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par Jean-François Jagielski

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2 juillet 40 : Catroux, sur le départ, adresse un rapport au ministre des Colonies de Vichy et constate que « l’opinion indigène a accueilli avec soulagement la politique de détente amorcée par le Japon. » Il en est de même de l’« opinion française » (les colons). L’empereur Bao Daï l’approuve également. Catroux a obtenu la levée du blocus anglais sur l’Indochine. Les bateaux français peuvent à nouveau circuler dans le Pacifique (Valette, 1993, pp. 36-38 ; Catroux, 1959, pp. 65-66).
2 juillet 40 : Catroux, sur le départ, adresse un rapport au ministre des Colonies de Vichy et constate que « l’opinion indigène a accueilli avec soulagement la politique de détente amorcée par le Japon. » Il en est de même de l’« opinion française » (les colons). L’empereur Bao Daï l’approuve également. Catroux a obtenu la levée du blocus anglais sur l’Indochine. Les bateaux français peuvent à nouveau circuler dans le Pacifique (Valette, 1993, pp. 36-38 ; Catroux, 1959, pp. 65-66).
Arrivée des contrôleurs japonais sur la frontière tonkino-chinoise : Monkay, Langson, Cao Bang, Hagiang. Mais ils sont également présents à Haïphong (Decoux, 1949, p. 67).




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7 juillet 40 : Confirmant les instructions du 23 juin, les deux chefs d’état-major de la marine japonaise  profitent de négociations sur les modalités de contrôle des postes-frontières pour, selon leurs propres mots, « inclure dans un accord l’utilisation des moyens militaires et le droit de faire stationner [leurs] troupes en Indochine française. » Les Français, contraints et impuissants, ne peuvent que laisser faire (Valette, 1993, p. 24).
7 juillet 40 : Confirmant les instructions du 23 juin, les deux chefs d’état-major de la marine japonaise  profitent de négociations sur les modalités de contrôle des postes-frontières pour, selon leurs propres mots, « inclure dans un accord l’utilisation des moyens militaires et le droit de faire stationner [leurs] troupes en Indochine française. » Les Français, contraints et impuissants, ne peuvent que laisser faire (Valette, 1993, p. 24).
Pour faciliter les négociations avec les Japonais et bien qu'officiellement démis de ses fonctions depuis le 30 juin, Catroux ferme également pour une durée d’un mois la frontière dans le sens Chine-Indochine (Decoux, 1949, p. 67).




10 juillet 40 : Le général Nishahara (chef de la mission japonaise de contrôle) propose à Catroux, toujours en poste, une alliance défensive entre le Japon et la France (voir 5 juillet). Cette proposition comporte en contrepartie la conservation intégrale à la France des territoires de l’Indochine et des îles lui appartenant (Paracels et Spratley). De leur côté, les Français accordent le passage des troupes japonaises et leur ravitaillement, l’utilisation de quelques aéroports et des installations militaires nécessaires. Catroux constate que les forces japonaises pourront utiliser le chemin de fer du Yunnan et le territoire du Tonkin pour conquérir le Yunnan contre les Nationalistes chinois. Il répond à Nishahara que cela suppose cependant un accord entre les deux gouvernements, ce dont le Japonais convient (Valette, 1993, pp. 34-35 ; Catroux, 1959, pp. 69-70 ; Turpin, 2005, p. 25). Catroux rejette, au nom de la souveraineté française, la dernière demande japonaise. Ce que fera également son successeur le 29 juillet.
9 juillet 40 : Selon Decoux, sans instructions gouvernementales, Catroux fait savoir au général Nishihara qu’il est prêt à permettre le ravitaillement en vivres de l’armée japonaise du Kouang-Si et l’hébergement des malades et blessés japonais au Tonkin. Il autorise le transit des munitions voire même l’évacuation vers le delta de ces forces japonaises si le gouvernement japonais d’engage à respecter la souveraineté française en Indochine et sur les Paracels (Decoux, 1949, p. 69).
 
 
10 juillet 40 : En France, l’Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs à Pétain. Le gouvernement s’installe à Vichy.
 
Catroux informe Charles Arsène-Henry (Ambassadeur de France à Tokyo) et donc le gouvernement français du contenu des négociations en cours (Decoux, 1949, p. 69).
 
Le général Nishahara (chef de la mission japonaise de contrôle) propose à Catroux, toujours en poste mais désavoué, une alliance défensive entre le Japon et la France (voir 5 juillet). Cette proposition comporte en contrepartie la conservation intégrale à la France des territoires de l’Indochine et des îles lui appartenant (Paracels et Spratley). De leur côté, les Français accordent le passage des troupes japonaises et leur ravitaillement, l’utilisation de quelques aéroports et des installations militaires nécessaires. Catroux constate que les forces japonaises pourront utiliser le chemin de fer du Yunnan et le territoire du Tonkin pour conquérir le Yunnan contre les Nationalistes chinois. Il répond à Nishahara que cela suppose cependant un accord entre les deux gouvernements, ce dont le Japonais convient (Valette, 1993, pp. 34-35 ; Catroux, 1959, pp. 69-70 ; Turpin, 2005, p. 25). Catroux rejette, au nom de la souveraineté française, la dernière demande japonaise (utilisation des aéroports). Ce que fera également son successeur le 29 juillet.
 




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12 juillet 40 : À Vichy, nomination d’Henry Lémery au poste de ministre des Colonies. Il l'occupe  jusqu’au 6 septembre.
12 juillet 40 : À Vichy, nomination d’Henry Lémery au poste de ministre des Colonies. Il l'occupe  jusqu’au 6 septembre. Il informe Catroux que « toutes négociations sont à suspendre, étant de la compétence du gouvernement. » (Decoux, 1949, pp. 69-70)




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15 juillet 40 : L’ambassadeur français au Japon, Arsène-Henry, approuve le contenu des discussions Catroux-Nishihara du 10. Il précise qu’« il s’agit probablement d’une initiative des militaires dont le Gouvernement [japonais] n’est pas vraisemblablement informé. » Il évite d’en parler aux Affaires étrangères japonaises car, sur place, il faut s’entendre plus avec les militaires qu’avec les politiques (Valette, 1993, p. 36 ; Catroux, 1959, pp 70-71).
 
15 juillet 40 : L’ambassadeur français au Japon, Arsène-Henry, approuve le contenu des discussions Catroux-Nishihara du 10 tout en précisant : « Nous sommes là sur un terrain dangereux ». Il précise qu’« il s’agit probablement d’une initiative des militaires dont le Gouvernement [japonais] n’est pas vraisemblablement informé. » Il évite d’en parler aux Affaires étrangères japonaises car, sur place, il faut s’entendre plus avec les militaires qu’avec les politiques (Valette, 1993, p. 36 ; Catroux, 1959, pp 70-71 ; Decoux, 1949, p. 69).
 




19 juillet 40 : Sur ordre de l’empereur Hirohito s’opèrent des changements au sein du gouvernement japonais. Fumimao Konoe, avant même sa nomination au poste de Premier ministre (voir 21 juillet), forme son futur gouvernement : Hideki Tojo est nommé ministre de la Guerre, Zengo Yoshida, ministre de la Marine et Yosuke Matsuoka aux Affaires étrangères. Lors d’une réunion est arrêtée la politique qui vise à instaurer un nouvel ordre en Extrême Orient par la mise en place d’une « sphère de coexistence et de coprospérité de la Grande Asie » dans le prolongement de ce qui est pensé depuis le début du 20<sup>e</sup> siècle, la mission libératrice que s’arroge le Japon en vue de libérer les peuples orientaux de l’oppression occidentale (Cadeau, 2019, p. 51).
19 juillet 40 : Sur ordre de l’empereur Hirohito s’opèrent des changements au sein du gouvernement japonais. Fumimao Konoe, avant même sa nomination au poste de Premier ministre (voir 21 juillet), forme son futur gouvernement : Hideki Tojo est nommé ministre de la Guerre, Zengo Yoshida, ministre de la Marine et Yosuke Matsuoka aux Affaires étrangères. Lors d’une réunion est arrêtée la politique qui vise à instaurer un nouvel ordre en Extrême Orient par la mise en place d’une « sphère de coexistence et de coprospérité de la Grande Asie » dans le prolongement de ce qui est pensé depuis le début du 20<sup>e</sup> siècle, la mission libératrice que s’arroge le Japon en vue de libérer les peuples orientaux de l’oppression occidentale (Cadeau, 2019, p. 51).


Entretien entre Decoux et Catroux à la veille de la prise de fonction du premier. Elle porte sur la pression qu’exercent depuis le 19 juin les Japonais avec la venue au Tonkin de leur « mission de contrôle ». Decoux juge la situation « d’une exceptionnelle gravité » (Decoux, 1949, p. 59).
20 juillet 40 : '''L’amiral Decoux prend officiellement la succession du général Catroux au poste de gouverneur général'''. Sans excès de zèle notoire, ce dernier mettra en place en Indochine les directives de Vichy (Révolution nationale, Légion française des Combattants, statut des Juifs et des francs-maçons, lutte contre les Gaullistes).  Il affirme, lors de la réception de sa prise de fonction, qu’il ne sera pas « le liquidateur de l’Indochine. » (Decoux, 1949, p. 91).


20 juillet 40 : '''L’amiral Decoux prend officiellement la succession du général Catroux au poste de gouverneur général'''. Sans excès de zèle notoire, ce dernier mettra en place en Indochine les directives de Vichy (Révolution nationale, Légion française des Combattants, statut des Juifs et des francs-maçons, lutte contre les Gaullistes). En bon marin, il garde pour principe de maintenir tant bien que mal de la souveraineté du « bateau France » en Indochine (voir 21 juillet) (Valette, 1993, pp. 153-159). Selon Zeller, comme pour les francs-maçons, « […] l’application des deux statuts des Juifs du 3 octobre 1940 et 14 juin 1941 est aléatoire. Les circulaires rédigées par le gouvernement général ne permettent pas de définir de manière claire qui est considéré comme Juif et qui ne l’est pas [...] Le régime de l’amiral Decoux applique ainsi les mesures antisémite de manière très discrétionnaire. » Ceux que Decoux estiment être des individus précieux sont épargnés (officiers, intellectuels, fonctionnaires) (Zeller, 2021, p. 33) Le général Sabattier, futur commandant gaulliste de la division du Tonkin, reconnaîtra ultérieurement la difficulté de la situation à ce moment précis : « En nous pliant aux demandes nippones, nous conservions, en apparence, de façon fictive, notre liberté de traiter […] Le but à atteindre était de maintenir notre souveraineté sur l’Indochine […] sans aller au-delà de ce qui est strictement indispensable afin d’éviter le coup fatal. » (cité ''in'' Toinet, 1998, p. 44)
En bon marin, il garde pour principe de maintenir tant bien que mal de la souveraineté du « bateau France » en Indochine (voir 21 juillet) (Valette, 1993, pp. 153-159). Selon Zeller, comme pour les francs-maçons, « […] l’application des deux statuts des Juifs du 3 octobre 1940 et 14 juin 1941 est aléatoire. Les circulaires rédigées par le gouvernement général ne permettent pas de définir de manière claire qui est considéré comme Juif et qui ne l’est pas [...] Le régime de l’amiral Decoux applique ainsi les mesures antisémite de manière très discrétionnaire. » Ceux que Decoux estiment être des individus précieux sont épargnés (officiers, intellectuels, fonctionnaires) (Zeller, 2021, p. 33) Le général Sabattier, futur commandant gaulliste de la division du Tonkin, reconnaîtra ultérieurement la difficulté de la situation à ce moment précis : « En nous pliant aux demandes nippones, nous conservions, en apparence, de façon fictive, notre liberté de traiter […] Le but à atteindre était de maintenir notre souveraineté sur l’Indochine […] sans aller au-delà de ce qui est strictement indispensable afin d’éviter le coup fatal. » (cité ''in'' Toinet, 1998, p. 44)


Le général Catroux trompe les autorités de Vichy sur son intention de rentrer en France. Il profite d’une escale à Singapour pour rejoindre la France libre et le général De Gaulle (Zeller, 2021, p. 20).
Le général Catroux trompe les autorités de Vichy sur son intention de rentrer en France. Il profite d’une escale à Singapour pour rejoindre la France libre et le général De Gaulle (Zeller, 2021, p. 20).
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21 juillet 40 : Au Japon, le Premier ministre, l’amiral Mitsumasa Yonai, est contraint à la démission sous la pression de l’armée et des milieux conservateurs (Cadeau, 2019, p. 50).
21 juillet 40 : Au Japon, le Premier ministre, l’amiral Mitsumasa Yonai, est contraint à la démission sous la pression de l’armée et des milieux conservateurs (Cadeau, 2019, p. 50).


Déclaration de Decoux : « Je n’aurai comme Gouverneur général d’Indochine d’autre but que de maintenir en Extrême-Orient toutes les positions de la France. » (citée ''in'' Toinet, 1998, p. 44)
Déclaration de Decoux : « Je n’aurai comme Gouverneur général d’Indochine d’autre but que de maintenir en Extrême-Orient toutes les positions de la France. » (citée ''in'' Toinet, 1998, p. 44 ; extraits de la déclaration ''in'' Decoux, 1949, p. 355)




23 juillet 40 : Étude du chef d’état-major de la Marine japonaise visant à occuper les Indes néerlandaises mais qui conclut aussi à la prudence par crainte d’une réaction britannique ou américaine puisqu’elle vise également l’île américaine d’Hawaï. L’armée japonaise fonctionnant comme un électron libre, la décision n’est communiquée ni aux Affaires étrangères ni même au cabinet de l’Empereur (Valette, 1993, p. 11). L’Indochine est alors toujours considérée par les militaires japonais comme une base de départ en vue de leurs projets militaires en Malaisie.
23 juillet 40 : Étude du chef d’état-major de la Marine japonaise visant à occuper les Indes néerlandaises mais qui conclut aussi à la prudence par crainte d’une réaction britannique ou américaine puisqu’elle vise également l’île américaine d’Hawaï. L’armée japonaise fonctionnant comme un électron libre, la décision n’est communiquée ni aux Affaires étrangères ni même au cabinet de l’Empereur (Valette, 1993, p. 11). L’Indochine est alors toujours considérée par les militaires japonais comme une base de départ en vue de leurs projets militaires en Malaisie.
Decoux adresse son premier message aux autorités de Vichy : des concessions ont été faites par son prédécesseur dont certaines allaient au-delà de leurs exigences ; il désire « mettre bon ordre à ces errements » et « arrêter les empiètements japonais » ; ne rien céder « sans contrepartie immédiate ». Il reconnaît toutefois  être « placé un état de fait sérieux » et entend négocier avec le général Nishihara afin que le gouvernement puisse faire jouer sa diplomatie avec le gouvernement de Tokyo (Decoux, 1949, p. 93).




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29 juillet 40 : Dans la lignée de Catroux, Decoux refuse que les Japonais utilisent le Tonkin pour conquérir la Chine du Sud (Yunnan) contre les armées nationalistes chinoises (Cadeau, 2019, p. 61).
 
 
27 juillet : Le gouvernement de Vichy fait savoir qu’il est « pleinement d’accord » avec le contenu du message de Decoux en date du 23 (Decoux, 1949, p. 93).
 
 
 
29 juillet 40 : Dans la lignée de Catroux, Decoux refuse que les Japonais utilisent le Tonkin pour conquérir la Chine du Sud (Yunnan) contre les armées nationalistes chinoises (Cadeau, 2019, p. 61). Il précise ce jour-même avec le général Nishihara ce qu’il considère être ses lignes rouges : interdire le passage des troupes japonaises à travers l’Indochine ; interdire le passage du matériel de guerre hormis les vivres ; interdire l’installation d’un poste de T.S.F. japonais (Decoux, 1949, p. 92). Il devra toutefois, au fil du temps, revoir ses prétentions.
 
 
 
 
30 juillet 40 : Le général Nishihara se rend à Tokyo pour rendre compte à sa hiérarchie de l’avancée des négociations qu’il a entamées avec les Français (Decoux, 1949, p. 95).
 
 





Dernière version du 9 novembre 2025 à 17:21

Juillet 40 : Le ministre de la Guerre japonais et l’état-major approuvent un texte intitulé « Ligne des principaux principes pour tenir compte de la situation changeante du Monde ». Il prévoit une série d’actions en Malaisie et contre Hong-Kong visant à chasser les Anglais de l’Asie du Sud-Est. Ce texte ne vise que les Anglais (qui se battent seuls en Europe) et non les Américains. Son application est conditionnée par une victoire de l’Allemagne qui ne parviendra cependant pas à abattre les Anglais (Valette, 1993, p. 12).

Les menaces japonaises se précisent en Indochine. Non pour l’occuper vraiment pour l’instant mais plutôt pour s’en servir comme une base de départ pour de nouvelles conquêtes. Decoux est obligé de négocier pied à pied avec l’occupant durant tout le mois. L’inquiétude augmente lorsque des envoyés japonais se répandent dans les ports pour contrôler des entrepôts fictifs en conséquence d’accords antérieurs passés entre la France et la Chine (Férier, 1993, p. 15).

Decoux n’est guère soutenu par un gouvernement de Vichy qui demeure divisé sur la question de l’Indochine. D’un côté, Jean Chauvel (ministre des Colonies) regrette l’acceptation d’un contrôle étranger sans qu’il ait été consulté. De l’autre, Paul Baudoin (ministre des Affaires étrangères), entend laisser faire et mettre les Américains devant leurs responsabilités. Devant le coup de force japonais, Decoux demeure aussi impuissant que démuni (Toinet, 1998, p. 42).


2 juillet 40 : Catroux, sur le départ, adresse un rapport au ministre des Colonies de Vichy et constate que « l’opinion indigène a accueilli avec soulagement la politique de détente amorcée par le Japon. » Il en est de même de l’« opinion française » (les colons). L’empereur Bao Daï l’approuve également. Catroux a obtenu la levée du blocus anglais sur l’Indochine. Les bateaux français peuvent à nouveau circuler dans le Pacifique (Valette, 1993, pp. 36-38 ; Catroux, 1959, pp. 65-66).

Arrivée des contrôleurs japonais sur la frontière tonkino-chinoise : Monkay, Langson, Cao Bang, Hagiang. Mais ils sont également présents à Haïphong (Decoux, 1949, p. 67).



3 juillet 40 : Affrontement entre les flottes britannique et française à Mers-el-Kébir qui sonne le glas des relations entre les deux pays. Decoux reçoit des instructions de Vichy lui enjoignant de repousser par la force toute tentative de la flotte britannique de s'approcher des cotes d'Indochine (Decoux, p. 49).


4 juillet 40 : Le ministre des Affaires étrangères français, Paul Baudoin, acte « le principe de dessaisissement du gouverneur général de l’Indochine [Catroux] pour la conduite de la discussion avec le Japon. » (Valette, 1993, p. 55)


5 juillet 40 : Dans le but d’éloigner les menaces et de limiter les demandes japonaises, Catroux propose une « alliance » défensive franco-japonaise contre Tchang Kaï Check en échange du respect de la souveraineté française en Indochine. La proposition sera acceptée mais à condition de garantir le stationnement de troupes nippones au Tonkin (en vue d’évacuer l’armée du Nanning de Chine via Haïphong mais également par voie aérienne. D’où une demande d’utiliser les aéroports du Tonkin (voir 7 juillet) (Cadeau, 2019, pp. 60-61).

Message de Catroux d'Hanoï à Decoux demeuré à Saïgon. Malgré Mers-el-Kébir (voir 3 juillet), le général n'est pas partisan d'une rupture avec les Anglais. Toutefois ni Decoux ni l'amiral Terraux (commandant les forces maritimes en Indochine) n'ont à se mettre du côté des Anglais (Decoux, 1949, p. 51).


7 juillet 40 : Confirmant les instructions du 23 juin, les deux chefs d’état-major de la marine japonaise  profitent de négociations sur les modalités de contrôle des postes-frontières pour, selon leurs propres mots, « inclure dans un accord l’utilisation des moyens militaires et le droit de faire stationner [leurs] troupes en Indochine française. » Les Français, contraints et impuissants, ne peuvent que laisser faire (Valette, 1993, p. 24).

Pour faciliter les négociations avec les Japonais et bien qu'officiellement démis de ses fonctions depuis le 30 juin, Catroux ferme également pour une durée d’un mois la frontière dans le sens Chine-Indochine (Decoux, 1949, p. 67).


9 juillet 40 : Selon Decoux, sans instructions gouvernementales, Catroux fait savoir au général Nishihara qu’il est prêt à permettre le ravitaillement en vivres de l’armée japonaise du Kouang-Si et l’hébergement des malades et blessés japonais au Tonkin. Il autorise le transit des munitions voire même l’évacuation vers le delta de ces forces japonaises si le gouvernement japonais d’engage à respecter la souveraineté française en Indochine et sur les Paracels (Decoux, 1949, p. 69).


10 juillet 40 : En France, l’Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs à Pétain. Le gouvernement s’installe à Vichy.

Catroux informe Charles Arsène-Henry (Ambassadeur de France à Tokyo) et donc le gouvernement français du contenu des négociations en cours (Decoux, 1949, p. 69).

Le général Nishahara (chef de la mission japonaise de contrôle) propose à Catroux, toujours en poste mais désavoué, une alliance défensive entre le Japon et la France (voir 5 juillet). Cette proposition comporte en contrepartie la conservation intégrale à la France des territoires de l’Indochine et des îles lui appartenant (Paracels et Spratley). De leur côté, les Français accordent le passage des troupes japonaises et leur ravitaillement, l’utilisation de quelques aéroports et des installations militaires nécessaires. Catroux constate que les forces japonaises pourront utiliser le chemin de fer du Yunnan et le territoire du Tonkin pour conquérir le Yunnan contre les Nationalistes chinois. Il répond à Nishahara que cela suppose cependant un accord entre les deux gouvernements, ce dont le Japonais convient (Valette, 1993, pp. 34-35 ; Catroux, 1959, pp. 69-70 ; Turpin, 2005, p. 25). Catroux rejette, au nom de la souveraineté française, la dernière demande japonaise (utilisation des aéroports). Ce que fera également son successeur le 29 juillet.


11 juillet 40 : Catroux s’adresse à Vichy : « Mon dessin n’est pas de me dérober à un ordre qui émanerait incontestablement du gouvernement, mais il est de mon devoir de vous dire qu’à l’heure actuelle et du point de vue de nos sécurités intérieure et extérieure un changement de chef en Indochine serait une mesure hasardeuse. » (cité in Cadeau, 2019, p. 579, note 26). Un point de vue qui sera validé par l’amiral Decoux qui acceptera une période de transition entre les deux hommes et ne sera officiellement nommé haut-commissaire que le 20.


12 juillet 40 : À Vichy, nomination d’Henry Lémery au poste de ministre des Colonies. Il l'occupe jusqu’au 6 septembre. Il informe Catroux que « toutes négociations sont à suspendre, étant de la compétence du gouvernement. » (Decoux, 1949, pp. 69-70)


13 juillet 40 : Jusqu’ici, à Vichy, l’Indochine n’est qu’un dossier très secondaire qui relève de deux ministères, les Colonies (Albert Rivière) et les Affaires étrangères (Paul Baudoin). Avec la nomination d’Henry Lémery aux Colonies le 12, Catroux (nommé par Georges Mandel) est directement mis en cause : on lui reproche d’avoir outrepassé ses pouvoirs, ce qu’avait déjà fait son prédécesseur, Albert Rivière, en juin. Catroux se retrouve donc seul, n’espérant aucune aide ni des Britanniques ni des Américains (Valette, 1993, p. 40).


14 juillet 40 : Paul Baudoin (Affaires étrangères), mis au courant par Henry Lémery (Colonies) des échanges diplomatiques (non respectés sur le terrain) entre la France et le Japon, rencontre Pétain. Il l’entretient de la faiblesse de la position française en Indochine et de la neutralité des U.S.A. Mais Baudoin et Lémery ne sont pas sur la même longueur d’onde. Ce dernier poussera Decoux à la fermeté, notamment au moment de l’affaire de Langson (voir 22 septembre). Baudoin au contraire ne veut pas d’une guerre qu’il sait perdue d’avance en Indochine et est donc favorable aux concessions imposées par le Japon (Valette, 1993, pp. 55-57).

Catroux fait savoir à Decoux qu’il est prêt à lui céder la place de gouverneur général d’Indochine (Catroux, 1959, p. 71).


15 juillet 40 : L’ambassadeur français au Japon, Arsène-Henry, approuve le contenu des discussions Catroux-Nishihara du 10 tout en précisant : « Nous sommes là sur un terrain dangereux ». Il précise qu’« il s’agit probablement d’une initiative des militaires dont le Gouvernement [japonais] n’est pas vraisemblablement informé. » Il évite d’en parler aux Affaires étrangères japonaises car, sur place, il faut s’entendre plus avec les militaires qu’avec les politiques (Valette, 1993, p. 36 ; Catroux, 1959, pp 70-71 ; Decoux, 1949, p. 69).


19 juillet 40 : Sur ordre de l’empereur Hirohito s’opèrent des changements au sein du gouvernement japonais. Fumimao Konoe, avant même sa nomination au poste de Premier ministre (voir 21 juillet), forme son futur gouvernement : Hideki Tojo est nommé ministre de la Guerre, Zengo Yoshida, ministre de la Marine et Yosuke Matsuoka aux Affaires étrangères. Lors d’une réunion est arrêtée la politique qui vise à instaurer un nouvel ordre en Extrême Orient par la mise en place d’une « sphère de coexistence et de coprospérité de la Grande Asie » dans le prolongement de ce qui est pensé depuis le début du 20e siècle, la mission libératrice que s’arroge le Japon en vue de libérer les peuples orientaux de l’oppression occidentale (Cadeau, 2019, p. 51).

Entretien entre Decoux et Catroux à la veille de la prise de fonction du premier. Elle porte sur la pression qu’exercent depuis le 19 juin les Japonais avec la venue au Tonkin de leur « mission de contrôle ». Decoux juge la situation « d’une exceptionnelle gravité » (Decoux, 1949, p. 59).


20 juillet 40 : L’amiral Decoux prend officiellement la succession du général Catroux au poste de gouverneur général. Sans excès de zèle notoire, ce dernier mettra en place en Indochine les directives de Vichy (Révolution nationale, Légion française des Combattants, statut des Juifs et des francs-maçons, lutte contre les Gaullistes). Il affirme, lors de la réception de sa prise de fonction, qu’il ne sera pas « le liquidateur de l’Indochine. » (Decoux, 1949, p. 91).

En bon marin, il garde pour principe de maintenir tant bien que mal de la souveraineté du « bateau France » en Indochine (voir 21 juillet) (Valette, 1993, pp. 153-159). Selon Zeller, comme pour les francs-maçons, « […] l’application des deux statuts des Juifs du 3 octobre 1940 et 14 juin 1941 est aléatoire. Les circulaires rédigées par le gouvernement général ne permettent pas de définir de manière claire qui est considéré comme Juif et qui ne l’est pas [...] Le régime de l’amiral Decoux applique ainsi les mesures antisémite de manière très discrétionnaire. » Ceux que Decoux estiment être des individus précieux sont épargnés (officiers, intellectuels, fonctionnaires) (Zeller, 2021, p. 33) Le général Sabattier, futur commandant gaulliste de la division du Tonkin, reconnaîtra ultérieurement la difficulté de la situation à ce moment précis : « En nous pliant aux demandes nippones, nous conservions, en apparence, de façon fictive, notre liberté de traiter […] Le but à atteindre était de maintenir notre souveraineté sur l’Indochine […] sans aller au-delà de ce qui est strictement indispensable afin d’éviter le coup fatal. » (cité in Toinet, 1998, p. 44)

Le général Catroux trompe les autorités de Vichy sur son intention de rentrer en France. Il profite d’une escale à Singapour pour rejoindre la France libre et le général De Gaulle (Zeller, 2021, p. 20).


21 juillet 40 : Au Japon, le Premier ministre, l’amiral Mitsumasa Yonai, est contraint à la démission sous la pression de l’armée et des milieux conservateurs (Cadeau, 2019, p. 50).

Déclaration de Decoux : « Je n’aurai comme Gouverneur général d’Indochine d’autre but que de maintenir en Extrême-Orient toutes les positions de la France. » (citée in Toinet, 1998, p. 44 ; extraits de la déclaration in Decoux, 1949, p. 355)


23 juillet 40 : Étude du chef d’état-major de la Marine japonaise visant à occuper les Indes néerlandaises mais qui conclut aussi à la prudence par crainte d’une réaction britannique ou américaine puisqu’elle vise également l’île américaine d’Hawaï. L’armée japonaise fonctionnant comme un électron libre, la décision n’est communiquée ni aux Affaires étrangères ni même au cabinet de l’Empereur (Valette, 1993, p. 11). L’Indochine est alors toujours considérée par les militaires japonais comme une base de départ en vue de leurs projets militaires en Malaisie.

Decoux adresse son premier message aux autorités de Vichy : des concessions ont été faites par son prédécesseur dont certaines allaient au-delà de leurs exigences ; il désire « mettre bon ordre à ces errements » et « arrêter les empiètements japonais » ; ne rien céder « sans contrepartie immédiate ». Il reconnaît toutefois  être « placé un état de fait sérieux » et entend négocier avec le général Nishihara afin que le gouvernement puisse faire jouer sa diplomatie avec le gouvernement de Tokyo (Decoux, 1949, p. 93).


26 juillet 40 : Au Japon, l’ensemble du gouvernement Konoe (voir 19 juillet) adhère au nouveau « programme » qui sera accepté le lendemain par la conférence de liaison (ancien conseil supérieur de la guerre qui rassemble les plus hauts responsables militaires de l’armée de terre et de la marine ainsi que des membres du gouvernement) (Cadeau, 2019, p. 52).



27 juillet : Le gouvernement de Vichy fait savoir qu’il est « pleinement d’accord » avec le contenu du message de Decoux en date du 23 (Decoux, 1949, p. 93).


29 juillet 40 : Dans la lignée de Catroux, Decoux refuse que les Japonais utilisent le Tonkin pour conquérir la Chine du Sud (Yunnan) contre les armées nationalistes chinoises (Cadeau, 2019, p. 61). Il précise ce jour-même avec le général Nishihara ce qu’il considère être ses lignes rouges : interdire le passage des troupes japonaises à travers l’Indochine ; interdire le passage du matériel de guerre hormis les vivres ; interdire l’installation d’un poste de T.S.F. japonais (Decoux, 1949, p. 92). Il devra toutefois, au fil du temps, revoir ses prétentions.



30 juillet 40 : Le général Nishihara se rend à Tokyo pour rendre compte à sa hiérarchie de l’avancée des négociations qu’il a entamées avec les Français (Decoux, 1949, p. 95).



31 juillet 40 : Le général japonais Naramura Aketo ordonne l’occupation de l’ensemble de l’Indochine. Decoux, mal informé, tente de négocier sur les bases antérieures des accords. En vain (Valette, 1993, p. 27).


​Fin juillet 40 : Les Japonais occupent partiellement la Cochinchine, le Sud-Annam et le Cambodge.

Roosevelt publie un décret gelant tous les avoirs japonais aux U.S.A. Les relations économiques entre les deux pays sont stoppées (Isoart, 1982, p. 183).

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