décision d’évacuation de Cao Bang » : « Tout en reconnaissant que la garnison de Cao Bang restera une garnison exposée, le Conseil de défense estime que, si la chute de cette place devait un jour se produire – ce qui n’est pas certain – mieux vaudrait que ce fût après un combat honorablement  soutenu, que par un abandon délibéré et prématuré ; l’opinion publique vietnamienne aussi bien qu’étrangère nous tiendrait rigueur de la façon la plus sévère, la plus durable et la plus grave dans ses conséquences, d’une mesure qui serait interprétée comme une désertion. » (cité in Turpin, 2000, p. 30) Cet avis sera suivi par Carpentier qui hésitera longuement et tardera à prononcer un repli qui va ultérieurement se solder par une déroute sans précédent.


7 février 50 : Ratification des traités par les puissances étrangères. Les U.S.A. et la Grande-Bretagne reconnaissent les trois États associés comme souverains. Les textes de reconnaissance américains et britanniques, allant tout à fait dans le sens de la France, déclarent que le Vietnam, le Laos et le Cambodge sont considérés comme « des États indépendants à l’intérieur de l’Union française. » (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 37)

Le chargé d’affaires américain Edmund Guillon désormais présent à Saigon et son collègue Folsom ont un rôle important : leurs avis sur la situation politique et militaire en Indochine sont écoutés à Washington. De ce qu’ils rapportent dépendra l’aide matérielle apportée au C.E.F.E.O. face à le menace chinoise (Bouilleaux, 2021, pp. 162-163). C’est aussi une source de tension pour les Français qui entendent rester maîtres du jeu dans leur ancienne colonie, tout en dépendant de plus en plus de l’aide américaine. Le haut-commissariat et le S.D.E.C.E. sont alors chargés de connaître et contrôler les intentions américaines.


8 - 10 février 50 : Alors que les Français concentrent leurs efforts au Sud, le VM a créé le 6 juin 1948 la première grande unité de l’armée populaire, la brigade 308, commandée par Vuong Thua Vu. Elle regroupe trois régiments d’infanterie, un bataillon d’artillerie et une unité de D.C.A. (15 000 hommes). Elle est alors dirigée vers la ville frontière de Lao Kaï (qui ne tombera pas). Giap lui assigne pour objectif de faire sauter les positions françaises de la Haute Vallée du Fleuve Rouge en pays thaï qui barre la route du Yunnan, riche en opium, et dont le VM sait tirer profit. Poursuivant son action de janvier et l’étendant à une plus grande échelle, le VM va donc lancer l’opération Le Hong Phong I. Le 8, une partie de la brigade 308 (3 000 combattants) se présente devant Pho Lu, un poste faible mais aussi un « verrou », isolé et lointain situé entre le Fleuve Rouge et la forêt, au sud-est de Lao Kaï, poste qui avait déjà subi des assauts du VM en février et décembre 1949. Attaqué pour la première fois avec les canons SKZ 60 sans recul, il résiste 3 jours aux forces vietminh grâce à un ravitaillement aérien. Pour l’épauler, l’envoi de parachutistes devient cependant nécessaire. Le général Alessandri fait parachuter le groupement de parachutistes n° 1 du 3e B.C.C.P. (150 hommes) à une vingtaine de kilomètres de Pho Lu, au sud du Fleuve Rouge alors que la localité à défendre se trouve au nord. Il lui faut donc traverser le fleuve. La colonne se retrouve cernée par 2 bataillons vietminh (entre 5 à 6 000 hommes) et doit se replier. Les parachutistes sont d’entrée sérieusement accrochés par les forces du VM et obligés de se replier sur Lao Kaï sous un appui aérien. Ils y parviennent le 16. L’état-major, refusant de croire à l’existence d’une telle densité vietminh dans la région, imputera cette défaite à une défaillance des parachutistes. Alessandri à Hanoi, plutôt que de reconnaître son erreur, les accuse de lâcheté. Le colonel Chavatte, commandant les troupes aéroportées d’Indochine, en leur rendant visite leur déclare : « Messieurs, je ne vous sers pas la main parce qu’il y a parmi vous des officiers qui ont démérité. » L’écart devient encore plus abyssal entre les hommes sur le terrain et ceux qui les dirigent. D’autant plus que cette campagne s’avère être un semi-échec pour le VM : le poste de Phu Lu a tenu jusqu’au bout (une dizaine de survivants) mais a été détruit. Giap reconnaitra dans ses mémoires : « Devant le renforcement de la ligne de défense ennemie et la fatigue de nos hommes après de durs combats prolongés, le commandement général décida alors de suspendre temporairement la campagne Le Hong Phong 1. » Cet échec sera même à l’origine d’une séance d’autocritique du commandement vietnamien (Bodard, 1997, pp. 525-530 ; Gras, 1979, pp. 297-301 ; Cadeau, 2022, pp. 187-188 ; Giap 1, 2003, pp. 289-291 ; Cadeau, 2019, pp. 276-280).

Opération Tonneau dans la province de Thai Binh au nord du Fleuve Rouge (carte n° 10 in Teulières, 1979, p. 63). Les troupes françaises se heurtent à du vide : villages fortifiés abandonnés, mines et routes détruites. Même les efforts de pacification échoueront du fait du travail antérieur du VM qui tenait la région depuis 4 ans (Gras, 1979, pp. 296-299).


10 février 50 : An nord-est du Tonkin, la situation est devenue critique. Les Français ne tiennent plus que des avant-postes situés le long de l’axe de la R.C. 4 : le sud de Cao Bang, Dong Khe, That Khe, Langson et la région jusqu’au Golfe du Tonkin (Fall, 1967, p. 132).

Après être passé par la Chine, HCM est accueilli discrètement et froidement à Moscou par Staline, ce que confirmeront les mémoires de Khroutchev et d’autres sources d’archives chinoises (Marangé, 2012, p. 182). Même les mémoires de Giap mentionnent des reproches adressés par Staline à HCM concernant des retards sur la mise en place de la réforme agraire initiée sur le modèle chinois et quelques autres indélicatesses. Une aide matérielle est toutefois promise : artillerie anti-aérienne, camions, médicaments (Giap 1, 2003, pp. 299-300).


11 février 50 : Déclaration de De Gaulle face à la menace chinoise : « Et voici que la France et l’Union française se trouvent au contact de cette masse dont la frontière Sud-est borde nos postes au Tonkin. Point d’illusions ! désormais nous sommes directement visés. » (cité in Bodin, 1996, p. 250) L’Indochine constitue aux yeux des Gaullistes un bastion de Monde libre en Asie, défendu par la France. C’est à leurs yeux, comme la Corée, un verrou qui protège la Birmanie, la Thaïlande, l’Inde et le canal de Suez contre la Chine communiste.


12 février 50 : HCM décrète la mobilisation générale. Le mot d’ordre est : « Tout pour le front, tout pour la victoire ». Il s’agit de rompre l’encerclement des Français à l’Est (accès vers la Chine) et à l’Ouest (menaces portant sur le Viet Bac). La frontière au Nord demeure ouverte mais les simples pistes ne permettent pas d’acheminer beaucoup de matériel étranger. La maîtrise de la  R.C. 4 et de l’axe menant à Lao Kaï (opérations Le Hong Phong I et II) demeurent plus que jamais l’un et l’autre des objectifs (Giap 1, 2003, p. 289 et p. 300).


13 février 50 : Réunion à Bangkok d’ambassadeurs et de leur homologue itinérant américain Jessup pour déterminer l’importance et la nature de l’aide américaine à apporter en Indochine. Pour ne pas froisser l’opinion américaine, on envisage essentiellement une aide économique. Mais l’aide militaire demeure en panne, ce qui froisse les Français. Elle se débloquera progressivement à partir du 30 juin au moment du déclenchement de la guerre de Corée (Gras, 1979, pp. 289-290).


14 février 50 : Signature à Moscou d’un traité d’alliance sino-soviétique, nouvelle pierre qui marque la scission entre le bloc communiste et le reste du monde. HCM est ainsi assuré d’avoir des appuis de ses deux alliés (De Folin, 1993, p. 204). Mais lorsqu’HCM demande à Staline si un tel accord est envisageable avec la R.D.V.N., il lui est répondu que rien ne peut être signé puisque qu’il est venu à Moscou incognito… Une véritable fin de non-recevoir… (Marangé, 2012, p. 182).


16 février 50 : Faute d’une instruction judiciaire dont personne ne voulait vraiment, le général Revers comparaît devant une commission parlementaire au sujet de la divulgation de son rapport. Cette commission d'enquête est composée d’un vaste panel de députés toutes tendances confondues : 3 socialistes, 3 M.R.P., 1 radical-socialiste, 1 républicain indépendant, 1 R.P.F. (gaulliste), 1 U.D.S.R., 1 P.R.S. et 1 communiste. Ses travaux dureront des mois mais n’aboutiront à rien sur le fond de l’affaire car elle est complexe et même alambiquée. Et surtout, embarrasse beaucoup de monde… Un rapport extrêmement sévère conclura au renvoi de Revers et Mast devant une instance disciplinaire (mais non judiciaire...). Dans le rapport final, son rédacteur, Roger Duveau, s'émeut des origines inexpliquées de la fortune du général Mast et reproche à Revers « des fréquentations insolites et une correspondance avilissante ».

Paris envoie aux États-Unis une demande d’aide détaillée, militaire et financière, pour l’Indochine (voir 23 février, 1er mai et 3 juillet) qui sera suivie d’une mission d’enquête américaine envoyée sur place pour étudier la situation. Le secrétaire d’État, Dean Acherson, transmet un avis favorable à Truman (Le dossier du Pentagone, 1971, p. 37). Maurice Couve de Murville, directeur politique du quai d’Orsay, expose au chargé d’affaires américain Charles Bolhen, l’impossibilité pour la France de continuer seule l’effort qu’elle soutient en Indochine au bénéfice de toutes les puissances occidentales (De Folin, 1993, p. 204). Philip C. Jessup, ambassadeur itinérant du président Truman, a été chargé d’une mission d’information et a pris contact avec les milieux franco-vietnamiens fin janvier. Lors de son périple dans le Sud-Est asiatique, il a rencontré des personnalités franco-vietnamiennes, dont Léon Pignon, haut-commissaire de France en Indochine, et Bao Daï, chef de l’État du Vietnam, à qui il a exprimé son soutien et promis une aide conséquente. Il laisse cependant  entendre aux Français que les États-Unis souhaitent que l’indépendance accordée aux trois États associés se manifeste plus clairement dans les actes.


17 février 50 : Retour d’U.R.S.S. de Mao Zedong, Zou Enlaï et HCM  (Zhai, 2000, pp. 5-6).

Du fait de l’aide matérielle apportée par les U.S.A. en Indochine, le consulat général américain à Saigon est élevé au statut de légation (consulat). Edmund A. Guillon est nommé chargé d’affaires par intérim. Il faudra attendre le 24 juin 1952 et la nomination par le Congrès de R. Heath pour que ce statut de légation soit élevé au rang d’ambassade.


21 février 50 : HCM provoque une réunion du Conseil du gouvernement deux jours après son soixantième anniversaire qui est fêté à cette occasion. Il aborde la question de l’implication de plus en plus importante des États-Unis dans le conflit. Il lui faut donc obtenir également une aide internationale, c’est-à-dire celle du bloc communiste. Il revient sur l’idée de contre-offensive générale qui, à son sens, sera une œuvre de longue haleine pour obtenir un résultat probant (Giap 1, 2003, pp. 303-304).


22 février 50 : En France, face aux actes de sabotage, aux manifestations organisées par les communistes, le gouvernement présente à l’Assemblée nationale deux projets de loi visant à lutter contre ces atteintes à la sûreté de l’État. Les communistes les dénoncent comme des « lois scélérates » (voir 3 mars).


23 février 50 : A Saigon, après la venue fin janvier de l’ambassadeur américain Jessup, c’est au tour d’une délégation économique américaine dirigée par A. Griffin de venir en Indochine. Elle sera suivie en mai par celle de R. Blum, membre de la délégation économique américaine à Paris, une institution liée au plan Marshall. Son but est d’apporter une aide financière à la France dans le cadre même du plan Marshall et en armes dans le cadre de l’Alliance Atlantique.

Alessandri, ayant su tirer tardivement les causes de la défaite de Pho Lu (voir 8 - 10 février), fait parachuter préventivement un bataillon sur Nghia Do au sud-ouest de Yen Bai et à une dizaine de kilomètres au nord-est de Pho Lu. Avec l’aide de l’aviation mais aussi de la résistance du poste tenu par des troupes franco-thaïes, il parvient à mettre en déroute la brigade 308 qui déplore de 2 à 300 morts dans ses rangs. Le poste, entièrement brûlé,  devra cependant être abandonné (Gras, 1979, p. 299 ; Cadeau, 2019, pp. 280-282).

Premières manifestations contre l’arrivée de matériel militaire américain à Haïphong. Selon Burchett, « [Nguyen Huu Tho, le futur dirigeant du F.N.L.] avait pris la tête d’une manifestation contre l’arrivée de trois navires de guerre américains, symboles de la solidarité des États-Unis avec la « sale guerre » que menait la France. » (Burchett, 1965, p. 23). Le leader de la manifestation sera arrêté et emprisonné à Lai Chau, au nord de Dien Bien Phu (voir 19 mars).


24 février 50 : Deux cheminots de la gare de Saint-Pierre-des-Corps dans la banlieue de Tours apprenant que des wagons sont chargés de matériel militaire pour l’Indochine tentent de s’opposer à leur passage. Une manifestation est organisée. Une militante, Raymonde Diem, est alors arrêtée et emprisonnée. Elle est jugée devant un tribunal militaire le 31 mai. L’affaire prend une tournure nationale. La militante est au final condamnée à un an de prison ferme (Ruscio, 1985, pp. 253-255).

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