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3 août 40 : Le ministre des Colonies Lémery fait savoir à Decoux qu’il est opposé au passage des troupes japonaises, à l’installation d’aérodromes et au rattachement de l’économie indochinoise à celle du Japon. Il réclame une négociation (Decoux, 1949, pp. 95-96). | 3 août 40 : Le ministre des Colonies Lémery fait savoir à Decoux qu’il est opposé au passage des troupes japonaises, à l’installation d’aérodromes et au rattachement de l’économie indochinoise à celle du Japon. Il réclame une négociation (Decoux, 1949, pp. 95-96). | ||
Dernière version du 9 novembre 2025 à 18:44
Août 40 : HCM conclut une alliance antijaponaise avec les communistes chinois. Le P.C.I. doit créer en Indochine des organisations pratiquant la guérilla et nouer des alliances avec d’autres formations non-communistes anticoloniales. Le P.C.C. alloue 50 000 dollars chinois au P.C.I. pour mener à bien ces actions (Marangé, 2012, p. 131 ; Guillemot, 2018, p. 102).
1er août 40 : Le ministre japonais de la Marine, l’amiral Matsuoka, annonce en présence de journalistes, la nouvelle « direction politique nationale fondamentale » qui expose la future politique étrangère du Japon. Elle rappelle celle du Lebensraum allemand empreinte, comme son homologue allemande, de racisme et de xénophobie (voir 27 septembre) (Cadeau, 2019, p. 52).
2 août 40 : Decoux reçoit le colonel japonais Sato qui commande par intérim la mission de contrôle. Les exigences contenues dans le mémorandum remis sont les mêmes qu’en présence de Nishihara mais le ton a changé, prenant le ton d’un véritable ultimatum : la 5e division d’infanterie quittant sa zone de stationnement dans la région de Nanning (Chine) s’est mise en route vers la frontière tonkinoise et entend la franchir. Les Japonais se préoccupent de moins en moins des autorités françaises et agissent à leur guise : l’aviation n’attend plus les autorisations françaises pour faire ce qu’elle a à faire ; les troupes japonaises utilisent Haïphong pour ravitailler militairement et renforcer leurs effectifs. Selon Decoux, désormais les Japonais « avaient décidé de transporter, sans plus attendre, la négociation sur le plan des deux gouvernements (Cadeau, 2019, pp. 61-62 ; Decoux, 1949, pp. 94-95).
Du point de vue économique, les exigences sont également particulièrement dures : les résidants japonais en Indochine devront bénéficier de droits égaux à ceux des Français (Decoux, 1949, pp. 423-424).
3 août 40 : Le ministre des Colonies Lémery fait savoir à Decoux qu’il est opposé au passage des troupes japonaises, à l’installation d’aérodromes et au rattachement de l’économie indochinoise à celle du Japon. Il réclame une négociation (Decoux, 1949, pp. 95-96).
6 août 40 : Ayant rejeté l’offre américaine de neutralisation de l’Indochine, le Japon fait une contreproposition. Il propose de retirer ses troupes mais seulement après avoir réglé, selon la terminologie japonaise du moment, « l’incident chinois ». Il demande une reconnaissance de la position spéciale du Japon en Indochine, y compris après le départ de ses troupes. Les Américains rejettent cette contreproposition. Progressivement, les deux pays s’engagent dans une course à l’affrontement diplomatique (Isoart, 1982, p. 162).
Decoux adresse un message au gouvernement de Vichy. Il aborde la délicate question de l’économie indochinoise. La coupure d’avec la métropole peut permettre à la colonie de vivre tant bien que mal en autarcie. « Mais cela implique de la part de la métropole une large décentralisation, pouvant aller jusqu’à une semi-autonomie dans l’ordre économique, financier et monétaire, à charge au gouvernement central de tenir exactement le gouvernement central au courant des initiatives qu’il sera amené à prendre, sous l’emprise des circonstances, jusqu’à ce que les liens normaux soient rétablis. » (Decoux, 1949, p. 422).
7 août 40 : Évacuation de Longtchéou (province chinoise du Kwang-Si) par les troupes japonaises. Decoux note que la position du colonel Sato devient plus conciliante que dans celle de son mémorandum du 2 août (Decoux, 1949, p. 96).
8 août 40 : L’ambassadeur de France à Tokyo apprend que le colonel Sato a été prié de ne plus formuler de demandes et que ses précédentes initiatives ont été désavouées par sa hiérarchie (Decoux, 1949, p. 96).
13 août 40 : L’attitude japonaise demeurant menaçante, le gouvernement de Vichy de ne pas répondre par un refus brutal à l’ultimatum (voir 2 août). L’ambassadeur Arsène-Henry est chargé d’obtenir des concessions (Decoux, 1949, p. 96).
19 août 40 : L’ambassadeur de France à Tokyo est informé par le ministre des Affaires étrangères Matsuoka qu’au vu des nécessités militaires urgentes du moment (attaque des troupes de Tchang Kaï Check), les troupes nippones risquent de devoir passer par le territoire du Tonkin sans obtenir l’approbation française (Decoux, 1949, p. 96).
Decoux informe Vichy : « J’estime que dans l’ordre militaire, naval ou aérien, nous ne pouvons rien céder d’important, sous peine de frapper d’une hypothèque dangereuse notre souveraineté sur l’Indochine, et de compromettre dangereusement l’ensemble des possessions en Extrême-Orient. » (cité in Decoux, 1949, pp. 97-98) D'autres messages en date des 24 et 27 iront dans le même sens.
22 août 40 : Malgré les demandes du gouvernement de Vichy, les U.S.A., neutralistes, font savoir à Decoux qu’ils sont dans l’impossibilité d’intervenir en Indochine. Le sous-secrétaire d’État Summer Welles fait savoir au gouvernement de Vichy que les États-Unis sont dans l’impossibilité d’intervenir et qu’en conséquence ils « ne se dissimulaient pas les difficultés auxquelles le gouvernement français avait à faire face, et qu’ils estimaient ne pas être en droit de faire des reproches à la France si certaines facilités étaient accordées au Japon sur le plan militaire. » (Fall, 1968, p. 146 ; Decoux, 1949, p. 100).
26 août 40 : Paul Baudoin (Affaires étrangères) confirme à Charles Arsène-Henry (ambassadeur à Tokyo) son désir d’obtenir « un accord politique » comportant une convention militaire auprès du gouvernement japonais. Il ignore le peu de « valeur » de ce type de demande face à une armée japonaise très autonome par rapport au pouvoir politique et diplomatique japonais. Il éprouve même des craintes côté chinois : « L’attitude des troupes chinoises était inquiétante. N’allaient-elles pas tenter de pénétrer en Indochine ? » (Valette, 1993, pp. 58-60).
Les Chinois font savoir à l’ambassadeur de France en Chine que si les Japonais attaquent la Chine par l’Indochine, ils s’autoriseront à pénétrer au Tonkin (Decoux, 1949, p. 147).
27 août 40 : À Vichy, un conseil des ministres est consacré à l’Indochine. Summer Welles (sous-secrétaire d’État) a fait savoir le 22 qu’il n’y aurait pas d’intervention américaine dans la contrée. Une menace d’intervention chinoise se précise au cas où des facilités seraient accordées aux Japonais par les Français (Valette, 1993, p. 60).
L’amiral Decoux adresse un télégramme au gouvernement français : « Je suis extrêmement surpris que malgré les avis les plus nets que je n’ai jamais cessé d’exprimer depuis ma prise de fonction [le 20 juillet], les négociations franco-japonaises semblent s’orienter vers des concessions dangereuses pour l’existence même de l’Indochine française. Decoux refuse de céder à deux nouvelles injonctions : la libre circulation des troupes nippones au Tonkin et la mise à disposition de plusieurs aérodromes. Vichy estime que le risque de choc frontal avec le Japon est trop important. Un accord est prévu (voir 30 août). Pétain répondra aux préoccupations de Decoux le 2 septembre. (Zeller, 2021, p. 21).
Le ministre des Colonies Henry Lémery demande à Decoux s’il estime pouvoir défendre l’Indochine et combien de temps la péninsule peut tenir contre une « agression éventuelle ». Réponse lui sera donnée le 31 (Decoux, 1949, p. 101).
30 août 40 : Un accord est conclu entre Charles Arsène-Henry (ambassadeur de France à Tokyo) et le ministre des affaires étrangères nippon Yosuke Matsuoka. Une convention doit être signée à Hanoï (Zeller, 2021, p. 21). Dans un échange de lettres, le gouvernement japonais reconnaît les « droits et intérêts de la France en Extrême-Orient, particulièrement l’intégrité territoriale de l’Indochine et la souveraineté de la France sur la surface entière de l’Union indochinoise. » En échange, le Japon exige la tenue de négociations et une déférence à son égard des autorités françaises en Indochine (Toinet, 1998, pp. 44-45). De son côté, le gouvernement de Vichy reconnaît la « position prééminente » du Japon en Extrême-Orient et lui accorde des facilités de transit par le Tonkin. Un accord militaire doit être signé entre les deux parties mais les Français, pris à la gorge, vont laisser traîner volontairement les choses. L’occupation japonaise n’empêche pas les rouages administratifs français de fonctionner. L’occupant connaît les charges et difficultés liées aux territoires conquis (résistance) et s’adapte. Il ne peut occuper toute l’Indochine faute d’effectifs suffisants (voir 22 et 34 septembre) et cherche donc à obtenir une occupation « peu coûteuse » (Franchini 1, 1988, p. 162). Gras voit à juste titre dans cette présence japonaise moins « une occupation militaire » qu’« un stationnement opérationnel » permettant aux nippons de mener leurs opérations militaires à partir de l’Indochine (voir 23 juillet) (Gras, 1979, p. 15 ; Toinet, 1998, pp. 45-46).
Decoux, ignorant les termes exacts de l’accord conclu à Tokyo, reçoit la visite du général Nishihara qui lui remet un projet de convention militaire tout prêt avec un ultimatum à la date du 2 septembre à minuit. Il reprend les exigences japonaises. Decoux temporise et dit attendre les instructions de son gouvernement qu’il ne recevra que le lendemain (Decoux, 1949, p. 103).
Le ministre des Affaires étrangère français Paul Baudoin prévient Wellington Koo (ambassadeur de Chine en France) que les troupes françaises ne s’opposeront pas au franchissement de la frontière vers le Tonkin par les troupes chinoises si celles du Japon débarquent en Indochine (Decoux, 1949, p. 248).
31 août 40 : En réponse au message d’Henry Lémery du 27, l’amiral Decoux câble au ministère des Colonies : « J’estime personnellement que l’Indochine peut et doit être défendue. C’est l’avis formel du génésuper [le général Martin] qui est en plein accord avec mes télégrammes antérieurs […] En résumé, j’estime que le débarquement prétendu pacifique de ces troupes détruirait la seule chance qui nous reste de sauver la colonie et je persiste à penser que si nous devons courir le risque de perdre l’Indochine, il vaut la perdre en la défendant qu’en la trahissant. » (cité in Decoux, 1949, pp. 101-102)