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Septembre 75 : Invités à Hanoi par Pham Van Dong, Sihanouk et Kieu Samphan (vice-premier ministre du G.R.U.N.C.) posent une condition, qu’une discussion sur la question litigieuse de la frontière khméro-vietnamienne soit abordée. Au final, Samphan décline l’invitation au prétexte qu’il soupçonne une manœuvre vietnamienne de reconstitution d’une Fédération indochinoise qui inclurait le Laos et assurerait ainsi une prédominance vietnamienne en Indochine (Richer, 2009, pp. 62-63). | |||
'''Au Cambodge, deuxième vague de déportations massives.''' Plusieurs centaines de milliers de personnes sont obligées de quitter les régions au sud et à l’est de Phnom Penh pour gagner le Nord-Ouest du pays. La mise en place des coopératives agricoles entraîne un nouveau déplacement massif des populations. Cette mesure, faite la plupart du temps dans une improvisation totale, est particulièrement impopulaire au moment où les paysans entendent bénéficier des fruits de leurs récoltes. De plus, ceux-ci sont attachés à leurs villages, à leurs terres (celle des ancêtres). Ils se retrouvent déracinés dans des régions inhospitalières et insalubres où tout reste à faire à la sueur de leur front et sous la contrainte de l’encadrement plus que coercitif des KR : mise en place d’une bureaucratie de contrôle, épuisement progressif des corps sous-alimentés, menaces de mort et exécutions envers ceux qui ne montrent pas suffisamment de zèle à la tâche imposée. | |||
Ouverture d’une ambassade vietnamienne à Phnom Penh (Biernan, 1998, p. 130). Des représentations diplomatiques s’installent dans la capitale cambodgienne : Chine, Corée du Nord, Albanie, Yougoslavie, Cuba, Laos puis Égypte, Roumanie et Birmanie. Mise à part la Chine qui garde ses locaux, les autres représentations sont regroupées sur le boulevard Monivong où elles bénéficient de magasins diplomatiques. Les représentants ne sont pas autorisés à circuler librement et leurs rapports avec le ministère des Affaires étrangères (B1) sont réduits au minimum. Des ambassadeurs cambodgiens seront nommés dans divers États : Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Chine, Laos, Suède, Tanzanie, U.R.S.S., Vietnam, Yougoslavie (Aberdam, 2015, p. 141). | |||
La direction du Centre autorise le retour d’environ 1 000 Cambodgiens exilés à l’étranger. Constatant que ce sont des intellectuels, on les rapatrie « en bloc […] afin qu’ils ne restent pas hors du pays, ce qui nous causerait notre perte sur le plan politique ». On prévoit d’en faire une la main-d’œuvre corvéable à merci (Biernan, 1998, pp. 171-172). | |||
Ébauche d’un rapprochement diplomatique entre le KD et la Thaïlande sous l’impulsion de Chatichai Choonhavan. Lorsqu’il était aux affaires, Sihanouk avait rompu les relations diplomatiques avec la Thaïlande jugée alors comme pro-américaine. En prévision d’un conflit inévitable avec le Vietnam, le KD entend renouer avec ce voisin bien embarrassant car contestant lui aussi les actuelles frontières entre les deux pays. Le ministre des Affaires étrangères thaïlandais Bichai Rattakul se rend à Sisophon (à une quarantaine de kilomètres de la frontière). Il est accompagné par Anan Panharachun, secrétaire permanent du ministère thaïlandais des Affaires étrangères et futur premier ministre. Il est accueilli par Suong Sikoeun. L’entretien est bref, une matinée, mais aboutit à un accord sur le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays (Sikoeun, 2013, p. 270). | |||
2 septembre 75 : Sur le chemin du retour pour Phnom Penh, Sihanouk fait escale à Hanoï. | |||
9 septembre 75 : Après bien des tentatives infructueuses, '''Norodom Sihanouk et Penn Nouth (toujours premier ministre) font leur retour au Cambodge pour une durée de trois semaines avant la réalisation d’une tournée internationale'''. Sihanouk est accueilli dans son pays avec les honneurs et bien traité par les KR. Mais il va vite déchanter. La capitale est vide. Ses déplacements vont être rapidement limités. A son arrivée au palais Khemarin, les KR qui l’accompagnent lui disent sèchement : « Vous, les rois et les princes vous n’avez pas été capables de sauvegarder le Kampuchéa Krom. Nous, Kampuchéa démocratique, nous possédons une armée supérieure à celle des Viets, nous allons leur faire la guerre et nous réussirons à libérer le Kampuchéa Krom devenu Sud-Vietnam et à le rattacher au Kampuchéa actuel. » Un peu plus tard, lors d’une visite dans une usine de tissage, les ouvrières lui feront discrètement passer des messages écrits pour exprimer leur détresse actuelle. Si, officiellement, il préside le conseil des ministres, il n’a en fait aucun pouvoir de décision (Ponchaud, 2005, p. 188 ; Cambacérès, 2013, p. 211). Une visite à Angkor pour y déposer les cendres de la reine Kossamak lui est refusée. | |||
Selon Sihanouk, « en septembre 1975, rentré une fois au Cambodge « libéré » sur invitation des dirigeants khmers rouges, je fus bien surpris d’entendre Khieu Samphan, Son Sen et c<sup>ie</sup> me dire, tout souriants et l’air satisfait, que leurs soldats étaient « mécontents » du « Parti », parce que ce dernier ne leur donnait pas le feu vert pour aller récupérer le « Kampuchéa krom » - le Bas-Cambodge (Sud-Vietnam) ainsi que les districts frontaliers de Thaïlande ayant appartenu au Kampuchéa dans le passé (Aranya, Surin, etc.) » (Sihanouk, 1989, p. 79). | |||
13 septembre 75 : Arrivée à Phnom Penh du premier contingent d’experts militaires chinois sous la conduite du général Deng Khun-San désigné comme chef de ce groupe au Cambodge. Ils sont hébergés dans les locaux de l’ancien ministère de la Défense (Sikoeun, 2013, p. 290). | |||
Mi-septembre 75 : La Chine envisage d’apporter au KD une aide économique et militaire à hauteur d’un milliard de dollars, sans intérêts, avec un don immédiat de 20 millions de dollars. C’est l’aide la plus importante que la Chine ait jamais apportée à un pays. Elle stoppe en même temps son aide au Vietnam (Biernan, 1998, p. 152). | |||
17 septembre 75 : En quittant le siège de l’O.N.U., Ieng Sary (Affaires étrangères) se rend à Cuba pour une visite officielle durant laquelle il est reçu par Fidel Castro (Sikoeun, 2013, p. 303). | |||
19 septembre 75 : Un document secret émanant de la direction du Centre affirme que « par comparaison avec les révolutions chinoises, coréenne et vietnamienne, nous avons trente ans d’avance. En certains endroits nous concentrons la force du peuple pour produire jour et nuit, qu’il pleuve ou qu’il vente. Ainsi le peuple, nouveau et ancien, n’hésite pas à travailler avec acharnement. » Le document prévoit les besoins en main d’œuvre vers les zones Nord et Nord-Ouest jugées sous-peuplées et donc des déplacements de population, principalement du « peuple nouveau », avec toutes les conséquences dramatiques que cela implique pour lui (Biernan, 1998, p. 117). | |||
'''Le Centre décide d’abolir totalement la monnaie au Cambodge'''. Il justifie cette décision en évoquant le cas de la Chine qui, pour autant, ne l’a jamais fait : « Les Chinois paient aujourd’hui des salaires à ceux qui travaillent pour l’État, etc. Les salaires créent la propriété privée car, lorsque l’on a de l’argent, on le met de côté pour acheter une chose ou une autre [...] Mao Zedong a dit que la Chine devait faire encore quatre à dix révolutions culturelles. Zhou Enlaï a dit que la possibilité du retour du système capitaliste aux commandes de l’État restait un problème. » (cité in Biernan, 1998, p. 172) | |||
Arrivée et installation à Phnom Penh de l’ambassadeur vietnamien Nguyen Thuong. Il n’y avait plus de représentation vietnamienne dans la capitale du Cambodge depuis la destitution de Sihanouk en avril 1970. Il est accueilli par Keat Chhon, ministre délégué à la présidence du Conseil des ministres du G.R.U.N.K. (Sikoeun, 2013, p. 289). | |||
20 septembre 75 : Des réfugiés arrivés en Thaïlande adressent au Secrétaire général de l’O.N.U. et au prince Sihanouk un mémoire décrivant les atrocités commises au Cambodge depuis le 17 avril. Le même jour, Sihanouk part pour New York où il doit se rendre à l’O.N.U. Il effectuera ensuite une visite dans une dizaine de pays dont la France en octobre. | |||
30 septembre 75 : Au Cambodge, arrestation de Mey Pho, l’un des plus vieux des communistes cambodgiens (24 années de présence au parti). Il était un des sept à avoir participé au coup de force du 9 août 1945. Cette arrestation est le signe avant-coureur d’une purge visant les communistes formés à Hanoi (Biernan, 1998, p. 129). |
Dernière version du 4 août 2025 à 07:59
Septembre 75 : Invités à Hanoi par Pham Van Dong, Sihanouk et Kieu Samphan (vice-premier ministre du G.R.U.N.C.) posent une condition, qu’une discussion sur la question litigieuse de la frontière khméro-vietnamienne soit abordée. Au final, Samphan décline l’invitation au prétexte qu’il soupçonne une manœuvre vietnamienne de reconstitution d’une Fédération indochinoise qui inclurait le Laos et assurerait ainsi une prédominance vietnamienne en Indochine (Richer, 2009, pp. 62-63).
Au Cambodge, deuxième vague de déportations massives. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont obligées de quitter les régions au sud et à l’est de Phnom Penh pour gagner le Nord-Ouest du pays. La mise en place des coopératives agricoles entraîne un nouveau déplacement massif des populations. Cette mesure, faite la plupart du temps dans une improvisation totale, est particulièrement impopulaire au moment où les paysans entendent bénéficier des fruits de leurs récoltes. De plus, ceux-ci sont attachés à leurs villages, à leurs terres (celle des ancêtres). Ils se retrouvent déracinés dans des régions inhospitalières et insalubres où tout reste à faire à la sueur de leur front et sous la contrainte de l’encadrement plus que coercitif des KR : mise en place d’une bureaucratie de contrôle, épuisement progressif des corps sous-alimentés, menaces de mort et exécutions envers ceux qui ne montrent pas suffisamment de zèle à la tâche imposée.
Ouverture d’une ambassade vietnamienne à Phnom Penh (Biernan, 1998, p. 130). Des représentations diplomatiques s’installent dans la capitale cambodgienne : Chine, Corée du Nord, Albanie, Yougoslavie, Cuba, Laos puis Égypte, Roumanie et Birmanie. Mise à part la Chine qui garde ses locaux, les autres représentations sont regroupées sur le boulevard Monivong où elles bénéficient de magasins diplomatiques. Les représentants ne sont pas autorisés à circuler librement et leurs rapports avec le ministère des Affaires étrangères (B1) sont réduits au minimum. Des ambassadeurs cambodgiens seront nommés dans divers États : Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Chine, Laos, Suède, Tanzanie, U.R.S.S., Vietnam, Yougoslavie (Aberdam, 2015, p. 141).
La direction du Centre autorise le retour d’environ 1 000 Cambodgiens exilés à l’étranger. Constatant que ce sont des intellectuels, on les rapatrie « en bloc […] afin qu’ils ne restent pas hors du pays, ce qui nous causerait notre perte sur le plan politique ». On prévoit d’en faire une la main-d’œuvre corvéable à merci (Biernan, 1998, pp. 171-172).
Ébauche d’un rapprochement diplomatique entre le KD et la Thaïlande sous l’impulsion de Chatichai Choonhavan. Lorsqu’il était aux affaires, Sihanouk avait rompu les relations diplomatiques avec la Thaïlande jugée alors comme pro-américaine. En prévision d’un conflit inévitable avec le Vietnam, le KD entend renouer avec ce voisin bien embarrassant car contestant lui aussi les actuelles frontières entre les deux pays. Le ministre des Affaires étrangères thaïlandais Bichai Rattakul se rend à Sisophon (à une quarantaine de kilomètres de la frontière). Il est accompagné par Anan Panharachun, secrétaire permanent du ministère thaïlandais des Affaires étrangères et futur premier ministre. Il est accueilli par Suong Sikoeun. L’entretien est bref, une matinée, mais aboutit à un accord sur le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays (Sikoeun, 2013, p. 270).
2 septembre 75 : Sur le chemin du retour pour Phnom Penh, Sihanouk fait escale à Hanoï.
9 septembre 75 : Après bien des tentatives infructueuses, Norodom Sihanouk et Penn Nouth (toujours premier ministre) font leur retour au Cambodge pour une durée de trois semaines avant la réalisation d’une tournée internationale. Sihanouk est accueilli dans son pays avec les honneurs et bien traité par les KR. Mais il va vite déchanter. La capitale est vide. Ses déplacements vont être rapidement limités. A son arrivée au palais Khemarin, les KR qui l’accompagnent lui disent sèchement : « Vous, les rois et les princes vous n’avez pas été capables de sauvegarder le Kampuchéa Krom. Nous, Kampuchéa démocratique, nous possédons une armée supérieure à celle des Viets, nous allons leur faire la guerre et nous réussirons à libérer le Kampuchéa Krom devenu Sud-Vietnam et à le rattacher au Kampuchéa actuel. » Un peu plus tard, lors d’une visite dans une usine de tissage, les ouvrières lui feront discrètement passer des messages écrits pour exprimer leur détresse actuelle. Si, officiellement, il préside le conseil des ministres, il n’a en fait aucun pouvoir de décision (Ponchaud, 2005, p. 188 ; Cambacérès, 2013, p. 211). Une visite à Angkor pour y déposer les cendres de la reine Kossamak lui est refusée.
Selon Sihanouk, « en septembre 1975, rentré une fois au Cambodge « libéré » sur invitation des dirigeants khmers rouges, je fus bien surpris d’entendre Khieu Samphan, Son Sen et cie me dire, tout souriants et l’air satisfait, que leurs soldats étaient « mécontents » du « Parti », parce que ce dernier ne leur donnait pas le feu vert pour aller récupérer le « Kampuchéa krom » - le Bas-Cambodge (Sud-Vietnam) ainsi que les districts frontaliers de Thaïlande ayant appartenu au Kampuchéa dans le passé (Aranya, Surin, etc.) » (Sihanouk, 1989, p. 79).
13 septembre 75 : Arrivée à Phnom Penh du premier contingent d’experts militaires chinois sous la conduite du général Deng Khun-San désigné comme chef de ce groupe au Cambodge. Ils sont hébergés dans les locaux de l’ancien ministère de la Défense (Sikoeun, 2013, p. 290).
Mi-septembre 75 : La Chine envisage d’apporter au KD une aide économique et militaire à hauteur d’un milliard de dollars, sans intérêts, avec un don immédiat de 20 millions de dollars. C’est l’aide la plus importante que la Chine ait jamais apportée à un pays. Elle stoppe en même temps son aide au Vietnam (Biernan, 1998, p. 152).
17 septembre 75 : En quittant le siège de l’O.N.U., Ieng Sary (Affaires étrangères) se rend à Cuba pour une visite officielle durant laquelle il est reçu par Fidel Castro (Sikoeun, 2013, p. 303).
19 septembre 75 : Un document secret émanant de la direction du Centre affirme que « par comparaison avec les révolutions chinoises, coréenne et vietnamienne, nous avons trente ans d’avance. En certains endroits nous concentrons la force du peuple pour produire jour et nuit, qu’il pleuve ou qu’il vente. Ainsi le peuple, nouveau et ancien, n’hésite pas à travailler avec acharnement. » Le document prévoit les besoins en main d’œuvre vers les zones Nord et Nord-Ouest jugées sous-peuplées et donc des déplacements de population, principalement du « peuple nouveau », avec toutes les conséquences dramatiques que cela implique pour lui (Biernan, 1998, p. 117).
Le Centre décide d’abolir totalement la monnaie au Cambodge. Il justifie cette décision en évoquant le cas de la Chine qui, pour autant, ne l’a jamais fait : « Les Chinois paient aujourd’hui des salaires à ceux qui travaillent pour l’État, etc. Les salaires créent la propriété privée car, lorsque l’on a de l’argent, on le met de côté pour acheter une chose ou une autre [...] Mao Zedong a dit que la Chine devait faire encore quatre à dix révolutions culturelles. Zhou Enlaï a dit que la possibilité du retour du système capitaliste aux commandes de l’État restait un problème. » (cité in Biernan, 1998, p. 172)
Arrivée et installation à Phnom Penh de l’ambassadeur vietnamien Nguyen Thuong. Il n’y avait plus de représentation vietnamienne dans la capitale du Cambodge depuis la destitution de Sihanouk en avril 1970. Il est accueilli par Keat Chhon, ministre délégué à la présidence du Conseil des ministres du G.R.U.N.K. (Sikoeun, 2013, p. 289).
20 septembre 75 : Des réfugiés arrivés en Thaïlande adressent au Secrétaire général de l’O.N.U. et au prince Sihanouk un mémoire décrivant les atrocités commises au Cambodge depuis le 17 avril. Le même jour, Sihanouk part pour New York où il doit se rendre à l’O.N.U. Il effectuera ensuite une visite dans une dizaine de pays dont la France en octobre.
30 septembre 75 : Au Cambodge, arrestation de Mey Pho, l’un des plus vieux des communistes cambodgiens (24 années de présence au parti). Il était un des sept à avoir participé au coup de force du 9 août 1945. Cette arrestation est le signe avant-coureur d’une purge visant les communistes formés à Hanoi (Biernan, 1998, p. 129).