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par Jean-François Jagielski

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Janvier 50 : En France, les communistes entrent ouvertement en dissidence contre « les scandales de la guerre ». Le parti actionne en sous-main ses relais : la C.G.T., l’Union des Combattants pour la paix, l’Union des Femmes de France, l’Union des jeunesses républicaines de France. « Paix au Vietnam ! » devient le slogan des manifestations. Des incitations à la réalisation d’actes de sabotage se produisent dans l’acheminement des renforts et du matériel pour le corps expéditionnaire. Des grèves et des manifestations éclatent dans les régions portuaires : Toulon, Marseille, La Rochelle, La Pallice (voir 10 janvier).


2 - 11 janvier 50 : Le VM procède à une offensive forte de 15 bataillons nommée « campagne ''Lé Loï'' ». Elle est portée contre la ligne d’avant-postes français le long de la vallée de la Rivière Noire de Lao Kaï jusqu’à la mer. Elle coupe une partie du delta du Fleuve Rouge des hauteurs du pays thaï (Fall, 1967, p. 131 ; Gras, 1979, pp. 283-284).
5 janvier 50 : '''Bao Daï charge Nguyen Phan Lon de former un gouvernement. C’est un ami des Américains''' dont on espère un soutien économique, militaire et diplomatique pour parfaire l’indépendance. Les U.S.A. commencent dès cette époque à se préoccuper sérieusement de l’Indochine confrontée à la menace communiste chinoise.
7 janvier 50 : Georges Bidault se succède à lui-même jusqu’au 24 juin 1950.
Gouvernement Bidault 3 : Armées : Pleven (M.R.P.) ; Affaires étrangères : Robert Schuman (M.R.P.) ; France d’Outre-mer : Jean Letourneau (M.R.P.).
Pignon conserve son poste de haut-commissaire en Indochine.
Une première vague de 25 000 nationalistes chinois passe la frontière. Ils seront rassemblés dans le camp de Campha (à une quarantaine de km de Tien Yen) avant d’être transférés sur l’île de Phu Quoc située à l’extrême sud du Vietnam (Cadeau, 2022, p. 119).
9 janvier 50 : Tran Van Huu est nommé au poste d’inspecteur général des forces armées vietnamiennes et de conseiller auprès du gouvernement vietnamien, poste qu’il occupera jusqu’en juin 1955 (Devillers, 2010, p. 287).
Suite à l’arrestation d’étudiants du VM, une manifestation est organisée à Saigon pour leur libération. Elle est réprimée par la police du gouverneur Tran Van Huu et l’on déplore un mort. 100 000 personnes seront présentes aux obsèques de la victime.
10 janvier 50 : Des bagarres éclatent à Marseille. Le paquebot ''Pasteur'', principal transport de troupes pour l’Indochine, est bloqué 48 heures par une grève de marins affiliés à la C.G.T. L’armée prend les choses en main et investit le bateau. Un cycle de répression s’installe : le secrétaire du syndicat marin de la C.G.T., Georges Serano, est arrêté (voir 22 février) (Gras, 1979, p. 268 ; Ruscio, 1985, p. 253)
13 janvier 50 : Le journal ''Le Monde'' titre : « Y a-t-il une affaire Revers-Mast ? » Le journal estime devoir rompre un silence gêné des autorités après la mise au placard du général Revers : « C'est là de toute évidence, concernant une aussi haute personnalité, une décision grave dont les causes ne peuvent elles-mêmes être que graves. L'opinion française a le droit d'en être informée autrement que par la presse étrangère et par des journaux toujours disposés à exploiter les difficultés de l'actuelle majorité. » (''Le Monde'' du 13 janvier 1950)
Le secrétaire d’État américain Dean Acheson informe par une note l’ambassadeur de France des changements dus à la ratification des accords de l’Élysée (voir 8 mars 1949 et 29 janvier 1950). Les États-Unis ont désormais des relations diplomatiques avec les États associés (voir 16 janvier) (Bouilleaux, 2021, p. 162).
14 janvier 50 : Le VM fait publier à Bangkok une déclaration « à tous les gouvernements du monde » affirmant que le gouvernement de la R.D.V.N. est « le seul gouvernement légal du peuple vietnamien tout entier » et qu’il se tient prêt à entretenir avec eux « des relations diplomatiques ». La France s’abstient comme il se doit (Gras, 1979, p. 287).
Au Cambodge, assassinat du leader démocrate Leu Koeus, président de l'Assemblée nationale.
15 janvier 50 : Carpentier rencontre Alessandri et le colonel Constant (commandant la zone frontière du Nord-Est depuis le 1<sup>er</sup> novembre 1949) à Langson. Il leur confie que « l’ordre d’évacuation de Cao Bang reste valable dans son principe, et [qu’il] faut s’y préparer intellectuellement. » La ville a désormais perdu tout intérêt stratégique car elle dépend d’un pont aérien pour effectuer son ravitaillement. Dong Khe a perdu le rôle de relais entre That Khe et Cao Bang du fait de l’abandon des postes situés au nord. Pour autant, Carpentier ne prend aucune décision en faveur de l’évacuation de Cao Bang (Cadeau, 2022, pp. 120-121).
Le R.D.V. envoie un télégramme à Pékin pour solliciter l’établissement de relations diplomatiques avec la Chine. Mao (qui est en U.R.S.S.) envoie immédiatement une acceptation à Liu Shaoqi qui assure son intérim. Dans sa réponse, Mao charge également le ministère des Affaires étrangères chinois de faire connaître la demande vietnamienne et le sens de sa reconnaissance à l’U.R.S.S. ainsi qu’aux pays de l’Europe de l’Est. La reconnaissance de la R.D.V. par la Chine – premier pays à le faire – irrite les Français. Pour eux, le Vietnam fait partie de l’Union française et c’est au gouvernement de Bao Daï que la France vient de transférer la souveraineté qu’elle détenait au sein de cette Union. Les Chinois sont conscients que cette reconnaissance de la R.D.V. retardera celle de la Chine par la France. Pour autant, ils passent outre (Zhai, 2000, pp. 4-5).
16 janvier 50 : Liu Shaoqi (qui assure l’intérim de Mao Zedong parti en U.R.S.S., voir 16 décembre 1949) envoie Luo Guibo (directeur du Bureau général de la commission militaire centrale du P.C.C.) au Vietnam en tant que « responsable de liaison » pour établir des relations avec le VM. Il est chargé d’examiner la situation en vue de renseigner le parti sur les besoins du VM. Liu Shaoqi avait au préalable demandé à Yang Shandkun (directeur du Bureau central du P.C.C.) d’organiser une rencontre à Pékin entre Luo Guibo et les émissaires d’HCM (Zhai, 2000, p. 4).
Le chargé d’affaires des États-Unis à Saigon, Edmund Guillon, produit un mémorandum qui précise les relations entre son pays et les États associés. Des missions officielles américaines seront envoyées en Indochine (Bouilleaux, 2021, p. 162).
17 janvier 50 : Mao est toujours en voyage en U.R.S.S. Il envoie de Moscou un télégramme adressé à son ministre des Affaires étrangères Zhou Enlaï. Il demande à HCM de formuler une demande officielle de reconnaissance de la R.D.V.N. par Moscou (voir 30 janvier). Il demande également à Staline de recevoir HCM, ce que le dirigeant soviétique accepte mais sans le moindre enthousiasme (Marangé, 2012, p. 181).
18 janvier 50 : '''Radio-Pékin annonce que le gouvernement chinois a reconnu le 16 la République démocratique du Vietnam.''' Le ministre des affaires étrangères vietnamien, Hoang Minh Giam, considère cette déclaration comme « la plus grande victoire diplomatique du Vietnam depuis le début de la guerre de résistance ». '''Un représentant chinois sera envoyé pour installer une ambassade à Hanoi.''' La Chine s’engage en outre à fournir au Vietnam un important matériel de guerre. Une délégation vietnamienne menée par Nguyen Daï Chi obtient « un accord commercial sur des fournitures de guerre. » Ces ventes d’armes portent sur du matériel japonais et américain (Férier, 1993, p. 20 ; Pernot, 1994, p. 104). La Chine devient alors un sanctuaire pour les armées du Vietminh qui pourront s’y entraîner, s’y former et s’y reposer. Des milliers de coolies chinois seront mis à disposition des forces du VM et lui permettront de concentrer ses forces autour de la R.C. 4 (De Folin, 1993, p. 204).
A Hanoi, le VM attaque le terrain d’aviation de Bach Mai détruisant 22 appareils et brûlant    600 000 litres de carburant (Giap 1, 2003, pp. 294-295).
20 janvier 50 : Le bureau politique du P.C.F. se réunit et réaffirme les positions du parti : dénonciation de la guerre, de la solution Bao Daï, exigence du respect de la Constitution et ouverture de négociations avec HCM. Mais surtout, il estime que le peuple français doit exiger avec force la fin de la guerre.
21 janvier 50 : Bao Daï qui, depuis le 1<sup>er</sup> juillet 1949, occupait en même temps les fonctions de chef de l’État et de premier ministre nomme son ancien ministre des Affaires étrangères, Nguyen Phan Long, au poste de deuxième président du Conseil (Dalloz, 2006, p. 172). Incapable de faire face à la situation chaotique, ne bénéficiant d’aucun appui populaire, il n’occupera cette fonction que jusqu’au 26 avril.
Bao Daï se rend à Hanoi en compagnie de l’ambassadeur américain Greffins. Le VM se manifeste à cette occasion en sabotant un partie des transformateurs électriques de la ville (Giap 1, 2003, p. 295).
21 janvier – 3 février 50 : Congrès national du P.C.V. Truong Chinh y défend les thèses exprimées dans son ouvrage de 1947, ''La Résistance vaincra'' (voir généralités de 1947) : « L’anéantissement des forces ennemies […] entraînera l’effondrement de sa volonté à continuer la guerre. » (Zervoudakis, 1994, p. 55).
22 janvier 50 : A l’Assemblée nationale, le député communiste Alain Signor revient sur les exactions commises par le C.E.F.E.O. Il avait déjà évoqué cette question le 4 novembre 1949 au sujet de la condamnation à mort de 3 soldats par le tribunal militaire d’Hanoi. Il n’hésite pas cette fois à comparer l’affaire à celles d’Ascq et Oradour-sur-Glane durant la SGM. Les réponses données par René Pleven (Défense) à cette interpellation demeurent vagues (Cadeau, 2019, p. 260).
24 - 29 janvier 50 : L’ambassadeur itinérant américain Truman Jessup fait une tournée dans le Sud-Est asiatique.  Il rencontre Bao Daï et lui remet un message du secrétaire d’État Dean Acherson. Une aide américaine lui est promise. Il soutient la solution Bao Daï (qui jouera de ce soutien contre les Français) et est désormais considéré par les Américains comme un garant de la lutte anticommuniste. L’hostilité américaine au retour du colonialisme français d’avant la SGM subsiste toujours mais va nettement et rapidement s’atténuer avec l’entrée des U.S.A. dans la guerre de Corée le 25 juin.
25 janvier 50 : Nouvelle journée d’action de l’Union des Femmes françaises au nombre d’un millier. Elles sont emmenées en délégation à la présidence du Conseil. Le soir, au Vel’d’Hiv’, 30 000 d’entre elles (selon ''L’Humanité'' du 26) assistent à un meeting contre la guerre d’Indochine (Ruscio, 1985, p. 240).
26 janvier 50 : Des troubles éclatent dans le port de La Pallice du fait de la présence d’un bateau, le ''Falaise'', en partance pour l’Indochine. Une manifestation est organisée par les communistes. Le port sera l’objet d’autres désordres ultérieurs pour les mêmes raisons (Ruscio, 1985, pp. 255-256)
27 janvier 50 : Alors que le P.C.F. accentue très sensiblement depuis quelques mois sa lutte contre la guerre d’Indochine éclate un très vif débat à l’Assemblée nationale entre la députée communiste Jeannette Vermeersch et un certain nombre de ses collègues. Les invectives fusent de tous côtés et il est question de « haine » partagée… (Ruscio, 1985, pp. 220-222)
Lors d’un débat parlementaire sur l’Indochine, des voix dissonantes se font entendre au sein de M.R.P. : quelques députés comme l’abbé Pierre proposent un texte demandant des négociations avec HCM et l’organisation d’élections sous contrôle international. Pour la première fois, une fraction du parti manifeste son opposition à la politique du gouvernement. Certains députés envisagent de quitter leurs fonctions et certains le feront (abbé Pierre, Paul Boulet, Charles d’Aragon)  (Dalloz, 1996, p. 110).
29 janvier 50 : Les accords de l’Élysée pour le Vietnam (voir 8 mars 1949) sont ratifiés par l'Assemblée nationale française et seront signés par [[wikipedia:Vincent_Auriol|Vincent Auriol]] (président de la République) le 2 février 1951. '''Le Vietnam devient un État associé au sein de l’Union française.'''
Ratification de l’accord entre la France et le Cambodge (voir 8 novembre 1949). Ratification des accords entre la France et le Laos. '''Le Laos et le Cambodge deviennent à part entière des États associés au sein de l’Union française.'''
30 janvier 50 : '''L’U.R.S.S. reconnaît la R.D.V.N, après la Chine communiste mais sans le moindre empressement ni enthousiasme excessif''' (De Folin, 1993, p. 204). Staline regrettera cet acte à plusieurs reprises par la suite (Marangé, 2012, p. 182). Cet acte marque toutefois un regain d’intérêt de l’U.R.S.S. à l’égard de l’Extrême-Orient dans un contexte de guerre froide, avec l’avènement de la R.P.C. et à la veille de la guerre de Corée. Il entraînera également une vague de reconnaissances par de nombreux pays du camp socialiste : Corée du Nord (31 janvier), Tchécoslovaquie (2 février), Roumanie (3 février), Pologne et Hongrie (4 février), Bulgarie (5 février), Albanie (13 mars) et Yougoslavie (bien que mise au ban du bloc soviétique).
Des accords sont passés pour la livraison de matériel américain avec le gouvernement français suite à l’application du ''Mutual Defense Assistance Act'' (voir 6 octobre 1949). Des délais, voire des longueurs, vont se produire avant les premières livraisons d’armes du fait de l’établissement d’une réglementation américaine (visant à éviter les dérives qui s’étaient produites durant la guerre civile chinoise) (Bouilleaux, 2021, p. 161).
Fin janvier 50 : Suite à son voyage initié le 30 décembre 1949, HCM arrive secrètement en Chine pour obtenir de l’aide. Il y apprend la reconnaissance de la R.D.V.N. par son puissant voisin. Ce qui va initier un processus de reconnaissance mutuelle qui ne s’était produit jusqu’alors du fait des Vietnamiens (voir 1<sup>er</sup> octobre 1949)  (Marangé, 2012, p. 182). HCM y apprend que Liu Shaoqi (avec l’aval de Mao toujours en U.R.S.S.) a mis en place une commission militaire chinoise censée aider HCM et la R.D.V. qui ont rejoint « la grande famille démocratique et anti-impérialiste conduite par l’Union soviétique » (Zhai, 2000, pp. 4-5).
Suite au ralliement du général nationaliste chinois Lou Han aux communistes, des forces du Guomindang qui s’étaient repliées au Yunnan passent la frontière tonkinoise. Le 2<sup>e</sup> bureau français estime à 5 000 hommes ce groupe qui se dirige vers Dien Bien Phu puis le Delta par la R.P. 41 (Cadeau, 2019, p. 273).

Dernière version du 2 juin 2025 à 20:42

Janvier 50 : En France, les communistes entrent ouvertement en dissidence contre « les scandales de la guerre ». Le parti actionne en sous-main ses relais : la C.G.T., l’Union des Combattants pour la paix, l’Union des Femmes de France, l’Union des jeunesses républicaines de France. « Paix au Vietnam ! » devient le slogan des manifestations. Des incitations à la réalisation d’actes de sabotage se produisent dans l’acheminement des renforts et du matériel pour le corps expéditionnaire. Des grèves et des manifestations éclatent dans les régions portuaires : Toulon, Marseille, La Rochelle, La Pallice (voir 10 janvier).


2 - 11 janvier 50 : Le VM procède à une offensive forte de 15 bataillons nommée « campagne Lé Loï ». Elle est portée contre la ligne d’avant-postes français le long de la vallée de la Rivière Noire de Lao Kaï jusqu’à la mer. Elle coupe une partie du delta du Fleuve Rouge des hauteurs du pays thaï (Fall, 1967, p. 131 ; Gras, 1979, pp. 283-284).


5 janvier 50 : Bao Daï charge Nguyen Phan Lon de former un gouvernement. C’est un ami des Américains dont on espère un soutien économique, militaire et diplomatique pour parfaire l’indépendance. Les U.S.A. commencent dès cette époque à se préoccuper sérieusement de l’Indochine confrontée à la menace communiste chinoise.


7 janvier 50 : Georges Bidault se succède à lui-même jusqu’au 24 juin 1950.

Gouvernement Bidault 3 : Armées : Pleven (M.R.P.) ; Affaires étrangères : Robert Schuman (M.R.P.) ; France d’Outre-mer : Jean Letourneau (M.R.P.).

Pignon conserve son poste de haut-commissaire en Indochine.

Une première vague de 25 000 nationalistes chinois passe la frontière. Ils seront rassemblés dans le camp de Campha (à une quarantaine de km de Tien Yen) avant d’être transférés sur l’île de Phu Quoc située à l’extrême sud du Vietnam (Cadeau, 2022, p. 119).


9 janvier 50 : Tran Van Huu est nommé au poste d’inspecteur général des forces armées vietnamiennes et de conseiller auprès du gouvernement vietnamien, poste qu’il occupera jusqu’en juin 1955 (Devillers, 2010, p. 287).

Suite à l’arrestation d’étudiants du VM, une manifestation est organisée à Saigon pour leur libération. Elle est réprimée par la police du gouverneur Tran Van Huu et l’on déplore un mort. 100 000 personnes seront présentes aux obsèques de la victime.


10 janvier 50 : Des bagarres éclatent à Marseille. Le paquebot Pasteur, principal transport de troupes pour l’Indochine, est bloqué 48 heures par une grève de marins affiliés à la C.G.T. L’armée prend les choses en main et investit le bateau. Un cycle de répression s’installe : le secrétaire du syndicat marin de la C.G.T., Georges Serano, est arrêté (voir 22 février) (Gras, 1979, p. 268 ; Ruscio, 1985, p. 253)


13 janvier 50 : Le journal Le Monde titre : « Y a-t-il une affaire Revers-Mast ? » Le journal estime devoir rompre un silence gêné des autorités après la mise au placard du général Revers : « C'est là de toute évidence, concernant une aussi haute personnalité, une décision grave dont les causes ne peuvent elles-mêmes être que graves. L'opinion française a le droit d'en être informée autrement que par la presse étrangère et par des journaux toujours disposés à exploiter les difficultés de l'actuelle majorité. » (Le Monde du 13 janvier 1950)

Le secrétaire d’État américain Dean Acheson informe par une note l’ambassadeur de France des changements dus à la ratification des accords de l’Élysée (voir 8 mars 1949 et 29 janvier 1950). Les États-Unis ont désormais des relations diplomatiques avec les États associés (voir 16 janvier) (Bouilleaux, 2021, p. 162).


14 janvier 50 : Le VM fait publier à Bangkok une déclaration « à tous les gouvernements du monde » affirmant que le gouvernement de la R.D.V.N. est « le seul gouvernement légal du peuple vietnamien tout entier » et qu’il se tient prêt à entretenir avec eux « des relations diplomatiques ». La France s’abstient comme il se doit (Gras, 1979, p. 287).

Au Cambodge, assassinat du leader démocrate Leu Koeus, président de l'Assemblée nationale.


15 janvier 50 : Carpentier rencontre Alessandri et le colonel Constant (commandant la zone frontière du Nord-Est depuis le 1er novembre 1949) à Langson. Il leur confie que « l’ordre d’évacuation de Cao Bang reste valable dans son principe, et [qu’il] faut s’y préparer intellectuellement. » La ville a désormais perdu tout intérêt stratégique car elle dépend d’un pont aérien pour effectuer son ravitaillement. Dong Khe a perdu le rôle de relais entre That Khe et Cao Bang du fait de l’abandon des postes situés au nord. Pour autant, Carpentier ne prend aucune décision en faveur de l’évacuation de Cao Bang (Cadeau, 2022, pp. 120-121).

Le R.D.V. envoie un télégramme à Pékin pour solliciter l’établissement de relations diplomatiques avec la Chine. Mao (qui est en U.R.S.S.) envoie immédiatement une acceptation à Liu Shaoqi qui assure son intérim. Dans sa réponse, Mao charge également le ministère des Affaires étrangères chinois de faire connaître la demande vietnamienne et le sens de sa reconnaissance à l’U.R.S.S. ainsi qu’aux pays de l’Europe de l’Est. La reconnaissance de la R.D.V. par la Chine – premier pays à le faire – irrite les Français. Pour eux, le Vietnam fait partie de l’Union française et c’est au gouvernement de Bao Daï que la France vient de transférer la souveraineté qu’elle détenait au sein de cette Union. Les Chinois sont conscients que cette reconnaissance de la R.D.V. retardera celle de la Chine par la France. Pour autant, ils passent outre (Zhai, 2000, pp. 4-5).


16 janvier 50 : Liu Shaoqi (qui assure l’intérim de Mao Zedong parti en U.R.S.S., voir 16 décembre 1949) envoie Luo Guibo (directeur du Bureau général de la commission militaire centrale du P.C.C.) au Vietnam en tant que « responsable de liaison » pour établir des relations avec le VM. Il est chargé d’examiner la situation en vue de renseigner le parti sur les besoins du VM. Liu Shaoqi avait au préalable demandé à Yang Shandkun (directeur du Bureau central du P.C.C.) d’organiser une rencontre à Pékin entre Luo Guibo et les émissaires d’HCM (Zhai, 2000, p. 4).

Le chargé d’affaires des États-Unis à Saigon, Edmund Guillon, produit un mémorandum qui précise les relations entre son pays et les États associés. Des missions officielles américaines seront envoyées en Indochine (Bouilleaux, 2021, p. 162).


17 janvier 50 : Mao est toujours en voyage en U.R.S.S. Il envoie de Moscou un télégramme adressé à son ministre des Affaires étrangères Zhou Enlaï. Il demande à HCM de formuler une demande officielle de reconnaissance de la R.D.V.N. par Moscou (voir 30 janvier). Il demande également à Staline de recevoir HCM, ce que le dirigeant soviétique accepte mais sans le moindre enthousiasme (Marangé, 2012, p. 181).


18 janvier 50 : Radio-Pékin annonce que le gouvernement chinois a reconnu le 16 la République démocratique du Vietnam. Le ministre des affaires étrangères vietnamien, Hoang Minh Giam, considère cette déclaration comme « la plus grande victoire diplomatique du Vietnam depuis le début de la guerre de résistance ». Un représentant chinois sera envoyé pour installer une ambassade à Hanoi. La Chine s’engage en outre à fournir au Vietnam un important matériel de guerre. Une délégation vietnamienne menée par Nguyen Daï Chi obtient « un accord commercial sur des fournitures de guerre. » Ces ventes d’armes portent sur du matériel japonais et américain (Férier, 1993, p. 20 ; Pernot, 1994, p. 104). La Chine devient alors un sanctuaire pour les armées du Vietminh qui pourront s’y entraîner, s’y former et s’y reposer. Des milliers de coolies chinois seront mis à disposition des forces du VM et lui permettront de concentrer ses forces autour de la R.C. 4 (De Folin, 1993, p. 204).

A Hanoi, le VM attaque le terrain d’aviation de Bach Mai détruisant 22 appareils et brûlant    600 000 litres de carburant (Giap 1, 2003, pp. 294-295).


20 janvier 50 : Le bureau politique du P.C.F. se réunit et réaffirme les positions du parti : dénonciation de la guerre, de la solution Bao Daï, exigence du respect de la Constitution et ouverture de négociations avec HCM. Mais surtout, il estime que le peuple français doit exiger avec force la fin de la guerre.


21 janvier 50 : Bao Daï qui, depuis le 1er juillet 1949, occupait en même temps les fonctions de chef de l’État et de premier ministre nomme son ancien ministre des Affaires étrangères, Nguyen Phan Long, au poste de deuxième président du Conseil (Dalloz, 2006, p. 172). Incapable de faire face à la situation chaotique, ne bénéficiant d’aucun appui populaire, il n’occupera cette fonction que jusqu’au 26 avril.

Bao Daï se rend à Hanoi en compagnie de l’ambassadeur américain Greffins. Le VM se manifeste à cette occasion en sabotant un partie des transformateurs électriques de la ville (Giap 1, 2003, p. 295).


21 janvier – 3 février 50 : Congrès national du P.C.V. Truong Chinh y défend les thèses exprimées dans son ouvrage de 1947, La Résistance vaincra (voir généralités de 1947) : « L’anéantissement des forces ennemies […] entraînera l’effondrement de sa volonté à continuer la guerre. » (Zervoudakis, 1994, p. 55).


22 janvier 50 : A l’Assemblée nationale, le député communiste Alain Signor revient sur les exactions commises par le C.E.F.E.O. Il avait déjà évoqué cette question le 4 novembre 1949 au sujet de la condamnation à mort de 3 soldats par le tribunal militaire d’Hanoi. Il n’hésite pas cette fois à comparer l’affaire à celles d’Ascq et Oradour-sur-Glane durant la SGM. Les réponses données par René Pleven (Défense) à cette interpellation demeurent vagues (Cadeau, 2019, p. 260).


24 - 29 janvier 50 : L’ambassadeur itinérant américain Truman Jessup fait une tournée dans le Sud-Est asiatique.  Il rencontre Bao Daï et lui remet un message du secrétaire d’État Dean Acherson. Une aide américaine lui est promise. Il soutient la solution Bao Daï (qui jouera de ce soutien contre les Français) et est désormais considéré par les Américains comme un garant de la lutte anticommuniste. L’hostilité américaine au retour du colonialisme français d’avant la SGM subsiste toujours mais va nettement et rapidement s’atténuer avec l’entrée des U.S.A. dans la guerre de Corée le 25 juin.


25 janvier 50 : Nouvelle journée d’action de l’Union des Femmes françaises au nombre d’un millier. Elles sont emmenées en délégation à la présidence du Conseil. Le soir, au Vel’d’Hiv’, 30 000 d’entre elles (selon L’Humanité du 26) assistent à un meeting contre la guerre d’Indochine (Ruscio, 1985, p. 240).


26 janvier 50 : Des troubles éclatent dans le port de La Pallice du fait de la présence d’un bateau, le Falaise, en partance pour l’Indochine. Une manifestation est organisée par les communistes. Le port sera l’objet d’autres désordres ultérieurs pour les mêmes raisons (Ruscio, 1985, pp. 255-256)


27 janvier 50 : Alors que le P.C.F. accentue très sensiblement depuis quelques mois sa lutte contre la guerre d’Indochine éclate un très vif débat à l’Assemblée nationale entre la députée communiste Jeannette Vermeersch et un certain nombre de ses collègues. Les invectives fusent de tous côtés et il est question de « haine » partagée… (Ruscio, 1985, pp. 220-222)

Lors d’un débat parlementaire sur l’Indochine, des voix dissonantes se font entendre au sein de M.R.P. : quelques députés comme l’abbé Pierre proposent un texte demandant des négociations avec HCM et l’organisation d’élections sous contrôle international. Pour la première fois, une fraction du parti manifeste son opposition à la politique du gouvernement. Certains députés envisagent de quitter leurs fonctions et certains le feront (abbé Pierre, Paul Boulet, Charles d’Aragon)  (Dalloz, 1996, p. 110).


29 janvier 50 : Les accords de l’Élysée pour le Vietnam (voir 8 mars 1949) sont ratifiés par l'Assemblée nationale française et seront signés par Vincent Auriol (président de la République) le 2 février 1951. Le Vietnam devient un État associé au sein de l’Union française.

Ratification de l’accord entre la France et le Cambodge (voir 8 novembre 1949). Ratification des accords entre la France et le Laos. Le Laos et le Cambodge deviennent à part entière des États associés au sein de l’Union française.


30 janvier 50 : L’U.R.S.S. reconnaît la R.D.V.N, après la Chine communiste mais sans le moindre empressement ni enthousiasme excessif (De Folin, 1993, p. 204). Staline regrettera cet acte à plusieurs reprises par la suite (Marangé, 2012, p. 182). Cet acte marque toutefois un regain d’intérêt de l’U.R.S.S. à l’égard de l’Extrême-Orient dans un contexte de guerre froide, avec l’avènement de la R.P.C. et à la veille de la guerre de Corée. Il entraînera également une vague de reconnaissances par de nombreux pays du camp socialiste : Corée du Nord (31 janvier), Tchécoslovaquie (2 février), Roumanie (3 février), Pologne et Hongrie (4 février), Bulgarie (5 février), Albanie (13 mars) et Yougoslavie (bien que mise au ban du bloc soviétique).

Des accords sont passés pour la livraison de matériel américain avec le gouvernement français suite à l’application du Mutual Defense Assistance Act (voir 6 octobre 1949). Des délais, voire des longueurs, vont se produire avant les premières livraisons d’armes du fait de l’établissement d’une réglementation américaine (visant à éviter les dérives qui s’étaient produites durant la guerre civile chinoise) (Bouilleaux, 2021, p. 161).


Fin janvier 50 : Suite à son voyage initié le 30 décembre 1949, HCM arrive secrètement en Chine pour obtenir de l’aide. Il y apprend la reconnaissance de la R.D.V.N. par son puissant voisin. Ce qui va initier un processus de reconnaissance mutuelle qui ne s’était produit jusqu’alors du fait des Vietnamiens (voir 1er octobre 1949)  (Marangé, 2012, p. 182). HCM y apprend que Liu Shaoqi (avec l’aval de Mao toujours en U.R.S.S.) a mis en place une commission militaire chinoise censée aider HCM et la R.D.V. qui ont rejoint « la grande famille démocratique et anti-impérialiste conduite par l’Union soviétique » (Zhai, 2000, pp. 4-5).

Suite au ralliement du général nationaliste chinois Lou Han aux communistes, des forces du Guomindang qui s’étaient repliées au Yunnan passent la frontière tonkinoise. Le 2e bureau français estime à 5 000 hommes ce groupe qui se dirige vers Dien Bien Phu puis le Delta par la R.P. 41 (Cadeau, 2019, p. 273).

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