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Décembre 44 : De Gaulle nomme D’Argenlieu au grade de vice-amiral, ce qui équivaut dans la Marine à un statut de général de corps d’armée. Cette nomination permet à D’Argenlieu d’avoir un grade au moins égal à celui de Leclerc qui doit l’accompagner dans la reconquête de l’Indochine. | |||
Dans un rapport adressé à Paris, De Langlade évoque les convictions de Decoux sur le Japon qui sont aux antipodes de celles de De Gaulle et des Japonais eux-mêmes : « Il considère que le Japonais n’est pas un ennemi de la France au même titre que l’Allemand. Il compte que le Japonais a tout intérêt à se ménager la France alors qu’il a toutes les autres nations blanches contre lui. Il pense qu’il est possible d’amener les Japonais à se retirer d’eux-mêmes d’Indochine. Il considère donc qu’il est nécessaire pour cette politique que les Japonais ne se sentent pas complètement coupés du gouvernement français. Autrement ils ne ménageront pas l’Indochine dans sa personne pensant qu’il ne jouit d’aucun crédit auprès du gouvernement. Il est persuadé que les Japonais souhaitent un jour utiliser auprès de la France leur crédit (traitement privilégié de l’Indochine) pour traiter avec les Alliés. » (cité ''in'' Isoart, 1982, p. 36, note 121) | |||
Dans le même rapport, De Langlade note avec un regard extérieur : « Dans tous les pays de l’Union les Indochinois sont satisfaits d’avoir évité la guerre, ils sont généralement reconnaissants aux Français de cet état de chose. De l’avis général ils sont convaincus que la Japonais a perdu la guerre. » Il observe également que la population au Sud est bien nourrie mais insuffisamment au Nord, cette contrée souffrant d’une importante pénurie de vêtements. D’où « la crainte des Européens vis-à-vis des Indochinois, crainte due au terrible écart qui existe entre les deux populations, écart qui s’est accentué dans les dernières années. » (cité ''in'' Isoart, 1982, pp. 36-37) | |||
1<sup>er</sup> décembre 44 : Edward Reilly Stettinius devient secrétaire d’État en remplacement de Cordell Hull. Il occupera ce poste jusqu’au 27 juin 1945. | |||
8 décembre 44 : De Gaulle promet aux peuples indochinois un statut politique plus libéral au sein d’une communauté dénommée « '''Union française »''' (Francini 1, 1988, p. 214). Cette formulation est de Paul Mus, gaulliste historique, camarade de promotion à la Force 136 de Pierre Messmer. | |||
Réunion à Paris du Comité d’action pour la libération de l’Indochine. Sont présents Pleven, Giaccobi, Chauvel, Soustelle, Juin et La Laurentie suite à l’arrivée à Paris du contenu du télégramme modifié par Langlade et qui a substitué « une autre dépêche comportant certains ajouts et certaines omissions », contrairement aux instructions qu’il avait reçues de Paris sur le maintien et le rôle de Decoux. Pleven, contrairement aux ordres antérieurs, estime qu’il est urgent de rappeler De Langlade : « […] il avait un ordre du gouvernement et la modification qui a été apportée n’est pas admissible. » Ce dernier est vertement condamné par les membres présents mais, pour autant, le Comité se plie devant la fait accompli et il n’est nullement question d’appuyer Decoux (voir 13 janvier 45) (De Folin, 1993, p. 50 ; Turpin, 2005, pp. 59-60). '''Comme le souligne Turpin, les tergiversations des uns et des autres « installai[ent] dans les fait une véritable dyarchie (Decoux-Mordant) à la tête de l’Indochine, même si pour Paris, Diogène [Decoux] demeurait une « traître en puissance » qui serait jugé en fonction de son action présente et future. Quant à Narcisse [Mordant], sa personnalité et son absence de qualités faisaient l’unanimité contre lui […] La mésentente totale de ces deux hommes eut des conséquences catastrophiques sur le destin de l’Indochine. »''' (Turpin, 2005, p. 60) | |||
Lord Halifax (ministre britannique des Affaires étrangères) remet une nouvelle note à Stettinius (nouveau secrétaire d’État américain) qui stipule : « L’Indochine constitue une zone d’importance vitale pour le commandement de lord Mountbatten. Nous demandons l’accord du gouvernement américain pour aider les Français. » (De Folin, 1993, p. 64) | |||
14 décembre 44 : Retour de l’interlocuteur du général Catroux en 1940, le général Tsuchihaschi à la tête de la 38<sup>e</sup> armée soit 60 000 soldats aguerris. L’armée japonaise ne cesse de se renforcer sur le territoire indochinois. Le maréchal Terauchi, commandant supérieur de la région du Sud, installe son P.C. à Saigon au lycée Pétrus-Ky. Un bon nombre de signes montrent que la guerre se rapproche de l’Indochine (Zeller, 2021, pp. 67-68). | |||
15 – 17 septembre 44 : Les membres de la « Délégation des Indochinois en France » (intellectuels résidant en France) organisent un « Congrès indochinois » qui obtient un soutien des travailleurs organisés. Leurs relations avec l’administration française deviennent rapidement conflictuelles (Isoart, 1982, pp. 50-51). | |||
20 décembre 44 : Par crainte d’un coup de force français possiblement envisagé au vue des récentes défaites japonaises, Tokyo renforce sa présence en Indochine et constitue sa 38<sup>e</sup> armée placée sous le commandement du général Yuichi Tsuchihasbi (82 000 hommes). La 37<sup>e</sup> division, une partie de la 22<sup>e</sup> division stationnée en Chine (23 000 hommes) ainsi que la 2<sup>e</sup> division en provenance de Birmanie (13 000 hommes) rejoignent la péninsule indochinoise (Pedroncini, 1992, p. 39 et 49). | |||
22 décembre 44 : HCM ordonne à Giap de créer un « Détachement de propagande armée pour la libération du Vietnam » formé au départ de 34 hommes et femmes sélectionnés par lui et chargés d’embrigader la population par la force et la persuasion. Sa direction est confiée à Giap et ses membres constitueront la future élite des cadres militaires de la R.D.V. '''C’est l’embryon de la future Armée populaire vietnamienne (A.P.V. ou A.P.V.N.)''' (Gras, 1979, p. 27). Elle est surtout chargée d’aller faire de la propagande auprès des populations montagnardes et ne participe, vu ses maigres effectifs et moyens, qu’à de toutes petites opérations contre les postes japonais isolés. | |||
Selon Marangé, « tout en insistant sur l’importance de l’instruction politique et sur le rôle de l’idéologie, [HCM] recommanda aux soldats d’utiliser de leurs atouts, « le secret, la rapidité, l’initiative (aujourd’hui à l’est, demain à l’ouest) » et la capacité à « apparaître et disparaître à l’improviste ». L’organisation des brigades suivait deux principes, empruntés à l’Armée populaire de libération chinoise : la primauté du politique, la mobilité et la versatilité des troupes. La première mission des soldats consistait à gagner la confiance des villageois en menant des campagnes d’instruction et en s’appuyant sur les organisations de masse. Cela leur permettait d’impliquer la population dans les opérations de guérilla, de se fondre parmi elle au moindre danger et de se regrouper à la première opportunité. » (Marangé, 2012, pp. 141-142) | |||
Le point 9 du serment d’un soldat de l’A.P.V. précise alors : « Dans les contacts avec le peuple, se conformer aux trois recommandations : respecter le peuple, défendre le peuple, afin de gagner sa confiance et son affection et de réaliser une parfaite entente entre le peuple et l’armée. » (cité ''in'' Dalloz, 2006, p. 18) Le rôle des commissaires politiques sera également de faire appliquer ce point envers les populations. | |||
Fin 44 : Période de mauvaises récoltes, encore aggravée par la destruction des moyens de transport et les ponctions nippones. '''La famine apparaît au Tonkin''' suite aux mauvaises récoltes du mois d’octobre. Elle provoquera entre 500 000 et un million de morts (soit environ 10 % de la population du Tonkin estimée à 7 millions en 1944) et ne se résorbera progressivement qu’avec la récolte de juin 1945 (Marangé, 2012, p. 143). Utilisée comme outil de propagande par le VM, HCM accusera les Français et les Japonais auprès des Américains d’avoir encore accentué cette famine en favorisant la culture du ricin et du jute au détriment des cultures vivrières. Dans les faits, selon De Folin, c’est plutôt la disparition de l’administration française qui empêche la fourniture de riz par le biais de jonques de mer venant de Cochinchine nécessaires à établir la période de soudure (De Folin, 1993, p. 77). S’y ajoute une rupture des communications entre le Nord et le Sud due au contexte de guerre : bombardement alliés touchant un matériel ferroviaire en fin de vie et routes maritimes devenues périlleuses. Cadeau estime que « le Vietminh porte également une part de responsabilité puisqu’il détruit ou capture un tonnage important du riz, distribué de façon partisane. » (Cadeau, 2019, p. 585, note 37) | |||
Selon Francini, les effectifs japonais en Indochine s’élèvent à 6 200 hommes (Franchini 1, 1988, p. 183). |
Dernière version du 21 mai 2025 à 13:58
Décembre 44 : De Gaulle nomme D’Argenlieu au grade de vice-amiral, ce qui équivaut dans la Marine à un statut de général de corps d’armée. Cette nomination permet à D’Argenlieu d’avoir un grade au moins égal à celui de Leclerc qui doit l’accompagner dans la reconquête de l’Indochine.
Dans un rapport adressé à Paris, De Langlade évoque les convictions de Decoux sur le Japon qui sont aux antipodes de celles de De Gaulle et des Japonais eux-mêmes : « Il considère que le Japonais n’est pas un ennemi de la France au même titre que l’Allemand. Il compte que le Japonais a tout intérêt à se ménager la France alors qu’il a toutes les autres nations blanches contre lui. Il pense qu’il est possible d’amener les Japonais à se retirer d’eux-mêmes d’Indochine. Il considère donc qu’il est nécessaire pour cette politique que les Japonais ne se sentent pas complètement coupés du gouvernement français. Autrement ils ne ménageront pas l’Indochine dans sa personne pensant qu’il ne jouit d’aucun crédit auprès du gouvernement. Il est persuadé que les Japonais souhaitent un jour utiliser auprès de la France leur crédit (traitement privilégié de l’Indochine) pour traiter avec les Alliés. » (cité in Isoart, 1982, p. 36, note 121)
Dans le même rapport, De Langlade note avec un regard extérieur : « Dans tous les pays de l’Union les Indochinois sont satisfaits d’avoir évité la guerre, ils sont généralement reconnaissants aux Français de cet état de chose. De l’avis général ils sont convaincus que la Japonais a perdu la guerre. » Il observe également que la population au Sud est bien nourrie mais insuffisamment au Nord, cette contrée souffrant d’une importante pénurie de vêtements. D’où « la crainte des Européens vis-à-vis des Indochinois, crainte due au terrible écart qui existe entre les deux populations, écart qui s’est accentué dans les dernières années. » (cité in Isoart, 1982, pp. 36-37)
1er décembre 44 : Edward Reilly Stettinius devient secrétaire d’État en remplacement de Cordell Hull. Il occupera ce poste jusqu’au 27 juin 1945.
8 décembre 44 : De Gaulle promet aux peuples indochinois un statut politique plus libéral au sein d’une communauté dénommée « Union française » (Francini 1, 1988, p. 214). Cette formulation est de Paul Mus, gaulliste historique, camarade de promotion à la Force 136 de Pierre Messmer.
Réunion à Paris du Comité d’action pour la libération de l’Indochine. Sont présents Pleven, Giaccobi, Chauvel, Soustelle, Juin et La Laurentie suite à l’arrivée à Paris du contenu du télégramme modifié par Langlade et qui a substitué « une autre dépêche comportant certains ajouts et certaines omissions », contrairement aux instructions qu’il avait reçues de Paris sur le maintien et le rôle de Decoux. Pleven, contrairement aux ordres antérieurs, estime qu’il est urgent de rappeler De Langlade : « […] il avait un ordre du gouvernement et la modification qui a été apportée n’est pas admissible. » Ce dernier est vertement condamné par les membres présents mais, pour autant, le Comité se plie devant la fait accompli et il n’est nullement question d’appuyer Decoux (voir 13 janvier 45) (De Folin, 1993, p. 50 ; Turpin, 2005, pp. 59-60). Comme le souligne Turpin, les tergiversations des uns et des autres « installai[ent] dans les fait une véritable dyarchie (Decoux-Mordant) à la tête de l’Indochine, même si pour Paris, Diogène [Decoux] demeurait une « traître en puissance » qui serait jugé en fonction de son action présente et future. Quant à Narcisse [Mordant], sa personnalité et son absence de qualités faisaient l’unanimité contre lui […] La mésentente totale de ces deux hommes eut des conséquences catastrophiques sur le destin de l’Indochine. » (Turpin, 2005, p. 60)
Lord Halifax (ministre britannique des Affaires étrangères) remet une nouvelle note à Stettinius (nouveau secrétaire d’État américain) qui stipule : « L’Indochine constitue une zone d’importance vitale pour le commandement de lord Mountbatten. Nous demandons l’accord du gouvernement américain pour aider les Français. » (De Folin, 1993, p. 64)
14 décembre 44 : Retour de l’interlocuteur du général Catroux en 1940, le général Tsuchihaschi à la tête de la 38e armée soit 60 000 soldats aguerris. L’armée japonaise ne cesse de se renforcer sur le territoire indochinois. Le maréchal Terauchi, commandant supérieur de la région du Sud, installe son P.C. à Saigon au lycée Pétrus-Ky. Un bon nombre de signes montrent que la guerre se rapproche de l’Indochine (Zeller, 2021, pp. 67-68).
15 – 17 septembre 44 : Les membres de la « Délégation des Indochinois en France » (intellectuels résidant en France) organisent un « Congrès indochinois » qui obtient un soutien des travailleurs organisés. Leurs relations avec l’administration française deviennent rapidement conflictuelles (Isoart, 1982, pp. 50-51).
20 décembre 44 : Par crainte d’un coup de force français possiblement envisagé au vue des récentes défaites japonaises, Tokyo renforce sa présence en Indochine et constitue sa 38e armée placée sous le commandement du général Yuichi Tsuchihasbi (82 000 hommes). La 37e division, une partie de la 22e division stationnée en Chine (23 000 hommes) ainsi que la 2e division en provenance de Birmanie (13 000 hommes) rejoignent la péninsule indochinoise (Pedroncini, 1992, p. 39 et 49).
22 décembre 44 : HCM ordonne à Giap de créer un « Détachement de propagande armée pour la libération du Vietnam » formé au départ de 34 hommes et femmes sélectionnés par lui et chargés d’embrigader la population par la force et la persuasion. Sa direction est confiée à Giap et ses membres constitueront la future élite des cadres militaires de la R.D.V. C’est l’embryon de la future Armée populaire vietnamienne (A.P.V. ou A.P.V.N.) (Gras, 1979, p. 27). Elle est surtout chargée d’aller faire de la propagande auprès des populations montagnardes et ne participe, vu ses maigres effectifs et moyens, qu’à de toutes petites opérations contre les postes japonais isolés.
Selon Marangé, « tout en insistant sur l’importance de l’instruction politique et sur le rôle de l’idéologie, [HCM] recommanda aux soldats d’utiliser de leurs atouts, « le secret, la rapidité, l’initiative (aujourd’hui à l’est, demain à l’ouest) » et la capacité à « apparaître et disparaître à l’improviste ». L’organisation des brigades suivait deux principes, empruntés à l’Armée populaire de libération chinoise : la primauté du politique, la mobilité et la versatilité des troupes. La première mission des soldats consistait à gagner la confiance des villageois en menant des campagnes d’instruction et en s’appuyant sur les organisations de masse. Cela leur permettait d’impliquer la population dans les opérations de guérilla, de se fondre parmi elle au moindre danger et de se regrouper à la première opportunité. » (Marangé, 2012, pp. 141-142)
Le point 9 du serment d’un soldat de l’A.P.V. précise alors : « Dans les contacts avec le peuple, se conformer aux trois recommandations : respecter le peuple, défendre le peuple, afin de gagner sa confiance et son affection et de réaliser une parfaite entente entre le peuple et l’armée. » (cité in Dalloz, 2006, p. 18) Le rôle des commissaires politiques sera également de faire appliquer ce point envers les populations.
Fin 44 : Période de mauvaises récoltes, encore aggravée par la destruction des moyens de transport et les ponctions nippones. La famine apparaît au Tonkin suite aux mauvaises récoltes du mois d’octobre. Elle provoquera entre 500 000 et un million de morts (soit environ 10 % de la population du Tonkin estimée à 7 millions en 1944) et ne se résorbera progressivement qu’avec la récolte de juin 1945 (Marangé, 2012, p. 143). Utilisée comme outil de propagande par le VM, HCM accusera les Français et les Japonais auprès des Américains d’avoir encore accentué cette famine en favorisant la culture du ricin et du jute au détriment des cultures vivrières. Dans les faits, selon De Folin, c’est plutôt la disparition de l’administration française qui empêche la fourniture de riz par le biais de jonques de mer venant de Cochinchine nécessaires à établir la période de soudure (De Folin, 1993, p. 77). S’y ajoute une rupture des communications entre le Nord et le Sud due au contexte de guerre : bombardement alliés touchant un matériel ferroviaire en fin de vie et routes maritimes devenues périlleuses. Cadeau estime que « le Vietminh porte également une part de responsabilité puisqu’il détruit ou capture un tonnage important du riz, distribué de façon partisane. » (Cadeau, 2019, p. 585, note 37)
Selon Francini, les effectifs japonais en Indochine s’élèvent à 6 200 hommes (Franchini 1, 1988, p. 183).