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Février 49 : Double crise chez les Caodaïstes. La première est interne, axée autour de fortes dissensions. La seconde concerne leurs relations avec les Français. La secte entend diriger seule des provinces entières au sud-ouest de la Cochinchine. Devant le refus des autorités françaises, des groupes conséquents de troupes caodaïstes désertent avec l’aval de leur hiérarchie Elles rendent leurs armes aux Français et cessent leur combat contre le VM. S’ensuit une reconquête partielle par le VM des territoires qui étaient tenus par la secte (Bodin, 1996, p. 97) | |||
Au Cambodge, le Comité de libération du peuple khmer (C.L.P.K.) devient le Comité national khmer de libération (C.N.K.L.), ce qui est une manière de manifester un éloignement d’avec le Viet Minh. Le nouveau président est Poc Khan. | |||
2 février 49 : La politique française à l’égard de ce qui se passe en Chine se veut neutraliste. Une notre du ministère des Affaires étrangères indique : « Toute position actuellement abandonnée sera une position définitivement perdue. En revanche, toute position conservée, même au prix d’un statut mal défini, risque d’être tolérée pendant une longue durée. » Jacques Meyrier (ambassadeur de France auprès de la Chine nationaliste) prône cependant un rapprochement avec les communistes au vu de l’évolution de la situation actuelle. Il rédige des fiches adressées au gouvernement français soulignant le rôle majeur que la France et l’Indochine pourraient jouer tant dans la reconstruction de la Chine que d’un point de vue économique (exportation de riz, thé et soja). S’adressant à Vincent Auriol, il espère également ainsi « émousser chez les nouveaux dirigeants [communistes] leurs velléités d’intervention en Indochine » (Cadeau, 2019, p. 264). | |||
6 février 49 : Pour la clôture de la conférence de la Seine, Maurice Thorez prononce un discours dans lequel il reproche aux militants communistes de sous-estimer la gravité de la situation présente au Vietnam qui menace pourtant la paix mondiale. Il estime que « la paix, la lutte pour la paix, c’est aujourd’hui la question décisive. » Ce discours entraîne une réaction au sein du parti qui, après avoir délaissé la question indochinoise, se recentre désormais sur la thématique de l’action (Ruscio, 1985, pp. 236-237). | |||
8 février 49 : Une note du commandant en chef, le général Blaizot, observe : « En fait nous ne maîtrisons aucun territoire et des surfaces importantes nous sont interdites. On peut donc dire que le commandement français ne dispose, en ce qui concerne les forces terrestres, d’aucune zone de sécurité et d’aucune liberté d’action ni de manœuvre. » (cité ''in'' Cadeau, 2019, p. 249) | |||
11 – 12 février 49 : Les Gaullistes évoquent la question indochinoise lors de leurs Assises de Lille. Cette question a été abordée dès le 28 septembre 1948. Un long rapport est produit par Jean-Pierre Bona (IV<sup>e</sup> commission du Conseil national consacrée à Union française). L’œuvre coloniale de la France est une nouvelle fois mise en avant, même si l’on admet quelques erreurs « inévitables » commises dans le passé. Selon le rapport, « l’erreur capitale découle de la position d’infériorité acceptée par la France et de l’abandon des droits qu’implicitement elle a admis dès les premiers jours. » Il faut « parvenir à un règlement pacifique du conflit indochinois par un accord négocié sur un pied d’égalité absolue et dans un esprit de totale confiance » à partir des traités existants. Le VM n’est que l’« instrument exécuteur discipliné des volontés de Moscou qui poursuit dans toute l’Asie du Sud-Est une vaste offensive tendant à y instituer des États de conception communiste. » Il n’y a donc aucun dialogue possible avec lui. On ne peut traiter qu’avec « des personnalités susceptibles d’engager l’ensemble des populations vietnamiennes. » Encore faut-il les trouver… Bao Daï est de ceux-là, même si sa personnalité ne suscite pas un grand enthousiasme dans les rangs gaullistes avec lesquels l’ex-empereur avait cependant eu des contacts et même souhaité un retour du Général aux affaires. En fait, De Gaulle n’a jamais pardonné à l’ex-empereur son allégeance aux Japonais et la proclamation de l’indépendance de 1945 (Turpin, 2005, pp. 351-352). | |||
12 février 49 : Au Cambodge, mise en place du gouvernement Yem Sambaur qui demeurera en place jusqu’au 19 septembre (Jennar, 1995, p. 143). | |||
14 février 49 : Au cours d’un Conseil de défense sur l’Indochine, le haut-commissaire Pignon change le point d’application de l’effort militaire qui était centré jusque-là sur le Tonkin et qui, faute de moyens et d’effectifs, a été réduit comme une peau de chagrin fin 1948. Il l’oriente donc vers le Sud, s’appuyant sur la « solution Bao Daï » (totalement au point mort…) et un très hypothétique retour de l’ex-empereur qui devrait satisfaire les Vietnamiens. | |||
Blaizot, commandant en chef initiateur du plan tonkinois, se trouve en complet désaccord avec le haut-commissaire. Et ce, d’autant plus, que la menace communiste chinoise se précise à la frontière. Alessandri (commandant les forces du Tonkin) soutient au moins partiellement Blaizot et entend concentrer les efforts sur le delta du Fleuve Rouge. Le Conseil de défense, organisme mixte constitué de civils et de militaires, est une fois de plus divisé entre « tonkinois » et « cochinchinois », entre partisans d’une action militaire et partisans d’une solution politique (Gras, 1979, p. 256 ; Cadeau, 2022, pp. 95-98). | |||
Comme le souligne Bodin, le commandement militaire français est en fait en pleine crise : « La conséquence la plus grave fut sans aucun doute les divergences entre les diverses autorités quant à la conduite de la guerre. Le général Blaizot ne s’entendait pas avec le haut-commissaire, Léon Pignon. Le général Alessandri n’avait pas le même point de vue que le général Blaizot. En fait, s’opposaient deux stratégies : une première qui pensait qu’il fallait résoudre les problèmes, zone par zone, en commençant par la Cochinchine avec des arrière-pensées politiques, notamment asseoir l’autorité de Bao Daï [Pignon] ; une seconde qui voulait réduire la résistance au Tonkin de façon à ne pas avoir trop de problèmes en cas d’agression chinoise [Blaizot]. » (Bodin, 2009, p. 141) | |||
15 février 49 : Opération ''Diane'', très localisée. 4 bataillons qui avaient occupé Hung Hoa, Than Son et Phung Vuc se bornent à nettoyer la région montagneuse du Than Son dans la zone des Évêchés. Les choses n’iront guère plus loin (Gras, 1979, p. 256). | |||
19 février 49 : Le haut-commissaire Pignon, président du Conseil de défense de l’Indochine, auquel Blaizot est subordonné (voir 3 mars), prend la décision d’orienter l’effort militaire sur la Cochinchine et le Sud-Annam. Il en informe le commandant en chef par lettre. Il faut « assurer la sécurité des territoires que nous contrôlons et en particulier de la Cochinchine et du Centre-Annam qui constituent les bases territoriales de l’action engagée. » Les opérations en cours au Tonkin sont donc réduites à néant. La grande offensive d’hiver 1948-1949 pensée par Blaizot avorte totalement (Cadeau, 2022, p. 98). | |||
20 février 49 : A l’initiative des jeunesses communistes (fédération de la Seine de l’U.R.J.F.), manifestation non autorisée sur les grands boulevards parisiens contre la guerre. Celle-ci semble obtenir un relatif succès. Après différentes charges de la police, celle-ci procède à 22 arrestations. Ce mouvement en appellera d’autres à Paris ou en région parisienne (Ruscio, 1985, p. 238). | |||
21 et 23 février 49 : Tran Van Huu (chef du gouvernement central provisoire du Sud-Vietnam, voir 20 mai 1948) vient de Saigon à Paris pour poursuivre les discussions en cours. Le gouvernement français, conscient qu’il ne pouvait refuser les revendications vietnamiennes (statut de la Cochinchine), veut toutefois s’entourer de garanties considérées à raison par les Vietnamiens comme des moyens dilatoires pour retarder l’exécution des engagements souscrits. | |||
26 février 49 : Au Cambodge, Jean Léon François Marie de Raymond est nommé Commissaire de la République. | |||
Fin février 49 : Du fait des récentes orientations voulues par le haut-commissaire Pignon (voir 19 février), les bataillons de renforts venus de France pour se battre au Tonkin sont redirigés sur Saigon, ce qui permet au général De Latour d’intensifier la pacification au Sud, du moins autant que faire se peut. | |||
Au Sud, Nguyen Binh réorganise ses ''chi doi'' en régiments et bataillons sur le modèle du Tonkin. Le temps de cette réorganisation, il se contente de simples actions de guérilla (attaque des tours, embuscades). | |||
Des renseignements indiquent une concentration de troupes sino-vietnamiennes le long de la frontière, au nord-ouest à Lao Kay-Pho Lu et au sud-est, dans la région Langson-Monkay. Giap entend attaquer aux quatre coins du Tonkin mais sans lancer d’offensive, préférant des attaques de postes et la pratique de la de guérilla qui auront lieu en mars. Les Français conserveront cependant l’essentiel de leurs principales positions (voir 27 mars). |
Dernière version du 1 juin 2025 à 08:54
Février 49 : Double crise chez les Caodaïstes. La première est interne, axée autour de fortes dissensions. La seconde concerne leurs relations avec les Français. La secte entend diriger seule des provinces entières au sud-ouest de la Cochinchine. Devant le refus des autorités françaises, des groupes conséquents de troupes caodaïstes désertent avec l’aval de leur hiérarchie Elles rendent leurs armes aux Français et cessent leur combat contre le VM. S’ensuit une reconquête partielle par le VM des territoires qui étaient tenus par la secte (Bodin, 1996, p. 97)
Au Cambodge, le Comité de libération du peuple khmer (C.L.P.K.) devient le Comité national khmer de libération (C.N.K.L.), ce qui est une manière de manifester un éloignement d’avec le Viet Minh. Le nouveau président est Poc Khan.
2 février 49 : La politique française à l’égard de ce qui se passe en Chine se veut neutraliste. Une notre du ministère des Affaires étrangères indique : « Toute position actuellement abandonnée sera une position définitivement perdue. En revanche, toute position conservée, même au prix d’un statut mal défini, risque d’être tolérée pendant une longue durée. » Jacques Meyrier (ambassadeur de France auprès de la Chine nationaliste) prône cependant un rapprochement avec les communistes au vu de l’évolution de la situation actuelle. Il rédige des fiches adressées au gouvernement français soulignant le rôle majeur que la France et l’Indochine pourraient jouer tant dans la reconstruction de la Chine que d’un point de vue économique (exportation de riz, thé et soja). S’adressant à Vincent Auriol, il espère également ainsi « émousser chez les nouveaux dirigeants [communistes] leurs velléités d’intervention en Indochine » (Cadeau, 2019, p. 264).
6 février 49 : Pour la clôture de la conférence de la Seine, Maurice Thorez prononce un discours dans lequel il reproche aux militants communistes de sous-estimer la gravité de la situation présente au Vietnam qui menace pourtant la paix mondiale. Il estime que « la paix, la lutte pour la paix, c’est aujourd’hui la question décisive. » Ce discours entraîne une réaction au sein du parti qui, après avoir délaissé la question indochinoise, se recentre désormais sur la thématique de l’action (Ruscio, 1985, pp. 236-237).
8 février 49 : Une note du commandant en chef, le général Blaizot, observe : « En fait nous ne maîtrisons aucun territoire et des surfaces importantes nous sont interdites. On peut donc dire que le commandement français ne dispose, en ce qui concerne les forces terrestres, d’aucune zone de sécurité et d’aucune liberté d’action ni de manœuvre. » (cité in Cadeau, 2019, p. 249)
11 – 12 février 49 : Les Gaullistes évoquent la question indochinoise lors de leurs Assises de Lille. Cette question a été abordée dès le 28 septembre 1948. Un long rapport est produit par Jean-Pierre Bona (IVe commission du Conseil national consacrée à Union française). L’œuvre coloniale de la France est une nouvelle fois mise en avant, même si l’on admet quelques erreurs « inévitables » commises dans le passé. Selon le rapport, « l’erreur capitale découle de la position d’infériorité acceptée par la France et de l’abandon des droits qu’implicitement elle a admis dès les premiers jours. » Il faut « parvenir à un règlement pacifique du conflit indochinois par un accord négocié sur un pied d’égalité absolue et dans un esprit de totale confiance » à partir des traités existants. Le VM n’est que l’« instrument exécuteur discipliné des volontés de Moscou qui poursuit dans toute l’Asie du Sud-Est une vaste offensive tendant à y instituer des États de conception communiste. » Il n’y a donc aucun dialogue possible avec lui. On ne peut traiter qu’avec « des personnalités susceptibles d’engager l’ensemble des populations vietnamiennes. » Encore faut-il les trouver… Bao Daï est de ceux-là, même si sa personnalité ne suscite pas un grand enthousiasme dans les rangs gaullistes avec lesquels l’ex-empereur avait cependant eu des contacts et même souhaité un retour du Général aux affaires. En fait, De Gaulle n’a jamais pardonné à l’ex-empereur son allégeance aux Japonais et la proclamation de l’indépendance de 1945 (Turpin, 2005, pp. 351-352).
12 février 49 : Au Cambodge, mise en place du gouvernement Yem Sambaur qui demeurera en place jusqu’au 19 septembre (Jennar, 1995, p. 143).
14 février 49 : Au cours d’un Conseil de défense sur l’Indochine, le haut-commissaire Pignon change le point d’application de l’effort militaire qui était centré jusque-là sur le Tonkin et qui, faute de moyens et d’effectifs, a été réduit comme une peau de chagrin fin 1948. Il l’oriente donc vers le Sud, s’appuyant sur la « solution Bao Daï » (totalement au point mort…) et un très hypothétique retour de l’ex-empereur qui devrait satisfaire les Vietnamiens.
Blaizot, commandant en chef initiateur du plan tonkinois, se trouve en complet désaccord avec le haut-commissaire. Et ce, d’autant plus, que la menace communiste chinoise se précise à la frontière. Alessandri (commandant les forces du Tonkin) soutient au moins partiellement Blaizot et entend concentrer les efforts sur le delta du Fleuve Rouge. Le Conseil de défense, organisme mixte constitué de civils et de militaires, est une fois de plus divisé entre « tonkinois » et « cochinchinois », entre partisans d’une action militaire et partisans d’une solution politique (Gras, 1979, p. 256 ; Cadeau, 2022, pp. 95-98).
Comme le souligne Bodin, le commandement militaire français est en fait en pleine crise : « La conséquence la plus grave fut sans aucun doute les divergences entre les diverses autorités quant à la conduite de la guerre. Le général Blaizot ne s’entendait pas avec le haut-commissaire, Léon Pignon. Le général Alessandri n’avait pas le même point de vue que le général Blaizot. En fait, s’opposaient deux stratégies : une première qui pensait qu’il fallait résoudre les problèmes, zone par zone, en commençant par la Cochinchine avec des arrière-pensées politiques, notamment asseoir l’autorité de Bao Daï [Pignon] ; une seconde qui voulait réduire la résistance au Tonkin de façon à ne pas avoir trop de problèmes en cas d’agression chinoise [Blaizot]. » (Bodin, 2009, p. 141)
15 février 49 : Opération Diane, très localisée. 4 bataillons qui avaient occupé Hung Hoa, Than Son et Phung Vuc se bornent à nettoyer la région montagneuse du Than Son dans la zone des Évêchés. Les choses n’iront guère plus loin (Gras, 1979, p. 256).
19 février 49 : Le haut-commissaire Pignon, président du Conseil de défense de l’Indochine, auquel Blaizot est subordonné (voir 3 mars), prend la décision d’orienter l’effort militaire sur la Cochinchine et le Sud-Annam. Il en informe le commandant en chef par lettre. Il faut « assurer la sécurité des territoires que nous contrôlons et en particulier de la Cochinchine et du Centre-Annam qui constituent les bases territoriales de l’action engagée. » Les opérations en cours au Tonkin sont donc réduites à néant. La grande offensive d’hiver 1948-1949 pensée par Blaizot avorte totalement (Cadeau, 2022, p. 98).
20 février 49 : A l’initiative des jeunesses communistes (fédération de la Seine de l’U.R.J.F.), manifestation non autorisée sur les grands boulevards parisiens contre la guerre. Celle-ci semble obtenir un relatif succès. Après différentes charges de la police, celle-ci procède à 22 arrestations. Ce mouvement en appellera d’autres à Paris ou en région parisienne (Ruscio, 1985, p. 238).
21 et 23 février 49 : Tran Van Huu (chef du gouvernement central provisoire du Sud-Vietnam, voir 20 mai 1948) vient de Saigon à Paris pour poursuivre les discussions en cours. Le gouvernement français, conscient qu’il ne pouvait refuser les revendications vietnamiennes (statut de la Cochinchine), veut toutefois s’entourer de garanties considérées à raison par les Vietnamiens comme des moyens dilatoires pour retarder l’exécution des engagements souscrits.
26 février 49 : Au Cambodge, Jean Léon François Marie de Raymond est nommé Commissaire de la République.
Fin février 49 : Du fait des récentes orientations voulues par le haut-commissaire Pignon (voir 19 février), les bataillons de renforts venus de France pour se battre au Tonkin sont redirigés sur Saigon, ce qui permet au général De Latour d’intensifier la pacification au Sud, du moins autant que faire se peut.
Au Sud, Nguyen Binh réorganise ses chi doi en régiments et bataillons sur le modèle du Tonkin. Le temps de cette réorganisation, il se contente de simples actions de guérilla (attaque des tours, embuscades).
Des renseignements indiquent une concentration de troupes sino-vietnamiennes le long de la frontière, au nord-ouest à Lao Kay-Pho Lu et au sud-est, dans la région Langson-Monkay. Giap entend attaquer aux quatre coins du Tonkin mais sans lancer d’offensive, préférant des attaques de postes et la pratique de la de guérilla qui auront lieu en mars. Les Français conserveront cependant l’essentiel de leurs principales positions (voir 27 mars).